Rapport n° 439 (2008-2009) de Mme Annie DAVID , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 mai 2009

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N° 439

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de résolution européenne présentée par Mme Annie DAVID, au nom de la commission des Affaires européennes, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes , accouchées ou allaitantes au travail (E 4021),

Par Mme Annie DAVID,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

340 et 440 (2008-2009)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les Européens ont légitimement le sentiment que l'Union européenne se préoccupe peu de questions sociales. On invoque souvent, pour justifier cet état de fait, le poids des traditions nationales et l'hétérogénéité encore forte des économies des Etats membres.

Pourtant, lorsque la Commission européenne a présenté, le 3 octobre dernier, une proposition de directive visant à protéger les femmes enceintes au travail, aucun Etat membre n'a exprimé d'opposition de principe. C'est bien la preuve que l'Europe, malgré une base juridique restreinte, peut être aussi, sur certains points, une source de progrès social.

Il reste que les Parlements nationaux ont le devoir, sur les sujets sociaux peut-être encore davantage que sur les autres, de veiller à ce que les textes élaborés au niveau communautaire répondent correctement aux besoins et aux aspirations des citoyennes et des citoyens qu'ils représentent.

Tel est l'objet de la proposition de résolution que vous présente la commission des affaires sociales : soutenir les points qui lui paraissent constituer un progrès, afin d'encourager le Gouvernement français à les défendre, et mettre en évidence les problèmes que le texte pose, pour apporter sa contribution à un texte largement perfectible.

Ainsi, l'allongement du congé de maternité à dix-huit semaines ou le droit accordé aux femmes enceintes de demander la modification de leurs horaires et rythme de travail constituent des avancées, y compris en France où la législation ne comporte pas de telles dispositions. Mais l'interdiction faite aux Etats membres de définir eux-mêmes les modalités du congé de maternité ou le silence regrettable du texte sur le congé de paternité soulèvent autant de difficultés qui, si elles n'étaient pas résolues, rendraient la proposition de directive inégale et contestable.

C'est donc avec une grande vigilance que votre commission suivra l'effectivité de la prise en compte de sa proposition de résolution par les autorités françaises à Bruxelles.

I. LA PROTECTION DES FEMMES ENCEINTES EN FRANCE

La protection des femmes enceintes répond à deux objectifs : sur le plan sanitaire et social, assurer les femmes contre l'ensemble des risques liés à l'enfantement et, sur le plan politique, soutenir le taux de natalité national.

L'enfantement, défini comme la période couvrant la grossesse, l'accouchement et la maternité, comporte trois risques principaux :

- un risque médical : fausse couche, prématurité, problèmes de santé survenant pendant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale ;

- un risque professionnel : discrimination, licenciement, retard d'avancement en raison de la grossesse ou de la maternité ;

- un risque dit « existentiel » : perte de revenus et impossibilité de subvenir à ses besoins 1 ( * ) .

Le premier est couvert par l'assurance maternité dont bénéficie, selon diverses modalités, la totalité des femmes résidant en France, y compris les ressortissants de pays étrangers ne disposant pas d'un titre de séjour. L'assurance maternité prend en charge la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l'accouchement, en particulier les huit examens prénataux et postnataux obligatoires.

La couverture des deuxième et troisième risques est assurée respectivement par le droit du travail et la législation régissant le congé de maternité.

La proposition de directive n'intervenant que dans ces deux derniers domaines, la présentation du droit national en vigueur s'y limitera.

A. LE CONGÉ DE MATERNITÉ

Le congé de maternité remplit deux fonctions :

- il donne la possibilité aux femmes de terminer leur grossesse sans être obligées de travailler, ce qui contribue à protéger leur santé et celle de l'enfant à naître ;

- il permet aux mères de récupérer de l'accouchement, de s'occuper elles-mêmes de leur enfant afin de nouer avec lui un lien souvent intense et déterminant pour son avenir, ainsi que d'organiser, d'un point de vue matériel, la nouvelle vie familiale.

Toute salariée qui justifie d'une durée et d'un montant minimum de cotisations au début du neuvième mois avant la date présumée de l'accouchement a droit au congé maternité 2 ( * ) .

Comme la proposition de directive concerne uniquement les travailleuses salariées et non celles qui, quelle que soit leur profession, n'ont pas d'employeur, on se concentrera ici sur le droit national applicable aux femmes salariées 3 ( * ) .

Le congé de maternité implique la suspension du contrat de travail pendant une durée qui varie en fonction de plusieurs facteurs et ouvre droit à une indemnisation dont le montant est proportionné au salaire.

1. La suspension du contrat de travail pendant seize semaines

La durée du congé maternité dépend de plusieurs éléments : nombre préalable d'enfants à charge, naissances simple ou multiple, éventualité d'un état pathologique, naissance prématurée avec hospitalisation de l'enfant.

Pour la naissance d'un enfant sans complications médicales, le congé de maternité est de seize semaines : six semaines avant la date présumée de l'accouchement et dix semaines après la naissance .

Une femme peut cependant transférer jusqu'à trois semaines du congé prénatal vers le congé postnatal à deux conditions : le professionnel de santé qui suit la grossesse doit donner un avis favorable et la future mère doit en faire la demande expresse.

