N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE , de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1128 , 1155 et T.A. 201

Sénat :

55 et 71 (2008-2009)

INTRODUCTION

Une des innovations marquantes de la dernière révision constitutionnelle issue de la loi du 23 juillet 2008, est l'introduction au coeur de notre Constitution de principes de gestion budgétaire.

Désormais, la loi fondamentale de la République ne se contente pas de prévoir en matière de finances publiques des règles de procédure précisant les pouvoirs respectifs du gouvernement et du Parlement, mais édicte, aussi, des règles de fond, qui, bien que très générales, n'en définissent pas moins une ligne de conduite relativement contraignante. C'est bien ce que fait l'article 34 de la Constitution, dans sa nouvelle rédaction, lorsqu'il dispose que « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Le présent projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, qui est la première application de ce nouveau dispositif , est soumis au Parlement dans un contexte de crise qui lui donne une portée encore plus politique.

Initialement, elle a été conçue au sein de l'exécutif, comme une méthode pour donner, à travers la concrétisation de la notion de pluri-annualité , de la visibilité aux gestionnaires , dont le passage par la « case Parlement » n'allait pas de soi. Depuis, cette initiative a évolué pour devenir un moyen pour la représentation nationale d'afficher sa volonté de parvenir à une maîtrise des finances publiques . Il s'agit bien de déterminer solennellement une « trajectoire » de retour à l'équilibre pour traduire, notamment, l'engagement pris vis-à-vis de nos partenaires européens de revenir à une situation proche de l'équilibre de nos comptes publics en 2012.

Alors que l'on a pu craindre à l'origine que cette ambition ne se réduise à un simple exercice technique -mention dans le rapport en vue du débat d'orientation budgétaire, voire simple circulaire 1 ( * ) - votre commission des finances se félicite que, conformément au voeu exprimé par votre rapporteur général dans le rapport pour le débat d'orientation budgétaire 2008 2 ( * ) la pluri-annualité se voie conférer une valeur législative et se concrétise dans un projet de loi particulièrement complet.

Il faut d'ailleurs se réjouir que le présent projet de loi de programmation soit constitué, non d'un article unique approuvant une annexe, mais d'un texte de plus d'une douzaine d'articles, rejoignant le précédent de la loi d'orientation quinquennale n° 94-66 du 24 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques 3 ( * ) .

Aujourd'hui, l'exercice acquiert avec la crise financière internationale une dimension encore plus politique. Non seulement, dans le climat d'incertitude actuel, les prévisions sont particulièrement sujettes à caution, mais encore la perspective d'un net ralentissement économique, voire d'une panne de croissance, ne permet pas d'esquiver une question désormais centrale : faut-il adapter notre politique de maîtrise de la dépense publique à la conjoncture ? Autrement dit, quelle politique budgétaire sommes-nous en mesure de mener en ces temps de crise ?

Sans doute le caractère éminemment mouvant de la situation aurait-il justifié que l'on définisse des scénarios différenciés selon les perspectives de croissance et non une seule et unique trajectoire de retour à l'équilibre . Le gouvernement a préféré conserver, à ce stade, ses perspectives initiales, quitte à ce que celles-ci apparaissent plus comme un sentier de référence que comme un objectif véritablement contraignant, dès lors que, si la conjoncture continue de se détériorer, il est peu probable que l'on en revienne à un déficit de « seulement » 0,5 point de PIB en 2012.

A l'Assemblée nationale, le présent projet de loi a fait l'objet d'une discussion générale commune avec celle du projet de loi de finances pour 2009, ce qui a, très logiquement, conduit, au surplus au lendemain des décisions du Conseil des ministres de la zone euro pour lutter contre la crise financière internationale, à focaliser l'attention sur la question des déficits publics prévus pour 2008 et 2009. Au Sénat, son examen est couplé avec le débat traditionnel sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, ce qui lui restitue son caractère de texte de cadrage et sa nature de débat d'orientation , axés autour de la définition d'objectifs à moyen terme et de considérations de méthode.

