CHAPITRE II - ÉNERGIES RENOUVELABLES

Article 30 (Article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales et loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur) - Dispositions relatives aux réseaux de chaleur

Commentaire : cet article tend, d'une part, à permettre la prolongation de la durée de concession d'un réseau de chaleur en raison d'investissements liés au développement des énergies renouvelables, d'autre part, à simplifier la procédure de classement des réseaux de chaleur utilisant majoritairement des énergies renouvelables ou fatales.

I. Le droit en vigueur

Un réseau de distribution de chaleur, ou réseau de chauffage urbain, est une installation qui comprend une ou plusieurs sources de chaleur, un réseau primaire de canalisations empruntant la voirie publique ou privée et aboutissant à des postes de livraison de la chaleur aux utilisateurs, les sous-stations.

En 2002, le Syndicat national du chauffage urbain a recensé 394 réseaux de chaleur, qui ont vendu au total 23,2 TWh et consommé 26 TWh 47 ( * ) . Les deux tiers de la chaleur produite vont à l'habitat, un peu plus d'un million de logements étant desservis, dont les trois quarts de logements sociaux. Les hôpitaux et les établissements scolaires consomment la moitié de la chaleur non absorbées par l'habitat. Les réseaux de distribution de chaleur représentent environ 5 % de la chaleur consommée par le secteur résidentiel et tertiaire en France, alors que cette proportion est de 12 % en Allemagne, 17 % en Autriche et autour de 50 % au Danemark.

A. La prolongation des concessions de service public

La plupart des réseaux de chaleur sont juridiquement organisés sous la forme de délégations de service public. L'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales pose comme principe que les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée et précise que, lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre.

Cette même disposition prévoit que la délégation de service public ne peut être prolongée que dans deux cas :

- pour des motifs d'intérêt général, la durée de la prolongation ne pouvant alors excéder un an ;

- lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive.

Dans les deux cas, la prolongation ne peut intervenir qu'après un vote de l'assemblée délibérante de la collectivité délégante.

Ce cadre juridique se prête mal à la prolongation d'une concession de réseau de chaleur motivée par la volonté de développer les énergies renouvelables, qui implique des investissements souvent importants et nécessitant une longue durée d'amortissement.

B. Le classement des réseaux de chaleur

La loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur, ainsi que son décret d'application n° 81-542 du 13 mai 1981, ont instauré un dispositif de classement des réseaux de chaleur qui poursuivait, dans un contexte de crise énergétique, deux objectifs principaux : l'utilisation de la chaleur fatale (issue de procédés industriels, d'usines d'incinération d'ordures ménagères) et l'utilisation de combustibles nationaux. Ce dispositif a été modifié par la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie et son décret d'application n° 99-360 du 5 mai 1999, qui l'ont réorienté vers la prévention des pollutions atmosphériques locales et vers la promotion des énergies renouvelables et de la cogénération.

Le classement d'un réseau de distribution de chaleur, par arrêté préfectoral et après enquête publique, a pour conséquence la définition, dans les limites de la zone de desserte de ce réseau, d'un ou plusieurs périmètres de développement prioritaire à l'intérieur desquels le raccordement au réseau peut être imposé à toute installation nouvelle.

Toutefois, en raison de sa lourdeur, cette procédure de classement n'a été utilisée qu'une seule fois depuis sa création en 1980.

II. Le dispositif du projet de loi

A. La prolongation des concessions de réseaux de chaleur

Le paragraphe I de l'article 30 du projet de loi modifie la rédaction de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales de manière à ajouter explicitement les investissements pour le développement des énergies renouvelables parmi les causes qui peuvent justifier la prolongation d'une concession de service public. Toutefois, afin d'éviter les effets d'aubaine, la prolongation n'est possible que si la durée restant à courir de la concession est d'au moins trois ans.

La modification proposée de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales couvre également le cas d'une prolongation de concession motivée par la réalisation d'une opération pilote d'injection et de stockage de CO 2 , prévue à l'article 28 du présent projet de loi, à la condition que la prolongation n'excède pas la durée restant à courir de l'autorisation d'injection et de stockage.

B. La simplification de la procédure de classement

Le paragraphe II modifie la loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie, de manière à simplifier la procédure de classement d'un réseau de chaleur.

