EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 novembre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission, après avoir procédé à l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » sur le rapport de M. Henri Torre, rapporteur spécial.

M. Henri Torre, rapporteur spécial , a tout d'abord rappelé que la mission « Outre-mer » ne représentait qu'une partie de l'effort budgétaire global de l'Etat en direction des territoires ultramarins, ses crédits étant de 1,73 milliard d'euros pour 2008, à comparer aux 15,6 milliards d'euros consacrés à la politique transversale de l'Etat pour l'outre-mer. Il a observé que chaque politique de l'Etat avait vocation à se traduire dans les collectivités territoriales d'outre-mer, ce qui expliquait le montant élevé de crédits issus d'autres missions et le fait que le secrétariat d'Etat n'en gérait qu'une partie.

Il a regretté, malgré la limitation du nombre de questions du questionnaire budgétaire, que le taux de réponse à la date limite ne soit que de 37 %, ce qu'il a jugé très insuffisant. De plus, il a précisé que les réponses étaient de très mauvaise qualité. Il a finalement constaté que rien n'avait donc réellement changé par rapport aux années précédentes.

Il a souligné que le projet annuel de performances était particulièrement lacunaire : par exemple, 20 millions d'euros « disparaissaient » sur les actions de protection sociale en Polynésie française, sans qu'aucune explication ne puisse être obtenue sur les raisons de cette diminution.

Concernant le manque d'analyse de l'efficacité des dispositifs, il a constaté que certains, particulièrement coûteux pour l'Etat, ne faisaient l'objet d'aucune étude permettant de prouver leur efficacité, notamment les exonérations de charges patronales qui coûteraient, en 2008, 867 millions d'euros. Il a rappelé que ce dispositif n'était pas ciblé et que la mission d'audit qui l'avait évalué avait estimé que « les informations relatives aux emplois étaient lacunaires et la politique de contrôle inexistante », concluant qu'elle n'était « pas en mesure d'apporter un jugement global, précis et probant, sur les effets d'un tel mécanisme outre-mer ».

S'agissant du montant important des dépenses fiscales, qui s'élèvent à 2,8 milliards d'euros en 2008, il a le même constat quant à l'analyse de leur efficacité. Il a estimé que le principal effet des procédures de défiscalisation était de « faire baigner » l'économie ultramarine dans un environnement favorable.

Il a enfin observé que l'ensemble de ces dispositifs devrait être revu dans le cadre du projet de loi de programme pour l'outre-mer prévue pour 2008.

Puis M. Henri Torre, rapporteur spécial , a mis en exergue les sous-budgétisations récurrentes de la mission.

Rappelant les conclusions de son rapport d'information n° 88 (2006-2007) sur le logement outre-mer, il a noté que des efforts avaient été entrepris cette année, notamment à la suite de l'amendement adopté au Sénat dans le cadre de l'examen du budget pour 2007, qui réduisait de 10 millions d'euros l'écart entre les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de l'action « Logement » du programme « Conditions de vie outre-mer ». Il a observé que le gouvernement avait tenu ses engagements pour 2007, les crédits ayant été augmentés de 60 millions d'euros en AE et de 33 millions en CP en 2007. Il s'est par ailleurs félicité de ce que l'écart entre les AE et les CP ait été réduit en 2008 par rapport à 2007, cet écart restant toutefois de 35 millions d'euros, ce qu'il a jugé élevé au regard du montant des AE non encore couverts par des CP, qui se sont accumulés pour atteindre environ 800 millions d'euros.

Il a constaté une deuxième sous-budgétisation inquiétante, portant sur les crédits affectés au financement des contrats de plan Etat-régions. Bien que le montant de ces crédits soit déterminé à l'avance, la dotation est sous-évaluée de 80 millions d'euros en 2008, ce qui représente un somme importante, comparée aux 110 millions d'euros qui y sont consacrés. Il s'est par ailleurs inquiété du fait que les contrats de plan allaient nécessiter des hausses de crédits supplémentaires dans les prochaines années, ce qui ne pourrait qu'accentuer le niveau des sous-budgétisations si rien n'était fait pour enrayer cette évolution.

Enfin, il a identifié une troisième sous-budgétisation qui concerne les montants affectés aux organismes de sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations de charges sociales, ces montants étant connus à l'avance et pourtant sous-dotés, en 2007 comme en 2008, à hauteur de 300 millions d'euros. Ainsi, il a souligné que la dette de l'Etat auprès des organismes de sécurité sociale, qui avait été honorée fin 2006, risquait à nouveau de s'accumuler.

M. Henri Torre, rapporteur spécial , a enfin évoqué la question de l'avenir du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, rappelant qu'au printemps 2007, le ministère de l'outre-mer avait été transformé en secrétariat d'Etat sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Ce changement s'étant accompagné du transfert au ministère de l'intérieur des fonctions de soutien à la mission « Outre-mer », il a estimé qu'il pourrait en résulter une meilleure coordination entre le secrétariat d'Etat et le ministère, ainsi qu'une meilleure gestion du secrétariat d'Etat.