De ce point de vue et, indépendamment des chiffres de la programmation elle-même figurant à l'article 2, dont la pertinence dépend étroitement de la validité des hypothèses de croissance retenues par le gouvernement, votre rapporteur général soutient la démarche rigoureuse du présent projet de loi, toute entière axée autour de la nécessité de ne pas céder aux facilités tant en matière de dépenses que de recettes par l'édiction d'un certain nombre de principes de bonne gouvernance .

Les leçons de l'histoire, qui montre que la France a laissé se creuser son déficit structurel en période de crise sans jamais parvenir à le réduire suffisamment en période de haute conjoncture, conduisent votre rapporteur général à mettre en garde contre toute tentation de relâcher ses efforts en matière de rationalisation de la dépense publique et donc sur la nécessité de poursuivre les efforts entrepris dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) .

De ce point de vue, l'article 5 du présent projet de loi conserve tout son sens, sachant que les gestionnaires devront, sauf exception, d'abord compter sur leurs propres forces et trouver sur leurs crédits les moyens de leur politique, en dépit des charges éventuelles pouvant résulter du ralentissement de l'activité économique.

Un tel souci de maîtrise des dépenses justifie l'article 4 du projet qui consacre le principe pour les dépenses de l'Etat de la norme « zéro volume » mais aussi l'article 4 A introduit à l'initiative de l'Assemblée nationale. Toutefois, comme le propose votre rapporteur général, la progression des dépenses publiques de 1,1 % fixée par cet article ne doit concerner que les administrations que l'Etat contrôle, excluant ainsi les collectivités territoriales au nom du principe de libre administration. Cette restriction de principe n'a pas empêché votre rapporteur général de considérer comme légitime l'application aux concours de l'Etat aux collectivités territoriales de la même norme « zéro volume » que celle applicable aux autres dépenses de l'Etat.

Votre rapporteur général soutient également sans réserve l'accent mis par le présent projet de loi sur la nécessité de respecter un certain nombre de règles de bonnes pratiques en matière d'allègements fiscaux et sociaux.

Les articles 9 et 10 du présent projet de loi tendant respectivement à encadrer les mesures nouvelles en fonction de l'évolution des recettes et à prévoir une obligation de compensation des créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales par la suppression ou la réduction d'autres « niches » répondent assez largement aux préoccupations déjà exprimées par votre commission des finances, sous réserve de dispositifs complémentaires pour soumettre le stock des niches existantes à la norme « zéro volume » et pour poser le principe de la durée limitée de toute nouvelle niche .

La question de la portée contraignante des règles ainsi édictées mérite d'être explicitée. On peut distinguer au sein du présent projet de loi les règles de portée « programmatique » de celles relatives à la gouvernance des finances publiques . Les premières sont des règles de pilotage budgétaire sur lesquelles le gouvernement et le Parlement s'engagent politiquement, étant entendu que, juridiquement, en ce qui concerne les inscriptions de crédits, cela n'empêche pas les lois de finances voire des lois ordinaires, d'y déroger . S'agissant des règles de gouvernance, sans doute faudrait-il pour qu'elles aient un statut de règles opposables voire éventuellement sanctionnables qu'elles soient consacrées au niveau de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

*

* *

Que peut-on programmer dans les circonstances actuelles ? Sur quoi l'Etat peut-il s'engager ? Telles sont les questions que se pose votre rapporteur général et qui l'ont conduit à proposer une série d'amendements d'ordre méthodologique et à développer une analyse sur le contenu d'une politique budgétaire en temps de crise pour s'efforcer de combiner pragmatisme dans la gestion des déficits et rigueur dans le contrôle des dépenses et la préservation des recettes .

