Article 52 (Articles L. 211-1-4 [nouveau], L. 216-1, L. 216-3 et L. 216-5 du code de l'environnement) - Mise en place d'une bande enherbée de cinq mètres le long des cours d'eau

Commentaire : cet article vise à généraliser l'obligation d'implanter une bande enherbée de cinq mètres de large le long des cours, sections et plans d'eau.

I. Le droit en vigueur

Le recours, le long des cours d'eau, à des espaces interstitiels ayant la capacité d'intercepter les flux d'eau et de substances est l'un des moyens les plus efficaces de protéger les milieux aquatiques et d'atteindre l'objectif des deux tiers des masses d'eau en bon état d'ici 2015.

Ces espaces, surfaces ou linéaires, herbacés ou boisés, désignés par le terme de « zones tampons », agissent de plusieurs manières , selon les organismes techniques spécialisés 67 ( * ) :

- en relation avec l'écoulement des eaux sur l'ensemble du bassin versant : atténuation hydrique (ralentissement et réduction du ruissellement sur le bassin versant) ; rétention des matières en suspension produites par l'érosion des terres ; limitation des transferts du phosphore, des produits phytosanitaires et de l'azote vers les milieux aquatiques ;

- en bordure de cours d'eau : protection des eaux de surface contre la contamination directe par les gouttelettes de pulvérisation lors des traitements phytosanitaires, et préservation de la qualité biologique des eaux de surface.

La PAC , dans sa version réformée en 2003 , a introduit l'obligation pour les agriculteurs en céréales, oléagineux et protéagineux (Scop) de consacrer 3 % de leur superficie cultivée sous forme de bandes enherbées de cinq mètres de large le long des cours d'eau. Cette obligation s'inscrit dans les bonnes conditions agro-environnementales qu'ils doivent respecter en contrepartie des aides directes du premier pilier. Elle a été mise en place par la France depuis 2005. De plus, une obligation semblable est prévue au titre des quatrièmes programmes d'action (2009-2013) pour les zones agricoles situées en zones vulnérables aux nitrates au titre de la directive « nitrates ».

Cependant, ce dispositif ne permet pas de disposer de « zones tampons » le long des 500.000 km de cours d'eau français , du fait que :

- seules sont soumises aux BCAE les exploitations émargeant aux aides directes du premier pilier de la PAC, ce qui exclut certaines productions qui, comme les fruits et légumes et le vin, sont très consommatrices d'intrants chimiques ;

- l'obligation de « zones tampons » existant dans le cadre du premier pilier ne s'impute que sur 3 % de la Scop de l'exploitant, ce qui parfois ne suffit pas à couvrir la totalité des cours d'eau traversant l'exploitation ;

- les activités non agricoles ne sont pas soumises à une telle obligation, bien que certaines soient polluantes (entretien des jardins et des espaces verts collectifs ou attenant à certains infrastructures, par exemple).

Partant de ce constat, l'article 28 du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du « Grenelle de l'environnement » prévoit la généralisation de la couverture des sols en hiver en fonction des conditions, ainsi que l'implantation progressive, pour améliorer la qualité de l'eau et préserver la biodiversité, de bandes enherbées et zones végétalisées tampons d'au moins cinq mètres de large le long des cours et plans d'eau. C'est l'objet de l'article 52 du présent projet de loi que de préciser cette disposition.

II. Le dispositif du projet de loi

? Le I de cet article insère, dans le chapitre I er (Régime général et gestion de la ressource) du titre I er (Eau et milieux aquatiques) du livre II (Milieux physiques) du code de l'environnement, un article L. 211-1-4.

Le I de cet article L. 211-1-4 pose l'obligation, pour tout exploitant ou propriétaire d'une parcelle riveraine de cours d'eau, section de cours d'eau ou plan d'eau de plus de dix hectares, de réaliser et d'entretenir un couvert environnemental permanent d'une largeur d'au moins cinq mètres depuis la berge. Les espaces déjà imperméabilisés ou occupés par des bâtiments, cours et terrains clos de murs ne sont pas comptabilisés dans cette bande. Cette obligation s'impose sans préjudice des règles d'urbanisme applicables auxdits espaces.

