6. Réaffirmer le principe de l'encellulement individuel

Votre commission reste persuadée que l'encellulement individuel reste l'une des plus fortes garanties de la dignité des conditions de détention, comme le rappelle d'ailleurs la règle pénitentiaire européenne à laquelle la France a souscrit : « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu'il est considéré comme préférable pour lui qu'il cohabite avec d'autres détenus ». Elle redoute que la nouvelle rédaction proposée pour l'article 716 du code de procédure pénale autorisant, pour les personnes prévenues, le placement en cellule collective au même titre que le placement en cellule individuelle ne conduise à une banalisation du premier au détriment du second.

Elle considère, par ailleurs, que le renouvellement du parc immobilier et l'augmentation des capacités d'accueil des établissements pénitentiaires permettent de penser que l'objectif de l'encellulement individuel n'est pas hors d'atteinte, même si elle admet, d'une part, que l'application de ce principe puisse être différé sous la forme du moratoire prévu à l'article 59 et, d'autre part, que des cellules collectives se justifient parfaitement pour les personnes qui en font la demande ou dont la personnalité -du fait d'un risque suicidaire par exemple- rend nécessaire un tel placement.

Votre commission propose donc à l'unanimité de revenir à l'état du droit et de conserver le principe de l'encellulement individuel pour les personnes prévenues, sous réserve des dérogations actuellement mentionnées par l'article 716 du code de procédure pénale ( article 49 ).

Ces considérations valent également pour les personnes condamnées. Votre commission observe à cet égard qu'il y a quelque paradoxe dans la formulation actuelle de l'article 717-2 du code de procédure pénale qui prévoit de déroger à l'emprisonnement individuel des personnes condamnées en établissement pour peines au titre de l'« encombrement temporaire » des lieux, alors même qu'en vertu du numerus clausus appliqué implicitement dans ces établissements, l'encellulement individuel prévaut. Elle juge dès lors qu'il convient de mettre en avant la situation satisfaisante des établissements pour peines au regard de ce critère. Elle suggère, en conséquence, de supprimer ce motif de dérogation comme le législateur l'avait fait en 2000 pour les prévenus et de ne retenir que les dérogations mentionnées par le projet de loi : celles justifiées par une demande de l'intéressé ou sa personnalité ( article 52 ).

Dans la mesure où l'encellulement individuel ne peut, dans l'immédiat, être étendu aux maisons d'arrêt, votre commission vous propose d'accepter le moratoire demandé par le Gouvernement à l'article 59 du projet de loi en étendant, par cohérence avec l'amendement proposé à l'article 52, son champ d'application à toutes les personnes détenues en maisons d'arrêt qu'il s'agisse de prévenus ou de condamnés. Néanmoins, elle considère que devrait être conservée, si limités en soient les effets, la faculté donnée par le décret du 12 juin 2008, à un détenu de demander son transfert dans une autre maison d'arrêt pour bénéficier d'un placement en cellule individuelle ( article 59 ).

Par ailleurs, si votre commission accepte le principe du maintien des personnes condamnées ayant un reliquat de peine de deux ans (contre un an aujourd'hui) en maison d'arrêt, elle propose, comme le suggérait le COR, d'ouvrir à ces détenus, s'ils le souhaitent, la faculté d'obtenir leur transfert dans un établissement pour peines dans les neuf mois suivant leur condamnation définitive ( article 50 ).

*

Enfin, votre commission regrette que la santé soit le volet oublié de la loi pénitentiaire. Elle estime que la part croissante de personnes atteintes de troubles mentaux au sein de la population pénale devrait conduire à une réforme d'ampleur sous la double responsabilité du ministère de la justice et de la santé.

Elle a souhaité, pour sa part, prolonger ses travaux et sa réflexion dans ce domaine en créant une mission d'information sur la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux qui constitue en effet la voie d'entrée de ces personnes en prison, alors même que leur place serait davantage à l'hôpital.

*

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des lois vous propose d'adopter le projet de loi pénitentiaire .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page