Il a également relevé que le secrétariat d'Etat avait été dépossédé de nombreux dispositifs d'aide à l'emploi et à la création d'entreprise au profit de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Ainsi ces dispositifs ne figuraient plus dans le périmètre de la mission « Outre-mer ». Il s'est réjoui de cette modification, le ministère en charge du travail disposant d'une meilleure expertise pour gérer les crédits relatifs à l'emploi. Toutefois, il a observé que le programme « Emploi outre-mer » était composé à 86 % du seul dispositif d'exonération de charges sociales. Ainsi, ni les actions, ni les objectifs de performance de ce programme ne permettaient d'avoir une vision claire et globale de la situation de l'emploi en outre-mer et des efforts faits pour l'améliorer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial , a précisé que ces éléments plaidaient pour une réorientation du secrétariat d'Etat vers des fonctions de coordination de dispositifs mis en oeuvre par les autres administrations, pour les adapter aux problématiques spécifiques des collectivités territoriales d'outre-mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial , a conclu en recommandant à la commission d'adopter sans modification la mission « Outre-mer ».

M. Jean Arthuis, président , a salué la présence des trois rapporteurs pour avis, rappelant que le Sénat était toujours plus audible dans ses propositions lorsqu'elles résultaient d'une convergence de vues.

M. Henri Torre, rapporteur spécial , a affirmé sa volonté que soit modifié cette année, dans le contexte de la réforme des régimes spéciaux de retraite, le dispositif de majoration des pensions en outre-mer, évalué pour 2008 à 330 millions d'euros.

Répondant à M. Jean Arthuis, président , M. Henri Torre, rapporteur spécial , a récapitulé les différentes sous-budgétisations de la mission « Outre-mer » : 10 à 15 millions d'euros pour le logement social, 80 millions d'euros pour les contrats de plan Etat / régions et 300 millions d'euros pour les compensations aux organismes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales.

Mme Anne-Marie Payet , rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales , revenant sur les compléments de retraites en outre-mer, a affirmé que les représentants de l'outre-mer n'étaient pas hostiles à toute réforme, et qu'ils devraient être associés à la réflexion menée sur ce dispositif. Elle a jugé préférable que les éventuels amendements sur ce sujet soient différés, estimant que la perspective de la discussion, dans le cadre de l'ordre du jour réservé, de la proposition de loi déposée par M. Dominique Leclerc, pourrait permettre une large concertation préalable.

Sur les problèmes du logement en outre-mer, elle a estimé que la programmation pluriannuelle applicable en métropole devrait être étendue outre-mer. Elle a regretté l'insuffisance de la hausse des crédits consacrés au logement social, de 25 millions d'euros, jugeant que celle-ci ne pourrait satisfaire les besoins de La Réunion pour la construction de 6.000 logements par an. Enfin, elle a estimé qu'une réflexion devrait être engagée sur les mérites comparés de la défiscalisation et de l'accroissement des crédits budgétaires en matière de logement social. Elle a enfin regretté la baisse de 13 millions d'euros des montants consacrés à la réhabilitation de l'habitat insalubre.

M. Claude Lise, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques , a tout d'abord regretté la faible hausse des crédits de la mission « Outre-mer », ainsi que la baisse des crédits consacrés aux contrats aidés. Il a estimé, par ailleurs, que la défiscalisation en matière de logement social était privilégiée par l'Etat pour des raisons essentiellement budgétaires, mais qu'il serait impossible de demander aux collectivités territoriales d'outre-mer davantage de participation financière. Il a approuvé la proposition de M. Henri Torre, rapporteur spécial, de réorienter le secrétariat d'Etat à l'outre-mer vers des fonctions de coordination. Il a regretté « l'absence d'imagination » de l'Etat et de stratégie régionale de développement des territoires ultramarins en partenariat avec les pays limitrophes de ces territoires. Enfin, il a appelé à une « autre vision » de l'outre-mer, affirmant que les territoires ultramarins étaient particulièrement dynamiques économiquement, prenant pour exemple un nombre de créations d'entreprises rapporté à la population plus élevé qu'en métropole.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois , a contesté la validité des approches raisonnant, s'agissant de l'outre mer, uniquement en termes de coût. Il a toutefois regretté que deux dispositifs onéreux, la défiscalisation des investissements et les exonérations de charges sociales, ne soient pas mieux évalués quant à leurs effets économiques et que le manque de stabilité du périmètre de la mission trahisse un manque de vision politique. Il a approuvé, par ailleurs, l'idée que le secrétariat d'Etat se focalise sur des fonctions de coordination et suggéré la mise en place d'une mission interministérielle.

