II. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : CRÉER UNE FILIÈRE UNIVERSITAIRE SPÉCIFIQUE, ASSOCIÉE À UNE FONCTION DE SOINS ET FONDÉE SUR LA « MONOVALENCE »

C'est dans ce contexte d'urgente nécessité que les auteurs de la proposition de loi, au premier titre desquels notre collègue Francis Giraud, ont souhaité intervenir.

La nomination de chefs de clinique en médecine générale, prévue par le Gouvernement en vue de former les étudiants concernés, suppose la création d'une filière universitaire spécifique, avec des corps de personnels enseignants en médecine générale.

La proposition de loi s'inspire des conclusions du rapport précité des inspections générales qui explicite la situation, liée à la fois au caractère dérogatoire des UFR de médecine au sein des universités, à celui du statut des personnels universitaires et praticiens hospitaliers (PU-PH) par rapport aux autres enseignants-chercheurs, et à la spécificité des médecins généralistes par rapport aux autres médecins.

Rappelons que la réforme initiée par le professeur Robert Debré s'était traduite par trois ordonnances et un décret en date des 11 et 30 décembre 1958. Ces textes ont créé les CHU et les médecins à temps plein « hospitalo-universitaires ».

Or, les inspections jugent les solutions de type « bi-appartenant hospitalo-universitaires » non adaptées aux enseignants de médecine générale.

Le statut des PU-PH repose sur une articulation forte entre les activités d'enseignement et de recherche d'une part, propres à tous les enseignants-chercheurs, et une activité professionnelle de soins, d'autre part.

En outre, cette dernière ne peut s'exercer que dans le cadre hospitalier, l'articulation entre les trois activités (enseignement, recherche et soins) ayant été jugée efficiente si elle se réalisait dans un établissement lui-même investi de cette triple mission, à savoir un centre hospitalier universitaire (CHU) ou un établissement conventionné.

Si ce cadre s'est imposé à toutes les spécialités médicales enseignées dans les facultés de médecine, il n'apparaît pas adapté à l'enseignement de la médecine générale dans la mesure où l'exercice de cette dernière ne se situe pas dans les hôpitaux, dont ce n'est pas la mission.

Par essence et par définition, la médecine générale est en effet à l'opposé de la médecine hospitalière, ainsi qu'il ressort des critères arrêtés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour définir la médecine générale. Ainsi que le précise l'encadré ci-dessous, elle implique le caractère continu de la prise en charge du patient, dans son cadre de vie ordinaire, alors que l'hospitalisation concerne la phase aigüe de l'infection et une prise en charge extérieure au cadre de vie ordinaire.

LES SEPT CRITÈRES DE L'OMS
POUR CARACTÉRISER LA MÉDECINE GÉNÉRALE

- elle est « continue » : la médecine générale est centrée sur la personne avant d'être centrée sur la maladie. Elle est fondée sur des relations durables personnelles entre le patient et le médecin. Elle s'étend sur des périodes importantes de la vie des patients, sans se limiter à un épisode de recours aux soins ;

- elle est « générale » : elle s'adresse à toute la population sans restriction d'âge, de sexe, de milieu social, d'ethnie ou de religion ;

- elle est « globale » : la médecine générale comprend les soins préventifs, curatifs, de réhabilitation et palliatifs, ainsi que l'éducation pour la santé ;

- elle est « coordonnée » : le médecin généraliste devrait être préparé à travailler avec les autres professionnels et il est souhaitable que le médecin généraliste fasse partie d'une équipe pluridisciplinaire ;

- elle est « collaboratrice » : le médecin généraliste devrait être préparé à travailler avec les autres professionnels et il est souhaitable que le médecin généraliste fasse partie d'une équipe pluridisciplinaire ;

- elle est « orientée vers la famille » : en médecine générale, les problèmes individuels sont traités dans leur contexte familial, social et culturel ;

- elle est « orientée vers la communauté » : les problèmes du patient doivent être examinés en tenant compte du contexte communautaire local.

C'est pourquoi les inspections générales ont préconisé un statut spécifique de type « universitaire ».

Dans ce cadre, la proposition de loi - qui comporte un article unique - prévoit une dérogation au statut des enseignants-chercheurs en imposant, en outre, une activité de soins. Il s'agit ainsi de s'assurer que la formation s'appuiera, dans la durée, sur la pratique professionnelle.

Tel est l'objet du premier alinéa de l'article L. 952-23-1 proposé par la proposition de loi, qui insère une nouvelle section dans le chapitre II du titre V du livre IX du code de l'éducation, consacré aux dispositions propres aux personnels enseignants de médecine générale.

Le deuxième alinéa de l'article précise que les personnels concernés devront consacrer la totalité de leur activité professionnelle à ces trois fonctions, sous réserve des dérogations qui peuvent être prévues à leur statut. Afin de tenir compte des spécificités mentionnées ci-dessus, il précise que leur activité de soins est exercée en médecine ambulatoire.

Le troisième alinéa les soumet, pour leur activité d'enseignement et de recherche, à la juridiction disciplinaire mentionnée à l'article L. 952-22 du code de l'éducation. Celle-ci est une juridiction disciplinaire unique instituée sur le plan national et composée de membres pour moitié élus par les personnels intéressés et pour moitié nommés à parts égales par les mêmes ministres.

Le dernier alinéa renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer leur statut ainsi que les conditions de leur recrutement et d'exercice de leurs fonctions. Ce décret précisera, en outre, les mesures transitoires et les conditions dans lesquelles les enseignants associés de médecine générale peuvent être recrutés ou demander à être intégrés dans les nouveaux corps.

En effet, la formation des futurs médecins généralistes est, pour l'instant, assurée par des enseignants associés. Si tous n'ont pas nécessairement vocation à intégrer un corps d'enseignants-chercheurs, le décret devra cependant prévoir une période transitoire suffisamment longue pour permettre, le cas échéant, cette intégration et assurer la « montée en charge » du dispositif, en tenant compte aussi de la pyramide des âges des enseignants concernés.

L'un des points délicats sera de préciser l'encadrement quantitatif de l'activité de soins. Parmi les personnes auditionnées, ou consultées, par votre rapporteur, les points de vue variaient d'un jour par semaine à la moitié de la semaine.

Les modalités de rémunération de cette activité de soins ambulatoires devront être définies de façon à compenser la réduction d'activité professionnelle qu'entraînera, pour les intéressés, l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de recherche. D'après les informations fournies à votre rapporteur, la solution la plus simple et équitable pourrait passer par une convention entre les UFR de médecine et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), afin que les médecins concernés perçoivent la rémunération afférente sous forme de traitements.

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