EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE Ier - Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle
Article 1er - Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

I. Le texte du projet de loi

Le présent article procède à des modifications formelles portant sur la rédaction ou la numérotation d'articles du code de la propriété intellectuelle, consécutives aux dispositions introduites par le projet de loi.

Il s'agit d'un article « balai » de coordination , rendu notamment nécessaire par la création, à l'article 2 du projet de loi, de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), qui se substitue à l'actuelle Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), instituée dans le cadre de la loi du 1 er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins et dans la société de l'information.

Les modifications proposées par les paragraphes I à XIII du présent article portent sur les articles L. 331-5 à L. 331-16 du CPI, concernant les mesures techniques de protection et d'information (section 2, chapitre 1 er « Dispositions générales » du Titre III « Procédures et sanctions » du Livre III « Dispositions générales relatives au droit d'auteur, aux droits voisins et droits des producteurs de bases de données »).

En outre, les attributions exercées par l'ARMT au titre de sa « mission générale de veille dans les domaines des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et des objets protégés par le droit d'auteur ou par les droits voisins » (articles L. 331-6 à L. 331-17) sont confiées à la Haute Autorité, au titre de sa « mission de régulation et de veille » dans ces mêmes domaines (article 3 du projet de loi).

Par ailleurs, les articles L. 331-18 à L. 331-21 du CPI, relatifs à la composition et aux modalités de fonctionnement de l'ARMT sont supprimés, à la faveur des dispositions de l'article 2 du projet de loi régissant la composition et les modalités de fonctionnement de l'HADOPI.

II. La position de votre commission

Votre commission relève, tout d'abord, que la rédaction de cet article est peu intelligible et que sa structure générale pose question, dans la mesure où elle tend à tirer, au préalable, les conséquences des modifications résultant des articles suivants du projet de loi. En outre, les changements dans la numérotation d'articles du code, la plupart issus de la loi « DADVSI » du 1 er août 2006, auxquels cet article procède ne sont guère conformes aux règles de la codification. Toutefois, selon les informations transmises à votre rapporteur, il n'y aurait pas de risque d'insécurité juridique dans la mesure où les articles ainsi « déplacés » n'ont pas encore donné lieu à contentieux ou à interprétation par le juge ; en outre, l'ensemble du code de la propriété intellectuelle devrait prochainement faire l'objet d'une révision de codification qui s'avère effectivement nécessaire.

Au-delà de ces remarques et outre un amendement rédactionnel, votre commission vous propose un amendement visant à supprimer le dernier paragraphe XIII de cet article, rendu superfétatoire par la réécriture, à l'article 2 du projet de loi, des articles qu'il est proposé d'abroger. Cette réécriture constitue une abrogation de fait de ces anciennes dispositions.

En outre, elle vous propose de modifier, au paragraphe XI, les deux derniers alinéas de l'actuel article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle, introduit dans le cadre de la loi du 1 er août 2006, que le présent article propose de déplacer à l'article L. 331-42 nouveau du code. Ils s'insèreront, de fait, au sein de la nouvelle sous-section 4, relative à la mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de régulation et d'identification des oeuvres (créée par l'article 3 du projet de loi), confiée à la Haute Autorité instituée par l'article 2 du projet de loi.

Cet amendement tend à prévoir une possibilité de saisine pour avis de cette autorité, dans le cadre de cette mission de régulation actuellement exercée par l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT).

En effet, en application de l'actuel article L. 331-7, cette dernière peut actuellement être saisie par « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service » en cas de différend résultant d'un refus d'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité. Elle peut également être saisie, en application de l'article L. 331-13, par « toute personne bénéficiaire des exceptions » au droit d'auteur « ou toute personne morale agréée qui la représente » de tout différend portant sur les restrictions que les mesures techniques de protection peuvent apporter au bénéfice de ces exceptions.

Cependant, l'ARMT n'a toujours pas, à ce jour, fait l'objet de telles saisines. Les coûts liés à la procédure, mis à la charge du demandeur en cas de rejet de sa demande, constituent sans doute un frein à la mise en oeuvre de la régulation publique prévue par le législateur.

C'est pourquoi il apparaît opportun de prévoir, en parallèle de ces dispositions, une possibilité de saisine pour avis, afin de répondre à une demande réelle de clarification et d'orientation de la part des différents acteurs.

Les conditions dans lesquelles la Haute Autorité serait amenée à répondre à ces saisines pourraient être fixées par le décret d'application de l'ensemble des dispositions de la sous-section prévu à l'article L. 331-16 (qui deviendra, dans la numérotation résultant de cet article, l'article L. 331-43).

Ces dispositions se substituent à celles prévoyant actuellement que l'ARMT remet un rapport rendant compte des évolutions les plus marquantes qu'elle a constatées dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et qu'elle peut être consultée par les commissions parlementaires. Ces dispositions sont regroupées au sein d'une disposition plus générale sur la façon dont la nouvelle Haute Autorité rendra compte de l'exercice de l'ensemble de ses missions.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel avant l'article 2- Modification de l'intitulé d'un titre du code

Votre commission vous propose un amendement tendant à compléter l'intitulé du titre du code dans lequel s'insèreront les dispositions du présent projet de loi afin de prendre en compte leur caractère préventif . En effet, l'actuel intitulé du titre III du livre III du chapitre III du code (« Procédures et sanctions ») pourrait laisser croire que la protection des titulaires de droits n'emprunte que la seule voie de mesures répressives. Or, outre l'action en contrefaçon, il comporte des dispositions préventives, qui seront d'ailleurs largement complétées par le projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

Article 2- Organisation et missions de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet

Cet article vise à créer une nouvelle autorité administrative indépendante : la « Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet » (HADOPI), qui vient se substituer à l'actuelle Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), autorité administrative indépendante créée par la loi n° 2006-961 du 1 er août 2006 (dite loi DADVSI). Il en fixe les missions.

A cet effet, il introduit au chapitre I er du titre III du livre III du code de la propriété intellectuelle une nouvelle section 3.

Section 3- Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres
et la protection des droits sur internet

Cette section est composée de trois sous-sections portant successivement sur :

- les compétences, la composition et l'organisation de l'HADOPI ;

- sa mission de protection des oeuvres et objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin ;

- et sa mission d'observation de l'offre légale et de l'utilisation illicite d'oeuvres et d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sur internet.

Sous-section 1- Compétences, composition et organisation

Cette sous-section concerne les articles L. 331-12 à L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle (CPI).

Article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle - Création d'une autorité administrative indépendante

I. Le texte du projet de loi

Cet article donne une nouvelle dénomination à l'actuelle Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), autorité administrative indépendante créée par la loi n° 2006-961 du 1 er août 2006 (dite loi DADVSI), qui devient la « Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet » (HADOPI).

II. La position de votre commission

Cette autorité administrative indépendante aura donc une dénomination qui reprend clairement les deux volets indissociables des Accords de l'Élysée du 28 novembre 2007. Votre rapporteur se réjouit d'ailleurs de l'ordre logique dans lequel sont ainsi affichées les deux grandes missions de l'HADOPI. Ceci permet d'affirmer clairement l'objectif d'une meilleure diffusion des oeuvres sur Internet, lequel ne peut cependant être parfaitement satisfait qu'à la condition que les droits qui leur sont attachés soient respectés.

Le projet de loi ne prévoit pas cependant d'accorder la personnalité morale à l'HADOPI. Votre commission le regrette dans la mesure où ce statut, outre qu'il affirmerait encore plus clairement l'indépendance de l'autorité, lui permettrait également une plus grande réactivité dans ses actes de gestion. Il n'apparaît pas souhaitable, en effet, qu'elle doive - comme l'AMRT aujourd'hui - dépendre du ministère de la culture pour sa gestion, ses marchés publics, etc.

C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement tendant à doter l'HADOPI de la personnalité morale.

Il s'agit ainsi de garantir son indépendance et son impartialité et de renforcer la souplesse de son fonctionnement (en matière à la fois financière, patrimoniale et de gestion administrative et des ressources humaines).

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article L. 331-13 du code de la propriété intellectuelle - Missions exercées par la Haute Autorité

I. Le texte du projet de loi

Les trois alinéas de cet article précisent les trois missions de la Haute Autorité.

La première mission concerne la protection des oeuvres et des objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin sur les réseaux de communication électronique utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne. Il s'agit d'enrayer le « piratage » de masse.

Cette terminologie recouvre le fait que les oeuvres sont protégées par un droit d'auteur et les objets (il peut s'agir par exemple d'enregistrements) par des droits voisins du droit d'auteur.

Rappelons que la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique définit la communication au public en ligne comme étant « toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur ».

Au regard de cette définition, il est clair que sont visés à la fois le téléchargement par le biais des réseaux de pair à pair (P2P) mais aussi notamment les sites communautaires, telles que les plates-formes Web 2.0 qui proposent le stockage et le partage de fichiers. Ils permettent aux utilisateurs de mettre en ligne, automatiquement et sans contrôle préalable, des contenus, qu'ils s'agissent de créations personnelles ou de reproductions d'oeuvres protégées par le droit d'auteur. Les utilisateurs visionnent ensuite ces oeuvres en lecture en continu (ou « streaming »).

La deuxième mission de l'HADOPI est relative à l'observation de l'offre légale et de l'utilisation illicite de ces oeuvres et objets.

Enfin, l'HADOPI se voit confier une mission de régulation dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et objets protégés. Cette mission reprend, en l'élargissant, celle confiée à l'AMRT en application de l'actuel article L. 331-17 du code. Une telle mission de régulation est classiquement confiée aux autorités indépendantes.

II. La position de votre commission

Votre commission relève avec satisfaction que l'HADOPI se voit ainsi confier un rôle polymorphe.

Elle vous proposera cependant un amendement visant à une nouvelle rédaction de l'article , dans le triple objectif :

- d'afficher prioritairement (en inversant l'ordre de présentation des missions) et de compléter la mission de l'HADOPI correspondant au volet « offre légale » des Accords de l'Élysée : la Haute Autorité sera chargée d'encourager le développement de l'offre commerciale légale 44 ( * ) des oeuvres sur internet et d'observer l'évolution de l'utilisation illicite des oeuvres sur internet. Ceci répond à l'objectif final consiste bien à favoriser un changement des comportements des internautes, afin que l'usage légal de la consommation de biens culturels via Internet prenne le pas sur son usage illicite, évolution elle-même liée à l'attractivité croissante de l'offre légale ;

- de compléter sa mission de régulation dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres protégées par un rôle de veille, en ajoutant la notion de « veille », régulation et veille étant liées ;

- et de consolider les missions de l'HADOPI, puisqu'elle pourra notamment attirer l'attention des pouvoirs publics sur les éventuelles adaptations nécessaires de la loi, ou encore être consultée par le Gouvernement et le Parlement sur toute question relative à ses domaines de compétences. Elle pourra également, à la demande du Premier ministre, contribuer à l'élaboration de la politique française dans les négociations internationales dans le domaine de la protection des droits de propriété littéraire et artistique.

Ces dispositions vont dans le sens des observations formulées par notre collègue Patrice Gélard, dans son rapport sur les AAI 45 ( * ) , considérant le « pouvoir de savoir » et le « magistère d'influence » de ces autorités indépendantes comme essentiels à leurs missions et à leur légitimité.

Votre commission vous propose d' adopter cet article dans sa nouvelle rédaction.

Article additionnel après L. 331-13 du code
de la propriété intellectuelle - Rapport au Parlement et au Gouvernement

Dans une double exigence d'information du Parlement et de transparence de la Haute Autorité instituée par le projet de loi dans l'exercice de ses missions, votre commission propose de prévoir, comme tel est déjà le cas pour la plupart des autorités administratives indépendantes (AAI), que celle-ci remet chaque année un rapport au Parlement et au Gouvernement . Ainsi que le souligne notre collègue Patrice Gélard dans le rapport sur les AAI rendu au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, ce rapport est le « support du contrôle démocratique » de ces autorités.

Ce rapport annuel est rendu public , en vue d'asseoir la légitimité de cette autorité. Il permettra à celle-ci de rendre compte :

- de son activité, notamment de la mise en oeuvre, par la commission de protection des droits, du mécanisme de recommandation et de sanction défini dans les articles suivants ;

- de l'exécution de ses missions et de ses moyens ; à ce titre, elle pourra, comme le préconisait Patrice Gélard dans le rapport précité, présenter les règles de déontologie appliquées aux membres et aux services et présenter les règles et la doctrine suivies par l'autorité dans l'exercice de ses missions ;

- du respect de leurs obligations et engagements par les professionnels des différents secteurs concernés : cela confère à la Haute Autorité la responsabilité de rendre compte des avancées réalisées par chacune des parties signataires des « Accords de l'Élysée », tant en matière de diffusion des oeuvres culturelles sur Internet dans le cadre d'offres commerciales légales que d'expérimentations dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage, destinées à lutter plus efficacement contre le piratage, en fonction des évolutions - extrêmement rapides - de l'état de l'art.

Seront également retracées, dans ce rapport annuel, les dispositions spécifiques prévues à l'actuel article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle, sur les évolutions constatées dans le domaine des mesures techniques de protection.

Votre commission vous propose d' adopter cet article additionnel .

Article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle - Composition de la Haute Autorité

I. Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que la Haute Autorité sera composée de deux entités distinctes :

- le collège à qui sont confiées les missions générales de l'HADOPI ;

- la commission de protection des droits, chargée de prendre les mesures de prévention et de sanction du piratage, définies par la sous-section 2 (article L. 331-22 à L. 331-34 du CPI).

Conformément aux règles applicables aux AAI, le dernier alinéa de l'article précise que les membres de ses deux entités ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité dans l'exercice de leurs attributions.

En effet, une autorité administrative est dite « indépendante » dans le sens où elle est soustraite au pouvoir hiérarchique. Cette indépendance est souhaitable pour garantir la crédibilité et la légitimité d'un organisme exerçant ses activités dans des domaines sensibles.

II. La position de votre commission

Le fait de scinder la Haute Autorité en deux entités distinctes et « étanches » présente l'inconvénient de la complexité mais a pour avantage de garantir l'impartialité de la commission, composée - comme prévu par l'article L. 331-16 - exclusivement de hauts fonctionnaires ayant la qualité de magistrats ou chargés de fonctions juridictionnelles, et employant des agents habilités.

Ce schéma s'inspire de celui ayant présidé à la création de l'Autorité des marchés financiers.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L. 331-15 du code de la propriété intellectuelle - Composition du collège

I. Le texte du projet de loi

Cet article précise la composition de la Haute Autorité. Alors que l'AMRT comprenait cinq membres, l'HADOPI en comprendrait neuf, dont le président. Ils seront nommés par décret, pour une durée de six ans.

Rappelons que les cinq membres actuels sont les suivants (en vertu de l'article L. 331-20 du code) :

- un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

- un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

- un conseiller-maître à la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

- un membre désigné par le président de l'Académie des technologies ;

- un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique désigné par le président de celui-ci.

Le projet de loi propose que les quatre nouveaux membres du collège soient des personnalités qualifiées, désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture. Ainsi devrait être sans doute assurée la représentation à la fois des fournisseurs d'accès à Internet, des internautes et des milieux culturels.

En revanche, le président de la commission de la copie privée instituée par l'article L. 311-5 du CPI participait aux travaux de la commission de l'AMRT avec voix consultative. Tel ne sera plus le cas pour ce qui concerne l'HADOPI. Il s'agit de renforcer les garanties d'impartialité objectives présentées par le collège lorsqu'il aura statué en matière de garantie du bénéfice de l'exception pour copie privée.

Pour garantir l'indépendance de la Haute Autorité, le président serait nommé parmi les trois représentants des grands corps de l'État, magistrats ou chargés de fonctions juridictionnelles. Aux mêmes fins, le mandat des membres du collège ne sera ni révocable ni renouvelable, sauf s'il n'a pas excédé deux ans.

Le pénultième alinéa de l'article précise les modalités de nomination et la durée du mandat des membres du collège à l'occasion de la constitution de la Haute Autorité : un mandat de six ans pour le président et, par tirage au sort, un mandat de trois ans pour quatre membres et de six ans pour les quatre autres.

Enfin, le dernier alinéa prévoit qu'en cas de vacance d'un siège de membre du collège, il sera procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements à cet article :

- un amendement rédactionnel ;

- un amendement de précision et de coordination avec les dispositions prévues à l'article L. 331-16 relatives à la composition de la commission de protection des droits de l'HADOPI : il s'agit pour la désignation des magistrats membres du collège, de viser l'ensemble des membres en activité des grands corps de l'État concernés plutôt qu'un grade spécifique ;

- un amendement qui, outre une organisation plus logique des dispositions, prévoit que, sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement constaté par le collège. Il s'agit d'une disposition classique dans les textes régissant les autorités administratives indépendantes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-16 du code de la propriété intellectuelle - Composition de la commission de protection des droits

I. Le texte du projet de loi

Cet article fixe les compétences et la composition de la commission de protection des droits.

Il lui confie la charge de mettre en oeuvre le mécanisme de prévention et de sanction du piratage prévu par le texte.

Il prévoit que cette commission sera exclusivement composée de magistrats ou de fonctionnaires chargés de fonctions juridictionnelles. Au nombre de trois, dont le président, ils seront nommés par décret pour une durée de six ans. Il s'agit d'un membre du Conseil d'État, d'un membre de la Cour de cassation et d'un membre de la Cour des comptes. Comme pour le collège, et ainsi qu'il est d'usage pour la désignation au sein d'une autorité indépendante, ils seront désignés par leur chef de juridiction.

Leur mandat, dont la durée de six ans est gage d'indépendance, ne sera ni renouvelable ni révocable.

Comme pour les membres du collège, l'article prévoit les règles applicables en cas de vacance d'un siège et les modalités de nomination au moment de la création de la commission. Il prévoit la nomination de suppléants.

Par ailleurs, il précise que les fonctions de membre du collège et de membre de la commission de protection des droits sont incompatibles.

II. La position de votre commission

Toutes ces dispositions apparaissent de nature à garantir l'indépendance des membres et l'impartialité des décisions de la commission. Le respect de la vie privée des internautes sera donc assuré à l'occasion des procédures qu'elle mettra en oeuvre.

