B. RECHERCHER UN ÉQUILIBRE PLUS SATISFAISANT ENTRE RESPONSABILITÉ ET INDÉPENDANCE DES MAGISTRATS

La mise en cause de la responsabilité individuelle d'un magistrat obéit à des règles particulières du fait d'une double contrainte : d'une part, le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire affirmé dans la Constitution, d'autre part, le fonctionnement de l'organisation judiciaire qui consacre la collégialité des formations de jugement et le secret du délibéré. Toutefois, le respect de ces impératifs n'interdit pas toute évolution en ce domaine.

1. La soumission des magistrats à un régime de responsabilité complet mais inégalement mis en oeuvre

La responsabilité pénale des magistrats judiciaires, une soumission au droit commun qui n'est pas discutée

La responsabilité pénale des magistrats judiciaires qui ne bénéficient plus d'aucun privilège de juridiction depuis la loi du 4 janvier 1993 46 ( * ) , peut être engagée dans les conditions de droit commun en dehors comme dans l'exercice de leurs fonctions. Le code pénal prévoit en outre des incriminations particulières pour certains actes accomplis dans l'exercice professionnel en cas de corruption 47 ( * ) , de déni de justice 48 ( * ) ou d'abus d'autorité 49 ( * ) . Ce dispositif n'appelle pas de critiques particulières.

La responsabilité civile des magistrats judiciaires, une mise en cause purement théorique, l'absence de solutions évidentes

Le souci de garantir le respect de l'indépendance des magistrats judiciaires a conduit le législateur à adopter un régime de responsabilité civile 50 ( * ) protecteur . Ce dispositif échappe donc aux principes généraux de la responsabilité pour faute définis par le code civil 51 ( * ) , s'inspirant de ceux de la responsabilité administrative qui repose sur un mécanisme de substitution de l'Etat à l'agent public.

Comme l'énonce l'ordonnance statutaire de 1958, la responsabilité civile des magistrats judiciaires obéit à des règles distinctes selon la nature de la faute commise. Elle peut être mise en jeu :

- soit directement par les justiciables , en cas de faute « purement » personnelle 52 ( * ) ; dans cette hypothèse, les dommages sont à la charge du magistrat et les voies de recours de droit commun (action en responsabilité civile) sont ouvertes ;

- soit indirectement sur l'action récursoire de l'Etat condamné pour fonctionnement défectueux du service public de la justice 53 ( * ) , en cas de faute personnelle du magistrat rattachable au service public de la justice ou commise en dehors de l'exercice des fonctions judiciaires mais non dépourvue de lien avec celles-ci ; l'action tendant à obtenir du magistrat le remboursement des sommes engagées par l'Etat doit être portée devant une chambre civile de la Cour de cassation.

Les actions en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux se multiplient et donnent lieu à un nombre croissant de condamnations du fait d'une interprétation de plus en plus souple de la notion de faute lourde qui conditionne sa mise en jeu 54 ( * ) et de l'assimilation du déni de justice à la méconnaissance du délai raisonnable au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen 55 ( * ) . Pourtant, l'action récursoire n'a jamais été mise en oeuvre par l'Etat à l'encontre d'un magistrat de l'ordre judiciaire . Ce constat est d'ailleurs le même, s'agissant des autres agents publics de l'Etat.

Plusieurs raisons expliquent l'absence d'action récursoire à l'encontre des magistrats judiciaires :

- la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice engagée sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ne se limite pas aux seuls actes des magistrats mais englobe tous les actes d'exécution du service public de la justice et, à ce titre, les missions effectuées par la police judiciaire et les actes de greffe. Les demandes en indemnisation pour cause de dysfonctionnement de l'institution judiciaire impliquant un magistrat sont très rares. Ainsi, le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur que sur 23 condamnations de l'Etat prononcées sur ce fondement pour la période 2004-2005, seulement 5 d'entre elles étaient imputables à des degrés divers à l'action d'un magistrat (procureur de la République, juge d'instruction, juge des libertés et de la détention et juge des tutelles), sans que celui-ci ait pour autant commis une faute personnelle ;

Motifs de condamnation de l'Etat pour
dysfonctionnement du service de la justice

Source : Commission des lois.

