Rapport général n° 101 (2009-2010) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2009

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N° 101

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME I

LE BUDGET DE 2010

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La crise a profondément perturbé nos repères.

D'abord, parce que les ordres de grandeur ne sont plus les mêmes. Partout dans le monde et à tous les niveaux : déficits, dettes, bilans des banques centrales, tout a changé d'échelle.

La France ne fait pas exception : 116 milliards d'euros de déficit pour le budget de l'Etat de 2010 après sans doute plus de 140 milliards d'euros en 2009, soit entre deux et trois fois plus que le déficit moyen des années 2000, pourtant particulièrement important. En 2010, le taux de couverture des dépenses par les recettes du budget général devrait être inférieur à 70 %. Au niveau de l'ensemble des administrations publiques, l'augmentation est tout aussi spectaculaire puisque le déficit passerait en pourcentage du PIB de 3,4 points en 2008 à 8,2 points en 2009 et 8,5 points en 2010.

Ensuite, et c'est là un facteur de perte de repères supplémentaire, parce que nous ne savons pas bien où en est l'économie mondiale en cette fin d'année 2009 : nous ne sommes plus vraiment en crise, mais nous ne sommes pas non plus encore en phase de reprise.

L'environnement apparaît sinon irréel du moins largement insaisissable. Beaucoup de signaux sont contradictoires ; d'autres, apparemment favorables, se révèlent, à l'analyse, ambivalents.

Sortie de crise : des signaux souvent ambivalents

On peut, à juste titre, avoir le sentiment d'être comme en état d'apesanteur financière et, sans doute, dans l'oeil du cyclone.

La dette explose et pourtant elle paraît légère, si légère même que cette légèreté est, à l'évidence, insoutenable. A un moment ou à un autre, les choses vont changer, l'inflation va réapparaître et les taux d'intérêt remonter, tandis qu'il faudra bien rembourser toute cette dette accumulée.

Les lendemains sont, plus que jamais, incertains. Nous avons bien conscience, confusément, que les contradictions à l'origine de la crise n'ayant pas disparu, les mêmes causes, ou presque, pourraient bien produire les mêmes effets.

Des indices sont là pour nous indiquer que les errements du passé sont loin d'être éradiqués. Le volume sans précédent de liquidités mises sur le marché pourrait alimenter de nouvelles bulles d'actifs qu'il s'agisse de matières premières, d'immobilier, voire tout simplement de titres : depuis mars 2009 les marchés actions ont connu une hausse exceptionnelle accentuant le décalage entre une sphère réelle encore languissante et une sphère financière à nouveau plutôt florissante .

Les gouvernements et les banques centrales ont , à l'évidence, soigné - mais pouvait-on faire autrement ? - le mal par le mal . C'est la création monétaire qui a rendu possible l'hypertrophie de la sphère financière et finalement la crise ; c'est toujours elle encore qui nous a permis de surmonter la crise financière et d'éviter l'implosion du système financier ; mais c'est encore elle qui crée les conditions de nouvelles « bulles » et donc de nouvelles difficultés, dont certaines sont déjà sensibles.

C'est que tout signe extérieur de sortie de crise par trop caractérisé fait craindre l'emballement et jette un doute sur le caractère durable de la reprise. Les banques centrales elles-mêmes sont visiblement partagées entre la crainte d'étouffer le retour de la croissance et celle de créer les conditions d'une nouvelle crise spéculative.

Des perspectives paradoxales

Les banques - ou du moins un certain nombre d'entre elles - semblent avoir retrouvé une santé éclatante au point qu'on l'on pourrait soutenir que c'est le seul secteur qui semble sortir de la crise avec des pertes, certes, mais des résultats dans l'ensemble très positifs. Il y a là sans doute moins l'effet des aides d'Etat qu'un approvisionnement en liquidités à un coût quasi-nul, ce qui, malgré la montée du coût du risque, améliore leur rentabilité.

L'afflux de liquidités à coût nul commence à faire sentir ses effets pervers sur les marchés de changes avec la baisse annoncée du dollar ; bientôt ce seront les prix des matières premières qui vont remonter, même si pour l'instant seul celui de l'or redécolle pour dépasser 1.100 dollars l'once.

Nul doute que l'on a tout lieu d'appréhender le retour à la normale de l'économie mondiale, paradoxalement, porteur d'incertitudes .

Avec la reprise, les matières premières pourraient à nouveau s'envoler, à commencer par le pétrole ce qui devrait relancer l'inflation.

Avec la reprise, encore, par souci de lutter contre cette inflation, les banques centrales seront tentées de durcir leur politique monétaire. Aux confins du système bancaire mondial, certaines banques amorcent déjà le mouvement. Le relèvement des taux d'intérêt commencerait par renchérir les charges de la dette d'un certain nombre d'États - dont les budgets deviendraient impossibles à « boucler » sans prélèvement supplémentaires ou coupes budgétaires substantielles ; en outre, dès lors qu'il convient de prendre en compte les « risques extrêmes », on ne peut pas exclure qu'il puisse, par suite de ce relèvement, devenir difficile de placer une dette publique que, pour l'instant, tout le monde s'arrache en dépit du faible intérêt qu'elle porte. Cela vaut pour certains « petits » pays situés en périphérie qui pourraient bien être les « maillons faibles » du système mais aussi pour les plus grands d'entre eux, dont on ne sait comment ils financeront un endettement devenu colossal.

Avec la reprise, enfin, on va voir se creuser les différences entre les pays. En Europe, on connaît déjà les noms de ceux qui sortent relativement fragilisés de la crise et notamment le Royaume Uni et l'Espagne, dont les modèles, longtemps vantés même de ce côté de la Manche ou des Pyrénées, montrent aujourd'hui leurs limites ; on sait aussi le nom du vainqueur, l'Allemagne, qui, tout en ayant su limiter les déficits, devrait naturellement profiter des premières brises de reprise en qualité de fournisseur des zones émergentes.

Les taux d'intérêt exceptionnellement bas : une fenêtre d'opportunité

La France apparaît relativement bien placée, avec un taux de croissance dont le Premier ministre estime désormais qu'il sera compris « sans doute » entre 1 % et 1,5 %, ce qui en fera « une des meilleures performances sinon la meilleure performance de l'ensemble des pays européens ». Mais toute la question est de savoir si cette situation est durable.

Dans le contexte actuel, on peut dire que le présent projet de loi de finances traduit un premier pari : profiter de taux d'intérêt bas non seulement pour laisser encore jouer à plein les stabilisateurs automatiques mais encore pour prolonger le plan de relance par de nouvelles mesures discrétionnaires de stimulation ; il en annonce aussi un second, plus audacieux encore, avec le grand emprunt qui devrait venir, tel un budget extraordinaire, compléter ce budget ordinaire.

Taxe professionnelle et taxe carbone : deux ré formes importantes à mener sans précipitation

En d'autres termes, et à considérer d'emblée les deux volets de la démarche du Gouvernement dont à ce stade on ne connaît que le premier, il est clair que l'on cherche à profiter de la situation pour « faire passer » une réforme capitale pour notre compétitivité, en l'occurrence celle de la taxe professionnelle, qu'il aurait été difficile de décider dans un autre contexte.

Mais la hâte du Gouvernement à mettre en oeuvre cette réforme - qui est moins une suppression qu'une transformation - ne doit pas avoir pour corrélat un excès de précipitation dans la définition du volet « collectivités territoriales ».

Telle est la raison pour laquelle, votre commission des finances a souhaité se donner des marges de manoeuvre, d'une part, en reportant en seconde partie l'examen des éléments du dispositif non directement applicables en 2010 afin de bénéficier d'un délai de réflexion supplémentaire de quelques jours et, d'autre part, en se contentant de renvoyer, dans certains cas, à de simples principes, sachant qu'il est sage, en tout état de cause, de prévoir une clause de rendez-vous pour ajuster la réforme lorsque l'on y verra un peu plus clair sur ses conséquences pour les différentes catégories de collectivités.

Dans une certaine mesure, la seconde réforme majeure introduite dans le présent projet de loi de finances avec l'introduction de la taxe carbone est également facilitée par la conjoncture budgétaire, ne serait-ce que parce qu'il aurait été plus délicat de procéder à d'aussi larges compensations en d'autres circonstances.

Un « grand emprunt » qui doit avoir des contreparties mesurables pour ne pas alourdir encore nos équations budgétaires

Le « grand emprunt national » procède, lui aussi, de la volonté du Gouvernement de tirer profit de la « fenêtre » d'opportunité que constitue une conjoncture financière aussi exceptionnelle dans laquelle tous les pays de la zone euro, ou presque, y compris l'Allemagne, ont tendance à différer les mesures, pourtant nécessaires, de rééquilibrage budgétaire.

Cette période d'incertitude peut donc être mise à profit pour ne pas subir passivement voire frileusement des contraintes accrues mais pour s'efforcer de réagir. Si la crise actuelle a provoqué un traumatisme durable, elle constitue aussi une nouvelle donne offrant de vraies opportunités de progrès.

Le grand emprunt a le mérite de susciter un débat salutaire dont l'objectif politique est bien de provoquer une sorte de mobilisation économique générale pour restaurer un potentiel de croissance sans doute affecté par la crise .

La question essentielle sera donc d'abord de prendre la mesure du traumatisme, en l'occurrence de savoir, en termes techniques, à partir de quel niveau de produit intérieur brut potentiel nous allons redémarrer et à quel rythme de croissance nous sommes encore capables de progresser.

Avant la crise, l'ordre de grandeur du taux de croissance potentiel était fixé par les économistes à environ 2 % l'an. Retrouverons-nous ce taux de 2 % et à partir de quel niveau de produit intérieur brut ? Toute l'équation des finances publiques dépend de cela : si le niveau de départ et, le cas échéant, le taux de croissance potentiel de l'économie sont plus bas, une proportion importante du déficit, qui aurait été estimée de nature conjoncturelle selon l'ancienne analyse, devient structurelle. En d'autres termes, cela signifie que les efforts à faire pour converger vers l'équilibre devront être plus importants demain qu'ils ne l'auraient été hier dans la dynamique de l'économie que nous connaissions avant 2008.

L'un des enseignements de la crise est que le rétablissement des comptes publics ne peut résulter que du retour de la croissance . Le nouveau contexte qui en résulte, rend nécessaire une adaptation de notre appareil de production et sans doute l'invention d'un nouveau modèle de développement.

Le grand emprunt vient donc opportunément pour élargir une marge de manoeuvre singulièrement réduite. A cet égard, il est vertueux en tant qu'il se rattache à la « règle d'or », entendue comme n'autorisant l'Etat à emprunter que pour financer ses dépenses d'investissement et qu'il permet, à un horizon raisonnable, un retour sur investissement .

Il convient d'abord de distinguer la dette de fonctionnement de celle adossée à des actifs, qu'ils soient financiers ou physiques, qui n'a pas la même nature que celle finançant des opérations courantes. La « règle d'or » prend alors un nouveau sens : une dette, qui peut se rembourser avec la cession d'un actif ou qui s'amortit en même temps que lui, peut être considérée comme soutenable voire comme une « bonne » dette, surtout lorsqu'elle favorise l'amélioration de la productivité des facteurs et qu'elle est porteuse de sa propre rentabilité.

Sur le plan de la gouvernance, une rentabilité ne s'apprécie commodément que lorsque les interventions sont effectuées dans un cadre spécifique permettant d'isoler les charges et les ressources issues de l'emprunt. Une telle solution extrabudgétaire est sans doute préférable, au regard de la nécessaire traçabilité des interventions financées sur le grand emprunt, à celle consistant, sur le modèle du plan de relance, à placer sur une ligne budgétaire distincte les dépenses ainsi financées.

Au surplus votre rapporteur général rappelle que la voie sera étroite, dès lors qu'il faudra soit se comporter en investisseur avisé soit soumettre les interventions à financer sur les fonds du grand emprunt au contrôle de la Commission européenne au titre des aides d'Etat.

Mais, si le réalisme incite à profiter de la conjoncture pour se financer à des taux d'intérêt historiquement bas, faire appel aux marchés a des contreparties : tôt ou tard, ceux-ci vont se poser à nouveau la question de la solvabilité des Etats pour établir une nouvelle hiérarchie en fonction de la soutenabilité de leurs finances publiques. Nul doute qu'ils n'apprécieront pas seulement notre aptitude à investir utilement mais aussi à faire des économies de fonctionnement et même des sacrifices : c'est même indispensable si l'on veut que les marges de manoeuvre que l'on se donne avec le grand emprunt, servent à quelque chose et que les charges d'intérêt qu'il occasionne soient supportables.

La conviction de votre rapporteur général est que, sans doute plus tôt que l'on ne pense, la pression sur les comptes publics , aujourd'hui entre parenthèses, va ressurgir . Telle est la raison pour laquelle il soutient la démarche du Gouvernement que traduit le présent projet de loi de finances, consistant à ne pas laisser filer les dépenses de fonctionnement et à relancer les nécessaires réformes de structure.

PREMIÈME PARTIE : UN ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE DURABLEMENT DÉGRADÉ

I. UNE CROISSANCE DE L'ORDRE DE - 2,25 % EN 2009 ET 0,75 % EN 2010 ?

A. UNE CROISSANCE DE - 2,25 % EN 2009 SELON LE GOUVERNEMENT, LÉGÈREMENT INFÉRIEURE À CELLE DU CONSENSUS DES CONJONCTURISTES

La prévision de croissance du Gouvernement pour 2009 est de - 2,25 %. Elle est légèrement moins favorable que celle du consensus des conjoncturistes (- 2,1 %). Cependant, la plupart des conjoncturistes ne prennent pas en compte l'impact probable de la grippe A/H1N1, qu'ils préfèrent considérer comme un aléa, et dont l'impact semble devoir être de l'ordre de - 0,2 point de PIB.

1. La révision à la hausse des perspectives de croissance pour 2009 provient d'une croissance moins négative qu'attendu au deuxième trimestre

La croissance du PIB au deuxième trimestre 2009, nettement supérieure aux prévisions (+ 0,3 %, alors que l'Insee, à la fin de ce même trimestre, prévoyait une croissance de - 0,6 %), a surpris tous les conjoncturistes, et conduit à revoir les perspectives de croissance pour 2009 à la hausse. Ainsi, alors que la prévision du consensus était de - 2,9 % en juin-juillet et - 2,8 % en août, elle est passée à - 2,2 % en septembre et - 2,1 % en octobre.