Revenant sur les majorations de pensions en outre-mer, il a jugé que le dispositif actuel devait être modifié, sans être totalement supprimé. Il a rappelé que le différentiel de niveau de vie devait être comblé et proposé que la majoration existante ne soit accordée qu'aux fonctionnaires ayant réellement travaillé en outre-mer. Enfin, il a observé que les possibilités d'aménagement législatif ouvertes par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer n'avaient toujours pas été mises en oeuvre.

Après s'être plu à en souligner la grande qualité, M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est interrogé sur les suites données au rapport de la commission présidée par M. Simon Loueckhote sur l'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, notamment des dispositifs d'exonération de charges sociales et de défiscalisation, ce qui l'a conduit à formuler des interrogations sur la rationalité économique de ce mécanisme. Enfin, il s'est félicité de la convergence de vues sur le sujet des majorations de retraite en outre-mer, rappelant que l'objectif était de modifier le dispositif dans une démarche équitable.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur les mécanismes de renchérissement du coût de la vie en outre-mer, notamment sur l'effet inflationniste des crédits publics à destination de l'outre-mer. Il a regretté que ces montants soient surtout captés par les distributeurs et qu'ils bénéficient donc peu, localement, à la hausse du pouvoir d'achat.

Sur la réforme du dispositif de majoration de pension en outre-mer, M. Roland du Luart a jugé qu'un accord devait être trouvé sur la meilleure « fenêtre de tir » pour que la proposition de loi de M. Dominique Leclerc, qu'il a estimée largement « consensuelle », soit adoptée.

M. Henri de Raincourt s'est interrogé sur les conséquences du cyclone Dean ayant récemment affecté les territoires d'outre-mer des Caraïbes, et notamment le secteur de la banane.

En réponse à MM. Jean Arthuis, président et Philippe Marini, rapporteur général, M. Henri Torre, rapporteur spécial , a tout d'abord signalé qu'aucune conclusion concrète n'avait été tirée de la commission présidée par M. Simon Loueckhote dans le cadre du présent projet de loi de finances. Toutefois, il a estimé que le projet de loi de programme pour l'outre-mer prévu pour l'année 2008 devrait en tirer les conséquences. Par ailleurs, il a jugé que la défiscalisation avait aussi eu des effets négatifs : elle avait, notamment, entraîné une hausse du prix des terrains qui justifiait qu'une grande attention soit portée à la réforme de ce dispositif.

En réponse à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, M. Henri Torre, rapporteur spécial , a affirmé que les choix à faire en matière de défiscalisation et de crédits affectés au logement social en outre-mer devraient être définis précisément dans le nouveau projet de loi de programme. Il a regretté que, pour des raisons budgétaires, la défiscalisation soit privilégiée par rapport à l'augmentation des crédits consacrés au logement.

Répondant à M. Claude Lise, rapporteur pour avis, il a jugé que le différentiel entre les crédits globaux consacrés à l'outre-mer et la participation globale de l'ensemble des territoires ultramarins à cet effort était très important.

Enfin, sur la question des majorations de pension, après s'être interrogé sur le vecteur législatif le plus adapté, il a affirmé sa préférence pour une réforme qui toucherait aussi les bénéficiaires actuels de ces majorations.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial , s'est ensuite interrogé sur l'opportunité des réglementations expliquant que le prix des médicaments à La Réunion soit de 30 % plus élevé qu'en métropole, ce système bénéficiant uniquement aux répartiteurs et aux pharmaciens. Il a jugé que ce genre de « rentes » devait être revu dans le cadre de la politique de réduction du coût de la vie en outre-mer. Il a signalé que ce point avait fait l'objet, lors des débats sur le projet de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'un amendement de M. Jean-Paul Virapoullé, dont il était cosignataire.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis , a précisé que cet amendement avait été retiré, la ministre de la santé s'étant engagée à ce que les prix des médicaments à La Réunion soient ramenés à un niveau comparable à celui de la métropole. Elle a, par ailleurs, jugé que les bénéficiaires légitimes de majorations de pensions, notamment les fonctionnaires originaires d'outre-mer et ayant effectué toute leur carrière en métropole, ne devraient pas être touchés par la réforme du dispositif.

M. Henri Torre, rapporteur spécial , en réponse à M. Henri de Raincourt, a précisé que les évaluations des dégâts du cyclone Dean aux Caraïbes étaient encore en cours.

Enfin, M. Jean Arthuis, président , a rappelé la volonté de la commission de proposer, à nouveau, un amendement sur le dispositif des majorations de pension en outre-mer, jugeant important d'exercer une pression afin de sortir de ce régime « injustifié ».

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification la mission « Outre-mer » .

Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, et proposé d'adopter sans modification l'article 45 bis rattaché

Réunie le mercredi 21 novembre 2007 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission, après avoir procédé à l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » sur le rapport de M. Henri Torre, rapporteur spécial , a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » figurant dans le projet de loi de finances pour 2008 .

Réunie le jeudi 22 novembre 2007 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, et proposé d'adopter sans modification l'article 45 bis rattaché .

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