N° 1231


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

N° 76


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 4 novembre 2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 2008

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI en faveur des revenus du travail ,

PAR M. GÉRARD CHERPION,

Rapporteur,

Député.

PAR MME ISABELLE DEBRÉ,

Rapporteur,

Sénateur.

( 1) Cette commission est composée de : M. Pierre Méhaignerie, député, président ; M. Nicolas About, sénateur, vice-président ; M. Gérard Cherpion, député, Mme Isabelle Debré, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Louis Giscard d'Estaing, Patrick Ollier, Christian Eckert, Mme Catherine Lemorton, M. Alain Vidalies, députés, M. Serge Dassault, Mmes Catherine Procaccia, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier et Annie David, sénateurs.

Membres suppléants : MM. François Cornut-Gentille, Frédéric Lefebvre, Jean-Frédéric Poisson, Jean Mallot, Pierre Muet, Francis Vercamer, députés, M. Gilbert Barbier, Mme Brigitte Bout, M. Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Guy Fischer, Mme Françoise Henneron et M. Claude Jeannerot, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : Première lecture : 1096, 1106, 1107, 1108 et T.A . 187

Deuxième lecture : 1215

Sénat : 502 (2007-2008) , 43, 48 (2008-2009) et T.A. 6 (2008-2009)

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail s'est réunie le mardi 4 novembre 2008 au Sénat.

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

- M. Pierre Méhaignerie, député, président ;

- M. Nicolas About, sénateur, vice-président.

La commission a ensuite désigné :

- M. Gérard Cherpion, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- Mme Isabelle Debré, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

Mme Isabelle Debré, rapporteur pour le Sénat , a indiqué que le Sénat a adopté, le 28 octobre dernier, le projet de loi en faveur des revenus du travail que l'Assemblée nationale avait approuvé lors de la session extraordinaire du mois de septembre.

La plupart des apports de l'Assemblée nationale ont été conservés. Le Sénat s'est efforcé d'enrichir davantage le texte qui comporte, à l'issue de ses travaux, vingt-huit articles, dont vingt sont encore en navette, contre cinq seulement à l'origine. Il faut saluer la contribution au débat de la commission des finances du Sénat et de son rapporteur M. Serge Dassault, qui est à l'origine de plusieurs améliorations très opportunes. Les principales modifications que le Sénat a apportées au projet de loi sont les suivantes.

Sur le premier volet du texte consacré à l'intéressement, à la participation et à l'épargne salariale, le Sénat a d'abord souhaité maintenir à huit ans la durée d'indisponibilité des droits à participation en cas d'application du régime d'autorité. Il lui a semblé qu'un alignement sur la durée de droit commun de cinq ans aurait pu dissuader les partenaires sociaux de négocier des accords de participation, dans la mesure où le régime d'autorité aurait pu leur apparaître plus avantageux puisque rémunéré au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (TMOP) multiplié par 1,33.

Le Sénat a ensuite tenu compte du cas particulier des coopératives dont une part importante des fonds propres est constituée des sommes issues de la participation : dans ces sociétés, l'accord de participation pourra donc maintenir le principe du blocage de la participation.

Plusieurs mesures ont ensuite été adoptées en vue d'encourager l'épargne longue :

- les entreprises ont été autorisées à verser à leurs salariés un abondement de « fidélisation » lorsqu'ils décident de bloquer les sommes qu'ils détiennent dans le plan d'épargne d'entreprise (PEE) pendant au moins cinq ans à l'expiration du délai d'indisponibilité prévu par la loi ;

- l'employeur a été autorisé à mettre en place unilatéralement un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) en cas d'échec de la négociation ;

- les entreprises ont été autorisées à effectuer un versement initial dans le Perco, même en l'absence de contribution du salarié, afin de populariser l'épargne retraite.

Le Sénat a également souhaité remplacer le Conseil supérieur de la participation par une nouvelle instance aux compétences plus larges, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié.

Deux mesures plus techniques visent à encourager l'actionnariat salarié en réduisant les coûts liés aux opérations d'augmentation du capital réservées aux adhérents du PEE.