En effet, la révision à la hausse du PIB du deuxième trimestre conduit, d'un point de vue comptable et mécanique, à augmenter la croissance du PIB de 0,6 point, ce qui, à prévisions de croissance inchangée pour les autres trimestres et en prenant en compte une légère révision à la baisse par l'Insee de la croissance du premier trimestre, porterait la croissance à - 2,5 % .

Par ailleurs, selon l'Insee, la croissance a été de 0,3 % au troisième trimestre. Si l'on suppose qu'elle est de 0,5 % au quatrième, il en résulte une croissance de -2,1 % en moyenne annuelle, correspondant au scénario des conjoncturistes.

Cependant, la plupart des conjoncturistes ne prennent pas en compte l'impact de la grippe A/H1N1, qui devrait réduire le PIB de 0,2 point selon les estimations de la commission des finances (cf. ci-après).

La prévision de croissance du PIB du Gouvernement pour 2009 associée au présent projet de loi de finance, de - 2,25 %, est donc tout à fait vraisemblable.

2. La grippe A/H1N1 : une réduction du PIB de 0,2 point en 2009 ?

Les estimations les plus diverses de l'impact de la grippe A/H1N1 ont pu circuler, au point de donner l'impression que toute prévision était impossible. Ainsi, selon certaines estimations, le PIB des pays développés pourrait être réduit de plusieurs points en 2009 du fait de la grippe. Ces estimations reposent cependant sur des hypothèses que rien ne justifie concernant la pandémie. En s'appuyant sur les prévisions épidémiologiques de l'institut de veille sanitaire (InVS), on arrive à un impact de l'ordre de - 0,2 point en 2009 et + 0,2 point en 2010.

a) Des estimations comprises entre 0 et 5 points de PIB

Les estimations de l'impact de la grippe A/H1N1 ou d'une pandémie de nature analogue varient entre un impact quasi nul et une réduction du PIB de 5 points, comme l'indique l'encadré ci-après.

Les estimations de l'impact de la grippe A/H1N1 : une « fourchette » comprise entre un impact quasi nul et une réduction du PIB de l'ordre de 5 points

Les études les plus médiatisées suggèrent un impact économique considérable pour la grippe A/H1N1. Selon la Banque Mondiale (2008), une pandémie de grippe aviaire (donc avec un taux de mortalité supérieur à celui de la grippe A/H1N1) touchant 35 % de la population mondiale réduirait le PIB des pays développés de 3 points et le PIB mondial de 3,1 points (dont environ 1/3 provenant de la limitation de l'offre et les 2/3 provenant de celle de la demande). Un organisme britannique, Oxford Economic Forecasting (2009), évalue l'impact d'une pandémie de grippe A/H1N1 touchant 30 % de la population de chaque pays à environ 5 points de PIB pour le Royaume-Uni.

Des études moins médiatisées, et plus vraisemblables, suggèrent un impact plus modeste de la grippe A/H1N1. Une étude du Congressional Budget Office (2006) évalue pour les Etats-Unis l'impact potentiel d'une pandémie de grippe à 4,25 points de PIB dans le cas d'une pandémie très grave (comme en 1918) et 1 point de PIB dans celui d'une pandémie moins grave (comme en 1957 et 1968), compatible avec un « taux d'attaque » (c'est-à-dire une proportion finale de personnes infectées) de 35 %. Une étude du ministère des finances du Canada (2006) estime même qu'une pandémie de la gravité de celle de 1918 réduirait le PIB des Etats-Unis de seulement 0,35 à 0,92 point, une pandémie de moindre importance ayant un impact de 0,09 à 0,34 point.

Une récente étude de la Société générale évalue l'impact de la grippe A/H1N1, en cas de taux d'attaque de 30 %, à une chute de PIB de 2,5 à 3 points au dernier trimestre 2009, ce qui correspond à une réduction du PIB annuel de l'ordre de 0,7 point.

Evoquant une évaluation du secrétariat général de la défense nationale, Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, a déclaré sur RTL que l'impact de la grippe serait de l'ordre de 0,4 point de PIB, avec un taux d'attaque de 30 %.

b) Une « fourchette » vraisemblable : entre 0 et 0,5 point de PIB

On pourrait déduire de l'importance de cet intervalle que l'impact économique de la grippe A/H1N1 sur le PIB de 2009 ne peut faire l'objet d'une évaluation suffisamment précise pour avoir une utilité pratique.

En réalité, selon les estimations de votre commission des finances, cet impact semble devoir être compris entre 0 et 0,5 point de PIB, l'estimation la plus probable étant d'environ 0,2 point de PIB.

Il ne faut pas se laisser abuser par le fait que certaines des estimations indiquées ci-avant ont été réalisées à l'aide d'un modèle économétrique. Le résultat obtenu dépend en effet de manière très directe des hypothèses que l'on retient. En fait, les divergences d'évaluation découlent essentiellement de trois facteurs :

- le nombre de jours de travail manqués par les malades, qui dépend directement du « taux d'attaque », c'est-à-dire de la proportion de la population contractant la maladie au cours de la période ;

- le nombre de salariés absents venant s'ajouter aux salariés malades ;

- la réduction de leur consommation par les ménages en conséquence de la pandémie.

Dans le cas du nombre de jours de travail manqués par les malades, il faut souligner qu'un taux d'attaque de 30 % n'est pas présenté par le Gouvernement ou les organismes internationaux comme le scénario le plus probable, mais comme un scénario « raisonnablement défavorable », devant être utilisé pour élaborer les plans de lutte contre la maladie, en application du « principe de précaution ». Ce taux ne doit donc pas être utilisé pour élaborer le scénario central de prévisions économiques.

L'avis de l'Institut de veille sanitaire (InVS) du 28 septembre 2009 dans la perspective de la campagne de vaccination, transmis au directeur général de la santé, suggère que le taux d'attaque devrait être de l'ordre de 10 % à 15 % en 2009, et pourrait atteindre 25 % ou 30 % en 2010 si d'autres vagues se produisaient.

En termes de prévisions de croissance pour 2009 et 2010, ce qu'il faut retenir, c'est que le taux d'attaque devrait être de l'ordre de 10 % à 15 % en 2009. En effet, c'est ce taux d'attaque qui aura un impact sur le PIB de 2009. Si des vagues supplémentaires se produisaient en 2010, elles n'auraient vraisemblablement pas d'impact significatif sur le PIB global de 2010, le retard éventuel pris au premier trimestre étant alors compensé les trimestres suivants.

Les deux autres facteurs (nombre de salariés absents par salarié malade et réduction de leur consommation par les ménages en conséquence de la maladie) dépendent quant à eux essentiellement d'une éventuelle réaction de panique de la population. En l'absence de mutation du virus, par nature peu probable, on voit mal ce qui pourrait susciter un tel phénomène.

Au total, l'absentéisme devrait être bien inférieur aux scénarios envisagés dans le cadre du plan national « Pandémie grippale ».

Les hypothèses d'absentéisme du plan « Pandémie grippale », relevant de l'application du « principe de précaution », ne peuvent être retenues pour effectuer des prévisions économiques

1. L'hypothèse de taux d'attaque de 35 % correspond à un scénario volontairement défavorable

Le plan national « Pandémie grippale », qui ne concerne pas spécifiquement la pandémie actuelle, retient l'hypothèse d'une vague unique touchant 35 % de la population. Les Etats-Unis retiennent, pour leur propre planification, un taux analogue, de 30 %. Cela correspond à l'ordre de grandeur retenu par les différentes simulations présentées ci-avant. Dans le cas de la grippe espagnole de 1918 et de la pandémie de grippe de 1957, ce taux a été de respectivement 25 % et 35 %.

Le taux de 35 % ne doit pas être considéré comme une prévision concernant la pandémie actuelle, mais comme un scénario défavorable. Il est légèrement supérieur au « pire cas raisonnable », de 30 %, envisagé, le 29 juillet 2009, dans le cas du Royaume-Uni, par le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies ( European Center for Disease Prevention and Control , ECDC). Comme le souligne l'ECDC, les chiffres qu'il indique « représentent un pire cas raisonnable s'appliquant à un pays européen (le Royaume-Uni) avec les données disponibles en juillet 2009. Ils ne devraient pas être utilisés pour des prévisions ».

Ainsi, dans l'hémisphère sud, qui sort de l'hiver, le taux d'attaque a été compris entre 10 % et 20 %.

L'avis de l'Institut de veille sanitaire (InVS) du 28 septembre 2009 dans la perspective de la campagne de vaccination, transmis au directeur général de la santé, suggère que le taux d'attaque devrait être de l'ordre de 10 % à 15 % en 2009, et pourrait atteindre 25 % ou 30 % en 2010 si d'autres vagues se produisaient. L'InVS se garde bien de faire des prévisions précises en matière de taux d'attaque, adoptant une approche par scénarios, avec un taux d'attaque de respectivement 10 %, 20 % et 30 %. Cependant, il souligne que, dans le cas des vagues déjà constatées en 2009, « quand la vague survient en période de circulation saisonnière, le taux d'attaque semble compris entre 10 % et 15 %, avec prépondérance du virus A/H1N1 2009 ». Par ailleurs, il indique : « Un scénario qui apparaît aujourd'hui vraisemblable, au vu de l'expérience des pays déjà touchés, serait celui d'une première vague qui, si elle survenait avant l'hiver, pourrait engendrer un taux d'attaque clinique de l'ordre de 10 % à 15 %. Cette première vague pourrait être suivie d'une ou deux autres vagues sachant que les données des pandémies passées plaident en faveur d'un taux d'attaque cumulatif d'environ 25 % à 30 % » .

2. L'hypothèse selon laquelle le supplément d'absentéisme serait égal à 4 fois le nombre de malades est de toute évidence pessimiste

Selon le plan national « Pandémie grippale », une vague unique touchant 35 % de la population pendant 3 mois correspondrait ponctuellement à un taux de personne malades compris entre 2,5 % et (lors du pic) 7,5 %, ce qui, si l'on considère qu'à 1 malade s'ajouteraient 3 autres absents (garde des enfants, absentéisme dû à la peur...), correspondrait à un taux d'absentéisme maximal de 30 %.

Il est pessimiste de supposer que l'absentéisme correspondrait à 4 fois le nombre de personnes malades. Certes, cela serait envisageable en cas de pandémie avec un taux de mortalité élevé, mais on voit mal comment cela pourrait se produire avec la grippe A/H1N1. Ainsi, la circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 du directeur général du travail aux préfets considère ces chiffres comme maximalistes. L'étude précitée de la Banque Mondiale suppose dans le cas d'une pandémie pourtant beaucoup plus mortelle (0,3 % de la population totale mourrait) qu'à 1 salarié malade s'ajouterait seulement 1 salarié absent supplémentaire.

Le tableau ci-après indique quelques estimations plausibles. Le scénario le plus vraisemblable selon les informations disponibles semble être celui d'un impact de - 0,2 point de PIB en 2009 (et + 0,2 point de PIB en 2010, le retard de production étant alors rattrapé).

L'impact de la grippe A/H1N1 sur le PIB de 2009 : quelques ordres de grandeur

Scénarios

Optimiste

Central

Pessimiste

Hypothèses

Pandémie

Taux d'attaque clinique au dernier trimestre 2009 (%)

5,0

12,5*

30,0

Durée de la maladie (en jours)

6

6

6

Offre

Nombre de salariés sains absents par salarié malade

1

1

1

% de l'absentéisme se retrouvant dans le PIB

33**

33**

33**

Demande

% de réduction de la consommation des ménages

-0,2***

-0,4***

-1,0***

Impact sur le PIB de 2009 (en points de PIB)

Offre

-0,1

-0,1

-0,3

% moyen de salariés malades au 4 e trimestre

0,3

0,8

2,0

% moyen de salariés absents au 4 e trimestre

0,7

1,6

3,9

Demande

-0,1

-0,2

-0,5

Impact total sur le PIB de 2009

-0,1****

-0,2****

-0,5****

Impact total sur le PIB du 4e trimestre (en %)

-0,3

-0,8

-2,0

* L'avis de l'Institut de veille sanitaire (InVS) du 28 septembre 2009 dans la perspective de la campagne de vaccination, transmis au directeur général de la santé, suggère que le taux d'attaque devrait être de l'ordre de 10 % à 15 % en 2009, et pourrait atteindre 25 % ou 30 % en 2010 si d'autres vagues se produisaient. Le taux de 12,5 % retenu ici est la moyenne de la fourchette attendue pour 2009.

** Le redéploiement des effectifs sur les fonctions essentielles, l'augmentation du temps de travail des salariés présents et le recours à l'intérim font que l'absentéisme ne se retrouve que partiellement dans le PIB. Certaines études estiment que seulement 10 % des heures de travail perdues par les salariés absents ont un impact sur la production (Cf., dans le cas des Etats-Unis, Steven G. Allen, « How Much Does Absenteeism Cost ? », Journal of Human Resources , n°18, 1983). Cependant d'autres études retiennent un taux plus élevé, par exemple de l'ordre de 60 % (Société générale, prévisions économiques d'août 2009). L'hypothèse de 33 %, retenue ici, correspond donc à une hypothèse moyenne. Une hypothèse de 60 % semble en effet excessive, compte tenu de la faible utilisation actuelle des capacités de production.

*** Cela correspond à une diminution, pour les malades, de 80 % des dépenses d'alimentation et de 100 % des dépenses de transport, de loisirs, de culture, d'hôtellerie et de restauration, le temps de la maladie. On suppose que les autres dépenses sont soit contraintes à court terme (logement), soit simplement décalées au cours du trimestre (habillement...).

**** Les impacts sur l'offre et sur la demande ne s'additionnent pas.

Source : commission des finances du Sénat

Les « scénarios catastrophe » prévoyant des pertes de plusieurs points de PIB paraissent totalement irréalistes dans le cas de la pandémie actuelle

1. Les pandémies pourtant incomparablement plus grave constatées par le passé n'ont pas suscité de crise économique majeure

Il est paradoxal que de nombreux économistes prévoient un impact très négatif de la grippe A/H1N1, alors même que cet impact paraît avoir été modeste dans le cas des pandémies pourtant plus graves constatées par le passé.