Par ailleurs, en cas d'état pathologique attesté par certificat médical, le repos prénatal peut être augmenté de deux semaines au plus 4 ( * ) .

Durée du congé de maternité

Type de grossesse

Durée totale du congé
(en semaines) (4)

Période prénatale
(en semaines) (4)

Période postnatale
(en semaines) (4)

Grossesse simple

L'assurée ou le ménage a moins de deux enfants

16

6

10 (3)

L'assurée ou le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants ou l'assurée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables

26

8 (1)

18 (2) (3)

Grossesse gémellaire

34

12 (2)

22 (2) (3)

Grossesse de triplés ou davantage

46

24

22 (3)

Source : commission des affaires sociales

(1) La période prénatale peut être augmentée de deux semaines maximum sans justification médicale. La période postnatale est alors réduite d'autant.

(2) La période prénatale peut être augmentée de quatre semaines maximum sans justification médicale. La période postnatale est alors réduite d'autant.

(3) En cas de naissance prématurée plus de six semaines avant la date prévue exigeant l'hospitalisation de l'enfant, le congé est prolongé du nombre de jours courant entre la naissance et le début du congé normalement prévu.

(4) Possibilité de reporter, dans la limite de trois semaines, et à certaines conditions, le point de départ du congé prénatal, le congé postnatal étant augmenté d'autant.

Contrairement à une idée très répandue, il n'existe pas de congé prénatal obligatoire. L'article L. 1225-29 du code du travail dispose en effet qu'« il est interdit d'employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement ». Le deuxième alinéa précise ensuite qu'« il est interdit d'employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement ».

Aucune disposition légale n'empêche donc une femme enceinte qui le souhaite de travailler jusqu'au jour de l'accouchement : elle devra simplement, après la naissance, s'arrêter au moins huit semaines. L'employeur qui recourt aux services d'une salariée jusqu'au jour présumé de l'accouchement et suspend ensuite son contrat de travail pendant huit semaines respecte bien les huit semaines de congé « au total avant et après » l'accouchement.

Sur ce point, le code du travail est d'ailleurs bien coordonné avec celui de la sécurité sociale qui dispose, à l'article L. 331-3, que le versement des indemnités journalières de maternité est subordonné à la cessation de toute activité salariée pendant au moins huit semaines.

Ceci étant, même si ni le code du travail ni celui de la sécurité sociale n'instituent de congé prénatal obligatoire, les femmes enceintes sont fortement incitées à arrêter leur travail avant la date présumée de l'accouchement , car il leur est interdit de reporter plus de trois semaines de congé de la période prénatale à la période postnatale. Dans les trois semaines qui précèdent la date présumée de l'accouchement, toute journée de repos qui n'est pas prise est donc perdue.

2. Une indemnisation de bon niveau

On l'a vu, lorsque la salariée utilise son congé de maternité, son contrat de travail est suspendu. Elle a droit, en contrepartie, à des indemnités journalières de maternité servies pendant toute la durée légale du congé.

Ces indemnités sont égales au salaire journalier de base diminué de la part salariale des cotisations sociales d'origine légale et conventionnelle et de la CSG, dans la limite du plafond de la sécurité sociale.

Ce plafond est, pour l'année 2009, fixé à 76,54 euros par jour, soit 2 296 euros nets par mois.

Le code de la sécurité sociale prévoit également un plancher revalorisé au début de chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget 5 ( * ) . Il est cette année de 8,55 euros par jour, soit 256 euros nets par mois.

B. LA COUVERTURE JURIDIQUE DES FEMMES PENDANT ET APRÈS LA GROSSESSE

Les femmes enceintes ou revenant d'un congé de maternité bénéficient, au sein de l'entreprise, d'une triple protection contre le licenciement et toute mesure discriminatoire à leur égard, contre les risques que l'exercice de leur travail peuvent faire peser sur leur santé et contre les éventuels préjudices salariaux qui résulteraient de leur congé.

1. L'interdiction du licenciement et de toute mesure discriminatoire

En vertu de l'article L. 1225-4 du code du travail, l'employeur n'a pas le droit de licencier la salariée :

- « lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée ;

- « pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit ;

- « pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ».

Le licenciement intervenu pendant la période de protection caractérise un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés 6 ( * ) .

Par ailleurs, toute mesure discriminatoire fondée sur la grossesse, « notamment en matière de rémunération [...], de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat » est interdite 7 ( * ) .

L'article L. 1225-1 du même code précise en outre que l'employeur n'a pas le droit de prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou pour prononcer une mutation d'emploi. Il lui est donc interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l'état de grossesse de l'intéressée.

Malgré cet arsenal juridique développé, l'expérience révèle cependant que certains employeurs n'hésitent pas, de manière déguisée, à passer outre ces interdictions.

2. La suspension du contrat de travail en cas d'exposition à certains risques

Lorsqu'une salariée enceinte se trouve exposée, à son poste de travail, à certains risques incompatibles avec son état de grossesse et que l'employeur ne peut techniquement et objectivement lui proposer un autre poste dans l'entreprise, son contrat de travail est suspendu. La salariée bénéficie alors d'une allocation journalière de maternité spécifique équivalente à l'indemnité journalière maladie, complétée par une indemnisation à la charge de l'employeur 8 ( * ) .