Votre commission relève que la commission de protection des droits constitue un « tribunal » au sens de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et qu'elle peut exercer un pouvoir quasi-juridictionnel.

Comme pour les membres du collège, votre commission vous proposera deux amendements :

- le premier visant, pour la désignation des magistrats membres de la commission, les membres en activité des grands corps de l'État ;

- le second stipulant que, sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement constaté par le collège.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle - Incompatibilités de fonctions

I. Le texte du projet de loi

Cet article fixe le régime des incompatibilités applicable à l'ensemble des membres de la Haute Autorité.

Il reprend, pour les membres du collège comme pour ceux de la commission de protection des droits, les incompatibilités actuellement prévues pour les membres de l'AMRT à l'article L. 331-19 en vigueur. Elles sont destinées à garantir l'indépendance de la Haute Autorité à l'égard des entreprises de production de musique, de films, d'oeuvres ou de programmes audiovisuels, ou offrant des services de téléchargement ou de partage d'oeuvres et d'objets protégés par le droit d'auteur ou par les droits voisins.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement précisant et complétant ces règles d'incompatibilité. Il a pour double objet :

- de limiter à trois ans la durée des incompatibilités, afin de ne pas réduire à l'excès le « vivier » des professionnels susceptibles d'occuper ces fonctions,

- et de viser l'ensemble des secteurs professionnels concernés par le projet de loi : seraient ainsi également visés les entreprises de communication audiovisuelle et les éditeurs de logiciels , ceci en cohérence avec le champ d'application qu'il est proposé de retenir à l'article L. 331-22 ; en outre, la référence aux services ou outils de mise à disposition d'oeuvres et d'objets protégés est plus large que la notion de « téléchargement » ; les fournisseurs d'accès à Internet seraient notamment visés, d'autant que l'HADOPI peut être conduite à prononcer des sanctions à leur encontre (en application de l'article 6 du projet de loi), ainsi que d'autres professionnels offrant un accès à des services ou fournissant des services de communication au public en ligne.

Par ailleurs, votre commission vous propose d'adopter un amendement soumettant les membres de l'HADOPI dont le mandat est arrivé à son terme aux dispositions relatives à la prise illégale d'intérêt prévues à l'article 432-13 du code pénal (dont les dispositions sont rappelées dans l'encadré ci-après). Une telle disposition vient ainsi renforcer les garanties d'indépendance et de d'impartialité des membres de l'autorité . Elle est d'usage fréquent pour les membres d'une AAI.

EXTRAIT DE L'ARTICLE 432-13 DU CODE PÉNAL

« Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions. »

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-18 du code de la propriété intellectuelle - Organisation et fonctionnement

I. Le texte du projet de loi

Cet article précise certaines modalités relatives à l'organisation et au fonctionnement de la Haute Autorité, en reprenant pour partie les dispositions de l'actuel article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle, relatif à l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), qui avait été introduites dans la loi « DADVSI » du 1 er août 2006 à l'occasion de l'examen du texte au Sénat.

Ces dispositions répondent notamment au souci d'assurer l'indépendance de cette nouvelle instance.


• Tout d'abord, comme cela était déjà prévu pour l'ARMT, celle-ci dispose de services placés sous l'autorité d'un secrétaire général.

Les rapporteurs chargés de l'instruction des dossiers sont nommés par le président de la Haute Autorité.


• Cette autorité propose, au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Votre rapporteur rappelle que, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, une dotation de 6,7 millions d'euros est inscrite au budget de la mission « Culture » au titre de la mise en place et du fonctionnement de cette Haute Autorité en 2009 46 ( * ) .

Par ailleurs, en ce qui concerne les personnels, le projet de loi de finances prévoit la mise à disposition de 7 emplois équivalents temps plein (ETPT) créés sur le plafond d'emplois de la mission « Culture ». Ces emplois d'agents titulaires de l'État pourront être pourvus selon différents modes (détachement, affectation). Les autres emplois n'ont pas vocation à être occupés par des agents titulaires de l'État.


• Enfin, conformément au principe d'autonomie financière et comme c'est le cas pour la plupart des autres autorités administratives indépendantes, la Haute Autorité n'est pas soumise à un contrôle financier a priori des dépenses engagées, mais à un contrôle a posteriori de ses comptes, exercé par la Cour des comptes.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose, tout d'abord, deux amendements de précision et de coordination , visant notamment à harmoniser la rédaction du présent article avec celles prévues pour d'autres autorités indépendantes :

- le premier tend à consolider l' autorité du président de la Haute Autorité sur les services dont celle-ci dispose, en prévoyant, comme c'est le cas par exemple pour la CNIL, la HALDE ou encore l'Agence française de lutte contre le dopage 47 ( * ) , que les services sont placés sous son autorité et qu'un secrétaire général, nommé par le président, est chargé du fonctionnement et de la coordination des services ;

- le second tend à préciser que les comptes de la Haute Autorité sont présentés au contrôle de la Cour des comptes .

En outre, votre commission vous propose de compléter cet article par un amendement prévoyant que la Haute Autorité établit son règlement intérieur et fixe les règles de déontologie applicables à ses membres et aux agents de ses services. Des dispositions similaires sont déjà prévues pour d'autres autorités administratives indépendantes (AAI), telles que l'Autorité des marchés financiers (AMF). Elles permettent d'encadrer le fonctionnement de cette instance de garanties supplémentaires et s'inscrivent, par ailleurs, en cohérence avec les observations formulées ci-dessus par votre rapporteur au sujet du régime applicable aux incompatibilités de fonction (article L. 331-17) : en effet, ainsi que le relève notre collègue Patrice Gélard dans le rapport sur les AAI précité, « la procédure de contrôle des fonctions ou responsabilités que peuvent exercer les anciens membres des autorités administratives indépendantes dans le secteur privé revêt davantage de souplesse lorsqu'elle est organisée par l'autorité elle-même, dans le cadre de son règlement intérieur ou d'un code de déontologie » .

Enfin, votre commission propose un amendement ayant pour double objet :

- de réintroduire la possibilité, qui était prévue pour l'ARMT par l'actuel article L. 331-20, que la Haute Autorité puisse faire appel à des experts ; compte tenu du haut degré de technicité des questions relevant de ses domaines de compétences, le recours ponctuel à des expertises ou avis extérieurs pourrait s'avérer fort utile, dans un souci d'efficacité ;

- d'asseoir la légitimité de l'HADOPI, en prévoyant qu'elle puisse être sollicitée par d'autres autorités administratives ou des organismes extérieurs et formuler des avis à la demande de ces mêmes autorités ou organismes ; votre rapporteur relève que ces dispositions vont dans le sens des recommandations formulées par notre collègue Patrice Gélard dans le rapport sur les AAI précité, en vue de renforcer le « pouvoir d'information » de ces autorités et de consolider leur « magistère d'influence » : il proposait notamment de développer des formes d' « interrégulation » et de coopération entre ces différentes autorités, notamment par des procédures de consultation ou d'avis.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Article L. 331-19 du code de la propriété intellectuelle - Modalités de prise de décisions

I. Le texte du projet de loi

Cet article reprend en partie les dispositions de l'actuel article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle, relatif à l'Autorité de régulation des mesures techniques à laquelle se substitue l'HADOPI.

Il prévoit, comme c'est en général le cas, que les décisions prises au sein du collège et de la commission de protection des droits composant cette Haute Autorité le sont à la majorité des voix. Au sein du seul collège, la voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification .

Article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle - Traitement des saisines par des agents publics habilités

I. Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que les saisines adressées à la Haute Autorité par les ayants droit seront reçues et traitées par des agents publics, spécialement habilités à cet effet.

1. Les conditions d'habilitation des agents publics

Ces agents publics assisteront la commission de protection des droits dans l'exercice de ses attributions, qui consistent en la mise en oeuvre du dispositif d'avertissement, de transaction et de sanction, décliné aux articles L. 331-24 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Ces agents seront habilités par le président de la Haute Autorité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Votre rapporteur relève que ce dispositif est analogue à celui prévu par le dernier alinéa de l'article 19 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui précise que « ceux des agents qui peuvent être appelés à participer à la mise en oeuvre des missions de vérification mentionnées à l'article 44 [en matière de contrôle des traitements de données] doivent y être habilités » par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

2. Les missions confiées à ces agents

Le deuxième alinéa définit les missions confiées aux agents publics ainsi habilités. Celles-ci sont centrales dans le processus d'avertissement et de sanction mis en oeuvre par la commission de protection des droits de l'HADOPI. En effet, ces agents sont chargés, à titre exclusif :

- de recevoir les saisines adressées à la commission de protection des droits, dans les conditions fixées à l'article L. 331-22, c'est-à-dire par les agents assermentés désignés par les ayants droit ;

- de traiter ces saisines, en procédant à l' examen des faits ;

- de constater la matérialité du manquement à l'obligation de surveillance, par le titulaire de l'abonnement, de son accès à Internet, sur lequel se fonde le dispositif de recommandation et de sanction prévu par le projet de loi.

3. Leurs prérogatives en matière d'accès aux documents et données nécessaires à la conduite des procédures

Les trois alinéas suivants sont importants puisqu'ils définissent les données et documents auxquels ces agents publics habilités sont autorisés à accéder, « pour les nécessités de la procédure » .

Ils peuvent, de façon générale, obtenir à cette fin, « tous documents, quel qu'en soit le support » , ainsi que leur copie.

Plus précisément, sont notamment concernées les données relatives au trafic en ligne ainsi que les coordonnées personnelles permettant d'identifier et donc d'avertir les abonnés contrevenants, préalablement repérés par les ayants droit habilités à saisir la commission de protection des droits.


• En application du troisième alinéa du présent article, les agents peuvent obtenir les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques , dans le cadre de l' article 34-1 du code des postes et communications électroniques.

Ce dernier prévoit que ces opérateurs, « et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne » , c'est à dire les fournisseurs d'accès, sont tenus d'effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative au trafic 48 ( * ) .

Néanmoins, ces opérations d'effacement ou d' « anonymisation » sont différées, pour certaines catégories de données techniques et pour une durée maximale d'un an, dans le but de mettre ces informations à la disposition de l'autorité judiciaire dans le cadre de procédures pénales, ou pour les besoins de la facturation ou des actions en recouvrement, ou encore à des fins de commercialisation, par les opérateurs, de leurs propres services ou de services à valeur ajoutée.

La possibilité ainsi offerte aux agents publics de l'HADOPI de se voir communiquer ces données résulte de la modification de l'article 34-1 du CPCE qui est proposée par l'article 9 du projet de loi . Votre rapporteur vous renvoie donc au commentaire de cet article, qui constitue l'une des pierres angulaires du projet de loi, en prévoyant que ces données relatives au trafic en ligne peuvent non seulement être mises à la disposition du juge dans le cadre de procédures pénales, mais également à la disposition de la Haute Autorité pour l'examen des manquements à l'obligation reposant sur l'abonné de veiller à ce que son accès à Internet ne soit pas utilisé à des fins de piratage d'oeuvre protégées, définie par l'article 6 du projet de loi.

Votre rapporteur souligne, néanmoins, que les données visées à l'article 34-1 du CPCE « ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées » dans le cadre de ces communications. L'article R. 10-13 du même code 49 ( * ) , est venu préciser, en effet, qu'en application du II de l'article L. 34-1, les opérateurs de communications électroniques conservent, pour une durée d'un an à compter du jour de l'enregistrement et « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales » 50 ( * ) :

- les informations permettant d'identifier l'utilisateur ;

- les données relatives aux équipements terminaux de communication utilisés ;

- les caractéristiques techniques ainsi que la date, l'horaire et la durée de chaque communication ;

- les données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs ;

- les données permettant d'identifier le ou les destinataires de la communication.


• En complément, le dernier alinéa du présent article prévoit que les agents publics de l'HADOPI peuvent également se voir communiquer, par les opérateurs de communications électroniques, les coordonnées complètes du titulaire de l'abonnement auteur d'un manquement.

Ces données recouvrent : l'identité de l'abonné - c'est-à-dire ses nom et prénom -, son adresse postale, son adresse électronique ainsi que ses coordonnées téléphoniques. Ces informations seront nécessaires pour permettre l'envoi, par la commission de protection des droits, de messages d'avertissement par la voie électronique (les « recommandations » prévues par l'article L. 331-24), et, le cas échéant, c'est à dire en cas de « récidive », l'envoi d'une lettre en recommandé avec accusé de réception au domicile de l'abonné. Pour répondre aux demandes de l'HADOPI, les fournisseurs d'accès devront convertir les adresses IP relevées par les ayants droit dans les saisines adressées à l'HADOPI, afin d'assurer la correspondance entre celles-ci et l'abonné.

II. La position de votre commission

Cet article est au coeur du dispositif proposé par le présent projet de loi puisqu'il vise à donner les moyens à l'HADOPI d'exercer sa mission de prévention et, le cas échéant, de sanction, des actes de piratage des oeuvres protégées par un droit d'auteur ou un droit voisin.


• A cette fin, il encadre de garanties importantes les prérogatives confiées aux agents publics qui seront chargés, auprès de la commission de protection des droits, d'assurer le traitement des saisines et de collecter les données nécessaires à l'examen des faits et la conduite des procédures.

Votre rapporteur rappelle, à cet égard, que la spécificité de l'« approche française » est d' interposer , conformément aux principes généraux de notre droit, une autorité publique présentant des garanties d'indépendance et d'impartialité entre les ayants droit et les opérateurs . En effet, dans les pays où, comme cela a été souligné dans l'exposé général, de tels mécanismes sont mis en place dans un cadre contractuel, les ayants droit saisissent directement les fournisseurs d'accès à Internet pour leur demander de convertir les adresses IP en données personnelles.


• Néanmoins, au niveau technique, certaines difficultés relatives à la collecte de ces données ont été soulignées à votre rapporteur au cours de ses auditions et appellent quelques précisions.

La question du « nomadisme » a été mise en exergue, notamment, par les membres du Conseil général des technologies de l'information (CGTI). Ces pratiques, permettant d'avoir accès à Internet sans être connecté depuis une liaison fixe, à son domicile ou sur son lieu de travail, sont de plus en plus répandues. Elles reposent sur :

- les « cartes 3 G » proposées par les opérateurs, permettant d'avoir, sur l'ensemble des zones couvertes par le réseau, un accès à Internet depuis son ordinateur portable personnel ou son téléphone mobile ;

- le développement des zones « Wi-Fi » , offrant un accès sans fil aux réseaux numériques locaux ; cela permet, en un lieu donné clairement délimité, à titre gratuit ou payant, de se connecter à Internet depuis son ordinateur portable, dès lors que celui-ci est doté des équipements requis 51 ( * ) . Selon les informations transmises à votre rapporteur, on compte aujourd'hui environ 400 points d'accès Wi-Fi (ou « hotspot ») à Paris, où la durée moyenne de connexion est de 45 minutes ; au total, il existerait, selon les estimations fournies, un peu moins de un million de points d'accès gratuits, dans les mairies, administrations, hôpitaux, lycées, universités et résidences universitaires, ou encore les gares, aéroports, hôtels, bars ou autres lieux de restauration...

Dans ces situations, de même que dans les autres lieux proposant un accès collectif à Internet, tels que les entreprises, administrations ou encore les « cybercafés », l'adresse IP renvoie à cet accès collectif et ne permet pas, pour le moins directement, d'établir une correspondance avec l'internaute contrevenant.

C'est pourquoi le projet de loi devrait inciter, dans ces situations, la mise en oeuvre de moyens permettant de prévenir les actes de piratage . Tel est d'ailleurs déjà le cas dans certaines entreprises ou administrations bloquant l'accès à des sites de pair-à-pair par exemple, par l'installation de logiciels « pare-feu » notamment, ou encore diffusant, en interne, une « charte des usages d'Internet ».


• Sous réserve de ces observations et précisions, votre commission vous proposera deux amendements visant à encadrer les dispositions prévues par cet article de garanties supplémentaires :

- en ajoutant que les agents publics habilités pour traiter les saisines sont également assermentés ;

- en précisant, par harmonisation avec les dispositions prévues par la loi du 6 janvier 1978 pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), que ces saisines sont traitées par les membres de la commission et ses agents publics, et non par ces seuls derniers.

Sous réserve, en outre, d'un amendement rédactionnel , votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Article. L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle - Secret professionnel

I. Le texte du projet de loi

Cet article définit et encadre strictement les conditions dans lesquelles la Haute Autorité peut disposer des agents publics auxquels il est fait référence à l'article précédent.


• Tout d'abord, le premier alinéa prévoit que ces agents habilités, qui seront chargés, auprès de la commission de protection des droits, du traitement des saisines adressées par les ayants droits, sont astreints au secret professionnel .

Cette disposition est nécessaire compte tenu des attributions, qui leurs sont confiées en application de l'article précédent : ils seront en effet destinataires des coordonnées des abonnés contrefaisants et des données de connexion, afin de pouvoir constater la matérialité des manquements.

La rédaction proposée par le projet de loi reprend la formule générale, qui prévoit que l'astreinte au secret professionnel pour « les faits, actes et renseignements » dont ces agents auront pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, s'applique dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal :

- le premier article punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire » ;

- le second punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait, par toute personne dépositaire « d'un renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de secret de la défense nationale, soit de le détruire, détourner, soustraire ou de le reproduire, soit de le porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée » ; lorsque cette personne a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.


• En outre, aux termes du deuxième alinéa , les décisions d'habilitation de ces agents - qui relèveront, en application des dispositions prévues à l'article précédant, du président de la Haute Autorité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État - seront précédées d' enquêtes administratives .

Ces dernières sont destinées à vérifier que le « comportement » de ces personnes « n'est pas incompatible avec leurs fonctions ou missions » .

Cette rédaction reprend celle prévue par l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité 52 ( * ) , qui ouvre la possibilité de réaliser de telles enquêtes préalablement à des décisions administratives de recrutement ou d'habilitation concernant certaines catégories d'emplois publics ou privés, notamment les « emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'État » .