Selon l'étude précitée du ministère des finances du Canada (2006), le PIB réel des Etats-Unis aurait été réduit de seulement 0,5 point en 1918 du fait de la grippe espagnole, dont on rappelle qu'elle a provoqué la mort d'environ 50 millions de personnes, et étant donc d'une tout autre gravité que la pandémie actuelle. Ainsi, « les données suggèrent que la pandémie de 1918 a eu des effets directs modestes résultant de l'absentéisme dû à la maladie, mais que les effets indirects ont été très faibles. C'est compatible avec le résultat général d'Albala-Bertrand que l'activité humaine est très résiliente à de nombreux chocs naturels. Les gens s'adaptent et travaillent autour du choc ; ceux qui ne sont pas affectés travaillent plus dur et plus longtemps pour compenser. La faible durée des chocs limite aussi leur impact ».

De même, en 2005, Oxford Economic Forecasting - le même organisme qui prévoit actuellement une réduction du PIB du Royaume-Uni de l'ordre de 5 points du fait de la grippe A/H1N1 - estimait qu'en 2003 la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), correspondant certes à un taux de contamination très faible, mais à un taux de mortalité de près de 10 % des personnes infectées, avait réduit le PIB des pays d'Asie orientale de seulement 0,6 point (allant toutefois jusqu'à 2,9 points pour Hong Kong et 3 points pour Singapour). Cet impact n'apparaît en outre pas très clairement, le ministère des finances du Canada estimant, dans l'étude précitée, que les fluctuations observées de l'activité économique peuvent s'expliquer sans le SRAS.

2. Les estimations très élevées qui ont été publiées correspondent à des scénarios irréalistes, où la pandémie durerait plus d'une année et susciterait la panique

Le niveau très important (de respectivement - 3 points et - 5 points de PIB) des estimations précitées de la Banque Mondiale (qui ne concerne pas spécifiquement la pandémie actuelle) et d' Oxford Economic Forecasting (relative au seul Royaume-Uni) vient essentiellement du fait que ces organismes supposent que la pandémie dure longtemps (au moins un an), ce qui, joint à une panique de la population tout au long de la pandémie, fait que les ménages réduisent très fortement leur consommation (avec un impact de 1,8 point de PIB dans le cas de la Banque mondiale et, dans le cas d'OEF, l'hypothèse que les ménages réduisent leurs dépenses « discrétionnaires » de 30 %, soit environ 6 points de PIB).

Il est bien évident que si l'on retient l'hypothèse que les ménages réduisent leur consommation de plusieurs points de PIB pendant toute une année, le PIB de l'année concernée sera réduit d'un montant analogue. Il ne s'agit pas là des conséquences d'un calcul savant, mais de la conséquence immédiate de l'hypothèse retenue. Dans le cas de la pandémie actuelle, de tels scénarios catastrophe ne sont pas vraisemblables.

B. DES PERSPECTIVES ENCORE TRÈS INCERTAINES EN 2010

1. Une croissance de 1,2 % en 2010 selon le consensus et 0,75 % selon le Gouvernement

La prévision de croissance pour 2010 associée au présent projet de loi de finances est de 0,75 %, contre 1,2 % pour le consensus des conjoncturistes. Cependant, le Premier ministre a déclaré le 13 octobre 2009 sur RTL que la croissance en 2010, sera « sans doute » de « plus de 1 % ». Il a confirmé ce point de vue le 9 novembre 2009, lors d'un déplacement en Moselle.

Par convention, votre commission des finances retiendra cependant, dans ses scénarios ci-après, la prévision de croissance associée au présent projet de loi de finances, soit 0,75 %. Les incertitudes relatives à l'année 2010 rendent en effet l'exercice de prévision particulièrement aléatoire.

Schématiquement, le consensus des conjoncturistes pour 2010 a évolué de la manière suivante :

- en juillet 2009, la prévision de croissance du consensus était de 0,3 % (0,5 % selon la prévision présentée par le Gouvernement dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques pour 2010) ;

- la seule révision à la hausse de la croissance du deuxième trimestre 2010 conduit comptablement (les taux de croissance des trimestres suivants étant maintenus inchangés) à augmenter la croissance de 2010 de 0,3 point ;

- une croissance de 0,5 % aux deuxième et troisième trimestres 2009 correspondrait à un « acquis de croissance » de 0,7 % en 2010, soit, avec une hausse du PIB de 0,2 % par trimestre, une croissance de 1,2 %, égale au consensus des conjoncturistes.

Cependant, si l'on suppose qu'à cause de la grippe A/H1N1 la croissance n'est que de - 0,3 % au dernier trimestre 2009, l'acquis de croissance n'est plus que de 0,1 point , ce qui ramène la croissance en 2010 à 0,6 %. Si l'on suppose que la réduction du PIB au dernier trimestre 2009 due à la grippe est compensée au premier trimestre 2010 avec une croissance de 1 %, la croissance 2010 en moyenne annuelle est de 1,4 %.

2. De fortes incertitudes pour toutes les composantes de la demande

Il faut cependant être conscient du fait que si la croissance pour 2009 ne devrait pas susciter de surprise majeure, ne serait-ce que pour des raisons comptables, les prévisions du consensus des conjoncturistes pour 2010 doivent être considérées avec une prudence encore plus grande que d'habitude.

L'écart entre les prévisions est particulièrement important, celles-ci allant de 0,2 % pour HSBC et 0,4 % pour Natixis à 2,2 % pour COE-Rexecode et UBS. Ces prévisions ne sont pas moins vraisemblables que celle d'une croissance de 1,2 %. Le contenu informatif des prévisions du consensus pour 2010 est donc en réalité très faible.

En effet, il existe de très fortes incertitudes pour toutes les composantes de la demande. Ces écarts s'expliquent en particulier par le fait :

- qu'HSBC et Natixis prévoient une contribution à peu près nulle de la consommation des ménages à la croissance, HSBC anticipant en outre une contribution négative des variations de stocks ;

- que COE-Rexecode suppose une contribution fortement positive des variations de stocks ;

- qu'UBS est plus optimiste que le consensus sur la consommation des ménages et l'investissement.

Au total, il ne semble guère possible de dire autre chose sur la croissance de 2010 sinon qu'elle sera probablement comprise entre 0 et 2 %.

II. UNE DÉTÉRIORATION DURABLE DU CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE

A. UNE PERTE DE PIB SANS DOUTE DÉFINITIVE

Une question plus importante que les aléas à court terme est celle de l'évolution du PIB à long terme.

Schématiquement, on peut distinguer trois grands scénarios en termes de croissance :

- dans le scénario 1, la crise actuelle ne serait qu'un « accident de parcours », qui serait intégralement rattrapé en termes de PIB par une croissance de 3 % par an de 2011 à 2017 ;

- dans le scénario 2, la croissance retrouverait son rythme tendanciel (de l'ordre de 2 %) après la crise, qui correspondrait à une perte définitive de PIB de l'ordre de 7 points (l'écart par rapport au rythme tendanciel dû à la crise n'étant jamais rattrapé) ;

- dans le scénario 3, après la crise, la croissance structurelle serait ramenée à 1 % par an.

Les principaux scénarios de croissance envisageables après la crise

(PIB en volume, 2002=100)

Source : commission des finances du Sénat

Le scénario 3 est peut-être pessimiste. Certes, il est possible que la crise réduise à long terme la croissance potentielle, à cause d'un moindre dynamisme de la productivité globale des facteurs, qui pourrait résulter d'une plus grande aversion au risque suscitant un moindre investissement, ou de pertes durables de capital humain. En pratique cependant, les principales crises bancaires n'ont pas été suivies d'une réduction de la croissance potentielle, mais au contraire, et de façon paradoxale, de son accélération.

B. UNE AUGMENTATION PROBABLEMENT DURABLE DU TAUX DE CHÔMAGE

Le taux de chômage devrait fortement augmenter en 2009, passant, selon le consensus des conjoncturistes, de 7,3 % en moyenne en 2008 à 9,4 % en 2009 et 10,3 % en 2010.

Comment prévoir simplement l'évolution du taux de chômage ?

Pour prévoir simplement l'évolution du chômage, il est possible de recourir à la « loi d'Okun », selon laquelle l'augmentation du taux de chômage est égale à l'écart du taux de croissance par rapport à la croissance potentielle, multipliée par un certain coefficient, variant selon les pays. En effet, la croissance potentielle découlant de l'augmentation de la population active et de la productivité par travailleur, sur longue période le taux de chômage est stable si la croissance est égale à son potentiel.

Si on considère que, dans le cas de la France, la croissance potentielle est de l'ordre de 2 %, soit 0,5 % par trimestre, et le coefficient d'Okun de 0,5 , en retenant les hypothèses d'une croissance de - 2,25 % en 2009 et 0,75 % en 2010, le taux de chômage moyen serait de l'ordre de 9,4 % en 2009 et 10,1 % en 2010.

Il s'agit bien entendu d'un calcul simplifié. Il est cependant compatible avec les estimations du consensus des conjoncturistes, qui, avec des prévisions de croissance de - 2,1 % en 2009 et 1,2 % en 2010, prévoit un taux de chômage de respectivement 9,4 % et 10,3 %.

Pour que le taux de chômage se stabilise, il faut une croissance égale à son potentiel, soit environ 2 %. Si, comme le pensent la majorité des économistes (et contrairement aux prévisions du Gouvernement, qui retient l'hypothèse d'une croissance du PIB de 2,5 % de 2011 à 2013), la croissance reste à moyen terme au mieux égale à son potentiel, le taux de chômage sera stable, voire augmentera.

Par ailleurs, une perte définitive de PIB potentiel entraîne mécaniquement une augmentation du taux structurel de chômage. En effet, il n'y a pas de raison qu'à long terme, la croissance soit supérieure à son potentiel.

Il est donc vraisemblable que le taux de chômage soit durablement de l'ordre de 10 %. Par rapport à la situation précédant la crise, le taux de chômage augmenterait d'environ 3 points, ce qui accroîtrait structurellement les dépenses d'indemnisation du chômage d'environ 12 milliards d'euros, soit 0,6 point de PIB.

DEUXIÈME PARTIE : L'ÉQUILIBRE DU BUDGET DE L'ETAT DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES

I. L'ÉVOLUTION DES RECETTES DE L'ÉTAT

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1. Des prévisions de recettes pour 2009 inférieures de 56 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale par suite du fort recul des recettes fiscales

Le présent projet de loi de finances repose sur des prévisions de recettes pour 2009 réduites de 56 milliards d'euros par rapport aux montants de la loi de finances initiale pour 2009 :

- les prévisions de recettes fiscales brutes sont inférieures de 35 milliards d'euros aux prévisions initiales (dont 12 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés et 17 milliards d'euros pour la TVA), et celles de recettes fiscales nettes inférieures de 47 milliards d'euros aux prévisions initiales ;

- les prévisions de recettes non fiscales sont inférieures de 3,5 milliards d'euros aux prévisions initiales ;

- les prévisions de prélèvements sur recettes sont supérieures de 5 milliards d'euros aux prévisions initiales, dont 4 milliards d'euros pour celui au profit des collectivités territoriales.

Ces écarts spectaculaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 (qui, rappelons-le, intégrait déjà les mesures fiscales du plan de relance) ne s'expliquent que partiellement par les réévaluations des lois de finances rectificatives de février et avril 2009, qui n'ont réduit les prévisions de recettes que de respectivement 8,4 et 8,5 milliards d'euros.

Le présent projet de loi de finances révise à la baisse les prévisions de recettes de 39 milliards d'euros par rapport aux estimations de la loi de finances rectificative d'avril 2009. Cette révision considérable s'explique en quasi-totalité par l'effondrement des prévisions de recettes fiscales, inférieures de 34 milliards d'euros aux prévisions de la précédente loi de finances, essentiellement du fait des moins-values d'impôt sur les sociétés et de TVA.

Les prévisions de recettes du budget général pour 2009 et 2010

(en millions d'euros)

2009

2010

Evolutions

LFI 2009

Evolutions

Montant

2009

2010

LFR février 2009

LFR avril 2009

LFR février 2009

LFR avril 2009

Evaluations révisées

Evolution /LFI 2009

Evolution / LFR avril 2009

Evolution /2009

A. Recettes fiscales

361 348

-5 900

-7 366

355 448

348 082

325 925

347 059

-35 423

-22 157

21 134

1. Impôt sur le revenu

59 355

-2100

59 355

57 255

55 990

54 678

-3 365

-1 265

-1 312

2. Autres impôts directs perçus par voie d'émission de rôles

6 450

6 450

6 450

6 655

8 443

205

205

1 788

3. Impôt sur les sociétés

60 094

-3400

-500

56 694

56 194

48 220

50 400

-11 874

-7 974

2 180

4. Autres impôts directs et taxes assimilées

14 089

-400

14 089

13 689

12 757

26 027

-1 332

-932

13 270

5. Taxe intérieure sur les produits pétroliers

15 251

-151

15 251

15 100

14 861

14 503

-390

-239

-358

6. Taxe sur la valeur ajoutée

186 312

-2500

-3516

183 812

180 296

169 333

170 990

-16 979

-10 963

1 657

7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

19 797

-699

19 797

19 098

18 109

22 018

-1 688

-989

3 909

A déduire : Remboursements et dégrèvements

101 965

101 965

101 965

113 702

94 804

11 737

11 737

-18 898

A'. Recettes fiscales nettes

259 383

-5 900

-7 366

253 483

246 117

212 223

252 255

-47 160

-33 894

40 032

B. Recettes non fiscales

22 677

-1089

22 677

21 588

19 167

14 921

-3 510

-2 421

-4 246

C. Prélèvements sur les recettes de l'État

71 149

2500

73 649

73 649

76 263

102 765

5 114

2 614

26 502

1. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

52 249

2500

54 749

54 749

56 298

84 612

4 049

1 549

28 314

2. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des Communautés européennes

18 900

18 900

18 900

19 965

18 153

1 065

1 065

-1 812

Recettes totales nettes des prélèvements (A' + B - C)

210 911

-8 400

-8 455

202 511

194 056

155 127

164 411

-55 784

-38 929

9 284

D. Fonds de concours et recettes assimilées

3 316

3 316

3 316

3 122

Recettes nettes totales du budget général, y compris fonds de concours (A' + B - C + D)

214 227

-8 400

-8 455

205 827

197 372

167 533

Sources : présent projet de loi de finances, lois de finances rectificatives de février et avril 2009, calculs de la commission des finances

Il est à noter que cette forte révision à la baisse des prévisions pour 2009 ne s'explique que marginalement par des mesures nouvelles décidées postérieurement à la loi de finances initiale pour 2009. Ces mesures ont en effet été de seulement 2,5 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Les principales mesures fiscales en 2009 résultant de textes postérieurs à la loi de finances initiale pour 2009

(en milliards d'euros)

2009

TVA restauration

-1,5*

Allégement d'IR en faveur des classes moyennes modestes

-1

Total

-2,5

* 3 milliards d'euros en année pleine.