A cet égard, votre rapporteur général voudrait insister sur le contexte radicalement nouveau qui devrait présider à l'interprétation des objectifs en matière d'endettement public, tels qu'ils résultent du traité de Maastricht. L'intervention massive de l'Etat dans l'économie - qu'il s'agisse de faciliter aujourd'hui le refinancement de l'économie ou la recapitalisation des banques en vue de l'augmentation des crédits à l'économie, ainsi que, demain, de constituer un fonds d'intervention stratégique de nature à protéger certaines entreprises voire d'en accompagner le développement ou à financer des travaux d'infrastructure - a des contreparties qui doivent être prises en compte pour l'appréciation du ratio de dette publique . La méthodologie devra, en outre, être revue pour tenir compte de perspectives d'élévation du niveau général de l'endettement public brut des principaux pays industrialisés. Elle devra, sans doute, être adaptée pour mieux faire apparaître l'importance des engagements hors bilan des Etats et, pourquoi pas, tenir compte aussi de la valeur des actifs détenus par les administrations publiques.

LES INITIATIVES DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Il est proposé :

A l'article 2 :

- de supprimer l'ensemble des objectifs de solde, exprimés catégorie d'administration publique par catégorie d'administration publique afin de ne prescrire que des objectifs que le gouvernement peut atteindre par sa seule action,

- de subordonner la définition des chiffres de soldes et d'endettement publics, à ce que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient vérifiées.

A l'article 4 A :

- de limiter la fixation d'une norme de dépenses à l'ensemble constitué par les administrations publiques centrales et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale afin d'exclure celles qu'il ne contrôle pas et, en particulier, celles effectuées par les collectivités territoriales.

A l'article 4 :

- d'appliquer au stock existant de dépenses fiscales la norme « zéro volume ».

A l'article 6 :

- de prévoir que la croissance des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales est égale à la prévision d'inflation et non « n'excède pas » celle-ci.

A l'article 9 :

-  de modifier la règle selon laquelle les « mesures nouvelles » (c'est-à-dire les allégements ou les alourdissements) concernant l'Etat et la sécurité sociale ne peuvent, globalement, diminuer leurs recettes, tant que le déficit public constaté en n-1 est supérieur à 1,5 point de PIB,

- de prévoir que ladite règle doit être respectée non globalement, mais année par année sur l'ensemble de la période 2009-2012.

A l'article 10

- de préciser que la règle, selon laquelle les niches fiscales ou sociales se compensent entre elles, s'applique, année par année, et non au cours de la période 2009-2012, considérée dans sa globalité,

- de prévoir que les nouvelles niches instaurées au cours de la période 2009-2012 s'éteignent au bout de 3 années complètes à compter de celle de leur entrée en vigueur.

CHAPITRE PREMIER : LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES DANS LE CONTEXTE DU CHOC DE CROISSANCE

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 constitue une innovation budgétaire souhaitée par le Parlement, et rendue possible par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. L'article 34 de la Constitution dispose désormais que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Ce premier exercice de programmation législative des finances publiques est compliqué par le choc de croissance que subit l'économie mondiale aujourd'hui, et qui rend tout exercice de projection budgétaire ou économique incertain. Les objectifs fixés pour 2012, d'un retour du déficit budgétaire à 0,5 % du PIB, sont très dépendants du contexte macroéconomique, aujourd'hui complètement bouleversé. Face à l'ampleur de la crise, la trajectoire de redressement des comptes publics doit être interprétée avec souplesse, comme le permet le pacte de stabilité et de croissance.

I. UNE LOI DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE MARQUÉE PAR DES ALÉAS

L'article 2 du projet de loi de programmation des finances publiques fixe des objectifs généraux de finances publiques, déclinés dans une évolution du solde des administrations publiques et une évolution de la dette publique sur la période 2008-2012. Cette évolution repose nécessairement sur des hypothèses de croissance économique conventionnelles que l'on doit toujours accueillir avec prudence. Ces hypothèses apparaissent aujourd'hui datées, en ce qui concerne en particulier l'exercice 2009, et frappées, pour 2010, 2011 et 2012, d'importants aléas, liés à l'évolution de la crise économique actuelle.