• Le dernier alinéa contribue encore à renforcer les garanties et le formalisme entourant le recrutement de ces agents publics, en précisant qu'ils doivent, en outre, remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d'État.

II. La position de votre commission

Le présent article prévoit que seuls les agents publics habilités, mis à disposition de la Haute Autorité, sont astreints au secret professionnel.

Cette disposition semble restrictive, puisqu'elle ne vise pas, de fait, les membres de l'HADOPI, qui auront pourtant connaissance, en particulier ceux de la commission de protection des droits, de ces mêmes renseignements, ou auront pour le moins accès à ces informations. Elle ne vise pas, en outre, les autres agents constituant les services de cette autorité.

C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement visant à préciser, comme tel est d'ailleurs le cas pour d'autres autorités indépendantes telles que la HALDE 53 ( * ) ou la CNIL 54 ( * ) , que les membres de la Haute Autorité, à l'instar de ses agents, sont astreints au secret professionnel , dans les mêmes conditions que celles prévues par le projet de loi, et sous réserve, toutefois, de ce qui sera nécessaire à l'établissement des avis, recommandations et du rapport annuel que la Haute Autorité sera amenée à publier, en application des amendements que votre commission vous propose par ailleurs d'adopter.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Sous-section 2 - Mission de protection des oeuvres et objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin

Cette sous-section, qui comprend les articles L. 331-22 à L. 331-35, détaille les compétences dévolues à la Haute Autorité dans le cadre de sa mission de protection de la création sur les réseaux de communication électronique.

Article L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle - Saisine de la commission de protection des droits

I. Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que la commission de protection des droits ne pourra agir de sa propre initiative mais seulement sur saisine d'agents assermentés, agissant pour le compte des ayants droit dont les oeuvres auront été piratées, désignés :

- soit par les organismes de défense professionnelle (rappelons qu'en application de l'article L.331-1 du CPI, ceux-ci ont aussi qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge),

- soit par les sociétés de perception et de répartition de droits,

- soit par les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes titulaires de droits exclusifs d'exploitation sur des oeuvres protégées.

Rappelons que l'article 2 de la loi du 6 août 2004 qui a modifié la loi dite « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978, a élargi la liste des personnes autorisées, à mettre en oeuvre des « traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ». En application du 4°de l'article 9 de cette loi, cette liste comprend désormais les 3 catégories mentionnées, sous réserve de l'autorisation de la CNIL et aux fins d'assurer la défense des droits de leurs adhérents. Elle vise, en effet, les « personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres I er , II et III du même code » .

Par ailleurs, l'article L. 331-2 du CPI prévoit dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 que : « Outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des livres Ier, II et III du présent code et de l'article 52 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative au droit d'auteur et aux droit des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle peut résulter des constatations d'agents assermentés désignés selon les cas par le Centre national de la cinématographie, par les organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1 et par les sociétés mentionnées au titre II du présent livre. Ces agents sont agréés par le ministère chargé de la culture dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État. »

Précisons également que les sociétés de perception et de répartition de droits font l'objet de contrôles de la part du ministère de la culture, de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition de droits ainsi que de commissaires aux comptes.

Le projet de loi ouvre également au Centre national de la cinématographie (CNC) la faculté de saisir l'HADOPI.

En application de l'article L. 331-2 du CPI, les quatre types d'organismes ainsi visés peuvent désigner des agents assermentés, lesquels peuvent apporter la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des livres I er , II et III du code relatifs au droit d'auteur, aux droits voisins et aux droits des producteurs de bases de données. Ces agents sont agréés par le ministre chargé de la culture.

Ce sont donc les ayants droit qui sont chargés de repérer les actes illicites, puis de transmettre à l'HADOPI les informations afférentes : l'oeuvre ou les oeuvres concernées, la date, l'adresse IP, c'est-à-dire en quelque sorte le numéro d'immatriculation qui permet d'identifier l'ordinateur de l'abonné sur Internet. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les titulaires de droits devraient mutualiser leurs moyens et constituer une plate-forme opérationnelle commune. Ceci permettra, en outre, d'éviter qu'une éventuelle coexistence de droits n'entraîne un conflit de traitement.

L'avant-dernier alinéa de l'article précise que l'HADOPI pourra également agir sur la base d'informations qui lui seraient transmises par le procureur de la République. Ceci peut s'avérer utile, par exemple, lorsque le juge décidera de classer une affaire de faible gravité au plan pénal.

Enfin, le dernier alinéa prévoit que la commission ne pourra être saisie de faits remontant à plus de six mois.

Concrètement, la saisine de l'HADOPI sera fondée sur la constatation de faits susceptibles de constituer un manquement à l'obligation de surveillance de son accès Internet par le titulaire d'un abonnement à un tel service.

L'article L. 335-12 du CPI prévoit déjà une obligation de surveillance à la charge de l'abonné , mais sans l'assortir de sanction : « Le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres I er et II, lorsqu'elle est requise, en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès en application du premier alinéa du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. »

En complétant cette obligation et en responsabilisant l'abonné, le présent projet de loi vise à en assurer le respect.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur vous propose un amendement tendant à permettre également aux éditeurs de logiciels, visés au livre Ier du code de la propriété intellectuelle, ainsi qu'aux « entreprises de communication audiovisuelle », elles aussi visées par le livre II, de saisir l'HADOPI. Ceux-ci peuvent, en effet, désigner des agents assermentés, au même titre que les catégories visées par le projet de loi. L'article L. 216-1 du code précise que « sont dénommées entreprises de communication audiovisuelle les organismes qui exploitent un service de communication audiovisuelle au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, quel que soit le régime applicable à ce service. » Or, il est évident que les chaînes de télévision doivent pouvoir informer l'HADOPI des problèmes de piratage qu'elles subissent ; sont notamment concernées les séries télévisuelles mais aussi les évènements sportifs pour lesquels elles bénéficient de droits en contrepartie des investissements et achats réalisés. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit précédemment, les éditeurs de logiciels subissent également les conséquences du piratage et il est donc logique qu'ils puissent, eux aussi, saisir l'HADOPI dans les mêmes conditions.

Il apparaît néanmoins souhaitable que les professionnels titulaires de droits exclusifs agissent prioritairement pas la voie d'un organisme collectif. Ainsi, interviennent dans ces secteurs, l'ALPA pour l'audiovisuel, le SELL (syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) pour les jeux vidéo ou l'APP (agence pour la protection des programmes) pour les éditeurs de logiciels en général. Ces organismes disposent déjà d'agents assermentés.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Article L. 331-23 du code de la propriété intellectuelle - Principe de proportionnalité

I. Le texte du projet de loi

Cet article vise à garantir le respect par l'HADOPI du principe de proportionnalité entre la sanction qu'elle pourra le cas échéant prononcer et la gravité du manquement.

Il prévoit que les mesures qu'elle prendra seront limitées à ce qui est nécessaire pour mettre un terme au manquement d'un abonné à l'obligation de veiller à l'usage licite de son accès à Internet. Cette obligation, aujourd'hui définie à l'article L. 335-12 du CPI, est complétée par l'article 6 du présent projet de loi (nouvel article L. 336-3 du code).

Soulignons, à cet égard, que la suspension de l'accès à Internet ne devra pas porter sur les services de téléphonie et de télévision, dans le cas d'un abonnement global incluant ces trois services (offres dites de « triple play »).

II. La position de votre commission

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle - Envoi des recommandations

Les articles L. 331-24 à L. 331-28 précisent les mesures que l'HADOPI pourra mettre en oeuvre pour prévenir et mettre fin au manquement à l'obligation de l'abonné à Internet.

Il s'agit de recommandations et, le cas échéant, de sanctions. Ces dernières apparaissent cependant plus pédagogiques que répressives. Elles revêtent essentiellement un caractère dissuasif, et donc préventif.

I. Le texte du projet de loi

Recommandations ou sanctions administratives

Rappelons que lorsque l'objectif est de réprimer un comportement, la sanction pénale comme la sanction administrative donnent à l'autorité publique compétente - le juge ou une autorité administrative - le pouvoir de priver l'auteur de l'infraction d'un droit ou de mettre à sa charge une obligation, notamment financière. Le présent projet de loi opte pour une procédure de sensibilisation et d'avertissement, puis éventuellement de suspension de l'abonnement Internet ou d'imposition de mesures préventives, plutôt que pour une amende qui pourrait apparaître comme plus « répressive ».

Si l'on veut faire un parallèle avec la sécurité routière, si un conducteur en excès de vitesse peut se voir infliger à la fois une amende et un retrait de points, voire de permis de conduire, un tel cumul avec une sanction financière n'est pas prévu au cas présent.

Les dispositions du projet de loi

L'article L. 321-4 prévoit que lorsqu'elle est saisie de faits susceptibles de constituer un manquement, la commission de protection des droits peut d'abord envoyer à l'abonné, par l'intermédiaire de son fournisseur d'accès, une recommandation par courrier électronique, lui rappelant l'obligation définie à l'article L. 336-3 - c'est-à-dire la surveillance de l'usage par son accès à Internet - et l'avertissant des sanctions encourues en cas de renouvellement du manquement.

L'HADOPI peut ensuite, en cas de répétition dans un délai de six mois des faits susceptibles de constituer un manquement, assortir l'envoi d'une nouvelle recommandation d'une lettre remise contre signature.

L'exposé des motifs du projet de loi précise qu' « afin de garantir l'efficacité pédagogique du dispositif, la commission de protection des droits usera de cette faculté de façon systématique, sauf circonstances particulières. »

Précisons que ces recommandations constituent des rappels à la loi. Ne faisant pas grief par elles-mêmes, elles ne peuvent donc pas faire l'objet d'un recours juridictionnel et leur bien-fondé ne peut être contesté qu'à l'appui d'un recours dirigé contre une décision de sanction.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose un amendement de clarification rédactionnelle.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié .

Article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle - Définition des sanctions

I. Le texte du projet de loi

Cet article précise les sanctions applicables dans le cas où la procédure exclusivement préventive prévue à l'article précédent n'aurait pas suffi à dissuader l'abonné ou son entourage de cesser de pirater des oeuvres ou objets protégés.

La commission de protection des droits de l'HADOPI pourra, en cas de renouvellement du manquement dans l'année qui suit la réception d'une recommandation, ordonner l'une des sanctions suivantes :

- la suspension de l'accès au service pour une durée de trois mois à un an assortie de l'impossibilité, pour l'abonné, de souscrire pendant la même période un autre contrat de même nature auprès de tout fournisseur. Précisons que cette disposition doit se lire à la lumière des articles suivants et notamment de l'article L. 331-28 qui stipule que cette suspension s'appliquera strictement et limitativement à l'accès à des services de communication au public en ligne ;

- ou une sanction alternative, qui prend la forme d'une injonction délivrée à l'abonné de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement et à lui en rendre compte, le cas échéant sous astreinte.

Le projet de loi précise que la commission de protection des droits de la Haute Autorité devra se prononcer après une procédure contradictoire et que sa décision prendra en compte la gravité du manquement et l'usage de l'accès de l'accès au service de communication.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, la seconde sanction serait plus adaptée aux abonnés - personnes physiques ou surtout personnes morales - qui font d'Internet un usage professionnel. On voit mal, en effet, comment une entreprise, une administration, une université ou un professionnel quel qu'il soit pourrait se passer de ce type de services. En revanche, il est normal - et tel est bien souvent déjà le cas - qu'il se protège contre les usages illicites au sein de son organisation. A cette fin, nombre de structures ont à la fois mis en place les moyens techniques adéquats et adopté une Charte informatique. Ces démarches citoyennes sont conduites à se généraliser.

La mesure décidée par l'HADOPI pourra faire l'objet d'une publication aux frais de l'abonné. Votre rapporteur s'est interrogé sur l'utilité d'une telle disposition, mais il est vrai qu'elle peut revêtir un caractère dissuasif dont il ne faut pas négliger l'importance.

L'antépénultième alinéa de l'article précise que les sanctions prononcées unilatéralement par la commission pourront faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant le juge judiciaire. Cette disposition est bien entendu fondamentale puisqu'elle apporte la garantie que la procédure, en l'absence d'accord transactionnel, s'effectuera bien sous le contrôle du juge compétent.

Enfin, les deux derniers alinéas prévoient deux décrets :

- un décret en Conseil d'État fixera les conditions dans lesquelles les sanctions pourront faire l'objet d'un sursis à exécution ;

- un décret simple déterminera les juridictions compétentes pour connaître de ces recours. A cet égard, rappelons qu'une prochaine réforme de la justice devrait permettre la spécialisation d'un certain nombre de juridictions dans ce domaine.

II. La position de votre commission

Votre commission vous proposera trois amendements à cet article.

Le premier est d'ordre rédactionnel.

Le deuxième prévoit que les sanctions puissent être cumulatives . En effet, la rédaction actuelle ne permet pas, lorsque la première sanction s'applique (à savoir la suspension de l'accès), d'inciter éventuellement l'abonné à prendre des mesures préventives afin d'éviter le renouvellement du manquement à son obligation d'assurer un usage légal de son abonnement Internet. Destiné à renforcer le caractère pédagogique et préventif du dispositif, cet amendement ouvre cette possibilité.

Le dernier amendement prévoit que « en fonction de l'état de l'art », la sanction pourra consister « en une limitation des services ou de l'accès à ces services, à condition que soit ainsi garantie la protection des oeuvres et objets auxquels sont attachés un droit d'auteur ou un droit voisin. » Ceci signifie que si, et seulement si, l'évolution des technologies permet d'atteindre l'objectif de protection des oeuvres, et donc d'empêcher de les pirater, tout en permettant le maintien de certains services supplémentaires, notamment de messagerie ou de consultation d'Internet , l'HADOPI pourra alors opter pour cette mesure.

Cet amendement vise à tenir compte à la fois de l'évolution rapide des technologies et de la possibilité qu'elles peuvent offrir de satisfaire à l'objectif consistant à faire cesser le « piratage » des oeuvres culturelles protégées tout en maintenant, au bénéfice des internautes, l'accès aux services électroniques ne permettant pas ce « piratage ». Ceci pourrait consister en une réduction du débit afin d'empêcher le téléchargement de fichiers piratés. Ou il pourrait s'agir d'évaluer la fiabilité de techniques permettant l'usage de la messagerie électronique, sous réserve que des « dossiers attachés » à des messages ne permettent pas de communiquer notamment des fichiers musicaux d'oeuvres protégées. Un tel risque s'avère moindre pour ce qui concerne les films ou séries audiovisuelles, compte tenu de la taille des fichiers concernés. Il pourrait s'agir également de permettre la consultation d'Internet sans faculté de télécharger.

Au-delà des circonstances déjà prévues par le texte , l'HADOPI pourra donc prendre en compte l'état des technologies et, le cas échéant, soit suspendre, soit limiter l'accès à Internet ou à certains des services auxquels il permet de recourir.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle - Transaction

I. Le texte du projet de loi

En vertu de cet article, la commission de protection des droits pourra, avant d'engager une éventuelle procédure de sanction, proposer à l'abonné une transaction.

Celle-ci pourra donner lieu à l'une ou l'autre des mesures prévues à l'alinéa précédent, sachant néanmoins qu'en cas de suspension de l'accès au service, celle-ci serait effectuée pour une durée plus courte, d'un mois à trois mois.

Une telle procédure transactionnelle existe dans d'autres domaines. La HALDE s'est ainsi vu confier un pouvoir de transaction pénale.

Dans son rapport précité sur les autorités administratives indépendantes, l'Office parlementaire d'évaluation de la législation confirme que l'exercice d'un pouvoir de transaction permet de concilier les objectifs de sanction et de pédagogie et que « cette articulation entre sanction et négociation permet aux AAI d'exécuter plus efficacement leur mission . »

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose trois amendements à cet article :

- deux amendements de coordination avec les amendements identiques proposés à l'article L. 331 25, prévoyant d'une part que les mesures proposées puissent être cumulatives et que, d'autre part, la mesure transactionnelle pourra consister en une limitation des services ou de l'accès à ces services, à condition que soit ainsi garantie, en fonction de l'état de l'art, la protection des oeuvres et objets auxquels sont attachés un droit d'auteur ou un droit voisin ;

- un amendement qui, outre une coordination sémantique avec l'article précédent, prévoit que l'abonné contrevenant rende compte à l'HADOPI de la façon dont il a satisfait à l'obligation contractée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle - Inexécution de la transaction

I. Le texte du projet de loi

Cet article précise qu'en cas de refus par l'abonné de la proposition de transaction ou d'inexécution de celle-ci, la commission pourra prononcer l'une des sanctions prévues à l'article L. 331-25, qui concerne donc logiquement le cas où il n'y aurait pas de transaction.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements : l'un de précision rédactionnelle et l'autre de cohérence avec la position adoptée à l'article L. 331-25 relative à la possibilité d'un cumul de sanctions afin de renforcer le caractère préventif du dispositif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-28 du code de la propriété intellectuelle - Modalités d'application de la suspension de l'accès à Internet

I. Le texte du projet de loi

Cet article précise qu'en cas de suspension de son abonnement, l'abonné restera tenu d'en verser le prix au fournisseur du service. En effet, ce n'est pas à ce dernier d'assumer les conséquences d'un comportement dont la responsabilité incombe à l'abonné. Les modalités de résiliation prévues par le contrat resteront bien sûr en vigueur.

Le dernier alinéa de l'article prévoit qu'en cas de suspension de l'abonnement, celle-ci s'appliquera exclusivement à l'accès à des services communication au public en ligne. Elle ne concernera donc pas, par exemple dans le cas d'offres commerciales composites incluant d'autres types de services, telles offres triple play - la téléphonie ou la télévision.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle - Mise en oeuvre de la mesure de suspension

I. Le texte du projet de loi

En application de cet article, la commission de protection des droits notifiera au fournisseur d'accès à Internet l'éventuelle mesure de suspension, qu'elle résulte d'une décision unilatérale de l'HADOPI ou d'un processus transactionnel.