L'étude d'impact précise que l'objectif est de disposer de bandes enherbées de cinq mètres de large le long des 500.000 km de cours d'eau, soit une surface de 500.000 hectares, ce qui représente 1 % du territoire national. Cependant, les espaces forestiers jouant déjà naturellement le rôle de zones tampons, seuls les espaces non forestiers restent à couvrir, soit une cible de 280.000 hectares.

Le II précise certaines des modalités de l'obligation posée au I. C'est à l'autorité administrative -sans doute le préfet de département- qu'il revient d'arrêter la liste des cours, sections et plans d'eau concernés par l'obligation. Le critère de détermination est l'atteinte du bon état écologique et chimique des eaux. Le public doit avoir été consulté.

L'autorité administrative est habilitée à fixer les modalités de gestion du couvert environnemental, en vue notamment d'éviter le développement d'adventices, c'est-à-dire de plantes non désirées poussant spontanément sans avoir été semées et dont le traitement requerrait l'usage de produits phytopharmaceutiques. Aussi le préfet peut-il fixer des règles minimales d'entretien annuel telles que le broyage des adventices avant leur montée à grains, voire dans certains cas limités, prescrire le traitement.

Les zones tampons ne peuvent faire l'objet d'épandages de fertilisants et produits phytopharmaceutiques -sauf s'ils sont sans effet néfaste sur l'environnement et dans les cas prévus par les règles locales d'entretien minimal-, ni d'entreposage de produits ou déchets.

Le III prévoit une procédure d'indemnisation à la charge de l'Etat pour les propriétaires ou occupants des terrains des zones concernées qui ne pourraient cultiver leurs bandes enherbées du seul fait de la mesure projetée. Un préjudice direct, matériel et certain doit être rapporté pour ouvrir droit à indemnisation. Si leur fixation n'est pas possible par accord amiable, alors ces indemnités sont déterminées unilatéralement par le juge de l'expropriation. En application de l'article 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ce dernier est désigné, pour chaque département, parmi les magistrats du siège appartenant à un tribunal de grande instance.

En tout état de cause, les droits à indemnité ne sont pas dus si l'enherbement :

- constitue une obligation résultant d'une réglementation particulière n'ouvrant pas de droits, comme c'est le cas des terres agricoles situées en zones vulnérables aux nitrates 68 ( * ) ;

- est la contrepartie du bénéfice d'aides publiques ;

- ne crée pas de surcoûts ou de pertes de revenus, comme c'est le cas pour les jardins et espaces verts collectifs ou attenant à des infrastructures, qui devront modifier leurs modalités d'entretien.

Le coût pour les finances publiques de ces indemnisations est évalué par l'étude d'impact, de façon pour le moins grossière, à quelques millions d'euros sur les deux ou trois ans suivant l'entrée en vigueur de la disposition.

? Le II de l'article 52 du projet de loi procède à des coordinations matérielles rendues nécessaires dans le code de l'environnement par la création d'un nouvel article en son sein.

III. La position de votre commission

Votre commission approuve l'objectif d'une généralisation progressive de l'implantation de bandes enherbées poursuivi par cet article, qui prend soin de prévoir une procédure d'indemnisation adaptée pour les propriétaires ou exploitants qui subiraient un préjudice. Elle souligne qu'il ne s'agit là, en fait, que de l'anticipation d'une extension qui aurait, en tout état de cause, rapidement été appliquée à notre pays au titre de la PAC.

Aussi, afin d'assurer une parfaite coordination entre les deux degrés de normativité, votre commission a souhaité, à l'initiative de MM. Jean-Claude Merceron et Daniel Soulage, mettre en cohérence les cours d'eau auxquels s'applique l'obligation généralisée d'implanter des bandes enherbées avec ceux pris en compte au titre de l'écoconditionnalité pour l'octroi des aides PAC.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 67 Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et forêts (Cemagref) et Comité d'orientation pour des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement (Corpen).

* 68 Voir supra .

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