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, le Sénat a conditionné l'attribution de stock-options aux mandataires sociaux soit à la distribution de stock-options ou d'actions gratuites à l'ensemble des salariés de l'entreprise, soit à la mise en oeuvre d'un accord d'intéressement, d'un accord de participation dérogatoire ou d'un accord de participation volontaire.

Sur le deuxième volet du texte consacré à la politique salariale, c'est surtout l'article 5 qui a retenu l'attention des sénateurs. Il prévoit de réduire les allègements de charges dont bénéficient les entreprises si elles dépendent d'une branche dont les minima salariaux sont inférieurs au Smic. Après réflexion, le Sénat a décidé que l'on pourrait ne pas faire application de ce dispositif dans l'hypothèse où, d'ici la fin de l'année 2010, la moitié des branches concernées parviendraient à porter leurs minima à un niveau au moins égal au Smic. Cette solution donne toutes ses chances à la négociation et pourrait éviter que des entreprises vertueuses en matière salariale ne soient pénalisées en raison de l'échec de la négociation de branche.

En conclusion, il est souhaitable que la commission mixte paritaire trouve un accord sur un texte commun afin de permettre une entrée en vigueur rapide de ce projet de loi destiné à soutenir le pouvoir d'achat des Français.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a indiqué que le Sénat a adopté huit des quinze articles du projet de loi sans modification et a ajouté treize nouveaux articles ; il reste donc vingt articles en discussion. Il faut se féliciter de la plupart des ajouts effectués par le Sénat, qui enrichissent le texte proposé tout en étant conformes au projet adopté à l'Assemblée nationale.

Sur un sujet particulier, la question de la durée d'immobilisation des sommes versées au titre de la participation en cas d'application du régime dit d'autorité, le Sénat n'a pas souhaité, contrairement à l'Assemblée nationale, mettre fin à la dérogation selon laquelle prévaut alors une durée plus longue que celle du droit commun (huit ans et non cinq ans). Il avait semblé plus lisible à l'Assemblée nationale d'harmoniser les deux durées en retenant une durée unique de cinq années, mais de nombreuses craintes se sont exprimées, lors de la lecture au Sénat, face au risque que ne soient plus à l'avenir conclus d'accords de participation : ce n'est naturellement pas le but recherché et on peut donc accepter la solution retenue au Sénat, de manière à ce que cette mesure ne puisse être comprise comme susceptible d'entraver le développement du dialogue social.

Les apports du Sénat appellent trois remarques.

Première remarque : il semble nécessaire de veiller à ne pas rendre excessivement complexes les dispositifs adoptés. Ainsi, la modification proposée concernant les sociétés coopératives est peut-être légitime ; encore faut-il se rappeler que par définition les salariés de ce type de sociétés sont incités à investir dans leur propre entreprise ; de même, la nouvelle rédaction de l'article 5 relatif au dispositif de conditionnalité de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale à l'alignement du salaire minimum conventionnel sur le Smic ne brille pas par sa simplicité...

Deuxième remarque : une bonne législation paraît devoir être véritablement normative. Cela n'est, par exemple, pas le cas lorsque l'on introduit la notion de « gestion participative » dans le nouvel article 2 bis B.

Troisième remarque : l'article 3 bis donne un fondement juridique à une pratique existante, à savoir l'attribution de dons à des associations caritatives sous la forme de titres-restaurant. On peut certes comprendre le souci de sécurisation. Mais le législateur ne consacre-t-il pas aussi par ce biais une utilisation détournée des titres-restaurant ?

Pour le reste, les amendements proposés permettront de revenir sur les quelques points de divergence restant, qui ne sont pas nombreux. Au total, on ne peut qu'être globalement satisfait du travail effectué successivement par les deux assemblées.

