B. DES OBLIGATIONS D'INFORMATION IRRÉALISTES ET INUTILES

L'article 10 de la proposition de directive, qui porte sur l'information des patients concernant le recours à des soins dans un autre Etat membre, prévoit, dans son paragraphe 1 que « les Etats membres d'affiliation veillent à ce que des mécanismes soient mis en place pour fournir aux patients, sur demande, des informations concernant les soins de santé pouvant être reçus dans un autre Etat membre et les conditions applicables, notamment en cas de préjudice découlant des soins ».

Or, selon les acteurs de la santé en France, une telle obligation d'information est irréaliste et inutile .

Irréaliste d'abord, parce que les Etats membres éprouvent déjà des difficultés à mettre à la disposition de leurs citoyens une information claire et facilement compréhensible sur leur propre système de santé et que certains Etats, dans lesquels l'organisation des soins est décentralisée, ne possèdent tout simplement pas l'ensemble des données concernant leur propre système.

Inutile ensuite, car ce que les citoyens recherchent, ce sont des renseignements précis sur l'existence de traitements particuliers, concernant certaines pathologies rares, qui justifieraient un déplacement à l'étranger, et non des informations générales et inexploitables sur les systèmes de soins de chacun des vingt-sept Etats membres de l'Union.

Votre commission considère que l'obligation d'information doit se limiter aux droits des citoyens en matière de soins transfrontaliers : existence des deux voies d'accès, avantages et inconvénients de chacune, procédures de recours en cas de contentieux.

Elle se réjouit donc que les négociations au Conseil s'orientent vers une solution assez proche de celle qu'elle préconise.

C. DES LACUNES REGRETTABLES

Bien qu'elle aborde un nombre important de sujets, la proposition de directive laisse de côté deux problèmes essentiels : la mobilité des professionnels de santé et la possibilité pour un Etat d'accorder une priorité d'accès à ses citoyens pour le traitement des pathologies qui donnent lieu à des listes d'attente.

1. La mobilité des professionnels de santé

Autant la mobilité des patients était relativement bien encadrée par le règlement de 1971 et la jurisprudence de la Cour, et n'appelait donc pas en urgence un nouveau texte communautaire, autant la mobilité des professionnels constitue une préoccupation partagée par l'ensemble des Etats membres et nécessiterait que le législateur européen intervienne rapidement dans ce domaine.

La problématique de la mobilité des professionnels de santé dans l'Union est la suivante : certains Etats membres, notamment les plus riches, souffrent d'une démographie médicale insuffisante et auraient avantage à accueillir, à condition d'obtenir des garanties sur la qualité de leur formation, des praticiens d'autres Etats membres. Ces derniers ont par ailleurs tout intérêt à envoyer certains de leurs médecins dans d'autres Etats membres qui bénéficient d'un système de soins plus pointus, à condition que ces praticiens reviennent, au bout de quelques années, dans leur pays pour y valoriser l'expérience acquise.

Il serait donc particulièrement utile que la commission européenne propose, dès que possible, un texte permettant d'instituer une coopération entre les Etats membres en matière de mobilité des professionnels de santé .

2. Une priorité d'accès national aux soins rares

L'article 11 de la proposition de directive, qui définit les règles applicables aux soins prodigués dans un autre Etat membre que l'Etat d'affiliation, dispose que « les soins de santé dispensés dans un Etat membre autre que celui où le patient est assuré [...] le sont conformément à la législation de l'Etat membre de traitement ».

Un Etat membre n'est donc pas autorisé à accorder à ses propres ressortissants une priorité d'accès aux soins. Certes, la règle n'est pas contestable, en vertu du principe d'égal accès aux soins en Europe, mais on peut s'interroger sur sa légitimité lorsqu'elle s'applique aux soins rares pour lesquels un Etat membre est contraint d'établir une liste d'attente.

Dans le cas des greffes, par exemple, ne serait-il pas injuste qu'un citoyen assuré dans un Etat autorisant les greffes d'organes, et qui contribue, souvent depuis de nombreuses années, au régime de cotisations sociales de cet Etat, soit placé en situation de concurrence avec un citoyen assuré dans un autre Etat et qui n'a pas acquitté les mêmes cotisations, qui plus est dans le contexte que nous connaissons de la pénurie de greffons ?

Ne doit-on pas considérer qu' un système de santé de haut niveau est un choix collectif, soutenu par l'ensemble des citoyens qui le financent et qu'il serait inéquitable que des patients qui n'ont jamais contribué à la viabilité économique de ce système y aient accès à égalité avec ceux qui l'ont fait vivre lorsque le soin est rare ?

Votre commission demande donc que la proposition de directive donne explicitement aux Etats membres la faculté d'accorder une priorité d'accès à leurs ressortissants pour les soins rares qui font l'objet d'une liste d'attente .

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