Le propose une nouvelle rédaction de l'article 5 de la loi précitée qui réserve la possibilité de classement aux réseaux de distribution de chaleur ou de froid alimentés à plus de 50 % par une énergie renouvelable ou de récupération, dotés de dispositifs de comptage des quantités d'énergie livrées par point de livraison, et dont l'équilibre financier pendant la période d'amortissement des installations est assuré au vu des besoins à satisfaire et compte tenu des conditions tarifaires prévisibles. La possibilité de classement d'un réseau alimenté par de la chaleur produite par cogénération est supprimée.

La compétence pour prononcer le classement est transférée du préfet à la collectivité territoriale. L'enquête publique est supprimée, mais l'avis de la commission consultative des services publics locaux, lorsqu'elle existe, est prévu.

Le propose une nouvelle rédaction de l'article 6 de la loi précitée qui confirme le principe de la définition d'un ou plusieurs périmètres de développement prioritaire au sein de la zone de desserte du réseau, et précise que la collectivité doit veiller, en liaison avec les autorités organisatrices de la distribution d'électricité et de gaz, à la bonne coordination entre les différents plans de développement des réseaux d'énergie.

Le propose une nouvelle rédaction de l'article 7 de la loi précitée qui confirme la possibilité d'imposer, dans les périmètres de développement prioritaire, le raccordement au réseau de toute installation d'un bâtiment neuf ou faisant l'objet de travaux de rénovation importants, qu'il s'agisse d'installations industrielles ou d'installations de chauffage de locaux, de climatisation ou de production d'eau chaude, excédant un niveau de puissance de 30 kilowatts.

Il peut être dérogé à l'obligation de raccordement, sur décision de la collectivité, lorsque les installations ne peuvent être raccordées au réseau dans des conditions techniques ou économiques satisfaisantes ou dans le délai nécessaire pour assurer la satisfaction des besoins des usagers. Le refus de dérogation doit être motivé, et, à l'inverse, la dérogation est réputée accordée à défaut de réponse dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande.

Le propose une nouvelle rédaction de l'article 11 de la loi précitée qui renvoie les conditions d'applications à un décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil de la concurrence.

III. La position de votre commission

Votre commission approuve ces dispositions de nature à favoriser le développement des réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables ou fatales. Actuellement, seulement 18 % des réseaux utilisent ces types d'énergies dans une proportion supérieure à 50 %.

Toutefois, elle propose, sur un amendement de votre rapporteur, que le classement du réseau soit conditionné à la pérennité de la ressource en énergie renouvelable ou de récupération . En effet, il lui paraît prudent, préalablement à la décision de classement d'un réseau de chaleur dont la durée peut atteindre trente ans, de s'assurer la disponibilité de la ressource en énergie renouvelable en quantité suffisante, notamment pour la biomasse, sur la durée de la période d'amortissement des installations.

Elle a également supprimé, sur un amendement de votre rapporteur, les précisions relatives à la manière dont doit être justifiée et appréciée la condition d'équilibre financier pendant la période d'amortissement des installations, pour les renvoyer au décret d'application.

Votre commission a maintenu, sur un amendement de M. Marcel Deneux et les membres du groupe Union centriste, la procédure d'enquête publique actuellement prévue préalablement à la décision de classement.

Alors que le texte du projet de loi en faisait une simple faculté, elle a fait obligation à la collectivité concédante, par deux amendements identiques de votre rapporteur et de M. Marcel Deneux et les membres du groupe Union centriste, d'abroger le classement lorsque la condition relative à l'alimentation à plus de 50 % par une énergie renouvelable ou de récupération cesse d'être remplie ou lorsque le réseau ne remplit plus les exigences réglementaires en matière de comptage des quantités d'énergie livrée.

Enfin, votre commission, sur un amendement de votre rapporteur, a prévu que le délégataire du réseau puisse donner son avis sur les décisions de dérogation à l'obligation de raccordement. En effet, les dérogations ont souvent un impact sur le programme d'investissement du réseau de chaleur et sur l'équilibre économique du contrat de concession.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 47 En effet, le rendement énergétique d'un réseau de chaleur n'est pas de 100 %. Mais la chaleur délivrée est directement utilisable par les consommateurs, alors que le gaz, le fioul ou l'électricité que ceux-ci peuvent acheter par ailleurs doivent encore être convertis en chaleur, dans des installations de chauffage dont le rendement n'est pas forcément meilleur.

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