Les postes à risques sont notamment ceux exposant la salariée à des agents avérés toxiques pour la reproduction, au virus de la rubéole ou au plomb métallique et à ses composés.

De même, une salariée enceinte qui travaille de nuit peut demander un poste de jour pendant la durée de sa grossesse et, après accord du médecin du travail, pendant une période d'un mois suivant son retour de congé. Si l'employeur ne dispose pas de poste de jour, le contrat de travail est suspendu dans les mêmes conditions que pour les salariées exposées à des postes à risques 9 ( * ) .

Enfin, le code du travail autorise une salariée enceinte à s'absenter pour se rendre aux examens médicaux obligatoires 10 ( * ) et de nombreuses conventions collectives prévoient des aménagements d'horaires.

3. La garantie d'égalité de traitement salarial

Dans le domaine professionnel, le principe d'égalité des chances entre les femmes et les hommes implique que les femmes qui prennent un congé de maternité ne soient pas désavantagées professionnellement par rapport à leurs collègues masculins.

C'est pourquoi l'article L. 1225-26 du code du travail, issu de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, dispose que, sauf dispositions conventionnelles plus avantageuses, la rémunération d'une salariée ayant bénéficié d'un congé de maternité « est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise ».

De ce fait, au moins au niveau salarial, le bénéfice d'un congé de maternité ne constitue plus, théoriquement, un désavantage pour les femmes salariées.

II. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE

La proposition de directive E 4021 est le deuxième texte communautaire relatif à la protection des travailleuses enceintes. Une première directive a déjà, en 1992, posé les fondements du droit communautaire en la matière 11 ( * ) .

Bien qu'elle comprenne plusieurs avancées non négligeables, la proposition de directive est loin d'être satisfaisante sur de nombreux points.

A. LES FONDEMENTS POSÉS PAR LA DIRECTIVE DE 1992

1. Un congé de maternité de quatorze semaines

La directive de 1992 a institué, dans l'ensemble des pays membres de l'Union, un congé de maternité de quatorze semaines continues, dont deux obligatoires . Les Etats membres sont libres d'en augmenter la durée mais ne peuvent la réduire.

Comme le montre le tableau suivant, la plupart des pays européens ont choisi d'aller au-delà de ce seuil communautaire.

Durée du congé de maternité dans les pays de l'Union

Pays

Durée maximale (semaines)

Autriche

16 (20 si circonstances médicales particulières)

Belgique

15 (17 en cas de naissance multiple)

Danemark

18

Finlande

105 jours (dimanches exclus) = environ 17,5 semaines

France

1 er /2 e enfant : 16 ; 3 e et suivants : 24 ;
34 à 46 semaines en cas de naissance multiple

Allemagne

14 (18 en cas de naissance multiple)

Grèce

17

Hongrie

24

Irlande

26

Italie

21 (5 mois)

Luxembourg

16 (20 en cas de naissance multiple)

Pays-Bas

16

Pologne

1 er enfant : 16 ; 2 e et suivants : 18 ; naissance multiple : 24

Portugal

17

Slovaquie

28 (37 en cas de naissance multiple)

Slovénie

105 jours (15 semaines)

Espagne

16 (18 si 3 enfants ou plus)

Suède

420 jours (480 à partager dont 60 non transférables)

Source : institut de recherche économique et sociale (Ires)

2. La protection des salariées contre le licenciement et les risques sanitaires

La directive de 1992 a été transposée, en droit national, dans les articles du code du travail consacrés à la protection des femmes exposées à des risques sanitaires et travaillant la nuit 12 ( * ) .

Elle a également introduit au niveau communautaire l'interdiction, qui existait déjà en France, de licencier une salariée pendant la période allant du début de sa grossesse au terme de son congé de maternité 13 ( * ) .

Elle a enfin prévu que la suspension du contrat de travail due au congé de maternité donne lieu à une indemnisation qui ne doit pas être inférieure à celle accordée en cas de maladie 14 ( * ) .

B. LES PROGRÈS ET LES POINTS CONTESTABLES DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

1. Plusieurs avancées significatives

La proposition de directive fait progresser les droits des femmes enceintes sur trois points.

D'abord, elle porte le congé de maternité de quatorze à dix-huit semaines . Si elle est adoptée, elle permettra d'augmenter la durée de ce congé dans dix-sept Etats membres, puisque seuls huit d'entre eux prévoient déjà une durée égale ou supérieure à dix-huit semaines. Il convient également de noter qu'un repos de dix-huit semaines est recommandé par l'organisation internationale du travail 15 ( * ) (OIT).

Ensuite, la directive crée un nouveau droit pour les travailleuses , celui « de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elles auraient eu droit durant leur absence » 16 ( * ) . Si cette nouvelle règle constitue un progrès, elle reste cependant moins avantageuse que la législation française, qui accorde aux salariées qui reviennent d'un congé de maternité le bénéfice non seulement de l'amélioration des conditions de travail mais surtout, on l'a vu, des augmentations salariales octroyées en leur absence. L'alignement du droit communautaire sur les normes françaises représenterait donc, sur ce point, une perspective intéressante pour les salariées de l'Union.