Le fournisseur d'accès devra mettre en oeuvre cette suspension dans un délai de quinze jours, sauf à encourir une sanction pécuniaire d'un montant maximal de 5 000 euros par manquement constaté, ceci à l'issue d'une procédure contradictoire. Une telle sanction pourrait faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant le juge judiciaire.

De la même façon qu'à l'article L. 331-24, le texte prévoit qu'un décret déterminera les juridictions compétentes pour connaître de ces recours et qu'un décret en Conseil d'État fixera les conditions dans lesquelles ces sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle - Liste des moyens de sécurisation de l'accès à Internet

I. Le texte du projet de loi

Cet article confie à la Haute Autorité le soin d'établir une liste de moyens de sécurisation regardés comme efficaces pour prévenir les manquements à l'obligation mentionnée à l'article L. 336-3.

Cet article est complémentaire de l'article 8 du présent projet de loi, qui prévoit que les fournisseurs d'accès Internet seront chargés d'informer leurs abonnés de l'existence de tels moyens de sécurisation.

Le fait pour un abonné d'avoir sécurisé son équipement constituant, en application de l'article 6 du projet de loi, une cause d'exonération de responsabilité, il apparaît pertinent de confier à une AAI une telle mission. Ceci n'entravera pas le jeu de la concurrence entre les acteurs du marché, tout en sécurisant tant l'abonné que ses prestataires de services.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à prévoir que l'HADOPI pourra agréer, pour une période déterminée, les moyens de sécurisation regardés comme efficaces pour prévenir les manquements à l'obligation mentionnée à l'article L. 336-3. Par ailleurs, outre le fait qu'elle établira la liste des moyens de sécurisation ainsi agréés , il est proposé qu'elle la mette à jour et la rende publique.

La Haute Autorité pourra donc être saisie par les producteurs ou diffuseurs de tels logiciels, en vue d'obtenir cet agrément.

Il s'agit ainsi de faciliter le fait, pour le titulaire d'un abonnement à Internet, de s'assurer de la fiabilité supposée du moyen qu'il adopte pour sécuriser son ordinateur (ou téléphone mobile ou autre équipement lui permettant d'accéder à Internet). Il s'agit aussi de permettre ainsi, le cas échéant, à l'abonné d'apporter facilement à l'HADOPI la preuve de sa bonne foi et du fait qu'il a bien pris les mesures préventives de nature à le prémunir, a priori efficacement, contre toute intrusion d'un tiers sur son matériel.

Sans aller jusqu'à rendre cet agrément obligatoire en vue d'une commercialisation, pour ne pas interférer dans le jeu de la concurrence entre professionnels concernés, il est évident qu'une telle mesure permettra d'instaurer un cercle vertueux : les professionnels concernés seront incités à faire cette démarche auprès de la Haute Autorité et à proposer des dispositifs considérés comme fiables ; les internautes pourront accéder à une information objective et impartiale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle - Répertoire national des personnes faisant l'objet d'une suspension
de leur accès à Internet

I. Le texte du projet de loi

Cet article tend à assurer l'effectivité des mesures de suspension prononcées par la commission de protection des droits ou acceptées par les abonnés dans le cadre des transactions proposées par celle-ci.

À cet effet, il prévoit que la Haute Autorité établira un répertoire national des personnes dont l'accès à un service de communication au public en ligne a été suspendu et mettra à la charge des fournisseurs d'accès l'obligation de vérifier, à l'occasion de la conclusion de tout nouveau contrat, si le nom du cocontractant figure sur ce répertoire.

Concrètement, et afin de garantir la protection de la vie privée des internautes, cette consultation se fera sous la forme d'une simple interrogation, portant sur la présence ou non du cocontractant. Ce processus ne devrait pas ralentir l'acte de souscription d'un abonnement : le contrat serait conclu dans des conditions analogues à aujourd'hui mais il comporterait une condition suspensive liée au résultat de cette vérification par son fournisseur auprès de l'HADOPI.

Le prestataire qui ne se conformerait pas à cette obligation pourrait faire l'objet d'une sanction pécuniaire d'un montant maximal de 5 000 euros par manquement constaté. Celle-ci serait susceptible d'un recours en annulation ou en réformation devant le juge judiciaire.

Enfin, l'article prévoit qu'un décret détermine les juridictions compétentes pour connaître de ces recours et un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles ces sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution.

II. La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L. 331-32 du code de la propriété intellectuelle - Mention des obligations légales dans les contrats d'abonnement

I. Le texte du projet de loi

En application de cet article, les fournisseurs d'accès à Internet devront faire figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, la mention des obligations résultant du présent projet de loi et des sanctions possibles en cas de manquement à ces obligations.

Cette disposition relève du niveau législatif puisqu'elle déroge au principe de la liberté contractuelle.

Notons que s'agissant des contrats en cours, le décret en Conseil d'État prévu par l'article 10 du projet de loi précisera les modalités d'application de cette disposition.

II. La position de votre commission


• Votre commission vous propose, tout d'abord, d'adopter un amendement précisant que le rappel de ces obligations légales dans les contrats devra faire l'objet d'une mention claire et lisible , dans le souci de garantir un niveau satisfaisant d'information des abonnés.

Il conviendra notamment d'indiquer dans ce contrat l'adresse électronique à laquelle l'internaute souhaite que lui soient adressées , le cas échéant, les recommandations prévues à l'article L. 331-25. En effet, des internautes font remarquer qu'ils pourraient ne jamais avoir connaissance de ces avertissements, car ils ne consultent pas - ou du moins pas régulièrement - l'adresse connue par leur fournisseur d'accès à Internet.


• Dans le même sens, votre commission vous propose de rétablir une disposition similaire à celle qui avait été introduite à l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle à l'occasion des débats parlementaires sur la loi « DADVSI » du 1 er août 2006, dont le présent projet de loi propose la suppression (article 5). Aux termes de cet article, « les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne adressent, à leurs frais, aux utilisateurs de cet accès des messages de sensibilisation aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de diffusion de ces messages. »

Cette disposition a donné une consécration législative à l'engagement contractuel pris par les fournisseurs d'accès à Internet dans le cadre de la « charte » du 28 juillet 2004 55 ( * ) . Elle a également complété celle prévue à l'article 7 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui prévoit que les fournisseurs d'accès doivent assortir les offres publicitaires relatives aux possibilités de téléchargement qu'elles proposent de mentions rappelant que « le piratage nuit à la création artistique » .

Toutefois, à défaut de décret d'application, cette disposition n'est pas entrée en vigueur : c'est pourquoi le Gouvernement a décidé de supprimer la référence à ces messages généraux de sensibilisation, pour y substituer le dispositif de prévention ciblé sur les internautes contrevenants.

Or, votre commission considère que l'information générale et régulière de tous les abonnés n'est en rien rendue inutile ou superfétatoire par la mise en oeuvre du mécanisme d'avertissement prévu par le projet de loi, ciblé sur les internautes contrevenants. Les deux démarches sont au contraire complémentaires, dans la logique pédagogique et préventive de ce dispositif. En effet, les parents, par exemple, devront être eux-mêmes avertis du caractère illégal des pratiques auxquelles se livrent leurs enfants, car ils en porteront ensuite la responsabilité.

C'est pourquoi votre commission propose de rétablir une disposition prévoyant l'information régulière de leurs abonnés, par les fournisseurs d'accès à Internet, sur les méfaits du piratage des oeuvres culturelles.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Article L. 331-33 du code de la propriété intellectuelle - Modalités de conservation des données techniques

I. Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que la commission de protection des droits pourra conserver les données techniques mises à sa disposition pour la durée nécessaire à l'exercice des compétences qui lui sont confiées et, au plus tard, jusqu'au moment où la mesure de suspension de l'abonnement à Internet aura été entièrement exécutée. Cela limite, de fait, ce temps de conservation à un an à compter de la décision de sanction, puisque telle est la durée maximale de cette mesure de suspension prévue par le projet de loi, ce qui est donc conforme aux dispositions générales prévues par le II de l'article 34-1 du code des postes et communications électroniques, cité ci-dessus.

II. La position de votre commission

Sous réserve d'un amendement d'ordre rédactionnel , votre commission vous propose d' adopter cet article.

Article L. 331-34 du code de la propriété intellectuelle - Traitement automatisé de données à caractère personnel

I. Le texte du projet de loi

Cet article tend à autoriser la création, par la Haute Autorité, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel et à en encadrer les conditions de sa mise en oeuvre.


La notion de traitement de données à caractère personnel

Cette disposition s'inscrit dans le cadre du 1° de l'article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, qui prévoit que « les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales » sont autorisées à mettre en oeuvre des traitements de données à caractère personnel « relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté » .

Votre rapporteur rappelle que les notions de « données à caractère personnel » et de « traitement », automatisé ou non, de ces données, sont définies, de façon générale, par l'article 2 de cette même loi, dans les termes suivants :

- constitue, d'une part, une donnée à caractère personnel : « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l'ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne » ;

- constitue, d'autre part, un traitement de données à caractère personnel : « toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction. »


La finalité et les modalités de ce traitement

Le traitement des données à caractère personnel par la Haute Autorité porte sur les personnes faisant l'objet d'une procédure mise en oeuvre par sa commission de protection des droits, en vue de sanctionner un manquement à l'obligation définie à l'article 6 du projet de loi.

Il a pour finalité la mise en oeuvre, par cette commission :

- du mécanisme d'avertissement, de transaction et de sanction tel que décrit ci-dessus, « et de tous les actes de procédure afférents » ;

- du répertoire national défini à l'article L. 331-31, destiné notamment à permettre la mise à disposition des fournisseurs d'accès à Internet des « informations nécessaires » pour vérifier si le cocontractant fait l'objet d'une mesure de suspension lui interdisant de souscrire, en parallèle, à un nouveau contrat d'abonnement auprès d'un autre opérateur.

Ces précisions tendent à répondre, point par point, aux prescriptions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 précitée, qui soumet la mise en oeuvre des traitements de données à caractère personnel au respect des conditions suivantes :

- les données doivent être collectées et traitées « de manière loyale et licite » ; à cet égard, les garanties d'indépendance attachées aux membres de la commission de protection des droits et à ses agents publics habilités contribuent à satisfaire à ce critère ;

- elles sont collectées « pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités » ;

- elles sont « adéquates, pertinentes et non excessives » au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;

- elles sont « exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour » ;

- enfin, elles sont « conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées » .

Si les conditions selon lesquelles est autorisée la création de ce traitement automatisé de données sont fixées par le présent projet de loi, et dérogent donc aux dispositions générales en matière d'autorisation prévues au chapitre IV de la loi « Informatique et libertés » de 1978, le dispositif est entouré de garanties importantes.

Ainsi, les modalités d'application du présent article seront fixées par un décret en Conseil d'État , pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ce décret déterminera notamment :

- les catégories de données protégées et leur durée de conservation ;

- les destinataires habilités à recevoir communication de ces données ; il s'agit notamment des fournisseurs d'accès à Internet, pour les besoins de la consultation du répertoire national des abonnés faisant l'objet d'une mesure de suspension en cours de leur accès ;

- enfin, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées, c'est à dire celles faisant l'objet d'une procédure devant l'HADOPI, pourront exercer leur droit d'accès aux données les concernant.

Notons que ces dispositions font écho à l'article 29 de la loi de 1978 précitée, qui prévoit que les actes autorisant la création de traitements de données à caractère personnel doivent apporter des précisions relatives, notamment : à la dénomination et à la finalité du traitement, aux catégories de données à caractère personnel enregistrées, aux destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces données, ou encore au service auprès duquel s'exerce le droit d'accès à ces données.

II. La position de votre commission

Ainsi que cela vient d'être souligné, le projet de loi entoure de précautions la mise en oeuvre, par la Haute Autorité, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel nécessaire à l'exercice de sa mission de protection de la création sur les réseaux numériques.

Sous réserve de deux amendements visant à clarifier la rédaction proposée, votre commission vous propose d' adopter cet article.

Article L. 331-35 du code de la propriété intellectuelle - Définition des règles applicables à la procédure et à l'instruction des dossiers

Comme il est d'usage, et comme cela était prévu dans des termes proches à l'actuel article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle relatif à l'ARMT, cet article renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les règles applicables à la procédure et à l'instruction des dossiers devant le collège et la commission de protection des droits de la Haute Autorité.

Votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification .

Sous-section 3 - Mission d'observation de l'offre légale et de l'utilisation illicite d'oeuvres et d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sur Internet

Par coordination avec l'amendement proposé à l'article L. 331-13, confiant à la Haute Autorité une mission d'encouragement au développement de l'offre légale et d'observation de l'utilisation illicite des oeuvres et objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin, votre commission vous propose un amendement visant à modifier l'intitulé de cette sous-section.

Article L. 331-36 du code de la propriété intellectuelle - Publication d'indicateurs sur l'offre légale et l'utilisation illicite des oeuvres

I. Le texte du projet de loi

Cet article unique décline les attributions confiées à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, au titre de sa « mission d'observation de l'offre légale et de l'utilisation illicite d'oeuvres et d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sur internet », prévue à l'article L. 331-13.

La seule disposition d'ordre législatif ainsi prévue consiste à rendre publics des indicateurs dont la liste sera fixée par décret.

Cela tend notamment à donner une consécration législative à l'un des engagements pris par les pouvoirs publics dans le cadre des « Accords de l'Élysée » pour le développement et la protection des oeuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux, prévoyant la publication mensuelle d'un indicateur « mesurant, par échantillonnage, les volumes de téléchargement illicites de fichiers musicaux, d'oeuvres et de programmes audiovisuels et cinématographiques » .

Cet engagement traduit lui-même l'une des préconisations formulées par la « mission Olivennes » dans le rapport remis à la Ministre de la culture et de la communication en novembre 2007, en vue d'avoir une meilleure connaissance de l'ampleur réelle du phénomène de piratage et de son évolution. La mission suggérait en effet qu'un tel indicateur, « pertinent et dynamique » , puisse être publié « au maximum trimestriellement, de préférence mensuellement » : « il aurait une vertu informative et, éventuellement, dissuasive, si le constat de sa dérive conduisait les ayants droit et les pouvoirs publics à renforcer leur action. On introduirait ainsi une nécessaire culture du résultat dans la politique de « désincitation » à l'offre illégale. » Rappelons qu'il était également envisagé de compléter cet indicateur par des données issues des fournisseurs d'accès sur l'utilisation de leur bande passante, afin d' « identifier les « parts de marché » des quatre grands fournisseurs d'accès à Internet dans le piratage en pair-à-pair. »

II. La position de votre commission


• Votre commission partage la volonté, exprimée par l'ensemble des signataires des « Accords de l'Élysée », de mieux connaître le phénomène du piratage et son ampleur afin de lutter plus efficacement contre ce « fléau ». Il est donc opportun de confier à la Haute Autorité le soin de coordonner les efforts déployés en matière d'observation et d'évaluation statistique, actuellement dispersés entre plusieurs acteurs ou organismes, afin de donner une plus grande visibilité à ces informations.

Cela permettra notamment à la Haute Autorité de suivre concrètement l' impact de la mise en oeuvre du mécanisme de recommandation et de sanction sur le comportement des internautes, afin de pouvoir apprécier l'efficacité de ces mesures et, le cas échéant, recommander des adaptations qui seraient rendues nécessaires, par exemple en raison de l'évolution des technologies ou de l'émergence de nouveaux outils et services permettant de « pirater » les oeuvres protégées par un droit d'auteur ou un droit voisin.

Conformément à l'équilibre souhaité entre développement de l'offre légale et lutte contre l'offre illicite, ces indicateurs permettront également de mesurer l' évolution de l'offre légale . Il serait souhaitable, à cet égard, de prévoir au moins un indicateur prenant en compte un critère qualitatif de diversité culturelle : en effet, comme cela a été indiqué à votre rapporteur, la multiplication de l'offre en ligne rendue possible par la diffusion numérique des oeuvres aboutit, paradoxalement, à un appauvrissement de la diversité et à un resserrement des choix des consommateurs-internautes sur un nombre plus limité d'oeuvres. Ainsi les films ou titres musicaux les plus téléchargés sont également, à une très large majorité, les grands succès du moment.


• En outre, ainsi que cela était souligné par la « mission Olivennes » et prévu par les « Accords de l'Élysée », votre commission propose tout d'abord un amendement visant à préciser que ces indicateurs sont publiés régulièrement . Cela permet de laisser une certaine souplesse afin de définir la périodicité la plus pertinente, en fonction de la nature de chaque indicateur. Par ailleurs, un bilan sera retracé annuellement dans le rapport que remettra au Parlement et au Gouvernement la Haute Autorité.


• Enfin, votre commission propose, en cohérence avec l'amendement présenté à l'article L. 331-13, visant à souligner le caractère prioritaire de cette mission et l'étendre, au-delà de l'observation, à une mission plus « active » d'encouragement au développement de l'offre commerciale légale, d' étoffer les attributions confiées à la Haute Autorité à ce titre , par l'adoption d'un amendement ayant pour double objet :

- d'une part, de prévoir que l'HADOPI peut attribuer, sur leur demande, un label aux offres commerciales légales de contenus culturels en ligne, afin de renforcer la visibilité de cette offre et d'améliorer l' information de l'internaute ; un tel label vient d'être créé au Japon, ainsi que cela a été souligné plus haut ;

- d'autre part, de confier à l'HADOPI un rôle d' évaluation des expérimentations conduites par les professionnels en matière de technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage , conformément aux engagements pris par les signataires des « Accords de l'Élysée » ; elle en rendra compte dans le cadre de son rapport annuel et pourra donc être amenée à formuler des recommandations, en fonction des résultats constatés et de l'évolution des technologies.

Votre rapporteur rappelle, en effet, que dans le cadre de ces accords, les fournisseurs d'accès à Internet se sont notamment engagés, « dans un délai qui ne pourra excéder 24 mois à compter de la signature du présent accord » , « à collaborer avec les ayants droit sur les modalités d'expérimentation des technologies de filtrage des réseaux disponibles mais qui méritent des approfondissements préalables, et à les déployer si les résultats s'avèrent probants et la généralisation techniquement et financièrement réaliste » .