- la recherche d'une faute personnelle se heurte aux principes de la collégialité et du caractère secret des délibérés, ce qui en limite la mise en oeuvre.

Comme l'a souligné le premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet dans un récent ouvrage sur la déontologie, l'inaction de l'Etat est vécue par l'opinion publique et la classe politique comme un « régime d'exemption » 56 ( * ) .

La responsabilité civile des magistrats judiciaires,
une réforme impossible ?

Consciente des imperfections du droit en vigueur, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau n'a pas formulé de propositions pour y remédier en raison des nombreux inconvénients soulevés par un assouplissement du régime de responsabilité civile des magistrats 57 ( * ) : « en réalité, la difficulté de l'exercice pour le législateur est double : d'une part, elle réside dans l'imbrication des responsabilités et dans la fragilité d'une définition de la ligne de partage entre faute personnelle et faute de service [...]. D'autre part, les considérations pratiques liées à la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats dans l'exercice des décisions juridictionnelles ne doivent pas être occultées ». Au surplus, comme le souligne un ancien directeur de l'ENM, M. Daniel Ludet, il paraît délicat de distinguer la faute de service de la faute personnelle « pour une seule catégorie d'agents publics présentant la particularité d'être protégés par des garanties statutaires d'indépendance » 58 ( * ) .

Interrogé par votre rapporteur, le ministère de la justice a mis en avant les inconvénients d'une systématisation de l'action récursoire à l'encontre d'un magistrat en cas de condamnation de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice : paralysie de l'action des magistrats incités à privilégier des pratiques professionnelles prudentes afin d'éviter toute mise en jeu de leur responsabilité, neutralisation de ses conséquences financières par la souscription d'assurances et incompatibilité avec le fonctionnement collégial et le secret du délibéré qui nécessitent une appréciation au cas par cas de la faute commise.

Reprenant une piste de réforme du CSM de 1999, une proposition de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale 59 ( * ) suggérant l'exploitation systématique des décisions de condamnation de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice , afin d'en tirer les conséquences, le cas échéant, en matière disciplinaire en cas de manquement par un magistrat à ses obligations professionnelles, semble faire l'unanimité dans le milieu judiciaire. Le tribunal de grande instance de Paris pratique d'ailleurs déjà ce système depuis trois ans.

? La responsabilité disciplinaire des magistrats, des avancées récentes, des améliorations souhaitables

- Les grandes lignes du régime disciplinaire

La responsabilité disciplinaire des magistrats est engagée en cas de « manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité ». Ainsi définie dans l'ordonnance statutaire 60 ( * ) , la faute disciplinaire s'apprécie également au regard d'autres obligations qui découlent du statut de la magistrature (principes énoncés dans le serment des magistrats 61 ( * ) et devoir de réserve 62 ( * ) ).

L'échelle des peines disciplinaires, au nombre de huit , va des sanctions symboliques qui frappent les professionnels dans leur réputation (réprimande, retrait de l'honorariat) jusqu'à la punition (suspension, exclusion, radiation). En outre, deux procédures indépendantes de l'action disciplinaire s'en rapprochent : l'avertissement 63 ( * ) et l'interdiction temporaire des fonctions 64 ( * ) .

L'exercice de l'action disciplinaire obéit à des règles différentes selon la fonction du magistrat visé par les poursuites, ainsi que l'énonce l'article 65 de la Constitution.

Pour les magistrats du siège , le CSM réuni comme conseil de discipline 65 ( * ) et présidé par le premier président de la Cour de cassation, est compétent pour prononcer des sanctions . Ses décisions, de nature juridictionnelle, sont susceptibles d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat 66 ( * ) .

Le garde des sceaux est compétent pour statuer sur le sort des magistrats du parquet , le CSM présidé par le procureur général près la Cour de cassation et réuni comme conseil de discipline 67 ( * ) rendant un simple avis sur la sanction disciplinaire envisagée par le garde des sceaux. Les décisions prises sont susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir porté devant le Conseil d'Etat 68 ( * ) dont le contrôle (erreur manifeste d'appréciation) est plus étendu que lorsqu'il est juge de cassation 69 ( * ) .