Enfin, la proposition de directive prévoit que les Etats membres doivent prendre « les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'une travailleuse [...] ait le droit, pendant son congé de maternité [...] ou de retour de celui-ci, de demander à son employeur de modifier ses rythme et horaires de travail. ». Elle ajoute que « l'employeur est tenu d'examiner une telle requête en tenant compte des besoins des deux parties » 17 ( * ) . Comme on l'a noté, une telle possibilité n'est actuellement offerte, en France, que par certaines conventions collectives. La proposition de directive permettra donc d'en faire profiter l'ensemble des femmes enceintes salariées.

2. Les éléments qui appellent une modification du texte

En dépit des améliorations qu'elle promet, la proposition de directive comporte plusieurs dispositions qui, en l'état actuel, doivent être remaniées pour rendre l'ensemble du texte acceptable.

a) Des dispositions contraires au principe de subsidiarité

Pour présenter au Conseil et au Parlement la proposition de directive, la Commission s'est appuyée sur l'article 137 du traité instituant la Communauté européenne, en vertu duquel l'Union a compétence pour compléter l'action des Etats membres en matière de protection de « la santé et de la sécurité des travailleurs », de « protection sociale des travailleurs » et de promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le domaine professionnel.

Dans les champs énumérés à l'article 137, l'Union n'a donc qu'une compétence subsidiaire : toute intervention législative de sa part doit se limiter à poser les règles de principe que les Etats membres se chargent ensuite d'appliquer selon les modalités de leur choix.


Le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité consiste à réserver à l'échelon supérieur uniquement ce qu'il peut effectuer plus efficacement que l'échelon inférieur. Appliqué à la Communauté européenne, il signifie que celle-ci ne doit légiférer que dans la mesure où son action sera plus efficace que celle des Etats membres.

Le principe de subsidiarité a été introduit dans le droit communautaire par le traité de Maastricht. L'article 5 dispose en effet que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

Le principe de subsidiarité ne s'applique qu'aux questions relevant d'une compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres. Il ne concerne pas les domaines relevant de la compétence exclusive de la Communauté (la politique agricole commune par exemple), ni ceux dans lesquels elle n'intervient pas du tout (par exemple le droit de la nationalité).

Or, l'article 1 er de la proposition de directive, qui crée le nouveau congé de maternité de dix-huit semaines, dont six obligatoires après l'accouchement, prévoit également que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les travailleuses [...] aient le droit de choisir librement la période - avant ou après l'accouchement - à laquelle elles prennent la partie non obligatoire de leur congé de maternité ». Les Etats membres se voient ainsi privés de la possibilité d'inciter, ou même d'obliger, les femmes enceintes à prendre un congé prénatal.

Dans la mesure où elle définit les modalités d'application du congé de maternité à la place des Etats membres, une telle règle est contraire au principe de subsidiarité.

En outre, elle apparaît, sur le fond, injustifiée au regard de l'intérêt des salariées enceintes. En effet, on peut légitimement considérer que la faiblesse du taux de prématurité 18 ( * ) est justement liée à l'arrêt de l'activité professionnelle plusieurs semaines avant l'accouchement. Par ailleurs, le fait que 54 % des femmes enceintes obtiennent un congé pathologique avant la naissance 19 ( * ) , et interrompent donc leur activité huit semaines avant l'accouchement, révèle également le besoin pour une majorité d'entre elles de pouvoir se reposer, tant physiquement que mentalement, afin de préparer dans les meilleures conditions l'arrivée du nouveau-né.

Votre commission demande donc au Gouvernement de convaincre ses partenaires européens de supprimer la disposition en cause.

b) Des règles ambiguës à clarifier

La directive de 1992 prévoyait que l'indemnisation des salariées enceintes bénéficiant d'un congé de maternité ne devait pas être inférieure à celle accordée en cas de maladie.

Tout en reprenant ce principe, la proposition de directive introduit une nouvelle règle en vertu de laquelle l'indemnisation doit être au moins équivalente « au dernier salaire mensuel ou à un salaire moyen [...] dans la limite d'un plafond éventuel déterminé par les législations nationales 20 ( * ) ».

Le régime d'indemnisation qui résulterait de l'adoption de la proposition de directive apparaît donc peu clair : d'un côté, il semble garantir à toutes les femmes enceintes, en dessous d'un certain salaire, une compensation de 100 % de leur rémunération ; de l'autre, il laisse entendre qu'elles n'auraient droit qu'aux indemnités versées en cas de maladie.

Il est donc nécessaire de sortir de cette ambiguïté en supprimant la première règle issue de la directive de 1992. La proposition de directive ne peut en effet représenter un progrès que si elle accorde aux femmes, sans équivoque, une indemnisation à 100 % dans la limite d'un plafond global applicable à toutes les salariées, et déterminé par chaque Etat membre.

La disposition relative au congé supplémentaire octroyé en cas de naissance prématurée, d'hospitalisation de l'enfant à la naissance, de naissance d'un enfant handicapé ou de naissance multiple appelle également une clarification.

Certes, il est difficile de définir a priori des durées minimales et maximales pour ce type de congé, tant il dépend de la spécificité de chaque cas. Ceci étant, en l'état actuel de la rédaction, il suffirait aux Etats membres d'accorder simplement un seul jour supplémentaire de congé pour satisfaire aux obligations de la proposition de la directive.

