C. DES RÉFORMES À CONDUIRE

L'avenir de la branche AT-MP ne peut se concevoir isolément de deux réformes importantes : la première, axée sur les mentalités et la cohérence globale des actions menées pour la santé au travail, est déjà en oeuvre au travers du plan santé au travail. L'autre, plus pratique, concerne la médecine du travail, et reste à définir.

1. Le plan « santé au travail »

Le plan « santé au travail » 2005-2009 a fait l'objet d'un bilan à mi-parcours dont les résultats ont été rendus en janvier 2009. Ce décalage temporel est en lui-même la manifestation de l'une des difficultés de mise en oeuvre de ce plan : l'absence d'indicateurs de performance. Néanmoins, plusieurs points forts ont pu être soulignés.

Tout d'abord, la santé au travail fait désormais l'objet d'une politique publique suivie, et pas seulement d'une attention ponctuelle. En effet, la santé des travailleurs est une part intégrante de la santé publique ; elle ne doit pas être considérée comme un simple aspect de la santé environnementale. Il en résulte deux conséquences :

- d'une part, les mesures à prendre en matière de santé ne peuvent relever de la seule négociation entre partenaires sociaux, mais justifient l'intervention des pouvoirs publics, au-delà des remèdes à apporter à des situations de crise, comme celle de l'amiante ;

- d'autre part, les mesures concernant la santé au travail doivent être spécifiques, comme le sont les risques. En effet, le risque environnemental est en général incertain, et c'est le principe de précaution qui est mis en oeuvre. Au contraire, les risques encourus par les travailleurs dans les différentes activités sont en général connus ; c'est l'ampleur des dispositifs de prévention à engager qui est l'objet de débat : ils peuvent aller de la simple obligation pour le travailleur de prendre des précautions personnelles, à l'incitation, voire l'obligation pour l'employeur, d'arrêter des dispositions générales.

Ceci ne remet pas en cause l'importance du travail conduit par l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), qui permet de mieux connaître les risques existants et émergents. Le manque de données scientifiques précises sur les risques a longtemps été dénoncé comme une limite à la mise en oeuvre pratique des mesures de prévention. Il faudra donc veiller à ce que la fusion de l'Afsset avec l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ne se fasse pas au détriment de sa mission spécifique concernant le travail 11 ( * ) .

Au-delà de l'identification des risques, c'est l'effectivité des mesures prises dans les entreprises qui doit être renforcée. En matière de santé au travail, l'enjeu principal est ainsi de s'assurer que les mesures de prévention déjà préconisées seront mises en place dans toutes les entreprises. Le premier plan « santé au travail » a marqué sur ce point deux avancées importantes :

- la modernisation de l'inspection du travail : cent soixante postes d'inspecteurs seront créés en 2010, portant le nombre total de créations de postes depuis 2004 à sept cents, conformément aux objectifs du plan. L'effectivité des mesures adoptées en matière de sécurité des travailleurs devrait s'en trouver renforcée : le nombre d'injonctions adressées aux entreprises, environ neuf cent cinquante par an, est à l'évidence inférieur à la réalité des infractions, et cette lacune est directement liée au manque de moyens humains de l'inspection du travail ;

- le renforcement de l'inspection : celle-ci s'appuie sur la création d'équipes pluridisciplinaires de support au niveau régional, qui permettent aux inspecteurs de bénéficier, notamment, de l'expertise d'ingénieurs et de médecins pour leurs contrôles. Le niveau d'expertise, et donc la reconnaissance, de l'inspection du travail s'en trouveront renforcés.

Le second « plan santé au travail », pour la période 2010 à 2014, est en cours d'élaboration. Il devrait répondre aux critiques adressées au premier plan et s'orienter vers la recherche d'une effectivité plus importante. Il se concentrera sur les risques à moyen terme pour la santé des travailleurs, notamment les cancers, les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux. Un carnet de santé du travailleur sera créé pour permettre un suivi individualisé. Par ailleurs, des indicateurs chiffrés de suivi seront mis en place.

Plusieurs problèmes demeurent néanmoins. Ce second plan, comme son prédécesseur, est essentiellement un instrument de coordination avec les autres instruments de politique publique que sont le plan cancer et le plan santé environnement. Il se propose donc d'agir à moyens constants, ce qui impose de définir des priorités strictes, et amène à négliger certains points importants comme l'hygiène au travail. Si les mesures de prévention de la pandémie grippale H1N1 ont incontestablement un effet sur les habitudes en ce domaine au sein des entreprises, ce sujet, pourtant fondamental, reste trop peu pris en compte.

2. La réforme de la médecine du travail

L'efficacité des mesures de prévention dépend également des moyens dont dispose la médecine du travail. Les effets de la baisse de la démographie médicale se font particulièrement sentir dans les difficultés de recrutement, spécialement pour le secteur public qui n'est pas en mesure de proposer des salaires attractifs. Le rôle des médecins du travail est pourtant appelé à se développer, étant donné notamment le lien établi entre la reprise d'activité après une longue période d'arrêt et les risques psychosociaux.

Parallèlement, la coopération entre médecins généralistes, médecins conseils des caisses et médecins du travail doit être renforcée. Le carnet de santé du travailleur qui devrait être prévu par le second plan « santé au travail » ne saurait être qu'un premier pas en ce sens. Votre commission souhaite que le Parlement puisse être saisi de cette question essentielle pour la sécurité des travailleurs. En effet, il appartient désormais aux pouvoirs publics de se saisir de cette question, la négociation entre partenaires sociaux sur la médecine du travail s'étant achevée le 11 septembre 2009 après sept séances de négociation qui n'ont pas permis d'aboutir à un accord aucune organisation syndicale n'ayant accepté de s'engager.

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Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 .

* 11 Cette fusion a été décidée par l'article 115 de la loi HPST.

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