2. Les conclusions du rapport au Parlement

Déposé le 16 novembre 2007, ce rapport rappelle tout d'abord le contexte économique et juridique dans lequel s'inscrivent les relations entre fournisseurs et distributeurs : la concentration du secteur de la distribution à prédominance alimentaire, dominé par six centrales d'achat ou de référencement principales (Auchan, Casino, Carrefour, Le GALEC [ i.e. Leclerc], Intermarché et Système U) qui cumulaient en 2004 plus de 86 % de parts de marché ; l'atomisation des fournisseurs des produits de grande consommation (hors marques de distributeurs, dites « MDD »), dont 96 % sont des PME dont les produits ne représentent que 19 % du chiffre d'affaires de la grande distribution ; la multiplication des MDD, dont la part de marché atteignait 30,8 % en 2004. Le rapport observe à cet égard que le glissement progressif du rapport de force au profit des distributeurs conduit à un déséquilibre qui ne favorise pas l'optimum économique et peut induire des effets anticoncurrentiels.

LA RÉFORME DU SEUIL DE REVENTE À PERTE : EXEMPLES CHIFFRÉS

EXEMPLE D'ÉCOLE OÙ NI LE TARIF, NI LA COOPÉRATION COMMERCIALE N'AUGMENTENT

Date

Tarif CGV du produit

Coopération commerciale (CC)

Coût réel du produit

Prise en compte du pourcentage de la CC légalement autorisé

Seuil de revente à perte légal (1)

Marge arrière minimale (2)

Marge arrière maximale (3)

1 er janvier 2005

100 €

40 %

60 €

Rien

100 €

40 €

40 €

1 er janvier 2006

100 €

40 %

60 €

40 % - 20 %

80 €

20 €

40 €

1 er janvier 2007

100 €

40 %

60 €

40 % - 15 %

75 €

15 €

40 €

1 er janvier 2008

100 €

40 %

60 €

Tout

60 €

0 €

40 €

(1) Le seuil de revente à perte (SRP) est ainsi défini légalement :

- SRP 2005 = tarif des conditions générales de vente (CGV) ;

- SRP 2006 et 2007 = tarif CGV x (100 % - (% de coopération commerciale - % du seuil légalement fixé, savoir 20 % en 2006 et 15 % en 2007)) ;

- SRP 2008 prévue par le PJL Chatel = tarif CGV x (100 % - % de coopération commerciale).

(2) Entendue comme l'intégration au prix de vente au consommateur de toute la mage arrière légalement « basculable en avant » : soit MAMin = tarif CGV - SRP légal

(3) Aucun pourcentage de la coopération commerciale n'est utilisé pour diminuer le prix de vente au consommateur : soit MAMax = tarif CGV - coût réel du produit = tarif CGV x % de coopération commerciale.

EXEMPLE FICTIF OÙ LE TARIF ET LA COOPÉRATION COMMERCIALE AUGMENTENT

Date

Tarif CGV du produit

Coopération commerciale (CC)

Coût réel du produit

Prise en compte du pourcentage de la CC légalement autorisé

Seuil de revente à perte légal (SRP)

Marge arrière minimale

Marge arrière maximale

1 er janvier 2005

100 €

40 %

60,00 €

Rien

100,00 €

40,00 €

40,00 €

1 er janvier 2006

103 €

41 %

60,77 €

41 % - 20 %

81,37 €

21,63 €

42,23 €

1 er janvier 2007

105 €

42 %

60,90 €

42 % - 15 %

76,65 €

28,35 €

44,10 €

1 er janvier 2008

110 €

44 %

61,60 €

Tout

61,60 €

0 €

48,40 €

Puis le rapport évoque les objectifs de la loi Galland et ses effets. S'agissant des marges arrière, il relève notamment qu'elles ont pratiquement doublé entre 1996 et 2004, que leur taux moyen est passé de 22 % à 33,5 % entre 1998 et 2004, qu'elles expliquent à elles seules plus de la moitié de la croissance de la marge totale des distributeurs (30 points sur 50) sur la période et que, faute de pouvoir être « mises en avant », elles ont conduit à une convergence à la hausse des prix de vente au détail dans la grande distribution.