Pour que ce nouveau droit ne soit pas fictif, il est donc nécessaire que le texte précise les grands principes de sa mise en oeuvre. Par exemple, il pourrait indiquer qu'en cas de naissance prématurée, la salariée bénéficie, pendant la période postnatale, des jours accordés au titre du congé prénatal qu'elle n'a pas pris.

De même, il est possible de définir une durée minimale de congé en cas de naissance multiple.

Votre commission propose que ce seuil soit fixé à trente-quatre semaines, soit la durée du congé alloué en France pour une naissance gémellaire.

c) Une remise en cause inacceptable de la présomption d'innocence

Dans un souci, certes légitime, de mieux défendre les droits des salariées enceintes, la proposition de directive prévoit que, dans les cas de contentieux concernant son application, la charge de la preuve soit inversée. Il suffirait donc à la salariée de présenter « des faits qui laissent présumer l'existence d'une [...] infraction » pour que l'employeur, à défaut de présenter des preuves mettant son comportement hors de doute, soit reconnu fautif.

Or, des faits qui laissent présumer l'existence d'une faute ne peuvent constituer une preuve de celle-ci .

Le dispositif juridictionnel introduit par la proposition de directive conduirait donc à créer une sorte de présomption de culpabilité, contraire au principe de présomption d'innocence.

Votre commission a déjà exprimé, à l'occasion de l'examen du projet de loi de transposition de cinq directives anti-discrimination 21 ( * ) , sa ferme opposition à la remise en cause de ce principe fondamental de la République. Le souhait compréhensible de protéger les droits des salariés, et des femmes enceintes en particulier, ne peut justifier un démantèlement d'un principe aussi essentiel à un Etat de droit.

Qui plus est, il existe d'autres procédés permettant de garantir le respect des droits des femmes enceintes. Faire peser sur l'employeur le risque de la preuve, c'est-à-dire estimer que les deux parties doivent prouver ce qu'elles avancent, mais qu'en cas de doute celui-ci profite à la salariée, permettrait de mieux protéger les femmes enceintes sans pour autant introduire une présomption de faute de l'employeur 22 ( * ) .

d) Un oubli regrettable du congé de paternité

On l'a vu, l'article 137 du traité donne compétence à l'Union pour compléter l'action des Etats membres visant à promouvoir l'égalité des chances, en matière professionnelle, entre les femmes et les hommes.

Or, il est évident qu'un tel objectif ne peut être atteint sans inciter les pères à s'impliquer davantage dans l'accueil des nouveau-nés.

A ce titre, il est regrettable que la proposition de directive ne comporte aucune disposition concernant le congé de paternité.

D'après les informations fournies par la Commission européenne, dix des vingt-cinq Etats membres ont déjà institué un tel congé : le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Portugal, la Slovaquie et la Suède. Dans ces conditions, on peut légitimement penser que son introduction dans la proposition de directive, sans emporter immédiatement l'adhésion d'une majorité d'Etats membres, obtiendrait au moins le soutien d'une importante minorité d'entre eux qui pourrait le défendre et le promouvoir auprès de leurs partenaires.

Votre commission demande au Gouvernement de soutenir l'instauration d'un congé de paternité par la proposition de directive.

*

* *

Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter la proposition de résolution dans la rédaction qu'elle vous soumet.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (texte E 4021) ;

Considérant qu'en France, une grande majorité des mères jugent que la durée actuelle du congé de maternité, soit seize semaines, est trop courte ; que cette appréciation est confirmée par la pratique, puisque la durée moyenne de l'ensemble des congés pris à l'occasion d'une naissance est supérieure de cinq semaines à celle du seul congé de maternité ; qu'en outre, l'organisation internationale du travail préconise un congé légal de maternité de dix-huit semaines ;

Considérant qu'en vertu du principe de subsidiarité, s'il revient à l'Union européenne d'établir un socle de droits fondamentaux pour les travailleuses de l'Union, il ne lui appartient pas de préciser les modalités d'application de ces droits dans chaque Etat membre ; qu'en l'espèce, en interdisant aux Etats membres d'imposer, dans un objectif de santé publique, un congé prénatal aux salariées enceintes, la proposition de directive viole le principe de subsidiarité ;

Considérant qu'un congé de maternité, quelle que soit sa durée, n'est protecteur que s'il garantit une indemnisation d'un montant proche de la rémunération de la salariée ; qu'un tel objectif ne peut être atteint qu'en fixant légalement un taux élevé de remplacement du salaire ; qu'à cet égard, la proposition de directive apparaît peu claire et insuffisante ;

Considérant qu'en instituant un congé de maternité supplémentaire en cas de naissance prématurée, d'hospitalisation de l'enfant à la naissance, de naissance d'un enfant handicapé ou de naissance multiple, sans en définir la durée minimum, la proposition de directive crée un droit fictif, puisque l'octroi d'un seul jour de congé complémentaire suffirait à satisfaire aux obligations qu'elle établit ;

Considérant que le principe d'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en matière professionnelle, implique que le bénéfice d'un congé de maternité ne constitue pas un désavantage professionnel pour les mères ; qu'il en résulte qu'une femme ayant bénéficié d'un congé de maternité a droit aux mêmes augmentations salariales et avantages que ceux accordés, pendant son congé, aux salariés appartenant à la même catégorie professionnelle ;