Objectifs fixés par l'article 2 du projet de loi de programmation des finances publiques

(en points de PIB)

2008

2009

2010

2011

2012

Solde des administrations publiques

- 2,7 %

- 2,7 %

- 2,0 %

- 1,2 %

- 0,5 %

Dette des administrations publiques

65,3 %

66,0 %

65,3 %

63,9 %

61,8 %

Hypothèse de croissance

1 %

1 %

2,5 %

2,5 %

2,5 %

Source : projet de loi de programmation des finances publiques

A. L'APPORT D'UNE LOI DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES DÉPENSES PUBLIQUES

Avant la présentation du présent projet de loi de programmation des finances publiques, une loi avait déjà tenté un premier exercice budgétaire pluriannuel. La loi d'orientation quinquennale n° 94-66 du 24 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques, votée à l'initiative de M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, et présentée par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, comportait 4 articles. Le premier article visait à « ramener le déficit du budget de l'Etat à 2,5 % du PIB dans la loi de finances pour 1997 ». Dans cette perspective, l'article 2 du texte prévoyait que « la progression des charges du budget général et de la charge nette des comptes spéciaux du Trésor ne devait pas excéder l'évolution prévisionnelle des prix associée au projet de loi de finances de chaque année », soit une stabilité de la dépense en volume.

Dans ce précédent, la structure du présent projet de loi de programmation apparaissait déjà : elle reposait, d'une part, sur un objectif de solde public , et d'autre part, sur une trajectoire contraignante de la dépense .

La nature du présent projet de loi, qui comporte treize articles 4 ( * ) après son examen à l'Assemblée nationale, est double lui aussi : il détermine une programmation pluriannuelle des finances publiques dans des conditions proches de celles adressées chaque année à la Commission européenne . Toutefois, elle sera cette fois formellement approuvée par le Parlement, et arrête pour 2009, 2010, 2011 des plafonds de crédits pour chaque mission du budget général de l'Etat qui présentent pour les gestionnaires un caractère impératif .

1. L'intérêt d'une programmation pluriannuelle des finances publiques à caractère normatif

C'est le deuxième rapport relatif à la mise en place de la LOLF de notre collègue Alain Lambert et de notre collègue député Didier Migaud, alors parlementaires en mission, qui a le mieux souligné la nécessité d'inscrire le budget de l'Etat dans une perspective pluriannuelle 5 ( * ) . Il a montré que si la gestion annuelle des finances publiques maximise « en théorie » les possibilités d'action du pouvoir politique, puisqu'il peut faire évoluer ses choix chaque année, celle-ci se traduit en réalité par une marge de manoeuvre très réduite, compte tenu de la dynamique de la dépense publique qui n'est annuelle ni dans sa composante structurelle (dépenses rigides), ni dans sa composante discrétionnaire (compte tenu des lois de programmation sectorielles) . Les interventions discrétionnaires annuelles sur la dépense ne concernent que 5 % des crédits. Le rapport soulignait que les trois pays européens (Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni) ayant fait le choix de la pluriannualité respectent la programmation qu'ils se donnent, exprimée par un plafond annuel de dépense sur la durée de la législature comme aux Pays-Bas.

Au cours du débat d'orientation budgétaire pour 2008, votre rapporteur général avait souhaité une amélioration de la programmation pluriannuelle des finances publiques adressée chaque année à la Commission européenne en application du pacte de stabilité et de croissance . Il notait, comme il l'avait fait à plusieurs reprises, que la France n'avait jamais respecté sa programmation pluriannuelle des finances publiques, notamment parce que celle-ci apparaissait trop déséquilibrée : l'effort budgétaire à réaliser était toujours concentré en fin de période.

Les programmes de stabilité aujourd'hui présentés à Bruxelles apparaissent encore comme des exercices de prévision virtuelle, des instruments de communication vis-à-vis de nos partenaires européens, vides de tout dispositif normatif permettant d'atteindre les objectifs.

Dans son rapport sur le débat d'orientation budgétaire pour 2008, votre rapporteur général avait alors recommandé « une programmation non glissante, fondée sur une norme de dépense pour l'ensemble formé par l'Etat et la sécurité sociale ».