- Les améliorations récentes apportées au régime disciplinaire

L'initiative des poursuites disciplinaires , longtemps réservée au seul garde des sceaux a été étendue par la réforme statutaire de 2001 aux chefs des cours d'appel (premier président et procureur général) et aux présidents et procureurs de tribunaux supérieurs d'appel , selon qu'un magistrat du siège ou du parquet est en cause. Le CSM ne dispose pas d'un droit d'engager une poursuite disciplinaire.

Depuis cette réforme statutaire, le régime disciplinaire se caractérise par une plus grande transparence, compte tenu de :

- la consécration du principe de la publicité des audiences disciplinaires 70 ( * ) , (à l'initiative du Sénat s'agissant de la publicité des audiences devant la formation des magistrats du siège) 71 ( * ) , permettant ainsi aux citoyens de prendre connaissance de l'effectivité des sanctions prononcées à l'égard des magistrats ;

- la publicité de la jurisprudence du CSM (décisions et avis) lequel, depuis 1999, reproduit intégralement ses décisions sous forme anonyme en annexe du rapport annuel d'activité.

A la faveur de la jurisprudence très abondante du CSM, le contenu de la faute disciplinaire , restrictif à l'origine , a considérablement évolué depuis les premières sanctions émises à l'encontre des magistrats, cette instance ayant été amenée à se prononcer sur des situations extrêmement diverses. Ainsi, les comportements défaillants des magistrats dans la sphère privée (violence sur un concubin 72 ( * ) , fréquentation de prostituées 73 ( * ) , comportement sexuel pervers 74 ( * ) , conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique 75 ( * ) ) comme dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires (manquement au devoir d'assiduité 76 ( * ) , « sens des responsabilités défectueux » 77 ( * ) , violation du respect des exigences légales 78 ( * ) ou encore manque de rigueur 79 ( * ) ) sont régulièrement sanctionnés comme en atteste le recueil des décisions et avis disciplinaires publié cette année par le CSM.

- Des critiques qui demeurent

* En dépit de la volonté -affirmée- du CSM de sanctionner les carences des magistrats, la commission d'enquête chargée de rechercher les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire d'Outreau a relevé, sur le long terme, une certaine indulgence de la part de cette instance disciplinaire à l'égard des magistrats : sur les 201 décisions disciplinaires prononcées entre 1959 et mai 2006, « le nombre effectif de décisions disciplinaires stricto sensu pour les magistrats du siège s'élève à 92 sanctions dont 19 sanctions doubles, soit 73 personnes sanctionnées, c'est-à-dire moins de deux sanctions par an ».

Les députés ont par ailleurs constaté que les sanctions appliquées « n'étaient pas d'une extrême sévérité ». Ainsi, malgré une large palette de peines, certains comportements graves donnent lieu à des sanctions limitées (cas de l'utilisation frauduleuse de ses pouvoirs par un magistrat à des fins privées étrangères à ses missions judiciaires sanctionnée par une simple réprimande avec inscription au dossier 80 ( * ) , cas d'un magistrat impliqué dans un accident de la circulation ayant entraîné des blessures graves pour la victime qui s'est rendu coupable d'un délit de fuite et a refusé de se soumettre aux vérifications habituelles imposées aux conducteurs en cas d'accident corporel en arguant sa qualité de magistrat pour différer le test de son taux d'imprégnation alcoolique, sanctionnée par un déplacement d'office 81 ( * ) ).

Une récente observation du CSM formulée dans son dernier rapport d'activité démontre la prudence traditionnellement adoptée en la matière . En effet, évoquant les cas d'insuffisances professionnelles, il estime que les « manquements pour être répréhensibles doivent être répétés et d'une gravité suffisante » 82 ( * ) .