Le rapport procède ensuite au bilan de la réforme entreprise en 2005. Il constate d'abord son effet modérateur sur les prix : alors que la hausse des prix des produits de grande consommation avait été de 9 % entre 2000 et 2003, et même de 11,2 % si l'on ne prend en compte que les grandes marques nationales, l'évolution a été négative de 3,2 % entre mai 2006 et mai 2007, ce qui correspond à 2,5 milliards d'euros par an de pouvoir d'achat rendus aux consommateurs. Il observe ensuite une concurrence accrue entre les enseignes puisque les amplitudes de prix constatées ont été de 7 points dès le premier semestre 2006 et de 13 en avril 2007. Il souligne aussi qu'il n'y a eu recul ni de l'emploi dans la grande distribution, ni des produits des PME sur les linéaires.

S'agissant du bilan des relations entre fournisseurs et distributeurs, si le rapport estime que celles-ci se sont améliorées en matière de transparence et d'équilibre, il reconnaît cependant que les efforts n'ont pas changé la nature des rapports de force, qui s'expriment notamment au travers de l'importance donnée aux conditions générales d'achat (CGA) des distributeurs, du niveau, du champ et de l'application des pénalités de retard, ou encore de la faible mise en oeuvre de la différenciation tarifaire. Il fait par ailleurs état des critiques portées par les opérateurs à l'encontre du formalisme imposé par la loi de 2005 et observe que celui-ci n'a effectivement pas permis de lutter efficacement contre la fausse coopération commerciale, qui perdure en raison de la globalisation des prestations fournies, de leur perte de consistance et de la multiplication des services dits distincts, dont l'intérêt pour le fournisseur est loin d'être démontré. Surtout, le rapport relève que les marges arrière ont continué à progresser pour atteindre en moyenne 37 % en 2006.

Enfin, après avoir évoqué le volet de la loi consacré aux sanctions et à la procédure transactionnelle instituée en 2005, le rapport détaille les différentes options envisageables pour donner suite à la loi du 2 août 2005.

S'agissant de la répercussion des marges arrière sur les prix en faveur des consommateurs, il récuse deux des préconisations de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali :

- la suppression de l'interdiction de la revente à perte, car il estime que cet outil de contrôle des pratiques commerciales déloyales reste indispensable à la protection des fournisseurs contre la dévalorisation de leurs produits, des distributeurs contre les prix d'appel, des consommateurs contre la dérive des ventes et du commerce de proximité contre la concurrence des enseignes de la grande distribution ;

- l'instauration de la liberté des négociations commerciales, c'est-à-dire de la différenciation tarifaire, pour des raisons essentiellement de calendrier puisqu'une telle réforme nécessiterait de remettre à plat l'ensemble de la législation relative aux relations commerciales, ainsi qu'une étude d'impact fiscale et comptable de grande ampleur.

Après avoir également observé que le statu quo était contraire à la démarche initiée par la loi de 2005, le rapport estime qu'une adoption progressive du « triple net » (5 ( * )) en deux ou trois ans n'est plus pertinente, les opérateurs s'étant correctement adaptés aux nouvelles règles de calcul du SRP. Aussi conclut-il à l'intérêt d'autoriser dès 2008 la possibilité de répercuter dans le calcul du prix d'achat effectif la totalité des avantages financiers résultant de la coopération commerciale.

En matière de formalisme contractuel, le rapport préconise une solution médiane entre la suppression de l'encadrement contractuel fixé actuellement par le titre IV du livre IV du code de commerce, qui entraînerait la simple application du droit des obligations, et le perfectionnement du formalisme institué par la loi de 2005 au travers d'un contrat distinct regroupant tous les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. Il suggère ainsi la contractualisation dans une convention unique permettant à la fois la simplification de l'encadrement juridique des relations commerciales et l'évolution vers une plus grande négociation des prix « à l'avant ».

Enfin, en ce qui concerne l'adaptation du régime de régulation et de sanctions, après avoir également envisagé les différentes options possibles, le rapport propose notamment de remplacer l'incrimination du refus de communication des conditions de vente, considérée comme inadaptée, par une sanction civile, plus efficace.

* (5) Prix d'achat dont sont déduits ( « net de » ) trois ensembles : les réductions immédiates, les réductions conditionnelles et la coopération commerciale.

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