Sources : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, et les estimations révisées du coût du plan de relance

2. Des recettes en augmentation de 9 milliards d'euros en 2010 en dépit de la suppression de la taxe professionnelle

Le présent projet de loi de finances prévoit pour 2010 une augmentation des recettes de 9 milliards d'euros, conformément au tableau ci-après.

Les prévisions de recettes du budget général pour 2009 et 2010

(en millions d'euros)

2009

2010

Evolution

A. Recettes fiscales

325 925

347 059

21 134

1. Impôt sur le revenu

55 990

54 678

-1 312

2. Autres impôts directs perçus par voie d'émission de rôles

6 655

8 443

1 788

3. Impôt sur les sociétés

48 220

50 400

2 180

4. Autres impôts directs et taxes assimilées

12 757

26 027

13 270

5. Taxe intérieure sur les produits pétroliers

14 861

14 503

-358

6. Taxe sur la valeur ajoutée

169 333

170 990

1 657

7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

18 109

22 018

3 909

A déduire : Remboursements et dégrèvements

113 702

94 804

-18 898

A'. Recettes fiscales nettes

212 223

252 255

40 032

B. Recettes non fiscales

19 167

14 921

-4 246

C. Prélèvements sur les recettes de l'État

76 263

102 765

26 502

1. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

56 298

84 612

28 314

2. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des Communautés européennes

19 965

18 153

-1 812

Recettes totales nettes des prélèvements (A' + B - C)

155 127

164 411

9 284

D. Fonds de concours et recettes assimilées

3 122

Recettes nettes totales du budget général, y compris fonds de concours (A' + B - C + D)

167 533

Sources : présent projet de loi de finances, lois de finances rectificatives de février et avril 2009, calculs de la commission des finances

Cette augmentation de 9 milliards d'euros est essentiellement le résultat de deux phénomènes contradictoires :

- les recettes fiscales nettes augmenteraient de 40 milliards d'euros, sous le triple impact de la reprise économique, de la disparition des allégements fiscaux du plan de relance et de la suppression de la taxe professionnelle (remplacée par des impôts d'Etat) ;

- le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales augmenterait de 28 milliards d'euros, la suppression de la taxe professionnelle étant compensée aux collectivités territoriales par un prélèvement sur recettes de 31,6 milliards d'euros (auquel s'ajoute, en sens inverse, la disparition des 3,8 milliards d'euros de la mesure du plan de relance relative au FCTVA).

La taxe carbone n'augmenterait les recettes que de 1,5 milliard d'euros.

Les facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes en 2010

(en milliards d'euros)

Recettes fiscales nettes

IR net

IS net

TIPP nette

TVA nette

Autres recettes fiscales nettes

2009 - Révisé PLF 2009

212,2

48,1

19

13,8

117

14,3

Facteurs d'évolution en 2010 :

20,2

0,9

14

0,1

7,7

-2,6

Effet de l'évolution spontanée

10,3

0

9,3

-0,2

2,9

-1,7

Mesures relance de 2009 (contrecoup 2010)

15,5

1

7,9

6,5

Mesures relance PLF 2010

-2,5

-2,5

Effet des mesures nouvelles du présent PLF (hors relance)

0,2

0,1

0,1

Autres (dont effet des mesures nouvelles antérieures au PLF)

-3,3

-0,2

-0,7

0,3

-1,8

-0,9

2010 - prévision du PLF 2010, hors impact taxe carbone, TP, à périmètre constant

232,4

49

33

13,9

124,7

11,7

Impact des mesures de périmètre

3,2

0,4

0

-0,4

0,3

3

2010 - prévision du PLF 2010, hors impact taxe carbone, TP, à périmètre courant

235,6

49,4

33

13,5

125

14,7

Impact création taxe carbone

1,5

-2,7

0

-0,5

0,4

4,2

Impact réforme TP

15,1

15,1

2010 - prévision du PLF 2010

252,3

46,7

33

13,1

125,4

34

Source : d'après le présent projet de loi de finances

B. L'EFFONDREMENT DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ET LA DIMINUTION DE LA TVA

On présente ci-après plus en détails l'évolution de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, qui constituent les faits marquants de l'évolution spontanée des recettes en 2009 et 2010.

1. L'effondrement de l'impôt sur les sociétés

Tout d'abord, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés devraient être nettement inférieures au cours des prochaines années à leur niveau de 2008, qui était de près de 50 milliards d'euros.

a) Une implosion en 2009, partiellement rattrapée en 2010

Certes, l'effondrement spectaculaire des recettes observé en 2009 et, dans une moindre mesure, 2010, est par nature temporaire, et provient du mécanisme de cet impôt.

Le Gouvernement prévoit actuellement des recettes nettes d'impôt sur les sociétés de 19 milliards d'euros en 2009 et 33 milliards d'euros en 2010, en nette baisse par rapport aux prévisions précédentes, comme l'indique le tableau ci-après.

Le produit d'impôt sur les sociétés net : l'évolution des prévisions du Gouvernement

(en milliards d'euros)

LFR d'avril 2009

Débat d'orientation des finances publiques (juillet 2009)*

Projet de loi de finances pour 2010

Scénario bas

Scénario haut

2009

37,4

20,4

25,4

19

2010

-

28,2

35,3

33

Pour mémoire : les recettes d'IS net ont été de 49,3 milliards d'euros en 2008.

* Ces chiffres n'ont pas été directement indiqués par le Gouvernement mais ont été calculées par la commission des finances en fonction des évolutions prévues par le Gouvernement par rapport à la LFR d'avril 2009.

Sources : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2010 ; projet de loi de finances pour 2010 ; calculs de la commission des finances

Ces ordres de grandeur sont vraisemblables.

Schématiquement, le produit de l'impôt sur les sociétés sera en 2009 la somme des éléments suivants :

- les quatre acomptes, reposant chacun sur le quart des bénéfices fiscaux de 2008 (à l'exception du dernier, qui dans le cas des grandes entreprises repose depuis 2005 sur les prévisions de bénéfices de l'année en cours) ;

- le solde de l'année 2008, correspondant à l'excédent d'impôt payé en 2008.

L'impôt sur les sociétés : quelques rappels

Les recettes nettes d'impôt sur les sociétés, de 45 milliards d'euros en moyenne depuis 2001, se décomposent entre :

- quatre acomptes de 10 milliards d'euros en moyenne (normalement payés les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre), calculés en fonction des bénéfices de n-1 (ainsi que, dans le cas du dernier acompte et depuis 2005, des prévisions de bénéfices des grandes entreprises pour l'année en cours) ;

- le « solde » de l'année n-1 (en avril), dépendant de l'écart entre les bénéfices de l'année n-1 et de ceux de l'année de n-2 (de 5 milliards d'euros en moyenne).

Le graphique ci-après permet de mettre en évidence la forte augmentation du 4 e acompte consécutive à la réforme de 2005, alors que les bénéfices des entreprises étaient en augmentation.

La décomposition annuelle du produit de l'impôt sur les sociétés (net)

(en milliards d'euros)

NB : la décomposition a été effectuée de manière conventionnelle, en fonction des recettes perçues les 31 mars, 31 mai, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre.

Source : d'après les situations mensuelles du budget de l'Etat

Il faut également prendre en compte le coût du plan de relance de l'économie, qui devrait être plus élevé qu'initialement prévu.

Le coût des allégements d'impôt sur les sociétés mis en oeuvre dans le cadre du plan de relance

Le cas de l'année 2009

Le plan de relance comprend, outre l'accélération des remboursements de trop-perçus en 2008 (qui n'aura pas d'impact sur le produit de l'année 2009), divers allégements, dont l'impact sur le solde budgétaire, initialement évalué à 5,6 milliards d'euros, était déjà de 7,5 milliards d'euros fin juillet, et a encore légèrement augmenté depuis, la prévision associée au présent projet de loi de finances étant de 8,3 milliards d'euros.

Le coût des allégements d'IS du plan de relance en 2009 : prévision du Gouvernement et exécution

(en milliards d'euros)

Prévision initiale

28-févr

31-mars

30-avr

31-mai

30-juin

31-juil

31-août

30-sept

Prévision PLF 2010

Crédit d'impôt recherche (CIR)

3,8

1

1,9

2,4

3,1

3,4

3,7

3,6

3,7

3,8

Report en arrière

1,8

0,6

0,9

1,1

1,5

2,2

3,8

3,9

4,4

4,5

Total ayant un impact sur le solde de 2009

5,6

1,6

2,8

3,5

4,6

5,6

7,5

7,5

8,1

8,3

Pour mémoire : remboursements anticipés des excédents de versement d'IS

3,9

6,4

Sources : présent projet de loi de finances, situations mensuelles budgétaires

Le cas de l'année 2010

Ces mesures consistant en l'anticipation de remboursements, elles seront suivies d'un contrecoup en 2010. Selon le Gouvernement, à l'allégement de 8,3 milliards d'euros en 2009 succéderait un alourdissement de 10,1 milliards d'euros en 2010 (7,6 milliards d'euros après prise en compte de la prorogation de la mesure relative au CIR par le présent projet de loi de finances).

Le coût des allégements d'IS du plan de relance, selon le Gouvernement

(en « mesures nouvelles » et en milliards d'euros)

Prévisions initiales

PLF 2010

2009 (1)

2010 (2)

(1)+
(2)

2009 (1)

2010 (2)

(1)+
(2)

Remboursement du crédit d'impôt recherche (CIR)

3,8

-4,8

-1

3,8

-4,8

(-2,3*)

-1

(-1,5*)

Remboursement des crédits d'impôt de retour en arrière des déficits

1,8

-2,1

-0,3

4,5

-5,3

-0,8

Total

5,6

-6,9

-1,3

8,3

-10,1

(- 7,6*)

-1,8

(0,7*)

* Y compris la prorogation de la mesure par le présent projet de loi de finances, qui doit coûter 2,5 milliards d'euros en 2010.

Sources : dossier de presse relatif au plan de relance (janvier 2009) ; rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au présent projet de loi de finances

Comme en 2008 les bénéfices fiscaux des entreprises ont fortement baissé, le produit diminue par nature fortement par rapport à celui de 2008 (de l'ordre de 50 milliards d'euros).

Pourquoi les recettes nettes d'impôt sur les sociétés s'effondrent en 2009

Dans le cas de l'année 2009, on peut faire le raisonnement simplifié suivant (en retenant des chiffres volontairement arrondis ) :

- les bénéfices de 2008 correspondent à un produit de l'ordre non de 50 milliards d'euros, comme ceux de 2007, mais (si l'on retient l'hypothèse d'une diminution de 20 % du bénéfice fiscal en 2008) de 80 % de ce montant, soit 40 milliards d'euros ;

- en 2009, les quatre acomptes, chacun égal au quart de ce montant, seront donc au total de l'ordre de 40 milliards d'euros ;

- par ailleurs, les entreprises ont trop payé d'impôt en 2008, puisqu'elles l'ont payé sur la base de bénéfices correspondant à une imposition de l'ordre de 50 milliards d'euros, alors qu'elles n'auraient dû payer que 40 milliards d'euros, d'où en 2009 le versement par l'administration fiscale de 10 milliards d'euros aux entreprises ;

- à cela s'ajoute que les divers allégements mis en oeuvre dans le cadre du plan de relance devraient être de l'ordre de 10 milliards d'euros en 2009.

Au total, le produit d'impôt sur les sociétés en 2009 serait donc de l'ordre de
40-10-10 = 20 milliards d'euros.

(1) Selon une approche « graphique » : des recettes de l'ordre de 18-19 milliards d'euros en 2009

Une première approche pour évaluer le produit d'impôt sur les sociétés, valable pour la seule année 2009, consiste à extrapoler les recettes perçues depuis le début de l'année.

Les recettes d'IS net étaient, le 15 octobre 2009 (date de la dernière situation hebdomadaire transmise à la commission), de seulement 10,5 milliards d'euros, contre 38,8 milliards d'euros l'année dernière à la même date.

Les recettes d'IS net en 2008 et 2009

(en milliards d'euros)

Source : situations hebdomadaires du budget de l'Etat

On observe que le montant moyen des trois premiers acomptes a été de l'ordre de 8 milliards d'euros en 2009.

Ainsi, si l'on suppose que le montant du quatrième acompte est égal à celui des trois premiers, et que les entreprises ont bénéficié de la quasi- totalité des mesures du plan de relance, les recettes d'IS seraient donc de l'ordre de 18 ou 19 milliards d'euros en 2009 .

(2) Des simulations simples conduisent à des recettes de 18 milliards d'euros en 2009 et 31 milliards d'euros en 2010

Une approche complémentaire consiste à réaliser des simulations simples, à partir de certaines hypothèses d'évolution du bénéfice fiscal des entreprises. Selon le Gouvernement, le bénéfice fiscal a diminué de 25 % en 2008, et devrait diminuer de 3 % en 2009. En retenant ces hypothèses, et en supposant, de manière conventionnelle, que les bénéfices fiscaux augmentent ensuite de 5 % par an, on parvient aux résultats indiqués par le tableau ci-après.

