B. LE DISPOSITIF ADOPTÉ

S'inspirant de cette dernière disposition, l'article 3 de la loi du 23 janvier 2006 a modifié l'article 78-2 du code de procédure pénale afin d'étendre les possibilités de procéder à des contrôles d'identité systématiques à bord des trains internationaux, au-delà de la bande des vingt kilomètres. Jusqu'au 31 décembre 2008, les contrôles d'identité peuvent être effectués, d'une part, entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà de la zone des 20 kilomètres et, d'autre part, entre ce premier arrêt situé à 20 kilomètres de la frontière et un autre arrêt situé dans la limite des 50 kilomètres suivants. Dans ce second cas, les contrôles ne peuvent être opérés que sur des lignes internationales présentant des caractéristiques particulières de dessertes, fixées par arrêté ministériel. De même, la liste des arrêts concernés devait également être définie par cet arrêté.

Ces dispositions sont devenues applicables jusqu'au 31 décembre 2008 avec la publication de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 26 avril 2006 publié au Journal Officiel le 10 mai 2006 .

Cet aménagement de l'article 78-2 du code de procédure pénale tient au fait que les trains ne s'arrêtent plus dans les gares frontalières, du fait notamment du développement des lignes à grande vitesse.

Bien qu'il s'agisse d'une nouvelle exception au principe des 20 kilomètres, cette mesure pose moins de difficultés au regard de la liberté d'aller et venir. En effet, la possibilité de procéder à des contrôles d'identité dans la zone des 20 kilomètres s'applique indifféremment aux personnes traversant la frontière et à celles résidant ou se trouvant dans cette zone. Au contraire, les personnes contrôlées dans les trains transnationaux, même au-delà des 20 kilomètres, sont indiscutablement des voyageurs transnationaux. Les contrôles d'identité y sont donc mieux ciblés qu'ils ne peuvent l'être dans la zone terrestre des 20 kilomètres.

C. PREMIER BILAN

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, cette disposition a été largement utilisée par le Service national de la police ferroviaire 5 ( * ) sur les liaisons ferroviaires avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse et l'Italie. Des patrouilles mixtes ont été créées et auraient permis de nombreuses interpellations.

Le rapport d'évaluation pour 2008 indique que plusieurs centaines d'interpellation ont été réalisées depuis le début de l'année. Ainsi, dans la continuité de la frontière franco-allemande, 254 interpellations ont eu lieu, dont 155 concernant des étrangers en situation irrégulière, depuis avril 2008. Aux autres frontières, les interpellations sont moins nombreuses, mais on relève 72 interpellations entre la Belgique et la France.

Tous les contrôles se font dans le cadre de patrouilles mixtes avec nos partenaires européens. Ces patrouilles ne sont pas quotidiennes, à l'exception de celles avec l'Allemagne, et leur fréquence varie selon les lignes.

M. Christophe Chaboud, responsable de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), a indiqué que si les interpellations relevaient le plus souvent de la lutte contre l'immigration clandestine, elles contribuaient néanmoins à lutter contre l'utilisation de faux documents d'identité auxquels les réseaux terroristes recourent fréquemment.

M. Renaud Bernhardt, chef d'état-major à la direction centrale de la police aux frontières, a par ailleurs expliqué que lors de ces contrôles, des personnes signalées étaient identifiées, sans être interpellées, et faisaient l'objet d'un rapport aux services compétents, notamment en matière de lutte antiterroriste. Ce travail de renseignement permet de mieux cerner leurs déplacements et de connaître, le cas échéant, les personnes avec lesquelles elles voyagent.

Votre rapporteur estime que l'article 3 de la LAT ne pose pas de difficulté particulière et qu'il permet de mener dans de bonnes conditions des contrôles normaux entre deux frontières. M. Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'homme, a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur que cet article n'appelait pas de remarques particulières.

Rappelons également que les contrôles d'identité étaient déjà possibles dans les gares internationales désignées par arrêté. Il est préférable de contrôler les personnes à bord du train plutôt qu'à leur descente à la fois pour réduire le nombre d'agents mobilisés lors de ces contrôles et pour réduire la gêne occasionnée aux passagers.

Dans son rapport sur l'application de la LAT 6 ( * ) , la commission des lois de l'Assemblée nationale relève néanmoins une difficulté d'interprétation. En effet, par deux ordonnances, la Cour d'appel de Bordeaux a estimé illégale l'interpellation d'étrangers en situation irrégulière consécutive à des contrôles d'identité effectués dans un train circulant dans le sens France/étranger. Selon la Cour, la rédaction retenue en 2006 ne permettrait d'opérer des contrôles d'identités que dans le sens étranger/France, et non dans le sens inverse, considérant qu'il ne pouvait alors pas s'agir de contrôles migratoires.

Les personnes entendues par votre rapporteur ont également mentionné ces décisions de justice, lesquelles restent toutefois isolées.

Votre rapporteur juge cette interprétation de l'article 3 de la LAT très restrictive, le législateur n'ayant pas souhaité limiter ces contrôles aux seuls trains entrants. Une telle interprétation n'aurait d'ailleurs pas de sens alors que chaque Etat membre a une responsabilité vis-à-vis de l'ensemble des autres Etats membres. En outre, ces contrôles sont de plus en plus pratiqués par des patrouilles mixtes. Une telle distinction en fonction du sens de circulation semble relativement artificielle.

Votre commission estime que la rédaction de l'article 3 de la LAT est suffisamment claire et n'appelle donc pas de précisions, la volonté du législateur étant sans ambiguïté.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose de proroger l'application de l'article 9 de la LAT jusqu'au 31 décembre 2012.

* 5 Ce service a été créé par un arrêté du 27 juin 2006.

* 6 Rapport d'information n° 683 (XIIIème législature) de MM. Eric Diard et Julien Dray.

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