EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a été saisi, le 15 septembre 2005, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, d'une proposition de directive relative aux normes et procédures applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier 1 ( * ) .

Cette proposition de la Commission européenne fait notamment suite au programme de La Haye du 5 novembre 2004 dans lequel le Conseil européen recommande la mise en place d'une « politique efficace d'éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes » et juge essentiel que « le Conseil des ministres entame au début de 2005 des discussions sur les normes minimales applicables aux procédures de retour ».

Transmise au Conseil des ministres et au Parlement européen, cette proposition de directive n'a pas encore été examinée par ces institutions et est toujours discutée par les groupes de travail du Conseil.

La délégation pour l'Union européenne du Sénat a adopté le 9 mars 2006 une proposition de résolution présentée par notre collègue M. Robert Del Picchia. Une seconde proposition de résolution portant sur le même texte a été présentée par notre collègue Robert Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen le 11 juillet 2006. Ces deux propositions de résolution 2 ( * ) ont été renvoyées à votre commission des lois et font l'objet du présent rapport.

Balançant entre des critiques appuyées et le rejet complet de la proposition de directive, les deux résolutions attirent l'attention du gouvernement sur la surabondance, les insuffisances et les incertitudes juridiques de plusieurs dispositions.

La présidence finlandaise de l'Union européenne a présenté en octobre et novembre 2006 une proposition de compromis répondant partiellement à certaines de ces critiques. Toutefois, de nombreuses difficultés demeurent.

I. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE : VERS UNE HARMONISATION APPROFONDIE DES RÈGLES DU RETOUR

A. L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS : UN CHAMP D'ACTION RÉCENT POUR L'UNION EUROPÉENNE

1. Des initiatives antérieures diverses

La communication de la Commission européenne concernant une politique commune en matière d'immigration clandestine du 15 novembre 2001 soulignait la nécessité d'élaborer une politique communautaire en matière de retour.

Faisant suite à cette communication ainsi qu'aux conclusions du Conseil européen de Laeken (15 et 15 décembre 2001), le Conseil « Justice et affaires intérieures » (JAI) avait adopté, le 28 février 2002, un plan global de lutte contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l'Union européenne. La politique de réadmission et de rapatriement faisait partie intégrante de ce plan global.

Afin de préciser ce volet du plan, la Commission présenta un livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier le 10 avril 2002.

Cette volonté politique fut solennellement réaffirmée par le programme de La Haye du 5 novembre 2004 dans lequel le Conseil européen a fixé les objectifs à atteindre pour la période 2005-2010 en matière de liberté, de sécurité et de justice.

Le bilan de cette politique n'est pas négligeable.

Sur le plan normatif, plusieurs textes ont été adoptés :

- la directive 2001/40/CE du Conseil du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers 3 ( * ) ;

- la décision du Conseil du 23 février 2004 définissant les critères et modalités pratiques de la compensation des déséquilibres financiers résultant de l'application de la directive 2001/40/CE du 28 mai 2001 précitée ;

- la directive 2003/110/CE du 25 novembre 2003 concernant l'assistance au transit dans le cadre de mesures d'éloignement par voie aérienne ;

- la décision 2004/573/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative à l'organisation de vols communs pour l'éloignement, à partir du territoire de deux États membres ou plus, de ressortissants de pays tiers faisant l'objet de mesures d'éloignement.

Sur un plan plus opérationnel, afin d'améliorer le taux de délivrance des laissez-passer consulaires 4 ( * ) , la Commission européenne négocie pour le compte des Etats membres des accords de réadmission. Un accord de réadmission permet de faciliter l'expulsion des étrangers en situation irrégulière vers leur pays d'origine ou vers le pays par lequel ils ont transité. Chaque pays signataire s'engage, en effet, à réadmettre sur son territoire et sans formalité toute personne possédant sa nationalité ou qui a franchi ses frontières pour se rendre illégalement dans l'Union européenne.

À ce jour, sur vingt mandats de négociation confiés à la Commission, seuls quatre accords de réadmission sont entrés en vigueur (avec Hong Kong, Macao, le Sri Lanka et l'Albanie). Deux accords (avec l'Ukraine et la Russie) ont été signés.

Sur un plan financier, la Commission a proposé de créer un Fonds européen pour le retour doté pour la période 2008-2013 d'un budget de 759 millions d'euros. Le Conseil des ministres n'a toutefois pas encore donné son accord. Ce fonds financerait des actions de coopération entre les Etats membres dans le cadre d'une gestion intégrée des retours.

Enfin, d'autres actions ou projets bien que ne relevant pas exclusivement de la politique communautaire de retour contribuent ou contribueront à renforcer son efficacité :

- le système d'information Schengen (SIS) dont les performances seront multipliées avec le SIS II en cours d'élaboration 5 ( * ) ;

- le projet de système d'information sur les visas (VIS).

* 1 Document COM (2005) 391 final adopté par la Commission européenne le 1 er septembre 2005.

* 2 La délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a adopté le 12 avril 2006 une proposition de résolution présentée par M. Thierry Mariani. Elle devrait être très prochainement examinée par la commission des lois.

* 3 Cette directive a été transposée à l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 4 Le défaut de délivrance en temps utile des laissez-passer consulaires est une des principales causes d'échec des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. En 2005 et 2006, le taux de délivrance s'établissait à 45 % contre 35 % en 2004. Près de 40 accords bilatéraux de réadmission entre la France et des pays sources d'immigration clandestine ont été conclus. La conclusion de tels accords entre la communauté européenne et les pays sources peut présenter plusieurs avantages : ne pas froisser les susceptibilités nationales lorsqu'il existe des liens particuliers entre un Etat membre et un de ces pays, ne pas permettre aux filières d'immigration clandestine de jouer des différences entre les accords bilatéraux, avoir un poids plus important dans la négociation, notamment lorsqu'il faut en contrepartie accorder des facilités en matière de délivrance des visas.

* 5 Le SIS II pourra intégrer les empreintes digitales des personnes signalées, par exemple les étrangers sous le coup d'une mesure d'éloignement pour des raisons d'ordre public ou ayant été éloignés pour ces motifs.

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