Le produit net de l'impôt sur les sociétés de 2009 à 2012 : une simulation simplifiée par la commission des finances

(en milliards d'euros)

Formule

Exécution

Prévision

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Hypothèse d'évolution du bénéfice fiscal

(en %)

-25

-3

5

5

5

A

1 er acompte (mars)

J n-1 /4

9

12

9

9

9

10

B

Solde de n-1 (avril)

J n-1 - (A n-1 +C n-1

+D n-1 +E n-1 )

4

3

-10

-1

2

2

C

2 e acompte (juin)

A n

13

13

9

9

9

10

D

3 e acompte (septembre)

A n

11

10

9

9

9

10

E

4 e acompte (décembre)

A n +F n

14

11

9

9

9

10

F

Dont supplément dû aux grandes entreprises (hypothèse)

4

0

0

0

1

2

G

Total avant plan de relance

A n +B n + C n +D n +E n

51

49

26

34

38

40

H

Plan de relance (hypothèse)

0

0

-8

-2,5

0

0

I

Total après plan de relance

G n +I n

51

49

18

31

38

40

Pour mémoire : prévision du Gouvernement

19

33

-

-

J

Produit (hors plan de relance) reposant sur les bénéfices de l'année concernée

48

36

35

37

38

40

Cf. ci-contre

Moyenne (A 2007 +C 2007 +D 2007
+E 2007 +B 2008 ; A 2008 +C 2008 +D 2008 +E 2008 )

J 2007 *0,75

J 2008 *0,97

J 2009 *1,05

J 2010 *1,05

J 2011 *1,05

Sources : situations mensuelles du budget de l'Etat, hypothèses et calculs de la commission des finances

Selon cette approche, le produit net de l'impôt sur les sociétés serait de l'ordre de 18 milliards d'euros en 2009 et 31 milliards d'euros en 2010 (contre respectivement 19 et 33 milliards d'euros selon le Gouvernement). Cela confirme l'exactitude des ordres de grandeur retenus par le Gouvernement.

La baisse de l'IS en 2009, de l'ordre de 30 milliards d'euros, se décomposerait donc entre :

- environ 8 milliards d'euros dus au plan de relance (au lieu de 5,6 milliards d'euros initialement prévus) ;

- plus de 20 milliards d'euros dus à la crise.

b) L'éclatement d'une « bulle » de recettes de 10 milliards d'euros ?

Les simulations ci-avant permettent de mettre en évidence que si la très forte diminution du produit de l'impôt sur les sociétés en 2009 ne sera pas pérenne, il semble en revanche peu probable que celui-ci retrouve rapidement son niveau d'avant la crise, comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes nettes d'IS

(en milliards d'euros)

Sources : situations mensuelles, calculs de la commission des finances

En fait, on observe que de 2006 à 2008 les recettes nettes d'impôt sur les sociétés ont été de l'ordre de 50 milliards d'euros, contre 40 milliards d'euros habituellement. Par ailleurs, c'est ce niveau de 40 milliards d'euros qu'elles devraient retrouver en 2011.

Les prévisions relatives aux prélèvements obligatoires doivent donc vraisemblablement intégrer une perte pérenne de recettes d'impôt sur les sociétés de l'ordre de 10 milliards d'euros.

2. Des recettes de TVA inférieures à 120 milliards d'euros, contre une prévision de 121-123 milliards d'euros lors du débat d'orientation des finances publiques

Au 15 octobre 2009 (date de la dernière situation hebdomadaire transmise à la commission), les recettes nettes de TVA étaient de 85 milliards d'euros, contre 95 milliards d'euros en moyenne en 2006-2008 à la même date, soit un écart de 10 milliards d'euros. Cet écart provient en partie de la suppression du décalage de 3 mois des remboursements de TVA (6,5 milliards d'euros en comptabilité budgétaire), mais ne s'explique que marginalement par l'allégement de la TVA des restaurateurs (1,5 milliard d'euros sur la demi-année, dont seulement 900 millions d'euros mi octobre).

Si cet écart par rapport à 2006-2008 se maintient, les recettes de 2009 seront inférieures à celles de 2006-2008 de 10 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter le coût de la baisse de TVA restant à venir d'ici la fin de l'année (soit 0,6 milliard d'euros), ce qui porte l'écart à environ 10,5 milliards d'euros.

Les recettes de 2006-2008 ayant été de 129 milliards d'euros, elles ne seraient en 2009 que de l'ordre de 119 milliards d'euros, soit légèrement inférieures au bas de la fourchette présentée en juillet par le Gouvernement (121-123 milliards d'euros).

Ainsi, le présent projet de loi de finances évalue la TVA nette en 2009 à 117 milliards d'euros.

II. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ETAT

A. LES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL POUR 2010

1. Des dépenses supérieures de 3 % à celles de la loi de finances pour 2009 et inférieures de 1,5 % à la prévision d'exécution pour 2009

Dans le projet de loi de finances pour 2010, les dépenses nettes du budget général de l'Etat s'établissent à 285,2 milliards d'euros, contre 277,1 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2009, soit une progression de 3 %.

Cette présentation classique, dite « de LFI à PLF », illustre l'ampleur des bouleversements provoqués par la crise économique. En effet, au cours du premier semestre 2009, les deux lois de finances rectificatives par lesquelles ont été adoptées les mesures du plan de relance de l'économie ont conduit à l'ouverture de 12,6 milliards d'euros en crédits de paiement. Par rapport à ce nouveau point de référence, les crédits du projet de loi de finances pour 2010 diminuent de 1,5 %.

Evolution des dépenses du budget général

(en milliards d'euros)

NB : ces montants ne neutralisent pas les effets des changements de périmètre, ce qui explique par exemple la forte baisse des dépenses entre 2005 et 2006.

Si l'on exclut l'impact des mesures du plan de relance, les dépenses de l'Etat en 2010 s'établissent à 281,1 milliards d'euros. Ce montant tient compte, pour 972 millions d'euros, de modifications de périmètre. Hors mesures de périmètre, les dépenses de l'Etat augmentent de 1,1 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances pour 2009 . Le taux d'inflation prévisionnel s'établissant à 1,2 %, le projet de loi de finances pour 2010 marque donc une baisse en volume des dépenses de l'Etat (hors dépenses non reconductibles du plan de relance).

Cette baisse n'affecte pas les missions du budget général de manière uniforme. Le tableau ci-après compare le montant des missions inscrit dans le projet de loi de finances pour 2010 (au « format » 2009 pour neutraliser les effets de périmètre) à celui figurant dans la loi de finances pour 2009. Il en résulte que, hors plan de relance, 17 missions voient leurs crédits progresser plus vite que l'inflation et 13 enregistrent une diminution en valeur .

Evolution des crédits (CP) des missions du budget général « de LFI à PLF »

(en milliards d'euros)

NB : en gris, les missions dont le montant augmente moins que le taux d'inflation prévisionnel, soit 1,2 %

2. Une répartition par titre marquée par le recul des dépenses de rémunération

La répartition par titre des dépenses brutes (c'est-à-dire en incluant les remboursements et dégrèvements) du projet de loi de finances pour 2010 est la suivante :

Ventilation par titre des dépenses brutes du budget général

(en milliards d'euros)

Source : projet de loi de finances pour 2010

De la lecture de ce tableau, qui compare les dépenses brutes du projet de loi de finances pour 2010 aux dépenses de la loi de finances pour 2009 mises au format 2010, il ressort notamment que :

- les dépenses de personnel constituent la principale source d'économie, avec 2,44 milliards d'euros ;

- les subventions pour charge de service public versées aux opérateurs sont particulièrement dynamiques, en hausse de 3,9 milliards d'euros.

B. LE RESPECT DE LA NORME DE DÉPENSE

1. Une norme de dépense plus rigoureuse que celle prévue par la loi de programmation des finances publiques

Les dépenses « normées » de l'Etat comprennent désormais, d'une part, les dépenses du budget général et, d'autre part, les prélèvements sur recettes. De ce fait, le projet de loi de finances pour 2010 renonce à la traditionnelle présentation, qui défalquait les prélèvements sur recettes du montant des recettes nettes de l'Etat, pour l'ajouter à celui des dépenses, comme le fait d'ailleurs depuis toujours la comptabilité nationale.

Les dépenses prises en compte dans la norme progressent de 1,2 % par rapport à 2009 (352,6 milliards d'euros contre 348,2 milliards l'année précédente), soit le niveau prévisionnel de l'inflation. En application de l'article 5 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, le Gouvernement n'était pas tenu de s'en tenir au niveau de l'évolution des prix . Il aurait même dû, conformément à l'annexe à laquelle renvoie l'article 5, retenir le niveau prévisionnel d'inflation de 1,75 %.

La décision du Gouvernement de fixer les dépenses de l'Etat en 2010 à 352,6 milliards d'euros là où la loi pluriannuelle l'invitait à retenir le montant de 354,7 milliards d'euros le conduit donc à « renoncer » à une augmentation de 2,1 milliards d'euros de ses dépenses . Votre rapporteur général approuve cette décision qui revient, à peu de choses près, à affecter l'économie sur les dépenses de personnel à la réduction du déficit.

La norme de dépense appliquée au projet de loi de finances pour 2010

(en milliards d'euros)

NB : LPFP = loi de programmation des finances publiques

Au sein des dépenses du budget général , celles qui relèvent de la mise en oeuvre du plan de relance de l'économie ne sont pas prises en compte pour l'application de la norme de dépense. Cette position se justifie sur le plan économique, puisque l'inclusion dans la norme de dépense aurait abouti à des économies de même montant et donc à annuler tout effet de relance keynésienne par la dépense. Sur un plan pratique, il aurait été impossible de dégager 12,6 milliards d'euros d'économies en 2009 et 4,1 milliards euros en 2010.

Le montant des prélèvements sur recettes, à structure constante, s'établit à 72,4 milliards d'euros. Il est supérieur de 1,3 milliard d'euros à celui inscrit en loi de finances pour 2009, ce qui représente une progression de 1,3 %, supérieure de 0,1 point au taux d'inflation prévisionnel. Les prélèvements au profit des collectivités territoriales augmentent de 1,34 % tandis que le prélèvement au profit de l'Union européenne progresse de 3,2 %.

Si l'on suivait la Cour des comptes, qui considère que le prélèvement au profit de l'Union européenne ne devrait pas être pris en compte dans la norme de dépense, on constate que les dépenses dont l'Etat maîtrise l'évolution progressent de 1,15 %, soit une régression en volume . Là encore, il faut saluer cette bonne tenue de la dépense publique.

L'autre norme de dépense

L'article 7 de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques dispose que « l'évolution de l'ensemble constitué par les prélèvements sur recettes de l'État établis au profit des collectivités territoriales, par la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite sur la mission « Travail et emploi » et par les dépenses du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est égale, chaque année et à périmètre constant (...), à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation ».

En 2010, à périmètre constant, les concours de l'Etat aux collectivités territoriales évolueront comme l'inflation.

Evolution des concours aux collectivités territoriales mentionnés à l'article 7 de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2009 à 2012

(en millions d'euro)

Source : projet de loi de finance pour 2010 ; documents distribués au comité des finances locales

2. Certaines dépenses toujours « hors norme »

Cependant, certaines dépenses de l'Etat restent « hors norme » à bien des points de vue , en particulier les dépenses fiscales.

La dépense budgétaire et la dépense fiscale dans les lois de finances

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les lois de finances

Toutes les dépenses fiscales méritent ce qualificatif, car elles ont bien un coût pour le budget de l'Etat. Cependant, certaines constituent des mécanismes intrinsèquement fiscaux, tels que les abattements, les exonérations ou encore les taux réduits. D'autres, en revanche, relèvent d'une logique de subvention. Il en va ainsi des crédits d'impôts tels que la prime pour l'emploi, les dispositifs en faveur du développement durable ou encore les dépenses d'équipement pour personnes âgées ou handicapées.

Le tableau ci-après identifie, au sein des dépenses fiscales, les dispositifs de crédits d'impôt, qui s'appliquent soit à l'impôt sur le revenu, soit à l'impôt sur les sociétés, soit aux deux.

Les crédits d'impôt en 2009 et en 2010

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de la mission « Remboursements et dégrèvements » et le tome I du fascicule des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2010

Il en résulte que, entre 2009 et 2010, le montant des « subventions fiscales » progresserait d'environ 6 milliards d'euros, soit 1,7 milliard d'euro de plus que l'augmentation en volume des dépenses de l'Etat au sens de la norme « élargie ».

Trois mesures expliquent cette augmentation : le crédit d'impôt en faveur des économies d'énergie et du développement durable (le « 200 quater »), pour 1,1 milliard d'euros, le « crédit d'impôt forfaitaire destiné à réduire le coût de la facture énergétique des usagers à la suite de la création de la taxe carbone », pour 2,6 milliards d'euros et le crédit d'impôt recherche, pour 2 milliards d'euros.

Au total, pour « tenir » réellement l'évolution des dépenses publiques dans les prochaines années, il faudra évidemment porter l'effort, aussi, sur les dépenses fiscales .

3. L'incidence budgétaire de la réforme de la taxe professionnelle

La suppression de la part de l'assiette de la taxe professionnelle reposant sur les équipements et biens mobiliers (EBM) impactera le solde du budget de l'Etat de 11,7 milliards d'euros en 2010 (soit 10 % du déficit prévisionnel) et de 4,3 milliards d'euros en régime de croisière.

Pour apprécier son incidence budgétaire sur le budget de l'Etat, il convient de distinguer plusieurs phénomènes contradictoires :

- la réforme engendre des économies de dépenses puisque les dégrèvements de taxe professionnelle disparaissent. L'économie est estimée à 12,4 milliards d'euros. En 2010, elle serait inférieure car il conviendra de verser aux collectivités territoriales le reliquat des sommes dues au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée en 2009. Il faut noter que le Gouvernement considère comme une économie les sommes qu'il aurait dû verser en 2010, pour la première fois, au titre du dégrèvement pour investissements nouveaux (DIN) institué à la fin de l'année 2008 : c'est ce raisonnement qui le conduit à estimer le coût pour l'Etat en rythme de croisière à 3,2 milliards d'euros, mais ce raisonnement n'est pas acceptable car le dégrèvement pour investissements nouveaux aurait pu être compensé par des recettes nouvelles à due concurrence ;

- la réforme procure des recettes nouvelles , soit à l'Etat (une fraction du produit de la nouvelle imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), à hauteur de 200 millions d'euros environ), soit aux collectivités territoriales (la création de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et l'IFER). Les recettes nouvelles des collectivités territoriales viennent en déduction du manque à gagner qui aurait, sinon, dû être couvert par des dotations budgétaires ;

- environ le quart, selon les estimations du Gouvernement, des gains au titre de la réforme devraient être récupérés au titre de l'impôt sur les sociétés , puisque les entreprises déduiront de l'assiette de cet impôt des montants moins élevés ;

- la réforme conduit à des pertes de recettes pour l'Etat, par transfert aux collectivités territoriales d'une partie des frais d'assiette et de recouvrement au titre des impôts directs locaux aujourd'hui perçus à son profit, et en raison de la suppression de la cotisation minimale de taxe professionnelle qui alimentait également son budget ;

- la création des nouveaux impôts s'accompagne de la mise en place d'un dégrèvement , dégressif sur cinq ans, dont bénéficieront les entreprises pour lesquelles la réforme se traduira par une augmentation de plus de 10 % des impositions.