En parallèle, les plates-formes d'hébergement et de partage de contenus se sont engagées à collaborer avec les ayants droit en vue de « généraliser à court terme les techniques efficaces de reconnaissance de contenus et de filtrage, en déterminant notamment avec eux les technologies d'empreinte recevables, en parallèle aux catalogues de sources d'empreinte que les ayants droit doivent aider à constituer » et de « définir les conditions dans lesquelles ces techniques seront systématiquement mises en oeuvre » .

Le cadre de l'expérimentation est apparu le mieux adapté à des technologies évolutives , dont il n'est pas encore possible de mesurer la fiabilité et l'ensemble des implications. Dans son rapport précité, la « mission Olivennes » avait relevé, en effet, que « certaines méthodes envisageables, comme le filtrage, recourent à des outils technologiques de conception encore récente et connaissant une évolution très rapide. Ces solutions sont dignes d'intérêt si elles atteignent leur pleine maturité, grâce à un meilleur étalonnage de leurs performances et à une appréciation plus fine des conditions de leur déploiement à large échelle, notamment en termes de coût, d'architecture, de choix de technologies adaptées et de compréhension des conséquences induites sur les comportements des internautes. On ne peut pas exclure non plus que d'autres technologies soient disponibles à l'avenir et soient alors préférées. La politique à mener doit donc être incitative et favoriser les expérimentations, de sorte à accélérer l'adaptation des outils du contrôle aux évolutions de la technologie et des pratiques de piratage. »

Le présent amendement va dans ce sens en confiant ce rôle de suivi à la Haute Autorité.

Votre commission vous proposera, sous réserve, en outre, d'un amendement de coordination, d' adopter cet article ainsi modifié .

Article 3 - Création d'une sous-section regroupant les attributions de la Haute Autorité au titre de sa mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres

Cet article tend à créer, au sein du code de la propriété intellectuelle, une nouvelle sous-section regroupant les dispositions relatives à la « mission de régulation et de veille » exercée par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres protégées.

Cette sous-section 4 est insérée au sein de la section 3 relative à la Haute Autorité, créée par l'article 2 du projet de loi.

Elle regroupe les articles L. 331-37 à L. 331-43 du code de la propriété intellectuelle, correspondant, compte tenu des dispositions de coordination et des changements de numérotation prévus à l'article 1 er du projet de loi, aux actuels articles L. 331-6 à L. 331-8 et L. 331-13 à L. 331-17 du même code, introduits par la loi « DADVSI » du 1 er août 2006.

Ces dispositions concernent les prérogatives actuellement exercées par l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) au titre de sa mission générale de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres, que le projet de loi propose de confier à l'HADOPI , sans y apporter de modification sur le fond .


• Rappelons, tout d'abord, qu'aux termes de l'article L. 331-5 du CPI, introduit par la loi « DADVSI », on entend par « mesures techniques » : « toute technologie, dispositif, composant » destiné « à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme » ; ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation non autorisée « est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection. »

En outre, l'article L. 331-22, introduit par cette même loi, définit comme « information sous forme électronique » : « toute information fournie par un titulaire de droits qui permet d'identifier une oeuvre, une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme, un programme ou un titulaire de droit, toute information sur les conditions et modalités d'utilisation d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, ainsi que tout numéro ou code représentant tout ou partie de ces informations. »


• Les attributions exercées par l'ARMT, qui sont ainsi transférées à l'HADOPI en matière de régulation dans ce domaine consistent notamment à :

- veiller à ce que les mesures techniques de protection n'aient pas pour conséquence, « du fait de leur incompatibilité mutuelle ou de leur incapacité d'interopérer » , de limiter l'utilisation d'une oeuvre au-delà de l'effet souhaité ; à cette fin, l'autorité peut être saisie par « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service » , afin de lui demander de « garantir l'interopérabilité des systèmes et des services existants (...) et d'obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à cette interopérabilité » (article L. 331-7, qui devient l'article L. 331-38) ; à défaut d'un accord entre les parties, l'autorité peut émettre une injonction en ce sens, au besoin sous astreinte ; elle a, en outre, le pouvoir d'infliger une sanction pécuniaire en cas d'inexécution de ses injonctions ou de non-respect des engagements acceptés ;

- déterminer les modalités d'exercice des exceptions aux droits d'auteur et aux droits voisins et veiller à ce que la mise en oeuvre des mesures techniques n'ait pas pour effet de priver les bénéficiaires de ces exceptions ; en ce sens, l'autorité peut recevoir des saisines en cas de différend portant sur les restrictions que les mesures techniques de protection apportent au bénéfice de ces exceptions (article L. 331-13, qui devient l'article L. 331-39) ; à défaut de conciliation, l'autorité peut émettre une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte, les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l'exception (article L. 331-15 qui devient l'article L. 331-41) ;

- enfin, rendre compte des évolutions les plus marquantes constatées dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et de leur impact prévisible sur la diffusion des contenus culturels ; à ce titre, la Haute autorité pourra, comme c'est actuellement le cas pour l'ARMT, « être consultée par les commissions parlementaires sur les adaptations de l'encadrement législatif que ces évolutions rendraient nécessaires » (article L. 331-17, qui devient l'article L. 331-42).

Votre commission a proposé, à l'article 1 er , de supprimer cette dernière attribution, par coordination avec les amendements qu'elle propose par ailleurs, et de la remplacer par une possibilité de saisine pour avis. En effet, l'HADOPI rendra compte de l'exercice de l'ensemble de ses missions dans le cadre de son rapport annuel. Elle pourra être consultée par le Parlement sur l'ensemble de ses domaines de compétences.

Votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification .

Article 4 - Abrogation de dispositions du code de la propriété intellectuelle

Cet article propose d'abroger deux dispositions du code de la propriété intellectuelle, par coordination avec les modifications qui sont proposées par les articles 5 et 6 du présent projet de loi :

- d'une part, le 4° de l'article L. 332-1 , issu de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (article 8), auquel se substituent les dispositions introduites par l' article 5 du présent projet de loi 56 ( * ) ;

- l' article L. 335-12 , issu d'un amendement adopté à l'initiative du Sénat dans le cadre de la loi « DADVSI » du 1 er août 2006 (article 25) et instituant une obligation, pour l'internaute, de veiller à ce que son accès ne soit pas autorisé à des fins de reproduction ou de représentation non autorisée d'une oeuvre protégée ; en effet, ces dispositions sont remplacées par celles introduites à l'article L. 336-3 nouveau du CPI par l'article 6 du projet de loi 57 ( * ) , visant à donner sa pleine portée à cette obligation, qui sert de fondement au mécanisme d'avertissement et de sanction mis en place par l'HADOPI.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel avant l'article 5 - Modification de l'intitulé d'un chapitre
du code de la propriété intellectuelle

Votre commission propose de modifier l'intitulé du Chapitre VI du Titre III du Livre III du code de la propriété intellectuelle, pour viser, au-delà de la « Prévention du téléchargement illicite », la « Prévention du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'oeuvres protégées ».

En effet, comme cela a été souligné plus haut, la notion de téléchargement apparaît restrictive par rapport aux différents moyens permettant de porter atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin sur Internet.

Ainsi, le projet de loi ne vise pas seulement les actes de téléchargement (« download ») mais également les actes de mise à disposition de fichiers (« upload ») , par exemple dans le cadre de services d'échanges et de partage de fichiers ou encore de « streaming » , c'est à dire d'écoute ou de visionnage en ligne, sans possibilité - sauf logiciel particulier - de télécharger.

Le présent amendement propose de compléter et d'adapter, en conséquence, l'intitulé du chapitre VI.

Votre commission vous demandera d' adopter cet article additionnel .

Article 5 - Procédure devant le président du tribunal de grande instance
pour faire cesser les atteintes aux droits d'auteur et aux droits voisins
sur les services de communication en ligne

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, visant à modifier l'exercice, par l'autorité judiciaire, de la procédure spécifique permettant de faire cesser les atteintes aux droits d'auteur et aux droits voisins sur les services de communication en ligne, actuellement régie par le 4° de l'article L. 332-1 de ce même code.

I. Le droit existant

Le 4° de l'article L. 332-1 du CPI a été introduit par l'article 8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), aux fins de transposer la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information 58 ( * ) .

Aux termes de l'article 8 de cette directive : « Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les titulaires de droits dont les intérêts sont lésés par une infraction commise sur son territoire puissent intenter une action en dommages-intérêts et/ou demander qu'une ordonnance sur requête soit rendue ainsi que, le cas échéant, demander la saisie du matériel concerné par l'infraction ainsi que des dispositifs, produits ou composants (...). Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu'une ordonnance sur requête soit rendue à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin. »

Le choix du législateur fut alors de recourir au cadre préexistant de la procédure de saisie-contrefaçon , déjà prévue à l'article L. 332-1 du CPI.

Cette procédure est destinée à apporter la preuve matérielle des actes de contrefaçon, et à en assurer la suspension provisoire, en attendant le jugement au fond. Elle peut être exécutée selon deux modalités :

- le requérant - à savoir l'auteur d'une oeuvre protégée, ses ayants droit ou ses ayants cause - peut, par simple requête au commissaire de police, exiger que ce dernier, ou à défaut le juge d'instance, aille pratiquer une saisie réelle et probatoire des exemplaires constituant une reproduction illicite de cette oeuvre ou « tout exemplaire, produit, appareil, dispositif, composant ou moyen portant atteinte aux mesures techniques » de protection ;

- la saisie peut également intervenir par voie d' ordonnance sur requête du président du Tribunal de grande instance , qu'il s'agisse notamment de :

. retarder ou suspendre des représentations ou exécutions publiques en cours ou annoncées,

. faire suspendre toute fabrication en cours tendant à la reproduction illicite d'une oeuvre,

. saisir les exemplaires constituant une reproduction illicite de l'oeuvre, déjà fabriqués ou en cours de réalisation, ainsi que les recettes réalisées et les exemplaires illicitement utilisés,

. ou encore saisir les recettes provenant de toute reproduction, représentation ou diffusion d'une oeuvre de l'esprit, en violation des droits de l'auteur.

La loi du 21 juin 2004 a étendu cette faculté, sous les mêmes formes, à « la suspension, par tout moyen, du contenu d'un service de communication au public en ligne portant atteinte à l'un des droits de l'auteur, y compris en ordonnant de cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, de cesser d'en permettre l'accès . Le délai dans lequel la mainlevée ou le cantonnement des effets de cette mesure peuvent être demandés par le défendeur est fixé par voie réglementaire. »

Les titulaires de droits voisins sont également fondés à demander au président du tribunal de grande instance d'intervenir selon cette même procédure, en vue de faire cesser toute atteinte à leurs droits occasionnée par le contenu d'un service de communication en ligne.

Notons que cette disposition a également répondu à l'une des préconisations du Conseil d'État, dans son étude de 1998 sur « Internet et les réseaux numériques », qui soulignait déjà la nécessité de renforcer la lutte contre la contrefaçon sur Internet, le risque de contrefaçon étant « beaucoup plus élevé dans ce nouvel environnement dans la mesure où la copie numérique d'une oeuvre est en réalité identique à l'original » . L'une des recommandations formulées en ce sens consistait, notamment, à « donner la faculté au président du tribunal de grande instance d'ordonner, à titre conservatoire, à tout fournisseur d'accès ou d'hébergement la coupure de l'accès au contenu contrefaisant ».

La voie de l' ordonnance sur requête , outre le fait qu'elle était explicitement préconisée par la directive de 2001, est alors apparue comme la plus efficace, dans la mesure où elle permet une intervention rapide : en effet, elle est « exécutoire au seul vu de la minute » (article 495 du Code de procédure civile) ; en outre, en principe engagée à l'insu de la partie adverse, afin de créer un « effet de surprise », elle ne suppose pas une procédure contradictoire a priori .

II. Le texte du projet de loi

1. Une procédure contradictoire confiée au président du TGI


• Ainsi que le souligne l'exposé des motifs, la modification apportée par le présent article répond au souci de renforcer l'efficacité et le caractère contradictoire de la procédure visée au 4° de l'article L. 331-2 du CPI.

- En effet, le président du TGI statue actuellement sur requête, donc de façon non contradictoire : si l'ordonnance sur requête doit être motivée (article 495 du Code de procédure civile), il s'agit toutefois d' « une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » (article 493 du même code). A l'occasion de la transposition de la directive de 2001, d'autres pays européens - tels que la Belgique notamment - ont préféré mettre en place une action en référé ou une action contradictoire à bref délai.

- En outre, le Gouvernement relève que l'introduction des dispositions relatives aux contenus d'un service en ligne au sein de la procédure de saisie contrefaçon « induit des complications inutiles au regard de la finalité réelle de cette action » , dans la mesure où elle fait obligation au requérant de saisir, en parallèle, la juridiction au fond , dans les conditions prévues à l'article L. 332-3 du CPI : cet article prévoit que « faute par le saisissant de saisir la juridiction compétente dans un délai fixé par voie réglementaire, mainlevée de cette saisie pourra être ordonnée à la demande du saisi ou du tiers saisi par le président du tribunal, statuant en référé ».


• En réponse à ces observations, le présent article substitue à la procédure de saisie-contrefaçon, en cas d'atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de communication au public en ligne, une procédure spécifique, également confiée au président du Tribunal de grande instance .

Ce dernier peut statuer au fond ou, le cas échéant, « en la forme des référés » , c'est à dire sans être pour autant juge des référés, puisqu'il est juge au fond. L'ordonnance prise en cette forme a autorité de la chose jugée.

Le président du TGI peut intervenir à la demande :

- des titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés ou de leurs ayants droits ;

- des sociétés de perception et de répartition des droits ;

- des organismes de défense professionnelle.

Il peut ordonner :

- toute mesure de suspension ou de filtrage des contenus portant atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, c'est-à-dire toute mesure aboutissant à interrompre ou interdire ce contenu, par exemple en exigeant son retrait par le ou les hébergeur(s) du site ou des sites sur lesquels il est mis à disposition ;

- et, de façon cumulative, toute mesure de restriction de l'accès à ces contenus .

Sont visées par ces mesures « toute personne en situation de contribuer à y remédier ou de contribuer à éviter son renouvellement » , c'est à dire notamment les opérateurs de communications électroniques que sont les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs de services.

2. Une disposition spécifique à lire à la lumière de celles, plus générales, sur la responsabilité des opérateurs, issues de la loi pour la confiance dans l'économie numérique


• En application de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, les opérateurs n'ont qu'une « irresponsabilité conditionnelle » 59 ( * ) , au civil et au pénal, à l'égard des contenus qu'ils « hébergent » 60 ( * ) ou dont ils assurent la transmission et l'accès 61 ( * ) . Cela renvoie, s'agissant des fournisseurs d'accès, au principe de neutralité technologique.

En effet, l'article 6, alinéa 2, de cette loi précise que : « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible . »

Les « hébergeurs » ainsi visés et « les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne » - c'est-à-dire les fournisseurs d'accès à Internet - ne sont pas soumis « à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent (...) » , en application de l'article 6, alinéa 7, de cette même loi.

En revanche, ces opérateurs doivent coopérer avec les autorités publiques en matière de lutte contre l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale et la pornographie enfantine. A cet effet, ils doivent notamment mettre en place « un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données » ; ils ont également l'obligation d'informer les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites qui leur seraient ainsi signalées.

Par ailleurs, l'autorité judiciaire peut prescrire, à tout « hébergeur » de services, « ou, à défaut » , à tout personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne. » (article 6, alinéa 8, de la loi précitée) 62 ( * ) .

La jurisprudence donne une interprétation large de cette disposition : à l'obligation ponctuelle de faire cesser le trouble par le retrait du contenu (ce que les juristes anglo-saxons appellent le « take down » ) s'ajoute en général celle de déployer des moyens afin que le trouble ne se reproduise plus (principe du « stay down » ) : l'hébergeur doit donc à la fois retirer le contenu illicite et veiller à prévenir toute rediffusion ultérieure.


• Par ailleurs, un arrêt de la Cour de Cassation de juin 2008 63 ( * ) a permis de préciser la portée de ces dispositions.

Diverses associations avaient déposé plainte afin de dénoncer le caractère négationniste du site « Aaargh » , puis saisi en référé le président du Tribunal de grande instance de demandes dirigées contre les services hébergeurs de ce site d'une part, et contre différents fournisseurs d'accès à Internet d'autre part, afin d'en faire interdire l'accès. Ces derniers ont contesté la décision du juge des référés leur faisant injonction de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l'accès à ce contenu à partir du territoire français, en invoquant, notamment la « violation du principe de subsidiarité » qui résulterait des dispositions précitées de l'article 6, alinéa 8.

Or, la Cour a rejeté ce grief, considérant que la prescription, aux FAI, de « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne » « n'est pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d'hébergement » , celle-ci s'étant en l'occurrence révélée inopérante. En outre, la Cour n'a pas considéré cette prescription, non limitée dans le temps, contraire au principe de proportionnalité.

Les dispositions spécifiques prévues par le présent article, s'agissant des mesures destinées à mettre fin aux atteintes portées aux droits des créateurs par le contenu d'un service de communication au public en ligne, sont donc à lire à la lumière de la jurisprudence relative aux dispositions plus générales prévues par la loi du 21 juin 2004.

III. La position de votre commission

Le présent article tend à renforcer l'efficacité de l'intervention de l'autorité judiciaire, en l'occurrence du président du Tribunal de grande instance, en vue de faire cesser toute atteinte portée à un droit d'auteur ou un droit voisin sur Internet.

La modification apportée par rapport au droit existant, introduit dans le cadre de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, porte essentiellement sur la forme, puisque le juge n'interviendra plus dans le cadre de la procédure de saisie-contrefaçon, qui s'est avérée lourde et inadaptée en l'espèce. Des garanties supplémentaires sont apportées par rapport à la situation actuelle, puisque la procédure sera désormais contradictoire , que le juge statue en référé ou au fond.

Enfin, les prérogatives dont disposera le juge en vue de faire cesser toute atteinte restent quasiment inchangées.

