B. LES SITUATIONS SPÉCIFIQUES SONT MIEUX PRISES EN CHARGE

1. Le soutien aux enfants handicapés progresse lentement

a) Les dispositifs d'accueil pour les enfants handicapés sont multiples

Les structures d'accueil de l'enfant handicapé sont divisées entre les lieux dits « ordinaires » et les lieux dits « spécialisés ».

Les institutions et services d'accueil de la petite enfance appartiennent à la première catégorie : crèches, halte garderies, jardins d'enfants, écoles maternelles.

On regroupe sous la deuxième catégorie des lieux de nature très différente, mais qui tous concourent à la prise en charge d'enfants handicapés : centres de diagnostic santé natal, services hospitaliers de maternité, de réanimation, de néonatalogie, de pédiatrie, services de la protection maternelle et infantile, services de soins et d'éducation spécialisée à domicile (Sessad). Les institutions les plus structurantes sont cependant les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), qui jouent un rôle pivot dans la prise en charge des enfants handicapés. Définis par la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 et par le décret de 15 avril 1976, les CAMSP ne relèvent pas de la tutelle de l'Etat. Ils sont agréés à la fois par les conseils généraux et par l'assurance maladie. Ils comportent trois volets d'action : la prévention, le dépistage et la prise en charge précoce. Leur vocation est d'être polyvalents, c'est-à-dire de s'adresser à tous les types de handicaps, mais certains ont un public plus délimité, par exemple, les enfants sourds à Paris. La prise en charge s'effectue sous forme de cure ambulatoire, avec une équipe pluridisciplinaire. Ils se situent à l'interface du secteur sanitaire et du secteur médico-social, tout en orientant leur action vers l'intégration de l'enfant dans les structures ordinaires (crèches, écoles maternelles...).

b) L'effort de la branche famille est principalement fondé sur l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé

Depuis le 1 er janvier 2006, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) a remplacé l'allocation d'éducation spéciale instituée en 1975. L'AEEH est versée aux parents assumant l'éducation d'enfants de moins de vingt ans qui présentent un handicap entraînant une incapacité permanente d'au moins 80 % ou comprise entre 50 % et 80 % s'ils fréquentent un établissement d'enseignement adapté ou s'ils ont recours à un dispositif d'accompagnement ou à des soins dans le cadre de mesures préconisées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). L'allocation n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale (sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge).

L'AEEH est composée d'une allocation de base, à laquelle il peut être ajouté un complément d'allocation, dont le montant est gradué en six catégories, selon le coût de prise en charge du handicap de l'enfant et la permanence de l'aide nécessaire.

Une majoration spécifique est versée lorsqu'un enfant bénéficiant de l'AEEH et d'un complément de 2 e , 3 e , 4 e , 5 e ou 6 e catégorie est à la charge d'un parent isolé.

Enfants bénéficiaires de l'AEEH

31 décembre 2006

dont majoration de parent isolé

en effectif

en %

AEEH de base seulement

87 900

nd

nd

AEEH avec complément

72 100

10 200

14

dont complément 1

7 200

nd

nd

complément 2

27 700

4 400

16

complément 3

15 700

2 400

15

complément 4

14 400

2 200

15

complément 5

2 000

300

15

complément 6

5 100

900

18

Total des enfants bénéficiaires

160 000

10 200

6

Champ - France entière, régime général et agricole Sources : Cnaf et MSA

Au 31 décembre 2006, l'AEEH était attribuée à 154 000 familles, pour l'éducation de 160 000 enfants handicapés, pour un coût total de 607 millions d'euros.

Le nombre de bénéficiaires a progressé de manière continue entre 7 % et 10 %. Cette croissance s'explique notamment par l'allongement de la durée de présence dans le dispositif : les enfants percevant l'AEEH sont de plus en plus jeunes et la prise en charge en internat recule grâce au développement de services d'aide à domicile.

Nombre de familles bénéficiaires de l'AEEH

L'instauration des six compléments en 2002 a entraîné une amélioration de la prise en charge en permettant de mieux compenser les dépenses supplémentaires liées au handicap. Le montant moyen de l'allocation a augmenté d'environ 20 % entre 2001 et 2003 et les compléments ont été plus fréquemment attribués.

Montant de l'allocation de base et des compléments de l'AEEH
de 2002 à 2007, en euros

L'AEEH est un dispositif de compensation globalement satisfaisant car sa souplesse permet d'appréhender au plus près les situations individuelles.

Cependant, dans certains cas, la prise en charge peut s'avérer insuffisante.