Considérant que les mesures favorisant l'engagement des pères dans la prise en charge du nouveau-né découlent de ce même principe ; qu'en ce sens le congé de paternité, qui n'existe pour l'instant que dans une minorité d'Etats membres, constitue une avancée sociale à promouvoir dans toute l'Union ; que la proposition de directive doit par conséquent encourager les Etats membres à instaurer un tel congé ;

Considérant que des faits qui laissent simplement présumer l'existence d'une faute ne peuvent suffire à prouver l'existence de celle-ci ; qu'en méconnaissant cette règle et en imposant un renversement de la charge de la preuve dans les cas de contentieux concernant son application, la proposition de directive remet en cause le principe de la présomption d'innocence, principe fondamental de la République ;

Considérant que la légalité du reclassement ou de la suspension du contrat de travail, pour des raisons médicales, d'une salariée enceinte, ne saurait dépendre de la production d'un certificat médical par la salariée elle-même ; qu'il relève des obligations de l'employeur, sous le contrôle de la médecine du travail, de prendre les dispositions nécessaires à la préservation de la sécurité et de la santé de la salariée enceinte ; que dès lors, le fait pour un employeur d'avoir, sous le contrôle de la médecine du travail, modifié l'affectation ou suspendu le contrat de travail d'une telle salariée, ne saurait constituer une faute ;

Demande au Gouvernement de soutenir formellement l'allongement de la durée du congé de maternité à dix-huit semaines ;

Refuse toute disposition qui priverait les Etats membres de la faculté de définir eux-mêmes les modalités d'application du congé de maternité et sa répartition entre les périodes prénatale et postnatale ;

Exige que soit levée toute ambiguïté concernant le montant des indemnités du congé de maternité et que la proposition de directive prévoie clairement que ces indemnités sont égales au salaire mensuel moyen de la salariée, dans la limite d'un seul plafond global applicable à toutes les salariées et déterminé par chaque Etat membre ; souhaite qu'une règle équivalente soit appliquée aux travailleuses indépendantes ;

Préconise d'introduire dans la proposition de directive la règle selon laquelle une salariée ayant bénéficié d'un congé de maternité a droit non seulement aux mêmes améliorations des conditions de travail, mais également aux mêmes augmentations salariales et avantages que ceux accordés aux salariés appartenant à la même catégorie professionnelle ;

Recommande que les modalités et la durée minimum des congés supplémentaires accordés en cas de naissance prématurée, d'hospitalisation de l'enfant à la naissance, de naissance d'un enfant handicapé ou de naissance multiple soient précisées par la proposition de directive et que le congé accordé en cas de grossesse multiple ne soit pas inférieur à trente-quatre semaines ;

Regarde comme un progrès social l'instauration au niveau de l'Union d'un congé de paternité que la proposition de directive doit promouvoir ;

S'oppose fermement à la remise en cause de la présomption d'innocence et propose, afin de mieux protéger les droits accordés aux femmes enceintes par la proposition de directive, de faire peser sur l'employeur le risque de la preuve en cas de contentieux concernant l'application de ces droits ;

Estime qu'un employeur ne peut pas être sanctionné pour avoir, sous le contrôle d'un médecin indépendant, modifié l'affectation ou suspendu le contrat de travail d'une salariée enceinte pour des raisons médicales ; exige par conséquent la suppression du texte prévu pour le point 1 bis de l'article 11 de la directive 92/85/CEE.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mai 2009 sous la présidence de Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport d' Annie David sur la proposition de résolution européenne n° 340 (2008-2009) présentée par Annie David au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (E 4021).

Annie David, rapporteure , a indiqué que cette proposition de directive est actuellement en cours de discussion au Conseil et au Parlement européens : le Sénat peut donc encore en modifier le contenu en adoptant une résolution européenne présentant ses positions que le Gouvernement devra défendre à Bruxelles.

L'Union européenne a peu de prérogatives en matière sociale mais elle est compétente, en vertu de l'article 137 du traité instituant la communauté européenne, pour compléter l'action des Etats membres en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, de protection sociale des travailleurs et d'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le domaine professionnel. Cette base juridique est étroite mais suffisante pour que les parlementaires nationaux promeuvent, par leurs résolutions, une Europe plus sociale et plus juste.

La première directive sur la protection des femmes enceintes au travail, adoptée en 1992 et toujours en vigueur, a posé une série de règles importantes : création d'un congé de maternité d'au moins quatorze semaines pour toutes les femmes salariées de l'Union, dont deux semaines obligatoires, interdiction du licenciement d'une femme enceinte et obligation, pour l'employeur, d'adapter son poste de travail en cas de risque sanitaire pour la salariée.