Néanmoins, parmi ces prérogatives, le présent article mentionne la possibilité d'ordonner un « filtrage des contenus » concernés, ce qui n'était pas explicite dans la rédaction actuelle, bien que pouvant être sous-entendu dans la formulation « toute mesure de suspension (...), y compris en ordonnant de cesser de stocker un contenu ou, à défaut, de cesser d'en permettre l'accès » . En effet, d'après la définition qui en est donnée dans la note technique annexée au rapport de la « mission Olivennes », on entend par « filtrage des contenus » le recours, par les fournisseurs d'accès à Internet, à des techniques consistant à déceler et pouvoir bloquer des données préalablement marquées quand elles transitent sur les réseaux .

Votre rapporteur a pu entendre, au cours de ses auditions, les critiques et fortes réserves que la présence de ce terme suscite chez les opérateurs , eu égard, tout d'abord, au manque d'efficacité avéré de tels dispositifs, jugés aisément contournables en l'état actuel de l'art, et aux coûts que cela représenterait en cas de déploiement à grande échelle des techniques de reconnaissance des contenus.

Ils soulignent, ensuite, que l'emploi inopiné de ce terme au sein de cet article entre en contradiction avec les « Accords de l'Élysée » du 23 novembre 2007, dans le cadre desquels les fournisseurs d'accès à Internet se sont engagés à collaborer avec les ayants droit « sur les modalités d'expérimentation des technologies de filtrage des réseaux disponibles mais qui méritent des approfondissements préalables » , avant d'envisager toute généralisation éventuelle.

Votre rapporteur souhaite que cet engagement soit tenu : à cet effet, il propose, à l'article 2 (article L. 331-36) un amendement visant à confier à la Haute Autorité l'évaluation des expérimentations conduites par les professionnels en la matière.

Il apparaît donc prématuré et inopportun de mentionner dans un texte de loi le recours aux technologies spécifiques de « filtrage des contenus », qui ne constituent que l'un des modes de filtrage des réseaux possibles et ne feront, dans un premier temps, que l'objet d'expérimentations.

Notons que le juge ne sera pas privé pour autant de ses prérogatives et que le dispositif ne sera pas privé de sa portée et de son efficacité : en effet, les mesures prévues visant à la « suspension » de ces contenus et la « restriction de l'accès » à ceux-ci renvoient, plus globalement, à une « obligation de résultat », sans qu'il soit nécessaire de définir, en parallèle, une « obligation de moyen », en précisant, de façon quelque peu redondante et forcément non exhaustive, le recours à des moyens techniques spécifiques.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un amendement visant à supprimer la référence à un « filtrage des contenus » . Elle vous propose ensuite d' adopter cet article ainsi modifié .

Article 6 - Obligation de surveillance de l'accès à Internet
par le titulaire de l'abonnement

Cet article tend à définir l'obligation, pour le titulaire de l'abonnement, de surveillance de son accès à Internet, qui constitue le fondement juridique du mécanisme de recommandation et de sanction défini à l'article 2 du projet de loi.

I. Le texte du projet de loi


• Votre rapporteur rappelle, au préalable, que l'obligation posée par le présent article fait écho aux dispositions actuellement prévues par l'article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle, introduit dans le cadre de la loi « DADVSI » du 1 er août 2006 (article 25) par la voie d'un amendement sénatorial .

Cet article L. 335-12 est ainsi rédigé : « Le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II, lorsqu'elle est requise, en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès en application du premier alinéa du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. »

Le nouvel article L. 336-3, dont le présent article propose la création, se substitue à ces dispositions, abrogées par l'article 4 du projet de loi, tout en leur donnant leur pleine portée.


La définition de la nouvelle obligation de surveillance de l'accès à Internet

Cette obligation, mise à la charge du « titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne » , consiste à « veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise. »

Le champ d'application de cette obligation est plus large que celui actuellement couvert par l'article L. 335-12, puisque, au-delà de la reproduction et de la représentation d'oeuvres, sont également visées la mise à disposition et la communication au public de ces oeuvres protégées.


Le manquement à cette obligation : fondement du dispositif de recommandation et de sanction prévu par le projet de loi

Le deuxième alinéa du présent article précise que le manquement à l'obligation ainsi définie « peut donner lieu à sanction » , dans les conditions définies par l'article L. 331-25 du CPI - introduit par l'article 2 du projet de loi 64 ( * ) -, c'est-à-dire si l'abonné a persisté à méconnaître cette obligation dans l'année suivant la réception d'une recommandation lui enjoignant de s'y conformer.


• Les causes exonératoires de responsabilité

Les alinéas suivants prévoient trois conditions dans lesquelles la responsabilité du titulaire de l'abonnement ne pourra être retenue :

- La première est le fait d' avoir mis en oeuvre des moyens de sécurisation figurant sur la liste établie par la Haute Autorité en application de l'article L. 331-30, et « regardés comme efficaces » , aux termes de cet article, pour prévenir les manquements à l'obligation définie plus haut.

Or, cette cause ne sera invoquée que dès lors qu'une atteinte à un droit de propriété littéraire et artistique aura été constatée, autrement dit que le moyen de sécurisation considéré comme efficace ne l'aura pas été de facto .

Cette disposition s'articule, en outre, avec celle prévue par l'article 8 du projet de loi, qui tend à obliger les fournisseurs d'accès à Internet à informer leurs abonnés de l'existence de « moyens techniques » permettant de prévenir l'utilisation de leur accès à des fins de « piratage ».

- La deuxième cause d'exonération est liée à l'intrusion frauduleuse d'un tiers , à moins que cette personne « ne soit placée sous l'autorité ou la surveillance du titulaire de l'accès » .

Concrètement, cela signifie que cette cause exonératoire de responsabilité ne peut être invoquée si le manquement constaté est, par exemple, le fait d'un enfant du titulaire de l'abonnement ou de toute autre personne (conjoint, autre personne du foyer, colocataire, etc.) susceptible de faire habituellement usage de cet accès à Internet.

Cela conduit donc à responsabiliser le titulaire de l'accès à l'égard de son entourage proche et notamment du cercle familial .

Rappelons qu'à côté de la responsabilité pour fait personnel 65 ( * ) , le droit civil reconnaît une « responsabilité pour fait d'autrui », définie à l'article 1384 du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. » Ainsi, le père et la mère sont solidairement obligés de réparer les préjudices causés par leurs enfants mineurs.

L'article 1383 du même code prévoit, en outre, que « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence » .

Au-delà des différentes situations dans lesquelles pourra s'appliquer ce principe, la responsabilité du titulaire de l'engagement ne sera pas retenue.

Tel pourra être le cas, par exemple, si l'abonné est victime d'une intrusion frauduleuse, in situ ou à distance, sur son serveur. A cet égard, votre rapporteur rappelle qu'il existe par ailleurs une sanction pénale spécifique à l'égard des « hackers » : ainsi, en application de l'article 323-1 du code pénal, « le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

Relevons que de telles situations devraient rester exceptionnelles.

- La troisième et dernière clause est le cas de force majeure , qui constitue une clause « balai » traditionnelle, dont la traduction concrète n'apparaît pas aisément, mais qui permet néanmoins de se prémunir contre toute autre situation dans laquelle le titulaire de l'accès serait fondé, en toute bonne foi, à contester les manquements qui lui seront opposés.

III. La position de la commission

La définition, par le présent article, de causes exonératoires de responsabilité contribuent à encadrer le dispositif d'avertissement et de sanction afin de garantir aux usagers de l'Internet des moyens de recours objectifs contre une décision de sanction prononcée à leur encontre.

Il convient néanmoins d'avoir une lecture précise de ces causes afin qu'elles ne puissent donner lieu à des interprétations extensives qui contribueraient à vider partiellement de sa portée la démarche préventive du projet de loi.

A cet égard, l'attention de votre rapporteur a été attirée sur les modalités selon lesquelles les abonnés pourront apporter la preuve de leur « bonne foi » dans l'invocation de ces causes d'exonération. La question se pose notamment s'agissant de la première, c'est à dire du fait d'avoir mis en place un moyen de sécurisation de son accès. En effet, l 'HADOPI devra pouvoir obtenir une assurance de ce que ce moyen a été non seulement installé, mais également qu'il se trouvait « activé » au moment du manquement constaté , et donc dans un état normal de fonctionnement.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, une solution serait de proposer aux titulaires de l'accès des conditions analogues à celles qui sont actuellement acceptées par les utilisateurs de logiciels de sécurité (antivirus, pare-feu, contrôle parental...) : en effet, certaines licences d'utilisation de ces logiciels prévoient un dialogue à distance automatique et régulier entre le logiciel et le serveur de l'éditeur, pour vérifier l'état des mises à jour. Cela comprend l'envoi, par l'ordinateur de l'utilisateur, de données précisant son identifiant et son état de fonctionnement.

Dans le cas présent, le serveur de l'éditeur du logiciel vérifierait, à chaque connexion, que les dernières mises à jour ont été installées. Les informations recueillies, conservées douze mois, attesteraient de l'activité du logiciel. Le titulaire de l'accès invoquant la cause d'exonération pourrait ainsi, dans l'hypothèse où l'HADOPI lui adresserait une demande de justificatifs, produire le fichier de « logs » qu'il aurait alors demandé à l'éditeur de son logiciel.

Toutefois, les logiciels de sécurisation offrent d'ordinaire la possibilité de désactiver ce système de mise à jour. Il conviendrait à cet égard de prévoir à la charge des fournisseurs de moyens de sécurisation une obligation d'information, par exemple sous la forme d'une étape dans le processus de désactivation où il serait demandé à l'utilisateur de certifier qu'il a bien pris connaissance des risques encourus en cas de désactivation.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement visant à préciser la rédaction de cet article. Il s'agit de prévoir qu'une demande d'exonération de responsabilité pour ce motif ne pourra être invoquée que si le moyen de sécurisation mis en place par l'abonné est l'un de ceux figurant sur la liste établie par l'HADOPI , qui auront été préalablement agréés. La possibilité de vérifier, a posteriori , l'activation effective du logiciel au moment du manquement constaté devrait être l'un des critères permettant à la Haute Autorité d'apprécier l'efficacité de ces moyens techniques.

Sous réserve, en outre, de deux amendements d'ordre rédactionnel , votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Article 7 - Dispositions de coordination

Cet article tend à tirer les conséquences des modifications introduites par le projet de loi.

Il modifie ainsi l'article L. 342-3-1 du code de la propriété intellectuelle : résultant de l'article 29 de la loi « DADVSI » du 1 er août 2006, cet article a pour objet d'assurer une protection juridique aux mesures techniques protégeant les droits des producteurs de bases de données.

Ainsi, le I du présent article procède, par coordination avec les changements de numérotation et de structure du code de la propriété intellectuelle tels que prévus à l'article 1 er du projet de loi, à des modifications portant sur les renvois à d'autres dispositions du même code. Ces dernières concernent, en l'occurrence, les conditions selon lesquelles le recours aux mesures techniques de protection ne doit pas entraver le bénéfice effectif des exceptions légales au droit d'auteur et aux droits voisins.

Le II tend à substituer, à l'Autorité de régulation des mesures techniques, la Haute Autorité instituée par le projet de loi, comme organe compétent pour connaître des différends en ce domaine, dans le cadre de sa mission de régulation.

Votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification .

CHAPITRE II - Dispositions modifiant la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
Article 8 - Information des abonnés, par les fournisseurs d'accès à Internet, sur les moyens techniques de sécurisation de cet accès

Le présent article tend à compléter l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, précitée, afin de prévoir une information des abonnés, par leur fournisseur d'accès à Internet, sur les moyens techniques leur permettant de sécuriser cet accès contre une utilisation frauduleuse au regard du respect de la propriété intellectuelle des créateurs.

I. Le texte du projet de loi


• Votre rapporteur rappelle, au préalable, que la loi du 21 juin 2004 a déjà prévu, dans son article 6 (1° du paragraphe I), que « les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne informent leurs abonnés de l'existence de moyens techniques permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner et leur proposent au moins un de ces moyens . »

Rappelons que cette disposition n'a fait que modifier à la marge l'article 43-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, adopté dans le cadre de la loi du 1 er août 2000 66 ( * ) , qui proposait lui-même une réécriture limitée de l'ancien article 43-1 de la loi de 1986, introduit par la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications 67 ( * ) .

Cette obligation renvoie notamment aux dispositifs de « contrôle parental » , permettant aux parents de protéger leurs enfants face au risque d'exposition à des images ou informations violentes ou pornographiques lorsqu'ils naviguent sur internet, et/ou de leur en limiter l'usage. Ces outils reposent en général sur un logiciel approprié, qu'il appartient à l'internaute d'installer sur son terminal, et qui permet d'opérer un filtrage de certaines catégories de contenus et d'en interdire l'accès, en particulier pour leur caractère choquant. Ils peuvent soit interdire l'accès aux sites dont l'adresse est répertoriée sur une « liste noire », dressée par l'éditeur du logiciel ou par l'utilisateur, soit refuser les adresses ou les contenus comportant des mots indésirables (filtrage par mots clés) ou ne permettre l'accès qu'à certains sites dont les adresses sont répertoriées dans une « liste blanche ».


Le présent article propose de compléter ces dispositions afin d'ajouter, dans un nouvel alinéa, que les fournisseurs d'accès à internet devront également informer leurs abonnés de l'existence de « moyens techniques » permettant de prévenir l'utilisation frauduleuse de leur accès , à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public, sans l'autorisation requise, d'oeuvres ou objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin.

Votre rapporteur rappelle que la mise en oeuvre, par le titulaire de l'abonnement, de ces « moyens de sécurisation » est par ailleurs l'une des clauses exonératoires de responsabilité prévues par l'article 6 du projet de loi, au regard du manquement à l'obligation de surveillance de l'accès à Internet définie à l'article L. 336-3 nouveau du CPI.

En outre, le projet de loi confie à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet la tâche d'établir « la liste de moyens de sécurisation regardés comme efficaces » pour prévenir les manquements à l'obligation, pour l'abonné, de surveillance de son accès (article L. 331-30 nouveau, créé par l'article 2 du projet de loi).

II. La position de la commission

L'information qu'il appartiendra ainsi aux fournisseurs d'accès à Internet de délivrer à leurs abonnés revêt une certaine importance au sein du dispositif global de prévention du « piratage » que le présent projet de loi propose de mettre en place, dans la mesure où la preuve de l'installation - et de l'activation - de tels moyens techniques permettra à l'internaute de faire valoir, le cas échéant, qu'il n'est pas responsable d'un manquement à l'obligation de surveillance de son accès.

Néanmoins, cette exonération de responsabilité ne s'appliquera, aux termes de l'article 6, que si les moyens de sécurisation mis en place figurent sur la liste, établie par la Haute Autorité, des moyens « regardés comme efficaces » .

Or, dans la rédaction proposée, le présent article encadre de façon insuffisante le rôle d'information confié aux fournisseurs d'accès . Ainsi, on pourrait envisager qu'un abonné se retourne vers son FAI s'il a installé, en toute « bonne foi », l'un des moyens recommandé par celui-ci mais qui ne serait pas considéré comme efficace par l'HADOPI et qui, par conséquent, ne l'autoriserait pas, en cas de manquement constaté, à faire valoir la clause d'exonération de responsabilité.

Si le caractère infaillible de ces moyens de sécurisation est, certes, non avéré ou pour le moins très délicat à démontrer, leur agrément par l'HADOPI - encadré par un amendement proposé par votre commission à l'article 2 - offrira néanmoins une certaine garantie pour l'internaute.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un amendement ayant pour double objet :

- de préciser que l'information délivrée par les fournisseurs d'accès portera sur les moyens de sécurisation figurant sur la liste établie par la Haute Autorité en application de l'article L. 331-30 nouveau du CPI, afin d'apporter une garantie, certes relative, mais néanmoins objective, de leur efficacité ; votre rapporteur rappelle que la possibilité de vérifier, à un instant « t », que le dispositif de sécurisation était bien activé devra faire partie des critères permettant de considérer un tel outil comme efficace, car cela servira d' élément de preuve pour faire valoir, en cas de décision de sanction, la clause d'exonération de responsabilité ;

- de rétablir, en outre, une certaine symétrie avec le premier alinéa relatif aux dispositifs de « contrôle parental », en prévoyant, de la même façon, que les fournisseurs d'accès à Internet devront proposer à leurs abonnés au moins l'un de ces moyens de sécurisation ; ils auront d'ailleurs tout intérêt à proposer ce service dans le cadre de leur offre commerciale, ainsi qu'à apporter des informations pratiques et une assistance à leurs abonnés sur les façons d'installer et de paramétrer de tels outils.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

CHAPITRE III - Dispositions modifiant le code des postes et des communications électroniques
Article 9 - Modification du code des postes et télécommunications électroniques

Cet article tend à modifier le II de l'article 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques (CPCE), afin de permettre à la Haute Autorité, instituée par l'article 2 du projet de loi, de disposer des données techniques nécessaires à l'exercice de sa mission.

I. Le droit existant


• Aux termes du I de l'article 34-1 du CPCE, le principe général s'imposant aux opérateurs de communications électroniques, et notamment aux fournisseurs d'accès à Internet, est d' effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative au trafic en ligne.


• Les paragraphes suivants déclinent, cependant, une série d'exceptions à ce principe.

Ainsi, le paragraphe II prévoit qu' « il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques » :

- « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales »,

- « et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations » .

Notons qu'une autre exception, prévue au paragraphe III, permet aux opérateurs de conserver certaines de ces données « pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de communications électroniques » .


• Le paragraphe V de l'article 34-1 encadre les catégories de données susceptibles d'être ainsi conservées et traitées, dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s'agit « exclusivement » des données portant sur :

- l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs,

- les caractéristiques techniques des communications,

- et la localisation des équipements terminaux.

En sont exclues les données portant sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées dans le cadre de ces communications.

II. Le texte du projet de loi

Le I du présent article autorise l'utilisation de certaines données de trafic générées par les communications électroniques non seulement pour la répression des infractions pénales, mais également pour la constatation et la poursuite des manquements à l'obligation de surveillance, par les abonnés, de leur accès à Internet, définie à l'article 6 du présent projet de loi (article L. 336-3 nouveau du code de la propriété intellectuelle).