C'est pourquoi la loi du 11 février 2005 avait prévu l'extension dans un délai de trois ans de la prestation de compensation du handicap (PCH) aux enfants. Cette prestation comporte cinq éléments attribués en fonction des besoins de la personne handicapée : aides humaines, aides techniques, aides animalières, aides spécifiques ou exceptionnelles, aménagement du véhicule, du logement et compensation d'éventuels surcoûts de transport. Or, seul le troisième élément est aujourd'hui ouvert aux enfants. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit donc d'ouvrir les quatre autres éléments de la prestation aux enfants à partir du 1 er avril 2008 .

Votre commission avait elle-même demandé cette extension du bénéfice de la PCH. Elle soutient bien évidemment le dispositif qui devrait permettre de mieux aider les parents dans l'accompagnement de leurs enfants handicapés.

Cependant, elle tient à souligner la prudence avec laquelle doit être maniée la notion de handicap. Celle-ci peut en effet avoir des effets ambivalents, en particulier quand elle est employée à propos des enfants : elle permet de désigner une situation qui ouvre légitimement des droits à certains enfants, mais elle peut également figer des enfants dans une étape dans leur développement, au lieu de les aider à évoluer. C'est particulièrement le cas lorsque des parents, pour obtenir certaines prestations, font une demande auprès de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Les droits ne peuvent être accordés que si l'enfant est reconnu, au moins partiellement, handicapé. Or, même si les personnels médico-sociaux s'efforcent d'expliquer aux parents que la situation de leur enfant peut évoluer, ces parents ressentent souvent la déclaration de la commission comme définitive, et l'amélioration de la santé de leur enfant comme impossible, puisqu'il a été « classé » comme handicapé. Le système d'aide fonctionne alors à l'envers, puisqu'il décourage les parents et trouble l'enfant, quand il est en âge de comprendre, au lieu de les soutenir.

Votre commission, consciente de la difficulté du problème, souhaite donc que soit menée une réflexion sur l'utilisation de la notion de handicap par les pouvoirs publics, afin que la prise en charge ne conduise pas à démoraliser certaines familles en figeant symboliquement les enfants dans le handicap.

2. Le soutien aux jeunes adultes n'est pas bien organisé

a) La catégorie des jeunes adultes couvre des situations très différentes

Les contours administratifs et sociologiques de la catégorie « jeunes adultes » ne sont pas précisément définis. Traditionnellement, le seuil d'entrée est de seize ans et le plafond de sortie est de vingt-cinq ans. C'est en effet à partir de seize ans qu'il est possible de bénéficier des contrats aidés ou des dispositifs spécifiques d'aide réservés aux jeunes adultes. A partir de vingt-cinq ans, d'autres droits sont ouverts, qui ne sont plus réservés aux jeunes adultes. C'est le cas par exemple du RMI.

Cette définition par l'âge permet de suivre l'évolution de la population des jeunes adultes depuis soixante ans. La forte reprise de la natalité au sortir de la Seconde Guerre mondiale a naturellement affecté la population des jeunes adultes au cours des années soixante : pendant ces vingt années, les dix-huit/vingt-quatre ans ont été en moyenne six millions et ont représenté environ 11 % de la population. Depuis 2000, cette classe d'âge est un peu moins nombreuse : les données démographiques disponibles montrent que les jeunes adultes étaient en France métropolitaine 5,5 millions en 2005, soit environ 9 % de la population totale. En proportion plus encore qu'en niveau absolu, ils pèsent désormais moins au sein de la population.

Evolution population jeune jusqu'au 1 er janvier 2006

Source : INSEE, bilan démographique

Enfin, les jeunes adultes sont divisés en deux grandes catégories : les étudiants et les actifs.

La deuxième catégorie a considérablement diminué au profit de la première : en 2005, un tiers des quinze/vingt-quatre ans est actif, contre la moitié en 1975. Actuellement, 91 % des quinze/dix-neuf ans sont scolarisés et 46 % encore chez les vingt/vingt-quatre ans. Le taux de scolarisation couvre plus de la moitié de la classe d'âge jusqu'à vingt et un ans, avec une décrue progressive jusqu'à l'âge de vingt-six ans, où il chute à 7 %. 64 % d'une génération accède aujourd'hui au niveau du bac et 63 % poursuit des études supérieures. Alors que la première massification scolaire, durant les années soixante, a provoqué l'accès d'un plus grand nombre d'élèves au baccalauréat, la seconde, dans les années quatre-vingt-dix, voit l'allongement des études supérieures. Cette forte croissance semble avoir atteint depuis un relatif plateau.

