B. DES CONTRAINTES MAASTRICHTIENNES À INTERPRÉTER

1. Le pacte de stabilité permet à un Etat d'avoir un déficit durablement supérieur à 3 points de PIB

Le pacte de stabilité révisé permet à un Etat d'avoir un déficit durablement supérieur à 3 points de PIB, à condition qu'il réduise son déficit structurel au rythme prescrit par le Conseil (normalement de 0,5 point de PIB par an).

a) Un déficit peut être légèrement supérieur à 3 points de PIB sans pour autant être « excessif »

Tout d'abord, un déficit supérieur au seuil de 3 points de PIB n'est pas nécessairement « excessif » au sens du pacte de stabilité, dès lors qu'il demeure proche de ce seuil. Le seuil de déficit alors autorisé n'est pas précisé, mais on peut supposer qu'un déficit de moins de 4 points de PIB, pourrait être « toléré ».

L'article 103 du traité CE prévoit que la Commission européenne examine « si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins (...) que le rapport n'ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence, (...) ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu'exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence ».

Depuis la réforme de 2005 25 ( * ) , le règlement de 1997 26 ( * ) relatif à la procédure de déficit excessif prévoit que cette disposition s'applique :

- « lorsque le dépassement de la valeur de référence résulte d'un taux de croissance annuel négatif du PIB ou d'une baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance annuelle très faible du PIB par rapport au potentiel de croissance ». La réforme du pacte de 1995 a supprimé la disposition selon laquelle le PIB devait normalement diminuer d'au moins 2 % pour que la conjoncture soit considérée comme suffisamment dégradée 27 ( * ) ;

- éventuellement, si « le déficit des administrations publiques reste proche de la valeur de référence et (...) le dépassement de cette valeur [est] temporaire », la Commission et le Conseil peuvent décider que le déficit n'est pas excessif, au vu de virtuellement n'importe quel facteur 28 ( * ) .

b) Un déficit excessif est de fait autorisé pendant deux années consécutives

Ensuite, même si le déficit de la France était jugé « excessif » par le Conseil, il faut prendre en compte les contraintes de calendrier, qui font qu'un déficit excessif est de fait autorisé pendant au moins 2 années consécutives. En supposant que la France soit en déficit excessif en 2009, le déficit excessif « devrait disparaître dans l'année suivant la constatation de son existence », soit en 2011. Cette possibilité de maintien du déficit excessif pourrait même être portée au-delà de 2009 et 2010, soit dès le départ, si le Conseil considère qu'il y a des « circonstances particulières » , soit au cours de la procédure, en cas d'« événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques ».

c) Les sanctions ne sont possibles que si l'Etat concerné ne respecte pas les recommandations du Conseil

Enfin, même si la France demeurait durablement en situation de « déficit excessif », elle ne pourrait être sanctionnée, dès lors qu'elle se conformerait aux recommandations du Conseil.

A moins que le Conseil, dans ses recommandations, demande à la France de réduire son déficit structurel de plus de 0,5 point de PIB, ce qui est peu vraisemblable, la France ne serait pas sanctionnée, même si son déficit demeurait durablement au-dessus de 3 points de PIB. En effet, la « décision du Conseil d'imposer des sanctions » n'est prise que « si un Etat membre participant ne donne pas suite aux décisions successives du Conseil ».

Par ailleurs, en cas de crise grave, on peut supposer que le Conseil ne demanderait pas à la France de réduire son déficit structurel de 0,5 point de PIB. Une réduction du déficit structurel de 0,5 point de PIB par an constituerait en effet une impulsion négative donnée à l'économie française.

2. Le pacte de stabilité permet les mesures aggravant le déficit structurel, dès lors qu'elles sont « exceptionnelles »

Comme on l'a indiqué ci-avant, depuis la réforme de 2005, le règlement de 1997 relatif à la procédure de déficit excessif prévoit que « le Conseil invite l'Etat membre concerné à parvenir à une amélioration annuelle minimale, correspondant à au moins 0,5 % du PIB à titre de référence, de son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires, dans le but d'assurer la correction du déficit excessif dans le délai fixé dans les recommandations ».

La règle d'amélioration du solde structurel de 0,5 point par an s'entend donc corrigée des mesures exceptionnelles. Cette règle a eu jusqu'à présent comme conséquence de neutraliser les recettes exceptionnelles, comme les « soultes », mais on pourrait imaginer qu'un Etat réalise des dépenses exceptionnelles, ou des allégements de recettes exceptionnels, pour soutenir son économie.

3. Les obligations liées à la réduction du déficit structurel

Le pacte de stabilité exige d'un Etat en situation de déficit excessif qu'il réduise son déficit structurel d'au moins 0,5 point par an 29 ( * ) .