Le coût budgétaire de la suppression de la taxe professionnelle

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances d'après les données transmises par le Gouvernement

C. LA MISE EN oeUVRE DE LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

1. Des données de moins en moins facilement comparables

La « sophistication » des techniques d'encadrement et de suivi de l'évolution de la dépense, engagée depuis une dizaine d'années, encouragée par la LOLF et formalisée par la loi de programmation pluriannuelle des finances (LPFP) présente des avantages certains.

Le recours à une norme de dépense déconnectée des recettes permet de garder le cap de la maîtrise des dépenses indépendamment de l'évolution de la conjoncture. L'instauration d'un rendez-vous budgétaire à mi-année, le débat d'orientation des finances publiques , à l'occasion duquel sont présentés les plafonds des missions retenus pour le projet de loi de finances pour l'année suivante, permet au Parlement de se prononcer sur les options gouvernementales très en amont, lui offrant ainsi la possibilité de les infléchir. La mise en place d'une programmation pluriannuelle permet d'offrir une visibilité aux gestionnaires et un horizon aux prises de décisions politiques.

Ces avantages s'accompagnent cependant d'une moindre lisibilité des documents budgétaires et des évolutions des masses de crédits , qui peut inciter à renoncer à utiliser les instruments nouveaux et en rester à la traditionnelle comparaison, sommaire mais lisible et efficace, des crédits du projet de loi de finances par rapport à la loi de finances de l'exercice précédent.

Les difficultés à comparer les données proviennent du fait que les périmètres sont différents selon les supports :

- dans l'état B des lois de finances, les montants des missions sont des montants globaux, assortis d'une ligne « dont titre 2 » (dépenses de personnel) ;

- dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, les montants des missions sont globaux, assortis d'une colonne « dont compte d'affectation spéciale Pensions ». Dans les bleus budgétaires, les plafonds de la loi de programmation sont rappelés, mais exprimés, en négatif, « hors CAS pensions » ;

- dans le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques, les données sont présentées « hors compte d'affectation spéciale Pensions » ;

- dans le « bleu » budgétaire de chaque mission, une rubrique « PLF 2010 au format LPFP hors CAS pensions » neutralise, sans faire l'objet d'explications détaillées, l'incidence des mesures de transfert et de périmètres ainsi que, cette année, du versement anticipé en 2010, dans le cadre du plan de relance pour l'économie, d'avances sur marchés publics qui auraient dû être payées en 2010 (451 millions d'euros).

2. Des enveloppes pas toujours en ligne avec la programmation pluriannuelle

Lors du débat d'orientation des finances publiques tenu au Sénat le 16 juillet 2009, le ministre du budget a annoncé que le Gouvernement souhaitait à la fois limiter la progression des dépenses de l'Etat à l'inflation prévisionnelle, soit 1,2 %, tout en garantissant aux gestionnaires de crédits les enveloppes figurant dans la programmation pluriannuelle, calculées sur la base d'un taux d'inflation de 1,75 % , de façon à leur assurer les bénéfices de la pluri-annualité en termes de prévisibilité des enveloppes. Il a précisé que cette équation était rendue possible grâce aux gains attendus d'économies mécaniques, notamment sur le montant de la charge de la dette et sur le niveau des contributions à verser au compte d'affectation spéciale des pensions.

En réalité, la situation est plus complexe. En premier lieu, dans le projet de loi de finances pour 2010, les enveloppes (exprimées hors « contribution au compte d'affectation spéciale des pensions », afin de mieux appréhender les moyens effectivement disponibles et « hors plan de relance ») parfaitement en ligne avec la programmation pluriannuelle sont l'exception (7 sur 32 : « Administration générale et territoriale », « Anciens combattants », « Conseil et contrôle de l'Etat », « Economie », « Gestion des finances publiques », « Justice », « Politique des territoires », « Recherche et enseignement supérieur », « Sécurité civile »), comme le montre le tableau ci-après. On peut ajouter à cette liste les missions « Ecologie » et « Sécurité », dont les crédits diminuent par rapport au plafond uniquement en raison de la « reprise » des montants des avances sur marchés publics versés par anticipation en 2009.

Comparaison, hors charges de pensions, des plafonds des missions dans la loi de programmation et des plafonds du projet de loi de finances pour 2010 (au format « loi de programmation »)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Globalement, hors charges de pensions et hors plan de relance, les dépenses des missions du projet de loi de finances pour 2010 sont inférieures de près de 900 millions d'euros au montant prévu par la loi de programmation. Si l'on ne tient pas compte des crédits évaluatifs de la charge de la dette (inférieurs de 2,56 milliards d'euros à la programmation en raison de la baisse des taux d'intérêts), les dépenses hors pension du PLF 2010 dépassent le plafond de la programmation de 1,67 milliard d'euros.

Si l'on ne tient pas compte non plus de l'économie engendrée par le ministère de la défense, les dépenses des missions « civiles » dépassent, dans le projet de loi de finances pour 2010, de 3,5 %, soit 2,5 milliards d'euros, les plafonds de la loi de programmation des finances publiques, pourtant calculés à partir d'une hypothèse d'inflation beaucoup plus élevée (1,75 %) .

3. Des dépassements des plafonds plus que compensés par les économies au titre des dépenses de pension

L'évolution spontanée des dépenses de pensions engendre une économie de 3,1 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2010. Hors plan de relance, les dépenses totales des missions inscrites dans le projet de loi de finances pour 2010 sont donc inférieures de 3,9 milliards d'euros aux plafonds de la loi de programmation (3,1 milliards au titre des pensions et 890 millions au titre des dépenses hors pensions).

Le tableau ci-après montre que, hors plan de relance, quatorze missions ne participent pas à l'effort d'économie , au contraire, puisque le montant des revalorisations qu'elles enregistrent au titre des dépenses hors pensions excède de 2,9 milliards d'euros celui des économies qu'elles engendrent au titre des pensions. Il en va ainsi des missions « Action extérieure de l'Etat », « Agriculture », « Aide publique au développement », « Culture », « Immigration », « Médias », « Outre-mer », « Régime sociaux et de retraites », « relations avec les collectivités territoriales », « Santé », « Solidarité », « Sport », « Travail et emploi » et « Ville et logements ».

Parmi ces missions, cinq avaient été identifiées par le Gouvernement, lors du débat d'orientation des finances publiques, comme subissant les effets de la crise (« Immigration », « Régimes sociaux et de retraite », « Solidarité », « Travail et emploi », « Ville et logement »). Pour les autres, les augmentations du montant des crédits relèvent de décisions discrétionnaires .

Synthèse de l'incidence sur le niveau global des crédits de l'évolution des charges de pensions et de l'évolution des dépenses hors pensions

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

D. DES DÉPENSES DE PLUS EN PLUS RIGIDES

1. Un volume croissant de dépenses incompressibles

Dans le projet de loi de finances pour 2010, plus de la moitié des dépenses de l'Etat est consacrée au paiement de charges de pension, d'intérêt d'emprunts ou de rémunérations. 5 % correspondent aux crédits d'investissement et 4 % à diverses prestations sociales. Cet ensemble, qui constitue plus de 60 % des dépenses de l'Etat, constitue un bloc incompressible, du moins à court terme.

La part des dépenses de charge de la dette et de pensions va croître dans les années qui viennent. S'agissant de la charge de la dette, l'apesanteur que nous connaissons aujourd'hui cèdera le pas aux lois de la gravité et « l'effet volume » ne sera plus compensé par « l'effet taux ».

Les dépenses de pension représentaient 14,6 % des dépenses de l'Etat en 2008 contre 9,3 % en 1990. Leur progression a expliqué 20 % de l'augmentation des dépenses de l'Etat entre 2003 et 2008. En 2010, elles captent 23 % des moyens supplémentaires et le « jaune » budgétaire relatif aux pensions de retraite de la fonction publique annexé au présent projet de loi de finances note qu'il s'agit du « deuxième facteur de dérive des dépenses de l'Etat ».

Selon le Conseil d'orientation pour les retraites, le besoin de financement du régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat évoluerait ainsi :

Evolution du besoin de financement du régime de retraite
des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : Rapport sur les pensions de retraite dans la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2010

En revanche, la part des dépenses de personnel dans les dépenses de l'Etat diminue. Il faut y voir le succès de la politique de diminution de l'emploi public conduite depuis 2002, mais aussi le résultat du transfert de compétences aux collectivités territoriales et aux opérateurs de l'Etat. Dans le projet de loi de finances pour 2010, le plafond d'emploi est inférieur de 100 578 « équivalents temps plein travaillés » (ETPT) à celui de 2009 (2 020 252 contre 2 120 830). Cette évolution s'explique par les non remplacements de départs en retraite (31 930 ETPT), les transferts vers les opérateurs et notamment les universités (65 896 ETPT), les transferts aux collectivités territoriales (2 738 ETPT) et par une correction technique  14 ETPT. Hors universités, la diminution n'est plus que l'ordre de 35 000 ETPT.

2. Une marge de manoeuvre limitée pour des économies conjoncturelles

Les dépenses de l'Etat inscrites dans le projet de loi de finances pour 2010 se répartissent ainsi :

Ventilation par fonction des dépenses du budget général proposées par le projet de loi de finances pour 2009

(en milliards d'euros et en pourcentage du total)

Source : projet de loi de finances pour 2010

La marge de manoeuvre pour réaliser des économies budgétaires repose essentiellement sur les dépenses de fonctionnement et d'intervention, soit une enveloppe d'environ 110 milliards d'euros représentant moins de 40 % des dépenses du budget général. Au sein de cette enveloppe, toutes les dépenses ne sont pas « compressibles », puisqu'il est nécessaire de maintenir les moyens indispensables au fonctionnement de l'Etat, par l'existence de dotations régies par des textes (concours aux collectivités territoriales par exemple), par l'existence de prestations de guichets servies en fonction de droits et par l'importance croissante des subventions aux opérateurs, qui assument une part croissante des missions de l'Etat et, surtout, qui utilisent en partie ces subventions pour rémunérer leurs agents, lesquels bénéficient en général du statut de la fonction publique de l'Etat ou d'un régime très proche.

3. Des réformes structurelles qui portent leurs fruits

A moyen terme, les réformes de structure peuvent commencer à faire évoluer ces masses. C'est ainsi que, dans le projet de loi de finances, les dépenses de rémunération progresseront de la moitié seulement du taux d'inflation prévisionnelle (soit 0,6 %). Il faut y voir l'effet de la politique de non-remplacement d'un départ en retraite d'un fonctionnaire sur deux, conduite depuis 2002. En 2010, le taux de progression limité des dépenses de personnel permet, par rapport au coût qui aurait résulté de l'application de la norme de dépense de 1,2 % aux dépenses de 2009, une économie (ou plutôt une moindre dépense) de 440 millions d'euros.

A titre de comparaison, il faut se souvenir que, dans le projet de loi de finances pour 2002, construit à partir d'une hypothèse d'inflation de 1,5 %, les dépenses de personnel augmentaient de 4,6 % par rapport à la loi de finances pour 2001.

Evolution des emplois budgétaires

NB : les colonnes blanches retracent des emplois budgétaires ; les colonnes grises représentent des « équivalents temps plein »

Source : données du rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances

Les gains attendus de la mise en oeuvre des décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques sont évalués par le Gouvernement à 7 milliards d'euros d'ici 2011. Sans modifier les grands équilibres du budget de l'Etat, ce montant, qui représente l'équivalent de 6 % du déficit budgétaire affiché dans le projet de loi de finances pour 2010, est significatif.

Il est cependant hors de proportion avec celui de l'écart persistant entre le montant des dépenses et des recettes de l'Etat . Dans le projet de loi de finances pour 2010, le montant des dépenses du budget de l'Etat, qui comprennent désormais le budget général et les prélèvements sur recettes, est supérieur de 45 % à celui des recettes, conduisant ainsi à une aggravation du solde de 116 milliards d'euros.

Evolution comparée des dépenses et des recettes de l'Etat

(en % du PIB)

Source : commission des finances, d'après les données du rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances

L'écart entre le niveau des dépenses et des recettes ne se réduit pas et pourtant, à mesure que se mettent en oeuvre les réformes structurelles engagées par le Gouvernement, les marges de manoeuvre pour réaliser des économies budgétaires rétrécissent en conséquence. Symétriquement, la part des dépenses rigides augmente. Dans ces conditions, la seule action sur les dépenses ne peut plus suffire pour réduire le déficit et enrayer l'accroissement de l'endettement public.

III. LE DÉFICIT DE L'ETAT SE MAINTIENT À UN NIVEAU SANS PRÉCÉDENT

A. UN DÉFICIT TOUJOURS SUPÉRIEUR À 100 MILLIARDS D'EUROS

Le solde pour 2010 qui figure dans le projet de loi de finances s'établit à 116 milliards d'euros, soit 49 milliards d'euros de plus que le déficit de la loi de finances initiale pour 2009, mais 25 milliards d'euros de moins que le déficit prévisionnel pour 2009. L'écart vertigineux entre ces montants peut s'exprimer autrement : en 2009, du fait des effets de la crise sur les recettes et en raison des mesures prises pour relancer l'économie, le montant de déficit de l'Etat a été multiplié par deux .