* Par ailleurs, après plus de cinq années d'application, l'ouverture aux chefs de cours d'appel des poursuites disciplinaires n'a pas encore connu la montée en puissance que le législateur pouvait attendre alors même que ces derniers, au coeur de l'activité judiciaire, sont les mieux placés pour détecter d'éventuels dysfonctionnements dans leur ressort : depuis 2007, le nombre de saisines du CSM intervenues à leur initiative s'élève en effet à 9 83 ( * ) -7 pour le siège contre 2 pour le parquet- sur un total de 54. A l'exception d'une procédure disciplinaire en cours d'instruction, ces poursuites ont toutes abouti à une sanction effective (1 réprimande avec inscription au dossier, 2 déplacements d'office, 3 retraits de certaines fonctions avec déplacement, 1 abaissement d'échelon avec déplacement d'office et 1 mise à la retraite d'office).

* La détection des fautes des magistrats devrait également procéder de l'analyse des réclamations faites par les justiciables. Or, il n'existe aujourd'hui aucun dispositif spécifique d'examen des plaintes des personnes qui s'estiment lésées par le comportement d'un magistrat susceptible de constituer une faute disciplinaire .

De nombreuses réclamations sont en effet adressées à l'administration centrale du ministère de la justice, au Président de la République, aux parlementaires, aux premiers présidents et procureurs généraux, aux présidents des tribunaux et procureurs de la République. Répondant à une question écrite de notre collègue Hubert Haenel 84 ( * ) , le garde des sceaux a indiqué que s'agissant des plaintes adressées au ministre de la justice, elles font « l'objet d'un traitement systématique, afin de déterminer s'il existe un dysfonctionnement quelconque dans le traitement judiciaire », précisant que « dans le cadre du traitement des signalements effectués par les particuliers, les demandes qui paraissent mettre en cause le comportement d'un magistrat sont adressées aux chefs de cour, invités à faire toute observation utile après les vérifications nécessaires » 85 ( * ) .

Pour la commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature, les chefs des cours d'appel et des juridictions doivent en effet être « au coeur du dispositif tendant à prévenir et détecter les manquements à l'éthique et à la déontologie et leur donner le suivi qui convient ».

Elle estime que « toute information visant le comportement d'un magistrat, de nature à laisser suspecter une atteinte à l'éthique et à la déontologie, exige, de la part du chef de juridiction, une investigation approfondie afin d'en vérifier la véracité. Si cette information s'avère crédible, le chef de juridiction en avise sans délai son chef de cour, sans préjudice d'un signalement au parquet en cas d'une éventuelle qualification pénale ». La commission propose qu'à cette fin, soient mises en place des antennes interrégionales de l'inspection générale des services judiciaires, qui pourraient être saisies par les chefs de cour et contribuer à leur information, en conduisant les investigations propres à vérifier le bien fondé des mises en cause de tel ou tel magistrat.

De fait, certaines cours d'appel - notamment celles de Paris et de Versailles - ont mis en place des commissions de réception des plaintes.

Le problème demeure néanmoins de l'absence d'une procédure unifiée et identifiée assurant aux justiciables que leur réclamation , dans la mesure où elle n'est pas fantaisiste, fait l'objet d'un traitement approfondi .

A cet égard, le point 5.3 de la Charte européenne sur le statut des juges du Conseil de l'Europe stipule d'ailleurs que « Toute personne doit avoir la possibilité de soumettre sans formalisme particulier sa réclamation relative au dysfonctionnement de la justice dans une affaire donnée à un organisme indépendant. Cet organisme a la faculté, si un examen prudent et attentif fait incontestablement apparaître un manquement tel que visé au point 5.1 de la part d'un juge ou d'une juge, d'en saisir l'instance disciplinaire ou à tout le moins de recommander une telle saisine à une autorité ayant normalement compétence, suivant le statut, pour l'effectuer » 86 ( * ) .

La création d'un organe centralisé de traitement des plaintes pourrait ainsi augmenter les « chances qu'elles obtiennent une réponse effective » et améliorer , par conséquent, la confiance des justiciables en la justice 87 ( * ) .

Le problème particulier des actes juridictionnels et de la responsabilité des magistrats

En vertu du principe affirmé à l'article 64 de la Constitution qui garantit l'indépendance de l'autorité judiciaire, les décisions de justice ne peuvent être remises en cause que par l'exercice normal des voies de recours. Ainsi, comme la plupart des pays de l'Union européenne, la décision juridictionnelle échappe traditionnellement à tous les régimes de responsabilité.