Depuis la réforme de 1995, le règlement de 1997 relatif à la procédure de déficit excessif prévoit que « le Conseil invite l'Etat membre concerné à parvenir à une amélioration annuelle minimale, correspondant à au moins 0,5 % du PIB à titre de référence, de son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires, dans le but d'assurer la correction du déficit excessif dans le délai fixé dans les recommandations ».

Un Etat en situation de déficit excessif qui ne réduit pas son déficit structurel de 0,5 point de PIB par an s'exposerait donc en théorie à des sanctions, ce qui ne paraîtrait pas de nature à restaurer la confiance.

La procédure de déficit excessif : calendrier

Le calendrier peut être le suivant :

- on pourrait imaginer qu'un Etat ayant adopté l'euro soit en déficit excessif en 2009 ;

- ce déficit excessif serait constaté en 2010 ;

- le Conseil lui demanderait alors de prendre des « mesures suivies d'effet » (c'est-à-dire, vraisemblablement, de réduire son déficit structurel de 0,5 point de PIB par an) dans un délai de 6 mois après la constatation du déficit, soit en pratique avant la fin 2010 ;

- si cet Etat ne faisait rien, il pourrait être « mise en demeure » de prendre des « mesures suivies d'effet », dans un délai de 2 mois à compter de la décision du Conseil constatant qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise, soit en pratique au premier semestre 2011 ;

- s'il ne faisait toujours rien, le Conseil pourrait décider de lui imposer des sanctions, normalement « dans un délai de seize mois à compter des dates de notification » du déficit, soit, si le déficit de 2009 est notifié le 1 er mars 2010 (ce qui constitue la date limite), le 1 er juillet 2011 ;

- ces sanctions pourraient comprendre un dépôt, qui dans le cas d'un déficit de 4 points de PIB serait égal à 0,3 point de PIB, soit environ 7 milliards d'euros 30 ( * ) ;

- le Conseil pourrait alors de convertir le dépôt en amende « si, dans les deux années suivant la décision d'exiger de l'Etat membre participant concerné qu'il fasse un dépôt, le déficit excessif n'a pas, de l'avis du Conseil, été corrigé », autrement dit si le déficit est toujours excessif au 1 er juillet 2013.

* 25 Règlement (CE) n° 1056/2005 du Conseil du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

* 26 Règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

* 27 Avant la réforme, l'article 2 du règlement 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 précité prévoyait que « la Commission considère, en principe, qu'un dépassement de la valeur de référence consécutif à une grave récession économique n'est exceptionnel que si le PIB en termes réels enregistre une baisse annuelle d'au moins 2 % », et que lorsque le Conseil se prononce sur l'existence d'un déficit excessif, « il tient compte, dans son évaluation globale, des observations éventuelles de l'Etat membre montrant qu'une baisse annuelle du PIB en termes réels de moins de 2 % est néanmoins exceptionnelle eu égard à d'autres éléments d'information allant dans le même sens, en particulier le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l'évolution constatée dans le passé ». Ces dispositions ont été supprimées.

* 28 Ces facteurs sont « l'évolution de la position économique à moyen terme (en particulier le potentiel de croissance, les conditions conjoncturelles, la mise en oeuvre de politiques dans le cadre du programme de Lisbonne et les politiques visant à encourager la R&D et l'innovation) », « l'évolution de la position budgétaire à moyen terme (notamment les efforts d'assainissement budgétaire au cours de « périodes de conjoncture favorable », la viabilité de la dette, les investissements publics et la qualité globale des finances publiques) », et « tout autre facteur qui, de l'avis de l'Etat membre concerné, est pertinent pour pouvoir évaluer globalement, en termes qualitatifs, le dépassement de la valeur de référence, et que l'Etat membre a présenté à la Commission et au Conseil. À cet égard, une attention particulière est accordée aux efforts budgétaires visant à accroître ou à maintenir à un niveau élevé les contributions financières destinées à encourager la solidarité internationale et à réaliser des objectifs de la politique européenne, notamment l'unification de l'Europe, si elle a un effet négatif sur la croissance et la charge budgétaire d'un Etat membre ».

* 29 Cet objectif d'une réduction du déficit structurel de 0,5 point de PIB par an est également celui retenu, depuis la réforme de 1995, par le volet « préventif » du pacte de stabilité. En effet, selon le règlement (CE) n o 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1055/2005 du Conseil du 27 juin 2005, « lorsqu'il évalue la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de l'objectif budgétaire à moyen terme, le Conseil examine si l'État membre concerné procède à l'amélioration annuelle de son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires, de 0,5 % du PIB en tant que référence, requise pour atteindre son objectif budgétaire à moyen terme ».

* 30 Ce dépôt « comprend un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal au dixième de la différence entre le déficit exprimé en pourcentage du PIB de l'année précédente et la valeur de référence de 3 % du PIB »

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page