Il avait cherché les pistes destinées à crédibiliser une trajectoire pluriannuelle de finances publiques. Pour aboutir à une action structurelle sur le solde et la dette publics, il avait montré que la programmation budgétaire devait être fondée pour l'essentiel sur une norme de dépense s'appliquant à l'ensemble des dépenses de l'Etat et de la sécurité sociale, en y intégrant bien évidemment les opérateurs, et en prenant également en compte la dépense fiscale . Il avait souhaité qu'elle se décline de deux manières :

- une déclinaison par mission , afin que chaque ministre se sente comptable, et coresponsable, de l'évolution de la norme de dépense, mais aussi afin que chaque gestionnaire dispose de la visibilité nécessaire, tant ceux qui font l'objet de priorités, que ceux qui doivent réaliser des réformes structurelles : c'est l'objet du budget triennal ;

- la définition d'un plafond de masse salariale contraignant , sur cinq ans. Selon le rapport précité, les dysfonctionnements passés, où les réductions d'effectifs n'avaient pas eu d'impact en termes de coût, rendaient nécessaire une réflexion allant au-delà de la seule évolution des effectifs. Il s'agissait de piloter la masse salariale dans son ensemble, en lui appliquant un plafond contraignant. Des informations relatives à la masse salariale figurent dans le rapport annexé au présent projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

2. La nécessité d'une programmation à valeur législative

Dans le rapport pour le débat d'orientation budgétaire 2008, votre rapporteur général soulignait : « afin de garantir l'effectivité de la programmation pluriannuelle des finances, il convient de la solenniser sur un plan politique, comme le Président de la République vient de le faire devant nos partenaires européens. Un engagement du gouvernement devant le Parlement est nécessaire : il passe par le présent rapport d'orientation budgétaire, mais pourrait se traduire aussi par une loi de programmation des finances publiques, qui pourrait ainsi devenir le référentiel commun de l'ensemble des acteurs, parlementaires et ministres. Une telle loi deviendrait le point d'ancrage de tous les projets de loi présentés au Parlement, qu'il s'agisse des lois de programmation ou des lois sectorielles, dont chaque ministre deviendrait comptable. Le souhait de votre rapporteur général est d'y voir réaffirmer le principe d'une affectation des ressources d'emprunt aux seuls investissements (au sens comptable du terme) dès la fin de la présente législature ».

Dès lors, l'annonce par le Président de la République, lors du premier Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), le 12 décembre 2007, de la création, pour l'Etat, d'un budget triennal définissant pour la période 2009-2011 des plafonds de crédits par mission , et tirant les conséquences budgétaires de la revue générale des politiques publiques, ne pouvait que déboucher sur une initiative législative.

La circulaire du Premier ministre en date du 11 mars 2008 souligne, en effet, le caractère original du budget triennal. Il ne peut présenter qu'un caractère indicatif : des projets de loi de finances annuels, qui seuls ont une valeur contraignante, « continueront à être présentés chaque automne ».

Mais, selon le même document adressé par le Premier ministre à ses ministres, « la définition d'enveloppes de crédits sur trois ans donnera de la visibilité à l'ensemble de notre politique budgétaire, puisqu'elle revient à élaborer une loi de programmation pour chacun des secteurs dont vous avez la charge ». La circulaire précise que « les plafonds de dépenses devront être regardés comme impératifs, c'est le gage de la crédibilité de notre trajectoire de finances publiques ». Dans les faits, et en pratique, pour les gestionnaires de l'Etat, ces plafonds de crédits sur trois ans présentent bel et bien un caractère impératif.

Il aurait été paradoxal que la novation représentée par le budget triennal, qui présente pour les gestionnaires un caractère impératif, s'incarne seulement dans une circulaire transmise pour information au Parlement , et que celui-ci examine des projets de loi de finances annuels dont les volets « dépenses » ne seraient que la déclinaison d'un plafond triennal arrêté par voie règlementaire.

