B. LE RÉGIME PRÉVU PAR LA DIRECTIVE DE 2008

La protection des consommateurs établie par la directive du 23 avril 2008 constitue un régime d'ordre public . En effet, il revient expressément aux Etats membres de veiller à ce que les intéressés ne puissent renoncer à leurs droits et à ce que le libellé des contrats ne tende pas à contourner ces derniers, ainsi qu'à prendre « les mesures nécessaires pour faire en sorte que le consommateur ne soit pas privé de [cette] protection [...] du fait que la loi choisie pour régir le contrat de crédit serait celle d'un pays tiers, si [ce] contrat [...] présente un lien étroit avec le territoire d'un ou plusieurs Etats membres » (article 22, paragraphes 2 à 4). Plus généralement, les Etats membres sont tenus :

- d'organiser le contrôle des prêteurs , « par une autorité ou un organisme indépendants des institutions financières » ou au moyen d'une réglementation (article 20) ;

- de définir les sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales mettant en oeuvre la directive (article 23) ;

- et de mettre en place des « procédures adéquates et efficaces de résolution extrajudiciaire des litiges » en matière de crédit à la consommation (article 24).

La directive vise à règlementer les contrats de crédit proprement dits, en ce qui concerne leur contenu et leur exécution, mais également la période précontractuelle du crédit, essentiellement en termes d'information. Ces règles, toutefois, sont limitées au champ d'application du texte.

1. Un champ d'application précisément défini

Le champ d'application de la directive de 2008 a été défini avec toute la précision qu'appelait l'enjeu d'une harmonisation « maximale ». Sauf à méconnaître leurs obligations communautaires, les Etats membres ne peuvent restreindre ce champ d'application ; en revanche, ils ont la liberté de l'étendre (par exemple en décidant de soumettre aux dispositions prévues par la directive des contrats qui en sont a priori exemptés).

a) Le champ d'application matériel

(1) Les contrats concernés

La directive s'applique aux « contrats de crédit aux consommateurs » (articles 1 er et 2, paragraphe 1), notion qui recoupe celle de « crédit à la consommation » en mettant l'accent sur les personnes qui souscrivent le crédit plutôt que sur l'activité ainsi financée. Le contrat de crédit est défini comme « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s'engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu'ils sont fournis, par des paiements échelonnés » (article 3, c).

Cependant, plusieurs catégories de contrats pouvant répondre à cette définition se trouvent exclues du champ d'application de la directive (article 2, paragraphe 2). Il s'agit :

- des crédits immobiliers ;

- des crédits garantis par une hypothèque ;

- des prêts gagés par la remise d'un bien au prêteur ;

- des crédits dont le montant total est inférieur à 200 euros ou supérieur à 75.000 euros (ce qui signifie, a contrario , que les crédits compris entre 200 et 75.000 euros sont impérativement soumis aux dispositions de la directive) ;

- des crédits sans intérêt et sans frais, ainsi que des délais de paiement gratuits consentis pour le règlement d'une dette ;

- des crédits remboursables dans un délai ne dépassant pas trois mois et « pour lesquels ne sont requis que des frais négligeables » (le critère du caractère « négligeable » des frais n'est cependant pas précisé par la directive) ;

- des facilités de découvert remboursables dans le délai d' un mois (ce qui vise vraisemblablement, en particulier, le régime des cartes de crédit) ;

- des contrats de location ou de crédit-bail sans option d'achat ;

- du crédit « social », soit privé (les prêts accordés par un employeur à ses salariés à des conditions préférentielles par rapport au marché), soit public (les prêts « accordés à un public restreint en vertu d'une disposition légale d'intérêt général et à un taux d'intérêt inférieur à celui pratiqué sur le marché, ou sans intérêt, ou à d'autres conditions qui sont plus favorables au consommateur que celles en vigueur sur le marché et à des taux d'intérêt qui ne sont pas supérieurs à ceux pratiqués sur le marché » [ce qui vise sans doute, notamment, certaines formes de microcrédit]) ;

- des crédits résultant d'un compromis judiciaire ou d'un accord intervenu devant une autre autorité légale.

En outre, la directive aménage des régimes simplifiés correspondant à l'application d'une partie seulement de ses dispositions. Cette situation bénéficie de droit aux facilités de découvert (découverts expressément prévus et « dépassements », c'est-à-dire découverts « accidentels », tacitement acceptés : article 2, paragraphes 3 et 4). Elle peut bénéficier, à l'initiative des Etats membres et sous conditions, aux délais de paiements consentis en cas de défaut de paiement d'un consommateur (article 2, paragraphe 6), ainsi qu'à certains crédits spécifiques conclus dans le cadre d'organisations communautaires d'intérêt social (article 2, paragraphe 5).

(2) Les personnes visées

Les situations régies par la directive intéressent trois catégories de personnes :

- en premier lieu, le consommateur , défini comme « toute personne physique qui, pour les transactions régies par la présente directive, agit dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle » (article 3, a). Les personnes morales ne sont donc pas considérées, dans le cadre de la directive, comme des consommateurs, et les consommateurs agissant dans le cadre d'une activité d'entreprise ne sont pas concernés ;

- en deuxième lieu, le prêteur , défini comme « toute personne physique ou morale qui consent ou s'engage à consentir un crédit dans le cadre de l'exercice de ses activités commerciales ou professionnelles » (article 3, b). Cette définition exclut du champ d'application de la directive les prêts accordés dans un cadre familial ou amical, même renouvelés ;

- en troisième lieu, le cas échéant, un « intermédiaire de crédit », nouvelle notion du droit communautaire définie comme « une personne physique ou morale qui n'agit pas en qualité de prêteur et qui, dans le cadre de l'exercice de ses activités commerciales ou professionnelles , contre une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d'avantage économique ayant fait l'objet d'un accord : présente ou propose des contrats de crédit aux consommateurs, assiste les consommateurs en réalisant des travaux préparatoires pour des contrats de crédit [...] , ou conclut des contrats de crédit avec des consommateurs pour le compte du prêteur » (article 3, f). Cette définition recouvre à la fois les intermédiaires professionnels du crédit (courtiers) et les professionnels de la vente ou prestataires de services qui, au nom d'un organisme de crédit, peuvent proposer au consommateur un crédit affecté au financement de l'achat de leurs produits (pratique courante aujourd'hui dans, par exemple, les secteurs de l'automobile, de l'ameublement ou de l'électroménager).

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