Le graphe ci-dessous illustre le dérapage du déficit budgétaire en 2009 :

Evolution du déficit budgétaire de l'Etat de 2008 à 2010

(en milliards d'euros)

Source : situations mensuelles du budget de l'Etat ; projet de loi de finances pour 2010

Même si le projet de loi de finances pour 2010 se donne pour ambition d'engager le mouvement de décrue, le déficit de l'Etat restera cependant à un niveau très élevé.

Le déficit budgétaire de l'Etat, en prévision et en exécution

(en milliards d'euros)

Source : lois de finances

B. LES FACTEURS D'ÉVOLUTION DU SOLDE BUDGÉTAIRE

1. Une réduction du déficit principalement due à l'arrêt de la plupart des mesures de relance

Le Gouvernement propose la présentation suivante de l'évolution du déficit de l'Etat entre 2009 et 2010 :

Décomposition du passage du solde budgétaire de l'Etat entre 2009 et 2010

(en milliards d'euros)

Cette présentation appelle les remarques suivantes :

- le Gouvernement ne renonce pas en 2010 à la relance budgétaire pour soutenir l'activité. Certaines mesures du plan de relance sont reconduites tandis que les effets de la suppression de la taxe professionnelle permettront aux entreprises de bénéficier d'un allègement d'impôt comparable à celui enregistré en 2009 du fait des mesures de relance ;

- le coût de la réforme de la taxe professionnelle représente exactement 10 % du déficit prévisionnel pour 2010 . Il se décompose entre un coût ponctuel de 7,3 milliards d'euros, lié au remboursement aux entreprises de dégrèvements de taxe professionnelle dus au titre d'exercice antérieurs, et un coût pérenne de 4,3 milliards d'euros.

Du point de vue budgétaire et indépendamment de l'appréciation à porter sur son bien fondé, cette réforme peut s'analyser de deux points de vue. On peut considérer que l'état de dégradation des finances publiques ne permet pas une réforme de ce type, compte tenu de son montant. Mais on peut aussi considérer qu'il est politiquement plus aisé d'engager une réforme lorsqu'elle représente 10 % du déficit que lorsqu'elle en constitue de l'ordre de 20 % ou de 25 %, comme cela aurait été le cas avant 2008. Il faut raisonner en termes conjoncturels et considérer qu'un nouvel apport de trésorerie aux entreprises est opportun compte tenu des incertitudes qui affectent la reprise.

2. L'incidence du solde des budgets annexes et des comptes spéciaux

Le déficit de l'Etat ne résulte pas que de la seule contraction des recettes et des dépenses du budget général. Il prend également en compte le solde des comptes spéciaux, qui dégradent le solde 2009 de 7,7 milliards d'euros, tandis qu'elles amélioreraient le solde 2010 de 4,8 milliards d'euros.

L'équilibre simplifié du budget de l'Etat en 2009 et 2010

(en milliards d'euros)

Par rapport aux années précédentes, l'originalité de la période 2009-2010 ne réside pas dans le fait que le solde fluctue fortement d'une année sur l'autre, ni même dans l'écart important entre la prévision et l'exécution, mais dans l'ampleur de ces phénomènes :

Evolution du solde des comptes spéciaux en prévision et en exécution

(en milliards d'euros)

Source : lois de finances

En 2009, le dérapage s'explique essentiellement par les prêts consentis aux entreprises du secteur automobile en application du « pacte automobile » du 9 février 2009. Ces dépenses sont retracées sur le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social », qui relève du compte spécial « Prêts et  avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Le projet de loi de finances pour 2010, pas plus que la loi de finances rectificative du 20 avril 2009, ne prévoit pas  de remboursement du capital en 2009 ou en 2010. L'opération pèse donc sur le déficit 2009 du compte spécial à hauteur des prêts consentis. Néanmoins, ce prêt de l'Etat est rémunéré et 377 millions d'euros de recettes non fiscales sont prévues pour 2010 au profit du budget général.

En 2010, l'excédent serait entièrement dû au compte d'avances aux collectivités territoriales, dont le solde sera affecté par la réforme de la taxe professionnelle puisqu'il percevra les produits restant dus au titre d'exercices antérieurs, soit 4,8 milliards d'euros, sans avancer aux collectivités le produit afférent à l'exercice en cours.

L'équilibre des budgets annexes et comptes spéciaux dans le projet de loi de finances
pour 2010

(en millions d'euros)

Source : projet de loi de finances

3. Un déficit dont le montant va au-delà du seul financement des charges de la dette

Le solde primaire se calcule en déduisant des recettes le montant des dépenses hors charges de la dette. Si le solde primaire est positif, cela signifie que l'Etat n'emprunte pas pour financer ses dépenses de l'année et que les nouveaux emprunts ne servent qu'à financer les intérêts des emprunts en cours. La dynamique de l'endettement est donc stabilisée.

Si le solde primaire est négatif, l'Etat emprunte pour payer ses dépenses de l'année. La dynamique de l'endettement est donc alimentée.

Dans le projet de loi de finances pour 2010, le montant des dépenses d'investissement de l'Etat s'élève à 13,45 milliards d'euros. Le déficit primaire, dont le montant prévisionnel s'élève à 73,5 milliards d'euros, servira donc pour plus de 80 % à financer des dépenses de fonctionnement hors charge de la dette .

Evolution du solde primaire de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; documents budgétaires

IV. LA DETTE ET SON FINANCEMENT

A. LA CHARGE DE LA DETTE ENCORE SOUS CONTRÔLE

1. Une augmentation continue de l'encours de la dette négociable

L'encours de la dette négociable de l'Etat s'établirait en 2010 à 1.254 milliards d'euros, un montant supérieur de 75 % à celui de 2002, ce qui représente une hausse d'environ 8 % par an pendant 9 ans. Entre 2008 et 2010, la dette aura progressé de près d'un quart.

Composition de l'encours de la dette négociable de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Agence France Trésor et des lois de finances

2. La charge de la dette insensible, pour l'instant, à l'augmentation de l'encours

Le débat d'orientation des finances publiques tenu au Sénat le 16 juillet 2009 a été l'occasion d'expliciter le paradoxe de l'endettement de l'Etat : malgré l'accroissement inexorable de l'encours de sa dette, dont le montant a progressé de plus de 40 % entre 2002 et 2008 (passant de 717 milliards d'euros à 1.017 milliards) et croîtrait, selon les prévisions actuelles, de près d'un quart entre 2008 et 2010 (passant de 1.017 milliards d'euros à 1.252 milliards), la charge des intérêts ne progresse que de manière limitée . En 2009, son montant devrait même être inférieur de 5,7 milliards d'euros à celui de 2008 (38,5 milliards d'euros contre 44,2 milliards), malgré une augmentation de l'encours de 123 milliards d'euros.

Comparaison de l'évolution de l'encours et de la charge de la dette de l'Etat

(en milliards d'euros)

En conséquence, la part de la charge de la dette dans les dépenses nettes du budget général oscille entre 13 % et 17 % depuis plusieurs années :

Evolution de la part de la charge de la dette dans les dépenses du budget général

(en milliards d'euros et en %)

Pour autant, les variables qui permettent à l'Etat de bénéficier aujourd'hui des « déficits sans pleurs » auraient, en cas de modification des conditions économiques, des effets exactement inverses :

- les taux d'intérêts sont à un niveau historiquement bas, et devraient progressivement être relevés, lorsque les circuits économiques auront retrouvé leur fonctionnement normal. Le projet annuel de performance pour 2010 de la mission « Engagements financiers de l'Etat » évalue l'incidence sur la charge de la dette d'une augmentation uniforme des taux d'intérêt sur la période 2010-2018 (tous les taux, pour toutes les émissions de la période, pour toutes les maturités). Il en résulte que la charge de la dette en serait accrue de 2,5 milliards d'euros en 2010, ce montant étant presque doublé dès l'année suivante (4,2 milliards d'euros, soit l'équivalent de toute l'augmentation des dépenses de l'Etat entre 2009 et 2010).

Impact d'un accroissement de 1 % des taux d'intérêt sur la période 2010-2018

(en milliards d'euros)

Source : programme annuel de performance pour 2010 de la mission « Engagements financiers de l'Etat »

- L'inflation est également un déterminant majeur du niveau de la charge de la dette, malgré la proportion relativement réduite, de l'ordre de 15 %, d'obligations indexées dans le total de l'encours de la dette négociable. Ainsi, en 2008, l'augmentation imprévue du taux d'inflation a provoqué un accroissement de près de 5 milliards d'euros de la charge de la dette par rapport à l'année précédente et de plus de 3 milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Le mouvement inverse a joué en 2009.

Evolution comparée de la charge de la dette et du taux d'inflation

(en milliards d'euros et en %)

Source : Commission des finances, d'après les lois de finances

La charge de la dette constitue, dans la loi de finances une dépense à caractère évaluatif. Entre 2002 et 2006, les crédits étaient une année sur deux soit surévalués, soit sous-évalués. En 2007 et 2008, la dotation en loi de finances a été deux années de suite sous-évaluée. En 2009, elle devrait être inférieure de 4,4 milliards d'euros à la prévision.

Evolution du montant de la charge de la dette, en prévision et en exécution

(en milliards d'euros)

Source : lois de finances

B. UN TABLEAU DE FINANCEMENT VIRTUEL ?

1. Un tableau de financement affecté par l'accroissement du déficit en 2009 et en 2010

Le besoin et les charges de financement de l'Etat en 2010, estimés à 212 milliards d'euros, seront supérieurs, selon le projet de loi finances, de 18 % à la prévision initiale pour 2009 (179,6 milliards d'euros). Ils seront en revanche inférieurs de 16 % à l'estimation révisée pour 2009 (252,8 milliards d'euros).

Le tableau de financement de l'Etat de 2008 à 2010

(en milliards d'euros)

Source : lois de finances

En 2010, le recul du besoin de financement de 40 milliards d'euros environ s'explique pour 18 % par la réduction attendue du déficit budgétaire et par la baisse de moitié des emprunts à long terme devant être amortis, qui n'est que partiellement compensée par l'augmentation de 27 % de celui des emprunts à moyen terme.

Le moindre besoin de financement se traduira notamment, par rapport à la prévision d'exécution pour 2009, par une augmentation de 10 milliards d'euros des émissions à moyen et long terme et par une diminution de près de 40 milliards d'euros de la variation des bons du Trésor (BTF).

Pour autant, la part des BTF dans le total de l'encours devrait continuer à croître, atteignant 19 %, contre 12 % en 2002, 8 % en 2007 et 14 % en 2008.

Répartition de l'encours de la dette négociable de l'Etat entre les emprunts à moins d'un an et les emprunts à plus d'un an

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les lois de finances

Pour donner une idée de l'ampleur du recours aux financements de courte durée au cours de l'année 2009, il est utile de comparer, d'une part, la proportion des BTF dans le total de l'encours qui, même si elle augmente fortement et rapidement, reste inférieure à 20 % et, d'autre part, la répartition du financement de l'augmentation du besoin de financement au cours de l'année 2009. Entre la loi de finances initiale pour 2009 et la fin de l'année, le besoin de financement aura crû de 73,2 milliards d'euros, financés pour 30 milliards d'euros (soit 40 %) par des emprunts à plus d'un an et pour 60 % par des emprunts d'une durée plus courte.

Répartition du financement, en 2009, de l'encours de la dette de l'Etat et de l'augmentation du besoin de financement en cours d'exécution

(en %)

Source : Commission des finances d'après les lois de finances

2. Le sens retrouvé du vote sur le plafond de variation de la dette à moyen et long terme

L'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que le Parlement, à l'article d'équilibre, se prononce sur le plafond de la variation de la dette négociable de l'Etat à plus d'un an.

L'article d'équilibre comporte également le tableau de financement, dans lequel figure la variation de la dette à plus d'un an. Cependant, le tableau de financement n'a qu'un caractère indicatif.

Il résulte des éléments présentés plus haut que la dette à plus d'un an représente toujours plus de 80 % de l'encours total. Toutefois, en 2008 et 2009, elle aura représenté respectivement à peine le tiers et la moitié des emprunts lancés pour couvrir l'augmentation du besoin de financement en cours d'année.

Répartition de la variation de la dette entre les emprunts à moyen et long termes
et les emprunts à court terme

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les lois de finances

En 2010, les emprunts à moyen et long termes devraient constituer les trois quarts des emprunts nouveaux. En conséquence de ce rééquilibrage, le plafond de variation de la dette à moyen et long termes, sur lequel vote le Parlement, connaît une spectaculaire augmentation, pour s'établir à 83,1 milliards d'euros, plus de trois fois plus que le montant inscrit en loi de finances pour 2009.

Pour 2009, le plafond prévisionnel (54,8 milliards d'euros) est désormais très supérieur au dernier plafond voté par le Parlement (44,7 milliards d'euros). Par conséquent, la loi de finances rectificative de fin d'année devra réévaluer son montant.

Le plafond de variation de la dette en prévision et en exécution

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances, d'après les lois de finances

3. Un tableau de financement qui ne prend pas en compte le futur « grand emprunt national »

Le tableau de financement figurant à l'article d'équilibre du projet de loi de finances pour 2010 ne reflète pas les modalités de financement de l'Etat en 2010, puisqu'il ne tient pas compte du d'incidence de l' « emprunt national » annoncé le 22 juin 2009 devant le Congrès du Parlement par le Président de la République et dont il est probable qu'il fera l'objet d'une loi de finances rectificative en début d'année prochaine.

TROISIÈME PARTIE : LE SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

I. UNE DÉGRADATION DU SOLDE PUBLIC EN 2009 ET EN 2010 SANS PRÉCÉDENT EN TEMPS DE PAIX

A. UN DÉFICIT PUBLIC QUI, SELON LE GOUVERNEMENT, SERAIT DE 8,2 POINTS DE PIB EN 2009 ET 8,5 POINTS DE PIB EN 2010

Le déficit public, de 3,4 points de PIB en 2008, passerait, selon le Gouvernement, à 8,2 points de PIB en 2009 et 8,5 points de PIB en 2010.

On pourrait s'attendre a priori à ce qu'une croissance supérieure en 2009 de 0,75 point (- 2,25 % au lieu de - 3 %) aux prévisions présentées lors du débat d'orientation des finances publiques pour 2010 améliore le solde public de 0,4 point environ.

Paradoxalement, le Gouvernement a revu à la hausse ses prévisions de déficit pour 2009 et 2010, comme l'indique le tableau ci-après.