La proposition de directive complète ce dispositif par huit mesures :

- elle porte le congé de maternité à dix-huit semaines, dont six obligatoires, sachant qu'en France, il est de seize semaines, dont huit imposées ;

- elle octroie un congé supplémentaire en cas de naissance prématurée, d'hospitalisation de l'enfant à la naissance, de naissance d'un enfant handicapé ou de naissance multiple ;

- elle interdit aux Etats membres de répartir le congé de maternité entre les périodes prénatale et postnatale ;

- elle accorde aux salariées enceintes le droit, qui existe déjà en France, de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail qui serait accordée, pendant leur absence, aux employés appartenant à la même catégorie socioprofessionnelle ;

- elle fixe l'indemnité versée pendant le congé de maternité à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque Etat membre - soit, en France, 2 300 euros nets par mois dans le régime général ;

- elle permet à la salariée enceinte de demander, en dehors des situations à risque pour sa santé, un aménagement de ses rythmes et horaires de travail ;

- elle renverse la charge de la preuve en cas de contentieux entre l'employeur et l'employée concernant l'application de la directive : lorsque la salariée présentera des faits laissant présumer l'existence d'une infraction, il incombera à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de faute ;

- enfin, les agences chargées de la lutte contre les discriminations, en l'occurrence la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) en France, seront désormais compétentes pour se saisir de toutes les questions traitées par la proposition de directive.

Annie David, rapporteure, a considéré que si plusieurs de ces mesures constituent un progrès, la fixation du congé de maternité à dix-huit semaines par exemple, d'autres sont, en l'état, plus contestables.

Ainsi, le fait d'interdire aux Etats membres de fixer eux-mêmes la répartition du congé de maternité entre la période qui précède la naissance et celle qui la suit est contraire au principe de subsidiarité : s'il revient bien à l'Union européenne d'établir un socle de droits fondamentaux pour les travailleuses de l'Union, il ne lui appartient pas de préciser les modalités d'application de ces droits dans les Etats membres.

De même, les dispositions concernant le niveau d'indemnisation des femmes en congé de maternité sont ambiguës : le texte indique à la fois que toutes les femmes, en dessous d'un certain salaire, doivent être indemnisées à 100 % et qu'elles n'ont droit qu'aux indemnités versées en cas de maladie. Il faut donc clarifier ce point en affirmant que, dans la limite d'un plafond global applicable à toutes les salariées, celles-ci seront indemnisées à 100 %, comme c'est par exemple le cas en France.

La durée minimum du congé supplémentaire, accordé en cas de pathologie ou de naissance multiple, doit également être précisée, faute de quoi certains Etats membres pourraient se contenter de n'accorder qu'un seul jour de plus pour satisfaire à cette obligation.

Par ailleurs, le renversement de la charge de la preuve dans les cas de contentieux relatifs à l'application de la directive n'est pas admissible car il remet en cause le principe fondamental de la présomption d'innocence. Pour protéger les femmes enceintes tout en assurant le respect d'un principe fondamental de la République, il faudrait exiger que l'employeur assume le risque de la preuve, c'est-à-dire qu'en cas de doute, celui-ci profite à la salariée, comme le code français du travail le prévoit actuellement.

Enfin, aborder le sujet de la vie professionnelle des femmes enceintes conduit à soutenir l'implication des pères dans l'accueil du nouveau-né, et donc à promouvoir le congé de paternité. La proposition de résolution pourrait utilement encourager les Etats membres à le développer.

Patricia Schillinger et Sylvie Goy-Chavent ont souhaité savoir si la proposition de directive comporte des dispositions visant à protéger les femmes qui exercent un travail pénible.

Guy Fischer a jugé trop rares les propositions de directive qui renforcent les droits sociaux des travailleurs européens, alors qu'il revient pourtant à l'Union européenne de définir un socle de droits fondamentaux commun à tous les Etats membres.

Gisèle Printz et François Autain ont demandé à connaître l'avis de la rapporteure sur l'amendement, déposé à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à faciliter le maintien et la création d'emplois, qui autorise les salariés en arrêt maladie ou en congé de maternité à poursuivre leur activité professionnelle grâce au télétravail.

A ce sujet, Sylvie Desmarescaux a signalé le cas d'un salarié atteint d'une sclérose en plaques qui lui a personnellement affirmé que le télétravail l'aide à combattre sa maladie.

Muguette Dini a encouragé la rapporteure à suivre avec attention la réalité de la prise en compte de la résolution du Sénat par les autorités françaises à Bruxelles.

Après que Gérard Dériot a rappelé l'exemplarité de la France par rapport aux autres pays européens en matière de protection des femmes enceintes, Isabelle Debré a déclaré être, pour ces mêmes raisons, fière d'être française, le pays des droits de l'Homme devant aussi être celui des droits de la Femme.

Gilbert Barbier a souhaité savoir quelle devrait être la durée minimale du congé supplémentaire, accordé notamment en cas de grossesse multiple, préconisée par la rapporteure.

Alain Vasselle s'est interrogé sur le coût et les modalités de financement de l'allongement à dix-huit semaines du congé de maternité prévu par la proposition de directive. Il s'est enquis de la durée réelle de l'ensemble des congés pris à l'occasion d'une naissance par rapport à celle du seul congé de maternité et de l'existence éventuelle de règles spécifiques concernant le droit au congé de paternité des pères polygames.

Paul Blanc a regretté que la proposition de directive ne comporte aucune disposition concernant la nocivité du tabac pour les femmes enceintes.

Nicolas About, président , a indiqué que la même observation s'applique à la consommation d'alcool. Il s'est dit préoccupé par l'absence de dispositions concernant les travailleuses indépendantes.

Anne-Marie Payet s'est demandé si la législation française prévoit toujours un congé pour allaitement. Elle a rappelé que la polygamie est absolument interdite en France, sauf à Mayotte où l'interdiction étant récente, certains hommes sont encore légalement polygames.

