2. Rendre plus transparent l'exercice des attributions du Président de la République

Considérant que les exigences démocratiques s'accomodent « de moins en moins d'un exercice du pouvoir qui n'est, en pratique, borné par aucun contrôle », le Comité présidé par M. Edouard Balladur suggère trois mesures destinées à doter le Président de la République d'un statut conforme à ces exigences.

L'expression du Président de la République devant le Parlement

Il propose tout d'abord de permettre au chef de l'Etat de s'exprimer directement devant le Parlement, pour l'informer de son action et de ses intentions. Aussi recommande-t-il de modifier l'article 18 de la Constitution, afin de prévoir que :

- le Président de la République peut prendre la parole devant l'Assemblée nationale ou le Sénat, son allocution pouvant donner lieu à un débat sans vote (proposition n° 5) ;

- le Président de la République peut être entendu, à sa demande, par une commission d'enquête parlementaire (proposition n° 6).

L' article 7 du projet de loi constitutionnelle, reprenant partiellement ces propositions, tend à permettre au chef de l'Etat de s'exprimer directement devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, ou devant l'une ou l'autre des assemblées (article 18 C). Sa déclaration pourrait donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne serait suivi d'aucun vote.

L'encadrement du pouvoir de nomination du chef de l'Etat

Le Comité de réflexion et de proposition souhaite par ailleurs un encadrement du pouvoir de nomination du Président de la République, au moyen d'une procédure efficace et transparente.

S'il souligne la nécessité de clarifier les compétences respectives du Président de la République et du Premier ministre en matière de nomination aux emplois civils et militaires (proposition n° 7) 7 ( * ) , le Comité avance surtout l'idée d'une commission mixte ad hoc de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui serait chargée d'entendre les personnes dont le Gouvernement envisage de proposer, au Président de la République, la nomination à certains emplois. L'avis de cette commission serait public. La liste des emplois soumis à cette procédure serait fixée par la loi organique, le Comité suggérant d'y inclure de nombreuses autorités administratives indépendantes, ainsi que des entreprises et établissements publics (proposition n° 8).

L' article 4 du projet de loi constitutionnelle s'inspire directement de cette proposition (article 13 C).

Le contrôle démocratique de l'exercice des pouvoirs du chef de l'Etat

Enfin, le Comité énonce plusieurs propositions visant à rendre plus démocratique l'exercice des pouvoirs du chef de l'État.

- Le droit de grâce

Ainsi, considérant que « la survivance d'un droit de grâce non encadré » constitue une anomalie, il prône l'abandon des grâces collectives et recommande que l'exercice du droit de grâce à titre individuel soit soumis à l'avis d'une instance consultative « qui pourrait être, comme naguère, le Conseil supérieur de la magistrature » (proposition n° 9).

L' article 6 du projet de loi constitutionnelle reprend en grande partie ces recommandations, en prévoyant la réécriture de l'article 17 de la Constitution, afin de :

- restreindre l'exercice du droit de grâce aux seules mesures individuelles ;

- soumettre cette prérogative présidentielle à l'avis d'une commission dont la composition serait fixée par la loi.

- La mise en oeuvre des pouvoirs exceptionnels de l'article 16

Relevant l'insuffisance des mécanismes de contrôle en cas de mise en oeuvre de l'article 16 de la Constitution , le Comité présidé par M. Edouard Balladur propose :

- de modifier tout d'abord l'article 36 de la Constitution afin de prévoir que le régime de l'état de siège et de l'état de crise sont définis par la loi organique et que leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi (proposition n° 10) ;

- de permettre ensuite à soixante députés ou soixante sénateurs, au terme d'un délai de trente jours après la mise en oeuvre de l'article 16, de saisir le Conseil constitutionnel aux fins de vérifier que les conditions requises pour son déclenchement demeurent réunies. Le Conseil constitutionnel pourrait en outre procéder de lui-même à cet examen, après soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels (proposition n° 11).

Si le projet de loi constitutionnelle ne reprend pas la proposition n° 10, son article 5 s'inspire en revanche étroitement des recommandations relatives à l'article 16 de la Constitution.

- La procédure de révision constitutionnelle

Le Comité rappelle que l'article 89 de la Constitution ne contraint pas le Président de la République, si un projet ou une proposition de révision de la Constitution a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, à provoquer un référendum ou une réunion du Congrès pour assurer l'adoption définitive de ce texte. Il estime que « la pratique observée a conduit à conférer au chef de l'Etat un véritable droit de véto en matière de révision de la Constitution, alors que celle-ci ne le prévoit pas ».

Souhaitant mettre un terme à cette situation, le Comité suggère de prévoir que si le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, le Président de la République est tenu de la soumettre à référendum dans les six mois (proposition n° 12). Cette proposition n'est pas reprise par le projet de loi constitutionnelle.

- La prise en compte du temps de parole du Président de la République dans les médias

Le Comité recommande que les interventions du Président de la République dans les médias audiovisuels soient comptabilisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel avec celles du Gouvernement (proposition n° 13). Cette proposition n'appelle aucune modification de la Constitution.

- Le budget de la Présidence de la République

Le Comité suggère une meilleure identification du budget de la Présidence de la République au sein du budget de la Nation. Il propose d'inclure dans ce budget l'ensemble des charges incombant à la Présidence et d'en confier le contrôle annuel à la Cour des comptes (proposition n° 14).

- Les modalités de parrainage des candidatures à l'élection présidentielle

Afin d'assurer une sélection des candidatures qui permette à l'élection présidentielle de se dérouler « dans les meilleures conditions de dignité et d'efficacité », le Comité propose de prévoir à l'article 7 de la Constitution qu'une loi organique définit les conditions dans lesquelles les candidats sont habilités à se présenter. Il recommande que la sélection soit effectuée par un collège de 100.000 élus, soumis à l'obligation de voter. Ne seraient retenus que les candidats atteignant un seuil à définir (proposition n° 15). Le projet de loi constitutionnelle ne reprend pas cette proposition .

* 7 Cette clarification ne relève pas de la Constitution, mais pourrait être effectuée par décret en conseil des ministres, en application de l'article premier de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat et grâce à la procédure de délégation du chef de l'Etat au Premier ministre, prévue par l'article 3 de la même ordonnance.

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