La distinction entre actifs et étudiants, si elle permet d'identifier un mouvement de fond, ne permet pas pour autant de rendre compte de la diversité des situations. Celles-ci varient en fonction de nombreux paramètres, dont les principaux sont le revenu et les relations avec la famille, le type de logement, la nature et la durée des études, l'obligation ou le choix de travailler en poursuivant des études.

b) Les dispositifs de prestations légales sont dispersés et doivent être harmonisés

La mise en place d'un système cohérent d'aides aux jeunes adultes bute sur deux difficultés.

Prestations versées par la Cnaf aux familles ayant de grands enfants

Familles un enfant

Familles deux enfants

Familles trois enfants et plus

Allocation de rentrée scolaire

6-18 ans

6-18 ans

6-18 ans

Allocations familiales

-

0-20 ans

0-20 ans

Complément familial

-

-

3-21 ans

Aides au logement (1)

0-21 ans

0-21 ans

0-21 ans

(1) Les aides au logement regroupent l'allocation de logement familiale (ALF) et l'aide personnalisée au logement (APL). L'APL peut être également directement versée à l'étudiant lorsque celui-ci quitte le domicile familial

Les situations sont extrêmement diversifiées et favorisent donc l'éclatement des allocations. Les aides sociales aux étudiants, qui ne relèvent pas de la Cnaf, sauf l'APL, sont en effet au nombre de sept. Leur éparpillement ne facilite pas leur lisibilité :

- les bourses sur critères sociaux sont accordées en fonction des ressources (revenus déclarés bruts avant abattement) et des charges de familles. Elles sont réservées aux étudiants en 1 er et 2 e cycle, sous conditions d'âge, de nationalité et selon la nature des études suivies ;

- les bourses sur critères universitaires sont constituées des bourses de service public, de DEA, de DESS et des bourses d'agrégation ;

- les bourses de mérite ont été mises en place à la rentrée 1998 et sont attribuées à des étudiants remplissant les critères sociaux d'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur, aux ressources familiales limitées, titulaires du baccalauréat mention très bien et s'engageant à préparer le concours d'entrée à l'Ena, l'ENM ou une grande école scientifique, ou à faire des études de médecine. Ces bourses sont contingentées par académie ;

- les allocations d'études, mises en place en 1999, répondent aux difficultés que peuvent rencontrer les étudiants confrontés à des situations personnelles ne leur permettant pas de se voir attribuer une bourse dans le cadre du droit commun ;

- les allocations de logement social, créées par la loi du 16 juillet 1971 ont pour objet de venir en aide à des catégories de personnes autres que les familles et caractérisées par le niveau modeste de leurs ressources. Comme l'octroi de cette prestation est liée aux ressources personnelles du demandeur, les étudiants en sont de fait les principaux bénéficiaires ;

- les aides personnalisées au logement, créées par la loi du 3 janvier 1977, s'appliquent à un parc de logements déterminé, quelles que soient les caractéristiques familiales des occupants ;

- les aides Loca-pass, composées d'une possibilité d'avance du dépôt de garantie et d'une garantie de paiement du loyer et des charges, facilitent l'accès au logement pour les étudiants.

La diversité des aides, portées à la fois par le ministère de l'éducation nationale, le ministère de la recherche, le ministère du logement et la Cnaf, traduit l'hésitation devant le statut à accorder aux jeunes adultes.

Or, la nature de ce statut constitue justement la deuxième difficulté qui entrave la mise en place d'un système d'aides cohérent en faveur des jeunes adultes. Il s'agit d'une question de fond qu'il reste à trancher : faut-il considérer les personnes de dix-huit à vingt-cinq ans comme des adultes ou comme des enfants ? La réponse détermine la solution institutionnelle à apporter.

En effet, dans le premier cas, les aides doivent être nominalement et juridiquement adressées aux jeunes adultes, afin de favoriser leur autonomie. Il est alors logique que les prestations familiales cessent une fois la majorité atteinte. Dans le second cas, au contraire, le jeune adulte est considéré comme un grand enfant, et la collectivité juge que c'est à la famille de continuer à subvenir à ses besoins. Il s'agit alors d'imaginer un nouveau système de prestations familiales destinées aux grands enfants et qui permettent aux familles de faire face à la forte augmentation des dépenses que représente l'entrée dans la vie étudiante.

Votre commission souligne donc la nécessité d'une réflexion de fond sur le statut des jeunes adultes dans la société actuelle. Seule une prise de position nette sur cette question permettrait de remplacer un système d'aides éparses et inefficaces, reflétant l'hésitation des pouvoirs publics, par un dispositif cohérent répondant à des objectifs assumés et clairement assignés.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

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