Toutefois, depuis une vingtaine d'années, ce principe connaît des exceptions strictement limitées.

En matière pénale , l'acte juridictionnel ne peut, par son contenu, être constitutif d'un crime ou d'un délit ainsi que l'a souligné la Cour de cassation 88 ( * ) .

En matière civile , la cour d'appel de Paris a accepté d'examiner la responsabilité de l'Etat pour cause de dysfonctionnement du service de la justice, en acceptant d'apprécier l'éventuelle erreur d'appréciation commise par un magistrat du parquet (tout en l'écartant dans l'affaire en cause) 89 ( * ) . La Cour de cassation ne s'est jamais prononcée sur ce point, alors que la jurisprudence administrative a explicitement écarté cette possibilité 90 ( * ) . Au demeurant, le ministère de la justice relativise la portée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris qu'il considère comme « ancien et isolé » et ayant été pris « en méconnaissance des textes et du principe de l'autorité de la chose jugée ».

En matière disciplinaire , le CSM, comme le Conseil d'Etat, se sont toujours refusés à porter une appréciation sur les actes juridictionnels, lesquels relèvent du seul pouvoir des juges « et ne sauraient être critiqués que par le seul exercice des voies de recours ». Ces juridictions ont néanmoins formulé une importante réserve en acceptant de sanctionner l'abus ou le détournement de pouvoir « lorsqu'il résulte de l'autorité même de la chose définitivement jugée qu'un juge a de façon grossière et systématique outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu'il n'a accompli, malgré les apparences, qu'un acte étranger à toute activité juridictionnelle » 91 ( * ) .

Ainsi, la forme juridictionnelle n'est pas exempte de tout contrôle, notamment lorsque l'acte juridictionnel est dénaturé . La mise en cause disciplinaire d'un magistrat au titre de ses actes juridictionnels est possible lorsque ce dernier commet un acte, qui malgré les apparences, est étranger à l'activité juridictionnelle.

Tout en marquant son souci de protéger l'autorité des actes juridictionnels, la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale chargée d'examiner les dysfonctionnements dans l'affaire d'Outreau, au vu de l'évolution de la jurisprudence, a souhaité que le législateur consacre dans le statut des magistrats la possibilité d'engager la responsabilité disciplinaire des magistrats en cas de méconnaissance manifeste des « principes directeurs de la procédure civile et pénale » (proposition n° 73) 92 ( * ) .

* 46 Loi n° 93-2 portant réforme du code de procédure pénale.

* 47 Article 434-9.

* 48 Article 434-7-1.

* 49 Article 432-1.

* 50 Permettant d'assurer la réparation pécuniaire des dommages causés à autrui.

* 51 Article 1382, selon lequel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »

* 52 Qui s'entend soit comme une faute déconnectée de l'exercice professionnel, soit lorsqu'elle n'est pas extérieure au service comme une faute délibérée avec intention de nuire ou guidée par des intérêts personnels ou une faute excessivement grave selon la jurisprudence administrative.

* 53 Sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire (ancien article L. 781-1).

* 54 Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 23 février 2001, Consorts Bolle-Laroche (à propos de l'affaire Grégory).

* 55 Tribunal de grande instance de Paris, 6 juillet 1994.

* 56 La déontologie des magistrats - M. Guy Canivet et Mme Julie Joly-Hurard - Edition Dalloz Connaissance du droit - Décembre 2003.

* 57 Rapport de la commission d'enquête parlementaire précité, pages 481 à 488.

* 58 La justice, réforme et enjeux - Les cahiers français n° 334 - La documentation française, septembre-octobre 2006, page 82.

* 59 Proposition n° 72.

* 60 Article 43.

* 61 Article 6 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

* 62 Article 10 de la même ordonnance.

* 63 Qui exclut toute intervention du CSM et peut être délivré par les chefs de cour, les directeurs ou chefs de l'administration centrale ou l'inspecteur général des services judiciaires.

* 64 Cette mesure est prononcée par le CSM dans l'intérêt du service en cas d'urgence, après avis des chefs de cour d'appel.