Dans ce contexte, même en en reconnaissant les limites, le présent projet de loi de programmation des finances publiques, au moins sur son volet « dépenses de l'Etat » pourrait bien être une véritable « révolution copernicienne » du droit budgétaire, où un budget triennal viendrait en dépenses se substituer à la loi de finances annuelle .

Sur le volet « dépenses de l'Etat », une telle loi ne manquera pas de contrebalancer les lois de programmation sectorielle qui sont déjà annoncées, comme la loi de programmation militaire ; elle permettra d'engager le Parlement et les gestionnaires.

Les articles du présent projet de loi de programmation des finances publiques
pour les années 2009 à 2012 »
(après adoption par l'Assemblée nationale)

- article 1 er : principe d'une programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2009-2012 ;

- article 2 : évolution du solde et de la dette des administrations publiques en points de PIB, 2009-2012 ;

- article 3 : approbation du rapport annexé précisant les conditions de réalisation de la programmation ;

- article 4 A : rythme de progression des dépenses publiques fixé à 1,1 % en volume en moyenne annuelle ;

- article 4 : stabilité en volume des dépenses de l'Etat à périmètre constant ;

- article 5 : fixation des plafonds triennaux de crédits 2009, 2010 et 2011 pour les missions du budget général ;

- article 6 : évolution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, de la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle et de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » au rythme de l'inflation ;

- article 7 : évolution de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie de 3,3 % en valeur chaque année ;

- article 8 : utilisation des surplus de recettes fiscales de l'Etat par rapport à la prévision pour réduire le déficit ;

- article 9 : les mesures nouvelles ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des recettes par rapport à des montants exprimés en milliards d'euros fixés pour chaque exercice ;

- article 10 6 ( * ) : compensation des créations ou extensions des dépenses fiscales ou sociales par la suppression ou la diminution de niches ;

- article 11 : rapport au Parlement avant l'examen du projet de loi de finances sur l'application de l'article 10 et la création des dépenses fiscales ou sociales ;

- article 12 : rapport au Parlement sur la mise en oeuvre de la présente loi avant le débat d'orientation budgétaire et les écarts éventuels par rapport aux objectifs.

* 1 La modernisation du cadrage des finances publiques, annoncée par le Président de la République lors du premier conseil de la modernisation de l'Etat du 12 décembre 2007, a ainsi dans un premier temps été formalisée dans une circulaire du Premier ministre en date du 11 mars 2008. Il s'agissait, à ce stade, de tirer les conséquences de la révision générale des politiques publiques et définir la trajectoire des dépenses de l'Etat et de ses effectifs pour 2009, 2010 et 2011.

* 2 « DOB 2008 : les chemins de l'équilibre ». Rapport d'information n° 400 (2006-2007).

* 3 La loi d'orientation quinquennale n o 94-66 du 24 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques votée à l'initiative de M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, et présentée par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget. Ce texte comportait quatre articles :

« Art. 1 er . - La maîtrise des finances publiques a pour objectif, selon une programmation pluriannuelle, de ramener le déficit du budget de l'Etat à 2,5 p. 100 du produit intérieur brut total dans la loi de finances pour 1997.

Art. 2.- Aux fins définies à l'article 1er, la progression des charges du budget général et de la charge nette des comptes spéciaux du Trésor ne devra pas excéder l'évolution prévisionnelle des prix associée au projet de loi de finances de chaque année. Art. 3.- Le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'un rapport présentant une projection quinquennale du budget de l'Etat pour l'année du projet de loi de finances et les années suivantes.

Art. 4.- Est approuvé le rapport sur les orientations budgétaires à moyen terme annexé à la présente loi . »

* 4 Il en comportait douze au moment de son dépôt.

* 5 La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances - rapport au gouvernement - MM. Alain Lambert et Didier Migaud - septembre 2005.

* 6 Cet article crée ainsi une « sorte d'article 40 » de la Constitution  pour le gouvernement, dont les modalités d'application n'apparaissent pas clairement, notamment au regard des nouveaux crédits d'impôts introduits à l'initiative du gouvernement, par exemple en ce qui concerne l'intéressement.

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