M. Alain Vidalies, député , s'est interrogé sur l'incidence des modifications apportées par le Sénat à l'article 5.

Mme Isabelle Debré, rapporteur pour le Sénat , a indiqué qu'en 2005, M. Gérard Larcher, alors ministre délégué aux relations du travail, avait relancé la négociation de branche, de telle sorte que le nombre de branches dont les minima demeurent inférieurs au Smic a fortement diminué depuis. Alors même que cette évolution peut se poursuivre, le Sénat a considéré qu'il serait injuste qu'une entreprise se trouve pénalisée par l'absence d'accord salarial dans la branche à laquelle elle appartient et a donc souhaité laisser un délai supplémentaire pour la négociation.

M. Alain Vidalies, député , a estimé que ses craintes sont ainsi confirmées, cette nouvelle rédaction traduisant en effet un recul.

Mme Isabelle Debré, rapporteur pour le Sénat , a fait observer que le dispositif demeure fortement incitatif et que la relance de la négociation collective a permis d'améliorer significativement la situation.

M. Serge Dassault, sénateur , a déploré que les exonérations de cotisations sociales contribuent à alourdir le déficit des finances publiques.

Le président Pierre Méhaignerie, député , a souhaité que ces exonérations ne soient pas portées au-delà de leur niveau actuel.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a considéré qu'il faut maintenir le caractère incitatif et non répressif du texte. L'évolution se poursuit d'ailleurs : au moment où le projet de loi a été examiné à l'Assemblée nationale, sept branches étaient concernées ; lorsque le Sénat s'en est saisi, ce nombre n'était déjà plus que de six, une branche, celle de l'industrie de la céramique, étant entre temps parvenue à conclure un accord.

M. Christian Eckert, député , a estimé que, si la conditionnalité introduite pour l'attribution de stock-options constitue une avancée, cette mesure n'apparaît néanmoins pas très draconienne mais bien plutôt floue et peu contraignante : il n'est prévu en effet aucun dispositif assurant l'équilibre entre les dirigeants et les salariés.

M. Frédéric Lefebvre, député , a rappelé que si les sénateurs socialistes ont effectivement exprimé leurs réserves sur cette initiative, deux amendements avaient en revanche été précédemment discutés à l'Assemblée nationale : le premier, qu'il avait lui-même déposé, le second signé par M. Jean-Pierre Balligand, membre du groupe socialiste, dans une rédaction quasi identique à celle de l'amendement présenté par le Gouvernement et adopté au Sénat. Une solution à un vrai problème a ainsi été trouvée, et ce de façon conforme aux souhaits aussi bien du groupe UMP que du groupe socialiste.

Mme Annie David, sénatrice , a plaidé en faveur de la suppression de cet article. C'est une provocation que de faire croire aux gens que les bénéfices vont être équitablement répartis entre dirigeants et salariés, alors qu'il s'agira en réalité, dans le contexte actuel de crise, de distribuer des miettes au lieu d'augmenter les salaires.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sénatrice , a précisé que le groupe socialiste du Sénat avait déposé, lors de la discussion du texte en séance publique, un sous-amendement visant à introduire une quatrième condition à l'attribution de stock-options, à savoir l'existence d'un accord salarial datant de moins de deux ans, afin d'éviter un trop grand décalage entre ces attributions et la politique salariale de l'entreprise. Par ailleurs, antérieurement à la présentation d'un amendement par le Gouvernement au Sénat, Mme Nicole Bricq, M. François Marc et les commissaires socialistes de la commission des finances avaient déposé une proposition de loi allant dans le même sens. Enfin, un amendement de la commission des finances militait en faveur de l'affectation du tiers du bénéfice fiscal des entreprises aux salariés, sous forme de participation.

Le président Pierre Méhaignerie a souhaité obtenir des précisions sur l'article 3 bis , relatif à l'attribution de titres-restaurant aux associations caritatives.

Mme Catherine Procaccia, sénateur , a souligné que le dispositif vise à donner une base légale à une pratique existante et permet ainsi de répondre à une demande de ces associations.

Mme Isabelle Debré, rapporteur pour le Sénat , a relevé que le projet de loi constitue un support approprié pour ce dispositif, notamment pour des raisons de calendrier. Cet article correspond bien à une préoccupation réelle des associations, notamment du Secours catholique.

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La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.

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