* 65 Composé de 6 magistrats (5 du siège et 1 du parquet) et de 4 personnalités désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et l'assemblée générale du Conseil d'Etat.

* 66 Depuis l'arrêt l'Etang du 12 juillet 1969.

* 67 Composé de 6 magistrats (5 du parquet et 1 du siège) et des mêmes personnalités désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et l'assemblée générale du Conseil d'Etat que celles de la formation du siège.

* 68 Article R. 311-1 du code de justice administrative.

* 69 Par cette voie de recours, le juge administratif a considéré que le garde des sceaux ne pouvait renoncer à son pouvoir d'appréciation en annonçant son intention de reprendre les termes de l'avis du CSM, Conseil d'Etat 20 juin 2003 Stilinovic (mise à la retraite d'office pour ses carences dans l'affaire des « disparues de l'Yonne » prononcée par le ministre de la justice et annulée par le Conseil d'Etat).

* 70 Toutefois, le huis clos peut être décidé pour la protection de l'ordre public ou de la vie privée.

* 71 Rapport n° 75 (session 2000-200) de M. Pierre Fauchon.

* 72 CSM siège 15 mai 2001.

* 73 CSM siège 8 juin 1988.

* 74 CSM parquet 14 janvier 1959.

* 75 CSM siège 11 mai 2000, CSM parquet 20 mai 1998.

* 76 CSM siège 3 mars 1960, CSM siège 9 mai 1973 et CSM siège 2 juillet 1992 (s'agissant plus spécifiquement d'un chef de juridiction).

* 77 9 décisions révèlent un tel comportement entre 1959 et 2006.

* 78 CSM siège 3 mai 1990 qui a sanctionné un juge de l'application des peines qui recourait systématiquement à la procédure d'urgence pour les placements à l'extérieur alors que le code de procédure pénale impose d'user de cette mesure avec discernement et de manière mesurée.

* 79 8 décisions en ce sens entre 1959 et 2006.

* 80 CSM siège du 9 janvier 2002. En s'attribuant faussement des dossiers destinés à un débat contradictoire, le magistrat concerné a fait établir, à des fins purement privées, le relevé intégral des fiches de casier judiciaire -qui n'est délivré qu'aux autorités judiciaires- d'une trentaine de personnes.

* 81 CSM siège 18 juillet 2003. Le magistrat concerné était président de chambre de cour d'appel et avait assuré la présidence d'une formation de la cour d'appel spécialement compétente en matière de prévention routière.

* 82 Rapport annuel d'activité 2004-2005, page 58.

* 83 1 saisine en 2002 (siège), 3 saisines (2 siège et 1 parquet) en 2003, 2 saisines (siège) en 2004, 2 saisines (1 siège et 1 parquet) en 2005 et 1 saisine (siège) en 2006.

* 84 Question de M. Hubert Haenel n° 22803, Journal Officiel, Questions écrites Sénat, 29 juin 2006, page 1790.

* 85 Question n° 32939, Journal officiel, Questions écrites Assemblée nationale, 19 octobre 2004, page 8148.

* 86 Charte signée à Strasbourg le 10 juillet 1998.

* 87 Cf Mme Dominique Commaret, avocat général près la Cour de cassation, citée par M. Guy Canivet et Mme Julie Joly-Hurard, in La déontologie des magistrats, précité, page 129.

* 88 Cour de cassation, chambre criminelle, 9 mars 1983.

* 89 Arrêt du 21 juin 1989 époux Saint-Aubin.

* 90 Arrêt du Conseil d'Etat Darmont, 29 décembre 1978, selon lequel l'autorité de la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat dans le cas où la faute alléguée résulterait du contenu même d'une décision juridictionnelle et où cette décision serait définitive.

* 91 CSM siège, 8 février 1981, confirmé par une décision du Conseil d'Etat Bidalou du 5 mai 1982. En l'espèce, ce juge chargé du service d'un tribunal d'instance a été révoqué pour avoir prononcé une ordonnance dans une affaire opposant la SONACOTRA à ses locataires alors qu'il avait été dessaisi par la cour d'appel.

* 92 Rapport précité, page 494.

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