De fait, le II prévoit que ces informations techniques peuvent être mises à disposition non seulement du juge, mais également de la Haute Autorité instituée à l'article 2 du projet de loi, compétente pour constater ces manquements et prévenir leur renouvellement.

Ainsi que l'ont rappelé plusieurs décisions récentes, déjà citées par votre rapporteur dans l'exposé général, cette extension du champ d'application de l'autorisation de conservation de ces données relatives au trafic en ligne est nécessaire pour permettre à la Haute Autorité d'exercer sa mission dans les conditions prévues par le présent projet de loi :

- en effet, dans sa décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004 concernant la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, le Conseil Constitutionnel avait validé la disposition autorisant les sociétés d'auteurs à constituer des traitements de données à caractère personnel, tout en rappelant que « les données ainsi recueillies ne pourront, en vertu de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire » ;

- en outre, dans la décision SACEM et autres du 23 mai 2007, le Conseil d'État, tout an annulant, au final, la décision de la CNIL de refuser l'autorisation à ces sociétés d'ayant-droits de mettre en oeuvre un traitement de données à caractère personnel, avait néanmoins souligné que la Commission avait « relevé à bon droit que les traitements envisagés ayant pour finalité l'envoi de messages pédagogiques étaient contraires aux dispositions (...) de l'article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques, telles qu'interprétées par la décision 2004-499 DC du 29 juillet 2004 » , dans la mesure où ces messages n'avaient pas pour but la mise à disposition d'informations à l'autorité judiciaire pour le besoin de la poursuite des infractions pénales.

III. La position de votre commission


• Cet article apporte une modification de coordination qui est néanmoins essentielle à l'exercice, par la Haute Autorité, de ses attributions en matière de prévention du piratage et de protection des droits des créateurs.

En effet, afin de procéder à l'examen des faits et de constater la matérialité des manquements à l'obligation définie à l'article 6 du projet de loi, la commission de protection des droits et les agents publics habilités et mis à sa disposition doivent pouvoir avoir accès aux données techniques conservées par les opérateurs de communications électroniques. En ce sens, l'article L. 331-20 nouveau du code de la propriété intellectuelle, introduit par l'article 2 du projet de loi, les autorise à demander communication de ces données, pour les nécessités de la procédure. Cette autorisation est entourée de garanties en termes de respect de la vie privée, tant par l'impartialité et l'indépendance des membres de la commission de protection des droits et de ses agents, astreints au secret professionnel, que par les conditions de conservation et de traitement de ces données définies par le projet de loi 68 ( * ) .

Notons, par ailleurs, que l'objectif poursuivi est le même que celui qui avait conduit le Conseil constitutionnel, dans la décision précitée, à valider l'autorisation donnée par le législateur aux sociétés d'ayants droit de mettre en oeuvre de tels traitements de données : « lutter contre les nouvelles pratiques de contrefaçon qui se développent sur le réseau internet » et répondre ainsi « à l'objectif d'intérêt général qui s'attache à la sauvegarde de la propriété intellectuelle et de la création culturelle » 69 ( * ) . Au niveau européen, c'est également ce principe de proportionnalité que la jurisprudence s'attache à apprécier à l'égard des mesures susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Le but légitime défendu par le projet de loi ne saurait contredire ce principe, comme l'a d'ailleurs implicitement reconnu, dan un arrêt récent, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) 70 ( * ) .

Le seul obstacle restait donc la rédaction de l'article 34-1 du CPCE, limitant au seul juge, dans le cadre de procédure pénale, l'accès à ces données.


• Votre rapporteur, relève, par ailleurs, eu égard à la question soulevée par l'ARCEP dans l'avis rendu sur le projet de loi 71 ( * ) et aux demandes des fournisseurs d'accès d'ancrer, dans ce texte, le principe d'une compensation des coûts que sa mise en oeuvre pourrait entraîner, que cela est déjà encadré par les dispositions générales de l'article 34-1 du CPCE. Cet article précise, en effet, qu'un décret en Conseil d'État détermine notamment, « le cas échéant, les modalités de compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'État, par les opérateurs » . Ces modalités ont été précisées par le décret n° 2006-358 du 24 mars 2006 relatif à la conservation des données des communications électroniques, modifiant l'article R. 10-13 du même code.

Si compensation il y a, celle-ci sera déterminée dans le cadre de ce décret. Il n'est cependant pas évident qu'elle soit justifiée en l'espèce. Votre rapporteur souligne, à cet égard, qu'en Grande-Bretagne, les fournisseurs d'accès se sont engagés dans un cadre contractuel à coopérer avec les ayants droit pour la mise en oeuvre d'un dispositif similaire au nôtre, sans demander de compensation financière.

Sous réserve de ces observations, votre commission propose d' adopter cet article sans modification .

CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS LE CHAPITRE III - Dispositions modifiant le code de l'industrie cinématographique

Votre commission vous propose d'insérer un chapitre additionnel au sein du code de l'éducation.

Article additionnel après l'article 9 - (articles L.30-4 à L.30-7 du code de l'industrie cinématographique)
Dispositions modifiant le code de l'industrie cinématographique

I. Le droit existant

La chronologie des médias a pour objectif d'établir l'ordre et les délais devant être respectés pour l'exploitation d'une oeuvre cinématographique , depuis sa sortie en salle jusqu'à sa diffusion sur une chaîne de télévision non cryptée gratuite.

A l'origine, l'instauration d'une chronologie des médias est née du souhait de protéger les exploitants de salles de cinéma face à la concurrence de plus en plus vive de la télévision et de la vente de vidéocassettes. Elle s'est enrichie de nouvelles « fenêtres » au fur et à mesure du développement de nouveaux modes de diffusion, tels que la télévision par câble, la vidéo à la demande (VoD), le pay per view, ...

D'abord établie par voie d'usages, elle a ensuite fait l'objet d'une législation spécifique, laquelle renvoie les parties à des accords conventionnels.

Au niveau européen, la directive dite « télévision sans frontières » du 3 octobre 1989 modifiée tendait à privilégier l'établissement d'accords intra-professionnels à la voie législative ou réglementaire pour régir la chronologie des médias. Par la loi du loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la France est allée dans ce sens, en prévoyant que « les contrats conclus par un éditeur de services de télévision en vue de l'acquisition de droits de diffusion d'une oeuvre cinématographique prévoient le délai au terme duquel la diffusion de celle-ci peut intervenir ». De même, il est prévu que « lorsqu'il existe un accord entre une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie cinématographique et un éditeur de services portant sur les délais applicables à un ou plusieurs types d'exploitation télévisuelle des oeuvres cinématographiques, les délais de diffusion prévus par cet accord s'imposent à l'éditeur de services. ».

Aujourd'hui, le régime de la chronologie des médias est donc fixé de manière conventionnelle, de façon à tenir compte de la stratégie commerciale des ayants-droit et du fait que l'ensemble des modes de diffusion doit contribuer au financement de la création et de la production cinématographique.

Le 20 décembre 2005, une charte entre les fournisseurs d'accès à internet et les professionnels du secteur du cinéma été signée. Elle établissait la chronologie des médias en mettant fin à une incertitude juridique quant à la place devant être occupée par la VoD : désormais, les acteurs concernés peuvent proposer les films dans leur catalogue 33 semaines après leur sortie au cinéma. Néanmoins, des délais plus longs peuvent être envisagés dès lors que le film est un succès commercial. En revanche, le CNC peut autoriser, à titre dérogatoire, une exploitation plus rapide lorsque le film connaît un échec.

CONTENU DE L'ACCORD DE 2005

Délai pour la première exploitation

Mode d'exploitation

Dès l'obtention du visa d'exploitation

exploitation en salles

6 mois

vente et location de supports vidéographiques (DVD)

33 semaines

vidéo à la demande (VoD)

9 mois

télévision payante à la séance ou "pay per view"

12 mois

télévision cryptée par abonnement

24 mois

télévision non cryptée gratuite coproductrice du film

36 mois

télévision non cryptée gratuite

- Un accord dont la renégociation s'avère difficile

Cette charte avait été établie pour une durée d'un an mais des difficultés sont apparues lors des renégociations de l'accord en décembre 2006. Le blocage n'est toujours pas résolu et trouve sa source essentiellement dans les délais concernant la VoD.

Ainsi que notre collègue Serge Lagauche l'a souligné dans son rapport sur le budget consacré au cinéma pour 2008, ce débat s'est poursuivi en 2007 et cette question peine à faire consensus parmi les professionnels.

Un certain nombre d'entre eux estiment nécessaire de modifier cette chronologie, en alignant le régime de la VoD sur celui applicable à la vidéo physique (c'est-à-dire six mois après la sortie en salle). Une telle mesure leur semble de nature à permettre le développement d'offres légales de VoD larges et attractives. D'autres professionnels, notamment les exploitants de salles, craignent qu'une réduction du délai imposé pour la diffusion des VoD n'entraîne un affaiblissement des salles de cinéma, ceci alors même que la contribution des salles à la création cinématographique est plus importante que tout autre diffuseur (50 % de la recette guichet est reversée aux ayants-droit, contre 20 % pour la vidéo, 9 % pour Canal + et 3,2 % pour les chaînes en clair). Certains craignent également qu'une telle disposition ne déstabilise le marché de la vidéo physique (qui représente 1,7 milliard d'euros) pour favoriser l'émergence de ce nouveau support qu'est la VoD.

Dans leur rapport du 28 mars 2008 sur « le cinéma et le droit de la concurrence », Mme Anne Perrot, vice-présidente du Conseil de la concurrence, et M. Jean-Pierre Leclerc, président honoraire de section au Conseil d'Etat ont proposé que soit fixée par accord interprofessionnel la fenêtre d'exploitation des services de vidéo à la demande afin de préserver la chronologie des médias.

Pourtant, on ne peut que constater, pour le regretter, que le débat n'a que peu évolué depuis la signature des Accords de l'Élysée, voilà presque un an.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur a constaté cependant, à l'occasion de ses auditions, qu'un consensus pourrait être trouvé assez rapidement, au moins pour ce qui concerne le délai fixé pour la vidéo à la demande. Pour la plupart des acteurs du marché, il apparaît en outre nécessaire de réexaminer la chronologie globale des médias. Les professionnels concernés attendent le vote et la mise en oeuvre de la présente loi, afin que la révision de la chronologie des médias puisse encourager le développement des marchés légaux et non profiter aux internautes « pirates ».

Votre commission attache de l'importance à ce que, parallèlement au vote de la loi, les négociations reprennent sans tarder. A cette fin, et pour renforcer l'impact de ce volet essentiel des Accords de l'Élysée, elle propose de prévoir les modalités de sa mise en oeuvre en modifiant le code de l'industrie cinématographique.

C'est pourquoi elle a souhaité prévoir des mesures de nature à encourager le développement de l'offre légale d'oeuvres culturelles , condition nécessaire pour ramener les internautes vers un usage licite d'Internet.

A cet effet, elle vous propose d'adopter un article additionnel après l'article 9 tendant à fixer un cadre aux engagements pris par les professionnels dans le domaine de la révision de la « chronologie des médias ».

Il s'agit d'insérer quatre nouveaux articles au sein du code de l'industrie cinématographique : l'article 30-4 porte sur la chronologie des médias en matière de vidéo ; l'article 30-5 vise quant à lui les délais applicables aux services de médias audiovisuels ; l'article 30-6 prévoit certaines modalités d'application communes aux deux articles précédents ; l'article 30-7 met en place certaines sanctions administratives.

L'objectif général de cette mesure est de donner une base juridique solide au dispositif de chronologie des médias, afin de préserver le principe de fenêtres d'exploitation successives des oeuvres et d'assurer la priorité de la salle comme lieu privilégié de rencontre des oeuvres cinématographiques et du public.

De manière générale, ce nouveau dispositif met en avant la concertation professionnelle en renvoyant à des accords collectifs le soin de fixer librement les délais applicables, dans l'esprit des accords de l'Élysée conclus à la suite du rapport Olivennes, et de la directive européenne.

Toutefois, pour assurer la cohérence et la pleine efficacité de la chronologie des médias par une application harmonisée des délais, l'amendement permet aux pouvoirs publics d'étendre les accords professionnels lorsque ceux-ci sont suffisamment représentatifs du secteur d'activité concerné. En outre, dans le cas particulier de la vidéo et de la vidéo à la demande, qui constituent les premiers modes d'exploitation après la salle, il est apparu nécessaire de mettre en place un délai réglementaire s'appliquant de plein droit à défaut d'accord professionnel ayant pu être étendu à l'ensemble des opérateurs, afin de sécuriser le délai de ces modes d'exploitation.


• Article 30-4

Ce premier article concerne le domaine de la vidéo. Ce secteur, qui ne relève pas des domaines coordonnés par la directive « Télévision sans frontières » (TVSF) et la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels » (SMA), est aujourd'hui le seul secteur pour lequel le délai d'exploitation des oeuvres cinématographiques est fixé par la réglementation. Le régime du délai vidéo repose sur l'article 89 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et le décret n° 83-4 du 4 janvier 1983, en application desquels le délai de principe est d'un an à compter du visa d'exploitation, avec des dérogations possibles accordées par le ministre de la culture pouvant aller jusqu'à six mois à compter de la date de sortie en salles. La méconnaissance du délai par toute personne est sanctionnée pénalement par l'article 79 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

L'article propose l'introduction d'un mécanisme conventionnel tout en maintenant un encadrement réglementaire.

La voie de l'accord interprofessionnel se situe en effet dans la suite logique des concertations devant avoir lieu dans le cadre du réaménagement de la chronologie des médias prévu par les accords de l'Élysée. Le délai serait donc convenu dans le cadre d'un accord professionnel entre organisations représentatives du secteur du cinéma et du secteur de la vidéo, secteurs d'activité dans lesquels les professionnels se sont en effet largement structurés de manière collective.

Afin de permettre de généraliser le délai issu de la négociation, l'article prévoit que l'accord interprofessionnel peut faire l'objet d'une extension à l'ensemble des intéressés du secteur, selon des modalités et conditions prévues par le nouvel article 30-6 qui sera étudié plus loin.

En ce qui concerne le point de départ du délai vidéo, l'article retient la date de sortie en salles de l'oeuvre cinématographique, alors que dans le dispositif existant, le point de départ de principe est la date du visa d'exploitation, celle de la sortie en salles s'appliquant en cas de dérogation. Toutefois, la date de sortie en salles semble en effet plus pertinente, d'une part parce qu'elle correspond à la pratique dans le cadre du régime actuel, et, d'autre part car elle représente par définition le début de l'exploitation effective de l'oeuvre.

Enfin, comme il a été indiqué plus haut, l'article maintient un encadrement, en prévoyant l'application de plein droit d'un délai réglementaire à défaut d'accord professionnel rendu obligatoire par extension.

Ainsi, tout en mettant en avant la négociation professionnelle comme premier mode de fixation du délai, le nouveau dispositif permet d'assurer la mise en place d'un délai homogène, que ce soit par le biais d'un accord professionnel étendu ou, lorsque la négociation n'a pu aboutir à un accord suffisamment large, par l'application du délai réglementaire.


• Article 30-5

Cet article concerne le domaine des services de médias audiovisuels, c'est-à-dire les services de télévision et les services à la demande (VOD).

Aujourd'hui, le régime des délais de diffusion des oeuvres cinématographiques sur les services de télévision relève de l'article 70-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui a transposé la directive TVSF sur la base d'un dispositif conventionnel. Le délai doit ainsi être prévu dans le contrat individuel d'acquisition de droits de diffusion, mais s'il existe un accord professionnel auquel est partie l'éditeur de services en cause, le délai convenu dans cet accord collectif s'impose à l'éditeur. Quelques accords professionnels ont été conclus sur ce fondement à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

Pour les services à la demande, il n'existait pas jusqu'à présent de dispositif législatif ou réglementaire en matière de chronologie des médias. Un protocole d'accord interprofessionnel, aujourd'hui caduc, avait toutefois été conclu en 2005. La directive SMA de décembre 2007 a étendu le champ d'application de la directive TVSF aux services non linéaires ou à la demande. Le présent article permet donc la transposition de la directive SMA en donnant un cadre juridique aux délais d'exploitation des oeuvres cinématographiques sur ces nouveaux services.

Dans la mesure où la directive SMA maintient les principes posés dans la directive TVSF en ce qui concerne la chronologie applicable aux services de médias audiovisuels, l'article reprend en substance le dispositif de base existant pour les services de télévision, en l'étendant aux services à la demande. Ainsi, le contrat d'acquisition de droits conclu par un éditeur de services de télévision ou de services de médias à la demande prévoit le délai à l'issue duquel peut intervenir la diffusion télévisuelle ou l'exploitation à la demande d'une oeuvre cinématographique, l'éditeur étant tenu de respecter le délai stipulé dans un accord professionnel auquel il est partie.

Afin de tenir compte de la spécificité des opérateurs concernés mais aussi des inconvénients constatés dans le cadre du régime actuel applicable aux services de télévision, l'article propose de le compléter et d'en renforcer l'efficacité.

Il est tout d'abord prévu que l'accord professionnel peut porter sur une ou plusieurs catégories de services. En effet, et plus spécifiquement pour les services de télévision, les délais de diffusion, tels que fixés dans les accords professionnels existants, diffèrent selon le type de services concerné : chaîne de cinéma de première fenêtre, de deuxième fenêtre, chaîne de paiement à la séance, chaîne en clair. Outre le fait de reconnaître expressément cette particularité, qui procède d'ailleurs de distinctions opérées par le droit de la communication audiovisuelle, cette précision est également utile dans le cadre du dispositif d'extension des accords professionnels qui sera proposé ci-après (cf. infra art. 30-6).

