3. La réintégration des dépenses de médicaments dans le tarif soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

L'article 45 proposait, dans sa version initiale, le retour à la situation qui prévalait avant la loi « droits des malades » de mars 2002 et la réintégration pure et simple des médicaments dans le tarif soins des Ehpad, quel que soit leur statut .

La rédaction proposée prenait l' exact contrepied de la rédaction en vigueur de l'article L. 314-8 du code de l'action sociale et des familles : elle incorporait dans les prestations de soins des Ehpad (mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du même code) ce qui en était exclu depuis 2002, à savoir « l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation des médicaments inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale » . Les mesures concernant la réintégration des dispositifs médicaux (entrée en vigueur en 2008) restaient inchangées.

Le Gouvernement avait justifié l'insertion du présent article en reprenant les conclusions du rapport Deloménie 34 ( * ) soulignant que les polypathologies, fréquentes chez les personnes âgées, supposent de développer une véritable expertise pharmaceutique dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes afin de lutter efficacement contre la surconsommation médicamenteuse. Celle-ci est à la fois coûteuse et gravement préjudiciable en termes de santé publique. Il convient donc de responsabiliser et d'intéresser l'ensemble des acteurs en intégrant les médicaments dans la dotation soins des Ehpad.

Cette mesure devait permettre une meilleure maîtrise des volumes de médicaments du fait d'une rationalisation de la prescription, de la lutte contre les accidents iatrogéniques et d'une meilleure politique d'achat des médicaments 35 ( * ) . Elle était de nature à encourager les Ehpad à mobiliser, sur une base conventionnelle 36 ( * ) , le rôle d'expertise des pharmaciens d'officines dans leurs relations avec les établissements.

Afin de disposer du temps nécessaire au calibrage des forfaits de soins et à la définition d'un cahier des charges équilibré des relations contractuelles entre les pharmaciens d'officines et les Ehpad, le Gouvernement proposait de rendre applicable cette mesure à compter du 1 er janvier 2010 (paragraphe II). Celle-ci aurait été appliquée aux conventions tripartites en cours, sans attendre leur renouvellement, dans les mêmes conditions que lors de la réintégration des dispositifs médicaux.

Face aux craintes suscitées par ce dispositif, notamment chez les pharmaciens d'officine, l'Assemblée nationale a adopté un compromis qui permet de ne pas transiger sur le principe nécessaire de l'intégration des médicaments dans la dotation soins des Ehpad, tout en définissant les conditions indispensables afin de donner son plein effet à cette mesure :

- allongement des délais préalables à la généralisation du processus (jusqu'au 1 er janvier 2011) et mise en place d' expérimentations permettant de réaliser les ajustements nécessaires ;

- exclusion du forfait des médicaments les plus coûteux (par la création d'une liste « en sus » ) ;

- accent mis sur la présence des pharmaciens d'officine au sein même des établissements, avec la création de la notion de pharmacien référent .

*

* *

Votre rapporteur approuve l'esprit et le contenu de ces trois dispositifs dont le principe est défendu dans le rapport de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque. Le processus de forfaitisation des ressources d'assurance maladie en Ehpad va progressivement placer les directeurs d'établissement et, demain, les agences régionales de santé en position de négociateurs de prix et de prestations vis-à-vis des professionnels de santé. Il ne s'agit pas d'organiser un rationnement des soins comme d'aucuns le prétendent, mais de dépenser mieux et à bon escient . Les instruments existent : il faut en diffuser et en favoriser l'usage. Il ne s'agit pas non plus de remettre en cause la liberté de choix du patient et la liberté de prescription du médecin non plus que la relation de confiance pouvant exister entre les personnes âgées en Ehpad et les pharmaciens d'officine qui restent leurs fournisseurs : le but est clairement d'inciter à réviser certaines pratiques, dans le cadre de l'exercice de ces libertés et dans le respect de ce lien de confiance, afin de prescrire mieux et d' offrir des soins adaptés , dans l'intérêt de la personne âgée.

La forfaitisation, pour être efficace, suppose cependant la réalisation de certains prérequis qui ne figuraient pas dans la version initiale de l'article 45 du projet de loi de financement sur la réintégration des médicaments dans le forfait soins des Ehpad, notamment :

- l'utilisation des instruments de conventionnement entre les établissements et les pharmacies d'officine, prévus par la loi de financement pour 2007, mais non mis en oeuvre faute de décret d'application ; ce point paraît aujourd'hui réglé ;

- mais aussi, une définition plus claire du rôle du médecin coordonnateur, en particulier vis-à-vis des médecins prescripteurs et des pharmacies, ce qui est l'une des clés de la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse en Ehpad.

Les débats à l'Assemblée nationale ont permis de progresser sur le premier terrain, mais pas encore suffisamment sur le second. Des précisions et des améliorations peuvent ainsi être apportées au dispositif voté.

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives au secteur médico-social (articles 43 à 46 et article 50) dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 34 Rapport du groupe du travail « sur la prise en charge des médicaments dans les maisons de retraite médicalisées », présidé par Pierre Deloménie, inspecteur général des affaires sociales - mars 2005.

* 35 A partir des calculs effectués par le rapport Deloménie, la forfaitisation des dépenses de médicaments dans le cadre du tarif soins procurerait une économie annuelle chiffrée à environ 100 millions d'euros de base, correspondant à un transfert de 600 millions de l'Ondam « soins de ville » sur l'Ondam médico-social et une économie de 700 millions sur le premier.

* 36 La voie conventionnelle a été ouverte par les dispositions du I de l'article 88 de la loi de financement pour 2007 (article L. 5126-6-1 du code de la santé publique).

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