S'étant déclarée personnellement défavorable à l'amendement évoqué par Gisèle Printz et François Autain, Annie David a souhaité ne pas prolonger le débat sur ce sujet étranger à la proposition de résolution et a présenté les éléments de réponse suivants :

- la directive de 1992 institue déjà une obligation pour l'employeur d'assurer la sécurité des femmes enceintes : si le travail exercé par la salariée l'expose à un danger pour sa santé, il doit immédiatement suspendre le contrat de travail. La proposition de directive est encore plus protectrice puisqu'elle accorde le droit à une salariée de demander à son employeur, même en l'absence de danger pour sa santé, un aménagement de ses horaires et de son rythme de travail. L'employeur est tenu d'examiner sa requête en tenant compte des besoins des deux parties ;

- la durée minimale du congé de maternité dans les cas de grossesse multiple pourrait être de trente-quatre semaines, ce qui correspond à celle accordée en France pour les grossesses gémellaires ;

- l'allongement du congé de maternité à dix-huit semaines représenterait, au plus, un coût supplémentaire de 200 millions d'euros pour l'assurance-maladie, soit une augmentation de moins de 10 % de son coût actuel, qui est de 2,4 milliards d'euros ;

- 70 % des jeunes mères françaises bénéficient, dans les faits, d'un congé pathologique de deux semaines qui s'ajoutent aux seize semaines de congé de maternité stricto sensu. Ceci étant, on peut penser que si celui-ci est porté à dix-huit semaines, les médecins accorderont moins facilement le congé pathologique ;

- la proposition de directive n'aborde pas le sujet des travailleuses indépendantes car ce problème fait l'objet d'une directive spécifique ;

- le code du travail accorde toujours aux salariées, pendant une année à compter du jour de la naissance, une pause d'une heure par jour, sur les heures de travail, pour allaiter leur enfant. Certaines conventions collectives sont encore plus généreuses.

La commission a ensuite examiné le texte proposé pour la résolution.

A l'initiative de Muguette Dini et Brigitte Bout , elle a modifié les sixième et quatorzième considérants pour marquer plus nettement le souhait du Sénat de voir la proposition de directive inciter les Etats membres à instaurer un congé de paternité.

Elle a ensuite adopté le texte de la proposition de résolution ainsi modifié .

* 1 Le risque professionnel se distingue du risque existentiel dans la mesure où l'on peut imaginer qu'une femme enceinte perde son emploi mais continue à bénéficier de revenus, en percevant par exemple des indemnités journalières, et qu'à l'inverse, une femme enceinte conserve son emploi, son contrat de travail étant simplement suspendu, mais soit privée de revenus, aucun système d'indemnités ne venant compenser la perte de salaire.

* 2 Articles R. 313-1 et R. 313-2 du code de la sécurité sociale. Plusieurs modes de calcul de la durée et du montant minimum de cotisations ont été institués afin de prendre en compte la diversité des situations professionnelles des salariées et de couvrir ainsi le plus grand nombre d'entre elles. Pour avoir droit au congé de maternité, il suffit par exemple, au cours de l'année écoulée, d'avoir effectué soixante heures de travail salarié pendant un mois ou d'avoir effectué au moins 120 heures de travail salarié ou assimilé pendant trois mois consécutifs.

* 3 En ce qui concerne les travailleuses non salariées, la quasi-totalité d'entre elles sont prises en charge par le régime social des indépendants, qui regroupe les activités non salariées non agricoles. Les femmes enceintes relevant de ce régime ont droit, d'une part, à une allocation forfaitaire dont la première moitié est versée à la fin du septième mois de grossesse et la seconde à l'accouchement, d'autre part, sous réserve de la cessation d'activité, d'une indemnité journalière accordée pendant le dernier mois de grossesse et le mois qui suit l'accouchement (articles D. 613-4-1 et D. 613-4-2 du code la sécurité sociale).

* 4 Article L. 1225-21 du code du travail.

* 5 Article R. 331-5 du code de la sécurité sociale.

* 6 Cour de cassation, chambre sociale, 16 juillet 1997, n° 95-42.095.

* 7 Article L. 1132-1 du code du travail.

* 8 Article L. 1225-14.

* 9 Article L. 1225-10.

* 10 Article L. 1225-16.

* 11 Directive 92/85/CEE.

* 12 Articles 3 à 6 de la directive transposés par l'ordonnance n° 2001-173 du 22 février 2001 et article 7 transposé par la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001.

* 13 Article 10 de la directive de 1992.

* 14 Article 11 de la directive de 1992.

* 15 Organisation internationale du travail, recommandation n° 95 sur la protection de la maternité, adoptée le 26 juin 1952 à Genève.

* 16 Article 1 er , point 3, de la proposition de directive.

* 17 Article 1 er , point 3, de la proposition de directive.

* 18 Il était de 8,14 % en France en 2005.

* 19 Enquête « Congés autour de la naissance » réalisée en 2004 par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).

* 20 Article 1 er , point 3, de la proposition de directive.

* 21 Rapport Sénat n° 253 (2007-2008) «Loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations »  de Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales.

* 22 Une telle règle est prévue par l'article L. 1235-1 du code du travail pour les contentieux relatifs au licenciement pour motif personnel : « en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ».

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