Comme en matière de vidéo, il est en effet proposé d'entériner les résultats de la négociation professionnelle en prévoyant la possibilité d'extension des accords. Il s'agit ainsi de permettre une application harmonisée du délai convenu par voie interprofessionnelle, en le rendant obligatoire à l'ensemble des opérateurs concernés. Pour les services de télévision, cette possibilité permettrait ainsi de pallier l'inconvénient du champ très restreint des accords conclus dans le cadre du dispositif existant, ceux-ci ne couvrant que les chaînes en clair et leurs filiales, et les principales chaînes de cinéma. Ce périmètre, déjà limité à l'époque de la conclusion des accords, l'est d'autant plus aujourd'hui au regard du foisonnement des chaînes existantes sur les différents réseaux de diffusion.

Pour les services de médias à la demande, l'article instaure un dispositif similaire à celui de la vidéo selon lequel, à défaut d'accord professionnel étendu, un décret prévoit un délai applicable de plein droit. Cette disposition vise à assurer la cohérence des régimes de la VOD et de la vidéo physique et à sécuriser un délai minimum applicable aux premiers modes d'exploitation suivant la salle. En encourageant toujours la concertation professionnelle, le dispositif permet ainsi, eu égard au nombre et à la variété des opérateurs, d'aboutir à un délai homogène favorisant la lisibilité et la simplicité de la règle applicable et assurant le développement de ces nouveaux services dans des conditions qui ne perturbent pas l'équilibre général du circuit de financement du cinéma.

Quant aux modalités d'extension, elles sont renvoyées, comme dans l'article 30-4 pour la vidéo, à l'article 30-6.


• Article 30-6

Cet article prévoit les conditions dans lesquelles les accords professionnels conclus en application des articles 30-4 et 30-5 peuvent être étendus.

Tout d'abord, l'article retient la compétence du ministre concerné, en l'occurrence le ministre chargé de la culture, pour procéder à l'extension de l'accord par arrêté. Cette solution est classique par rapport aux dispositifs existants en droit du travail ou au mécanisme récemment introduit dans le code de la propriété intellectuelle en matière d'accords relatifs à la rémunération des auteurs (art. L132-25).

En s'inspirant toujours des modèles existants, l'article prévoit que les accords peuvent être rendus obligatoires à l'ensemble des intéressés d'un secteur d'activité à la condition que leurs signataires soient représentatifs de ce secteur. Cette représentativité est généralement assurée par le biais des organisations professionnelles.

Il convient toutefois d'adapter ce dispositif d'extension particulier à la spécificité des secteurs concernés en l'espèce. En effet, si le secteur du cinéma ou celui de la vidéo sont suffisamment structurés, l'organisation collective est beaucoup plus limitée dans le secteur de la télévision et embryonnaire dans le secteur des services à la demande. C'est pourquoi l'article retient différents cas de figure permettant l'extension des accords professionnels, selon la qualité des signataires représentatifs. Si les accords doivent avoir été signés d'une part par des organisations professionnelles représentatives du secteur du cinéma, ils peuvent, en fonction du secteur concerné et de son degré d'organisation collective, être signés d'autre part :

- soit également par des organisations professionnelles représentatives (par exemple pour la vidéo) ;

- soit par un ensemble d'éditeurs représentatifs (par exemple pour la VOD) ;

- soit par les deux (par exemple pour la télévision, un accord signé avec une organisation professionnelle regroupant certaines chaînes et plusieurs autres éditeurs à titre individuel).

En termes de représentativité, l'article tient compte, comme il a déjà été souligné plus haut, de la particularité des services de télévision, pour lesquels les délais de diffusion peuvent être fixés par catégorie de services. Ainsi, lorsque l'accord est signé avec un ensemble d'éditeurs de services, l'article prévoit que ceux-ci peuvent être représentatifs d'une ou plusieurs catégories de services. Dans ce cas, les « éditeurs de services concernés » par l'extension au sens de l'article 30-5 seront ceux appartenant à la ou aux catégories de services visées.

Enfin, l'article pose certains critères permettant d'apprécier la représentativité d'une organisation professionnelle ou d'un ensemble d'éditeurs de services, en termes de nombre et d'importance sur le marché. Toutefois, ceux-ci ne sont pas exhaustifs et il est prévu, sur le modèle du droit du travail, qu'une organisation ou un ensemble éditeurs fournissent au ministre, le cas échéant, tout élément d'appréciation dont ils disposent afin de déterminer leur représentativité.


• Article 30-7

Cet article prévoit l'application d'une sanction administrative en cas de non respect, d'une part d'un accord étendu, et d'autre part du délai réglementaire prévu en matière de vidéo et de services de médias audiovisuels à la demande, lorsque celui-ci s'applique de plein droit.

En ce qui concerne tout d'abord le respect du délai réglementaire, le régime actuel de la vidéo étant pénalement sanctionné, il est apparu utile de maintenir une sanction, tout en adaptant sa nature au nouveau mode de fixation du délai. Le nouveau dispositif prévoyant un encadrement réglementaire identique pour la vidéo et les services à la demande, il est cohérent que la sanction s'applique de manière uniforme à ces deux types d'exploitation.

Ensuite, lorsqu'un accord professionnel est suffisamment représentatif d'un secteur d'activité concerné pour être étendu par arrêté du ministre chargé de la culture et revêtir ainsi un caractère réglementaire, il a semblé légitime, pour en assurer la bonne application, qu'une sanction administrative soit également prévue dans ce cas.

Quant à la nature de la sanction, l'article renvoie aux dispositions du 2° de l'article 13 du code de l'industrie cinématographique relatif au régime des sanctions administratives prévues par le droit du cinéma. Elle prend la forme d'une amende au profit du Centre national de la cinématographie pouvant aller jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires. Il convient toutefois de souligner qu'en pratique, l'amende effectivement prononcée est très largement inférieure au maximum encouru.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS LE CHAPITRE III - Dispositions modifiant le code de l'éducation

Après l'article 9, votre commission vous propose d'insérer un chapitre additionnel comportant un article additionnel modifiant le code de l'éducation .

Article additionnel après l'article 9 - Sensibilisation des élèves aux risques liés aux usages d'Internet et aux dangers du piratage

Cet article additionnel tend à compléter l'article L. 312-9 de ce code, qui prévoit actuellement que « tous les élèves sont initiés à la technologie et à l'usage de l'informatique » . L'objectif est de renforcer la dimension pédagogique du projet de loi, en prévoyant que, dans le cadre de ces enseignements et notamment de la préparation au Brevet informatique et Internet (B2i) , tous les élèves sont sensibilisés aux dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'oeuvres culturelles pour la création artistique. Ils sont également informés des sanctions prévues en application du présent projet de loi, ou en cas de délit de contrefaçon.

Il s'agira notamment d'expliquer ce que signifie la notion de propriété artistique et intellectuelle, dont le sens apparaît parfois bien vague, a fortiori pour des enfants ou adolescents.

En outre, votre rapporteur a pu mesurer, au cours de ses auditions, que les risques d'exposition des enfants à des images choquantes sont élevées sur Internet, y compris sur les plateformes proposant par ailleurs de la musique ou des films piratés. Selon les informations transmises à votre rapporteur par les représentants de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) lors de leur audition, plusieurs millions d'images pédopornographiques circulent en permanence sur Internet et 90 % des enfants auraient ainsi été confrontés au moins une fois à des contenus choquants, violents voire à caractère pornographique.

Cet amendement contribue ainsi à apporter une réponse à ces enjeux, en vue de susciter une prise de conscience forte de la part de l'éducation nationale, même si la responsabilité des familles est première sur cette question comme tant d'autre.

Votre commission vous demandera d' adopter deux amendements tendant à insérer ce chapitre et cet article additionnels .

CHAPITRE IV - Dispositions diverses
Article 10 - Conditions d'entrée en vigueur

Cet article fixe les modalités d'entrée en vigueur des dispositions du texte de loi.

I. Le texte du projet de loi

Dans la mesure où il n'est pas prévu de date différée d'entrée en vigueur, la loi sera applicable, en pratique, dès lors que les décrets d'application qu'elle prévoit auront été pris.


• A cet égard, le I du présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités selon lesquelles entreront en vigueur les dispositions du projet de loi imposant des obligations nouvelles aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI). Sont visées les dispositions suivantes, introduites par l'article 2 du projet de loi :

- l'injonction, adressée au FAI par la commission de protection des droits de l'HADOPI, de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours, la mesure de suspension de l'accès à Internet (article L. 331-29) ;

- l'obligation de vérifier, à l'occasion de la conclusion de tout nouveau contrat, si le cocontractant figure sur le répertoire national des personnes faisant l'objet d'une mesure de suspension, en cours, de leur accès à Internet (article L. 331-31) ;

- enfin, l'obligation de faire figurer, dans les contrats, la mention de l'obligation, pour les abonnés, de surveillance de leur accès à Internet définie à article 6 du projet de loi et des mesures pouvant être prises en cas de manquement à cette obligation (article L. 331-32).

Rappelons qu'aux termes du projet de loi, le FAI est passible d'une sanction pécuniaire s'il ne se conforme pas à ces deux premières obligations.

Ce décret en Conseil d'État fixe notamment les modalités transitoires d'application de ces dispositions concernant les contrats en cours.


• Les paragraphes II et III comprennent des dispositions transitoires rendues nécessaires par la transformation de l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) en Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Afin d'assurer une certaine continuité , il est prévu :

- d'une part (II), que la première exerce ses prérogatives actuelles jusqu'à ce que l'HADOPI se réunisse pour la première fois ;

- d'autre part (III), que les procédures qui seront en cours devant l'ARMT (en application de l'article L. 331-7 du CPI 72 ( * ) s'agissant de la garantie d'interopérabilité des systèmes et services existants) à la date de première réunion de l'HADOPI seront poursuivies, « de plein droit » , devant le collège de cette nouvelle Haute Autorité.

II. La position de la commission

Votre rapporteur s'est interrogé, dans un premier temps, sur la pertinence qu'il y aurait à fixer un délai limite pour l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi, et notamment celles relatives aux obligations incombant aux fournisseurs d'accès à Internet. En effet, ce délai doit être « raisonnable », certes, pour permettre aux FAI d'adapter leurs systèmes d'information et répondre aux injonctions de la Haute Autorité, mais suffisamment bref, néanmoins, pour ne pas entraver la mise en oeuvre du dispositif proposé par le projet de loi.

Notons que dans la mesure où la décision de suspension de l'accès à Internet n'interviendra qu'après l'envoi de messages d'avertissement préalables à la sanction, un délai de plusieurs mois à compter de la mise en oeuvre effective des dispositions du projet de loi est ainsi laissé aux FAI pour se préparer à appliquer ces mesures. Il semble donc préférable de laisser une certaine souplesse aux acteurs sans fixer de délai précis.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification .

Article 11- Modalités d'application outre-mer

Le présent article fixe les modalités d'application des dispositions du projet de loi dans les collectivités d'outre-mer.

Le paragraphe I précise que ces dispositions ne sont pas applicables en Polynésie française.

En effet, le projet de loi ne se rattache pas à une compétence de l'Etat dans ce territoire, en application de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. En outre, cette loi a explicitement prévu, au 2° de son article 91, que le conseil des ministres de cette collectivité « crée, réglemente et fixe les tarifs des organismes chargés des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs » , ce qui conduit à penser, en l'absence de dispositions inverses, que le droit de la propriété intellectuelle relève désormais de cette collectivité.

Le projet de loi s'appliquera, en revanche, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie 73 ( * ) ainsi que, de plein droit et donc sans qu'il soit nécessaire que la loi le précise, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Le paragraphe II modifie, de façon formelle, l'article L. 811-1 du code de la propriété intellectuelle, fixant les modalités d'application de ce code à Mayotte, dans les Terres australes et antarctiques françaises, aux îles Wallis et Futuna et en Nouvelle Calédonie, en vue de tenir compte de la loi organique n° 2007-223 et de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. En effet, celles-ci ont prévu, à compter du 1 er janvier 2008, une application de plein droit, à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises, des dispositions relevant du droit civil, telles que celles relatives à la propriété intellectuelle.

En revanche, le présent article reprend les exceptions existantes à ce principe d'application de plein droit dans ces deux collectivités, concernant la rémunération au titre du prêt en bibliothèque (articles L. 133-1 à L. 133-4 et quatrième alinéa de l'article L. 335-4) ainsi que, s'agissant des TAAF, plusieurs dispositions relatives à la qualification en propriété industrielle (l'inscription sur la liste des personnes qualifiées en matière de propriété industrielle - articles L. 421-1 et 421-2 -, les conditions d'exercice de la profession de conseil en propriété industrielle - articles L. 422-1 à 422-13).

Votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification .

* *

*

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé , les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote.

* 44 Précisons que cette terminologie vise également les modèles économiques dits gratuits, c'est-à-dire pour lesquels la rémunération s'exerce via la publicité sur le site.

* 45 Rapport n° 404 présenté par M. Patrice Gélard au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la législation : « Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié » (juin 2006).

* 46 Ce budget se décompose de la manière suivante :

- les frais de personnels permanents, estimés à 0,9 million d'euros ;

- les indemnités des membres du collège et des rapporteurs, estimés à 0,2 million d'euros ;

- les frais de fonctionnement, estimés à 5,6 millions d'euros (dont les dépenses informatiques à hauteur de 2 millions d'euros, la mise sous pli et l'envoi des lettres recommandées, à hauteur de 3 millions d'euros, la permanence téléphonique d'information et les frais de fonctionnement divers, à hauteur de 0,6 million d'euros).

* 47 Instituée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

* 48 Aux termes de l'article L. 32 du CPCE, « on entend par données relatives au trafic toutes les données traitées en vue de l'acheminement d'une communication par un réseau de communications électroniques ou en vue de sa facturation. »

* 49 Modifié par le décret n° 2006-358 du 24 mars 2006 relatif à la conservation des données des communications électroniques.

* 50 Notons qu'en application de l'article 9 du projet de loi, cette disposition réglementaire devra être modifiée afin de prévoir également les besoins de la constatation des manquements à l'obligation définie par le présent projet de loi.

* 51 Ce serait le cas de l'ordre de 20 millions d'ordinateurs, selon les estimations indicatives transmises par le CGTI.

* 52 Le premier alinéa de cet article 17-1 est ainsi rédigé : « Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'État, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. »

* 53 Article 10 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).

* 54 Article 20 de la loi n° 78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 55 Voir la Partie III de l'exposé général. Les FAI s'étaient engagés, dans le cadre de cette charte, à « organiser une campagne de communication auprès de leurs abonnés pour les informer du caractère illicite des échanges non autorisés de fichiers protégés par la propriété littéraire et artistique ainsi que des risques encourus ».

* 56 Voir le commentaire de l'article 5 ci-dessous.

* 57 Voir le commentaire de l'article 6 ci-dessous.

* 58 Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil.

* 59 Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, rapport de la commission spécialisée sur les prestataires de l'Internet, présidée par M. Pierre Sirinelli, 2008.

* 60 Article 6, alinéa 2 suivant de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

* 61 Article 9 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, modifiant les articles L. 32-3-3 et L. 32-3-4 code des postes et communications électroniques.

* 62 Voir par exemple la décision « Lafesse contre Daily Motion », Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris, 3 e chambre, 1 re section, jugement rendu le 15 avril 2008 : selon le TGI, « la société Daily Motion a engagé sa responsabilité d'hébergeur en ne retirant pas promptement les vidéos dont le caractère manifestement illicite pour reproduire des extraits de sketches insérés dans le DVD (...), avait été porté à sa connaissance par M. Jean-Yves Lafesse. » En conséquence, le juge a enjoint à ladite société à qui les contenus de dix DVD et de 5 CD ont été communiqués « de cesser par tout moyen toute rediffusion de ces contenus , à l'adresse url www.dailymotion.com , et ce dans le délai de 48 heures à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour, passé ce délai » ; il l'a également condamnée à verser 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'atteinte au droit moral du créateur.

* 63 Arrêt n° 707 du 19 juin 2008, Cour de cassation, Première chambre civile, « Association des fournisseurs d'accès et de service internet et autres c. Association l'Union des étudiants juifs de France et autres ».

* 64 Voir le commentaire de cet article ci-dessus.

* 65 Selon l'article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

* 66 Loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

* 67 Cet article 43-1 prévoyait déjà que « toute personne dont l'activité est d'offrir un service de connexion à un ou plusieurs services de communication audiovisuelle mentionnés au 1° de l'article 43 est tenue de proposer à ses clients un moyen technique leur permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner ».

* 68 Voir le commentaire de l'article 2 du projet de loi (articles L. 331-33 et L. 331-34).

* 69 Décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004 concernant la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

* 70 CJCE, 29 janvier 2008, Productores de musica de Espana, Promusicae c. Telefonica de Espana (arrêt « Promusicae »).

* 71 Avis n° 2008-0547 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, 6 mai 2008. L'ARCEP relevait notamment que « le projet ne prévoit pas de compensation financière pour les fournisseurs d'accès Internet concernant leurs prestations pour le compte de l'HADOPI (...). L'autorité tient à souligner que conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, les coûts que représente pour les opérateurs le concours apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, ne sauraient leur incomber directement dès lors que les dépenses qui en résultent sont étrangères à l'activité d'exploitation des réseaux. Par extension, il en est de même pour les fournisseurs d'accès Internet. Les coûts envisagés comprennent, d'une part, les coûts d'étude et de développement et, d'autre part, les coûts de traitement quotidien des injonctions. Ils seront notamment relatifs au mécanisme d'identification des internautes, au processus de suspension des accès Internet sur injonction de l'HADOPI, au processus de consultation du fichier des abonnés interdits à l'occasion de la conclusion d'un contrat d'abonnement. Ainsi, en cohérence avec les dispositions en vigueur en matière de réquisitions judiciaires, il conviendra de prévoir le principe d'une juste rémunération des fournisseurs d'accès Internet pour leurs concours aux missions d'intérêt général poursuivies par l'HADOPI. »

* 72 Cet article devient, aux termes de l'article 1 er du projet de loi, l'article L. 331-38 du même code.

* 73 Aucune loi du pays n'ayant porté transfert de compétence dans le domaine de la propriété intellectuelle, en application des articles 21 (III) et 26 (4°) de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, dans les six mois suivant le début du mandat du Congrès élu en 2004, l'État demeure à ce jour compétent en ce domaine.

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