Les prévisions de solde de l'Etat et des administrations publiques selon le Gouvernement

2009

2010

Etat
(comptabilité budgétaire)

Administrations publiques

(comptabilité nationale)

Etat
(comptabilité budgétaire)

Administrations publiques

(comptabilité nationale)

En milliards d'euros

En points de PIB

En milliards d'euros

En points de PIB

LFI 2009

-67,0

-4,4

-3,1

PLFR janvier 2009

-86,8

-4,4

-3,1

PLFR mars 2009

-104,4

-5,6

-5,2

Rapport relatif au DOB 2010

-125/-130

-7/-7,5

-7/-7,5

Présent projet de loi de finances

- 141

-8,2

-116

-8,5

Sources : textes mentionnés

1. La principale cause de la révision à la hausse du déficit public pour 2009 : la forte augmentation du déficit de l'Etat

Cette révision pour 2009 provient en quasi-totalité de celle du solde de l'Etat, comme l'indique le tableau ci-après.

Les prévisions successives du Gouvernement en matière de solde
et de dette publics pour 2009

(en points de PIB)

Loi de programmation des finances publiques 2009-2012

Débat d'orientation des finances publiques pour 2010 (juin 2009)

Présent projet de loi de finances

Ecart/loi de programmation des finances publiques

Ecart/débat d'orientation des finances publiques pour 2010

Solde public

Administrations publiques

-4,4

-7,25

-8,2

-3,8

-0,95

État

-3,8

-5,75

-6,5

-2,7

-0,75

Organismes divers d'administration centrale

0,2

0,2

0,1

-0,1

-0,1

Administrations publiques locales

-0,3

-0,4

-0,4

-0,1

0

Administrations de sécurité sociale

-0,4

-1,25

-1,4

-1

-0,15

Dette publique

69,9

77

77,1

7,2

0,1

Sources : rapport du Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2010, rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances

2. Une révision à la hausse du déficit de l'Etat en 2009 qui provient d'un recul plus marqué que prévu des recettes fiscales

Comme on l'a indiqué plus haut, la révision à la hausse de la prévision de déficit de l'Etat pour 2009 vient du fait que le Gouvernement anticipe des recettes fiscales encore plus faibles que prévu précédemment, particulièrement en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA.

B. LES FACTEURS D'ÉVOLUTION DU DÉFICIT PUBLIC EN 2009 ET EN 2010

Le tableau ci-après, calculé par la commission des finances, décompose l'augmentation du déficit prévue par le Gouvernement pour 2009 et 2010 entre ses différents facteurs.

Décomposition des facteurs d'évolution du solde public, par la commission des finances

(en points de PIB)

2009

2010

Solde public en niveau

-8,2*

-8,5*

Evolution par rapport à l'année précédente

Solde public

-4,8

-0,3

Solde conjoncturel**

-2,1

-0,6

Solde structurel**

-2,7

0,3

Recettes/PIB structurel

-1,9

0,0

dont :

Fluctuations de l'élasticité au PIB

-1,3

-0,1

Mesures nouvelles sur les PO***

-0,8

0,1

Recettes hors PO

0,2

0,0

Dépenses/PIB structurel

-0,8

0,3

« Effort structurel » = évolution du solde public (hors recettes non fiscales) dépendant de l'action du Gouvernement (mesures nouvelles + évolution du ratio dépenses/PIB structurel)

-1,6

0,4

* Prévisions de solde public du Gouvernement.

** Sans prise en compte de l'éventuelle perte de PIB potentiel due à la crise, par nature non chiffrable à ce stade.

*** 1999-2004 : estimations des mesures nouvelles présentées en 2003 par le Gouvernement pour les années 1999 et suivantes dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004 ; années suivantes : rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexés aux projets de lois de finances pour les années 2007 à 2010.

Sources : Insee, rapports économiques, sociaux et financiers, rapports relatifs aux prélèvements obligatoires, calculs de la commission des finances

1. En 2009, une augmentation du déficit public de 4,8 points de PIB, dont seulement 1,2 point au titre du plan de relance

En 2009, le déficit public augmenterait de 4,8 points de PIB, selon les estimations du Gouvernement.

Cette augmentation de 4,8 points de PIB proviendrait, selon les calculs de la commission des finances :

- pour 2,1 points de PIB, de la faible croissance ;

- pour 1,3 point de PIB, de la surréaction des recettes à la diminution du PIB ;

- pour 0,8 point de PIB, des allégements de prélèvements obligatoires, en quasi-totalité dans le cadre du plan de relance ;

- pour 0,8 point de PIB, du fait que les dépenses publiques augmentent plus rapidement que le PIB tendanciel (là encore, en quasi-totalité du fait du plan de relance).

Au total, en 2009 l'aggravation du déficit se partagerait donc entre 1,6 point de PIB dépendant de l'action du Gouvernement et 3,2 points de PIB ne dépendant pas de l'action du Gouvernement. Sur le 1,6 point de PIB dépendant de l'action du Gouvernement, 1,2 point proviendrait du plan de relance.

Au total, hors plan de relance, seulement 0,4 point de déficit proviendrait de l'action du Gouvernement.

2. En 2010, une augmentation du déficit public qui masquerait une amélioration discrétionnaire de 0,4 point de PIB

En 2010, du fait de la quasi-disparition du volet « dépenses » du plan de relance, la part des dépenses publiques dans le PIB tendanciel diminuerait de 0,3 point. Comme en même temps les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires alourdiraient ceux-ci de 0,1 point de PIB, l'action discrétionnaire du Gouvernement améliorerait le solde public de 0,4 point de PIB.

La dégradation du solde public prévue pour 2010 (de 0,3 point de PIB) serait donc entièrement conjoncturelle :

- la conjoncture dégraderait le solde public de 0,7 point (la croissance étant inférieure de plus de 1,2 point à son niveau potentiel « hors crise ») ;

- en sens inverse, les décisions discrétionnaires du Gouvernement (essentiellement la diminution de la part des dépenses publiques dans le PIB, du fait de la fin du volet « dépenses » du plan de relance) amélioreraient le solde de 0,4 point.

Lors de la discussion du plan de relance, en décembre 2008 et en janvier 2009, la commission des finances a estimé qu'un deuxième plan de relance pourrait être nécessaire, afin que la disparition subite en 2010 des mesures instaurées en 2009 ne casse pas la reprise.

C'est bien ce que réalisera de fait la suppression de la taxe professionnelle : si en régime de croisière, après prise en compte de l'impact sur l'impôt sur les sociétés, elle ne devrait accroître le déficit que de 3,2 milliards d'euros (4,3 milliards d'euros si, comme le Gouvernement, on inclut l'impact du dégrèvement instauré en 2008), en 2010 l'impact total est de 11,7 milliards d'euros, les entreprises devant bénéficier en 2010 de dégrèvements liés au régime actuel.

Les principales mesures fiscales et sociales en 2009, 2010 et 2011

(en milliards d'euros, en mesures nouvelles et
selon les concepts de la comptabilité nationale)

2009

2010

2011

Total

Sous-total PLF 2010

-

-12,5

11,5

-1

Réforme taxe professionnelle

-

-11,7

8,5

-3,2*

Taxe carbone

-

1,5

-0,4

1,1

Prorogation de la mesure relance du crédit impôt recherche

-

-2,5

3

0,5

Autres mesures

-

0,2

0,4

0,6

TVA restauration

-1,5

-1,5

0

-3

Sous-total Plan de relance

-12,8

14,3

0

1,5

Crédit impôt recherche

-3,8

4,8

0

1

Remboursement anticipé de RAD

-3,7

5,3

0

1,6

Augmentation du taux de l'amortissement dégressif

ND

-0,4

0

-0,4

Mensualisation des remboursements de crédits TVA

-3,5

3,5

0

0

Mesures en faveur des classes moyennes modestes

-1

1

0

0

Sous-total TEPA

-2,1

-0,6

-0,5

-3,2

Crédits d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt

-0,5

-0,5

-1

Allégement des droits de successions et de donations

-0,2

0

-0,2

Sous-total PLF 2009

0

-0,1

0,1

0

Suppression de l'IFA

-0,3

-0,6

-0,4

-1,3

Aménagements du soutien aux biocarburants

0,3

0,2

0

0,5

Instauration d'un éco-PTZ

-0,1

0

-0,1

Imputation du RSA sur la PPE

0,3

0,3

0,6

Limitation du bénéfice de la demi-part supplémentaire aux seuls contribuables vivant seuls ayant eu à charge un enfant pendant au moins 5 ans

0,1

0,2

0,3

Sous-total PLFSS 2010

-

1

0,1

1,1

Forfait social

0,4

0

0,4

Suppression exonérations décès (assurance vie)

0,3

0

0,3

Baisse seuil cession valeurs mobilières

0

0,1

0,1

Contribution exceptionnelle sur les organismes complémentaires

0,3

0

0,3

Retraites chapeau

0

0

0

Sous-total autres mesures

0

-1,1

-0,9

-2

Imposition des dividendes au prélèvement forfaitaire libératoire

-1,5

0,1

0

-1,4

Crédit impôt recherche (hors plan de relance)

-0,5

-0,5

-0,6

-1,6

Crédit d'impôt en faveur de l'intéressement

-0,5

-0,3

-0,8

Crédit impôt 1re accession propriété (PTZ)

-0,2

0,1

-0,1

Aménagement du CI en faveur du développement durable

0,2

-0,2

0

Exonération d'IS des entreprises d'assurance

0

-0,2

-0,2

Autres mesures État

0

-0,3

0,1

-0,2

Autres mesures sécurité sociale

2

2

TOTAL DES PRINCIPALES MESURES

-16,4

-0,5

10,3

-6,6

* Le coût de 4,3 milliards d'euros avancé par le Gouvernement inclut l'impact du dégrèvement instauré en 2008.

Remarque importante : ces montants sont exprimés en « mesures nouvelles ». Il s'agit donc de l'impact par rapport au droit de l'année antérieure.

Sources : commission des finances, d'après le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, et les estimations révisées du coût du plan de relance

C. LES FACTEURS D'ÉVOLUTION DU DÉFICIT PUBLIC DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1990

Alors que le déficit public atteindra en 2009 et vraisemblablement en 2010 des niveaux jamais atteints en temps de paix, il n'est pas inutile de s'interroger sur les facteurs d'évolution de ce déficit sur longue période.

En effet, le seul niveau du déficit public est trompeur et ne donne pas une bonne image de l'action du Gouvernement et de la situation réelle des finances publiques.

Le tableau ci-après, calculé par la commission des finances, décompose l'augmentation du déficit prévue entre ses différents facteurs, depuis la fin des années 1990. Par convention, on a retenu pour les années 2009 et 2010 la prévision du Gouvernement.

Le déficit public a connu depuis la fin des années 1990 trois phases contrastées :

- jusqu'en 2001 il est demeuré modeste, à 1,5 point de PIB ;

- en 2002-2008 il a fluctué autour de 3,5 points de PIB ;

- en 2009 et 2010 il devrait être supérieur à 8 points de PIB.

Ces évolutions s'expliquent certes en partie par l'action des Gouvernements successifs (ce que l'on peut isoler par la notion d' « effort structurel », parfois utilisée par le Gouvernement), mais elles proviennent également de la conjoncture et de la tendance spontanée des recettes à augmenter plus ou moins vite que le PIB.

Décomposition des facteurs d'évolution du solde public, par la commission des finances

(en points de PIB)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

1999-2002

2003-2010

1999-2010

Solde public en niveau

-1,8

-1,5

-1,6

-3,2

-4,1

-3,6

-3,0

-2,3

-2,7

-3,4

-8,2*

-8,5*

2003-2006

2007-2008

2009-2010

2003-2010

Evolution par rapport à l'année précédente

Solde public

0,8

0,3

-0,1

-1,6

-1,0

0,5

0,7

0,6

-0,4

-0,7

-4,8

-0,3

-0,6

0,8

-1,1

-5,1

-5,3

-5,9

Solde conjoncturel**

0,7

1,0

-0,1

-0,5

-0,5

0,2

-0,1

0,1

0,2

-0,8

-2,1

-0,6

1,0

-0,2

-0,6

-2,8

-3,5

-2,5

Solde structurel**

0,2

-0,7

0,0

-1,1

-0,5

0,3

0,7

0,5

-0,6

0,1

-2,7

0,3

-1,6

1,0

-0,5

-2,4

-1,8

-3,4

Recettes/PIB structurel

0,7

-0,6

-0,1

-0,5

-0,3

0,4

0,9

0,0

-0,8

-0,3

-1,9

0,0

-0,6

0,9

-1,1

-1,9

-2,1

-2,7

dont :

Fluctuations de l'élasticité au PIB

1,2

0,2

0,6

-0,3

-0,6

0,2

0,0

0,3

-0,1

0,1

-1,3

-0,1

1,7

-0,1

0,0

-1,4

-1,5

0,2

Mesures nouvelles sur les PO***

-0,3

-1,0

-0,9

-0,4

0,4

0,1

0,4

0,0

-0,6

-0,5

-0,8

0,1

-2,6

0,9

-1,1

-0,7

-0,9

-3,5

Recettes hors PO

-0,2

0,2

0,2

0,2

-0,1

0,1

0,5

-0,3

-0,1

0,1

0,2

0,0

0,3

0,1

0,0

0,2

0,3

0,6

Dépenses/PIB structurel

-0,5

0,0

0,1

-0,6

-0,2

-0,2

-0,1

0,6

0,2

0,4

-0,8

0,3

-1,0

0,1

0,7

-0,4

0,3

-0,7

« Effort structurel » = évolution du solde public (hors recettes non fiscales) dépendant de l'action du Gouvernement (mesures nouvelles + évolution du ratio dépenses/PIB structurel)

-0,8

-1,0

-0,8

-1,0

0,2

-0,1

0,3

0,6

-0,4

-0,1

-1,6

0,4

-3,6

1,0

-0,4

-1,1

-0,6

-4,2

* Prévisions de solde public du Gouvernement.

** Sans prise en compte de l'éventuelle perte de PIB potentiel due à la crise, par nature non chiffrable à ce stade.

*** 1999-2004 : estimations des mesures nouvelles présentées en 2003 par le Gouvernement pour les années 1999 et suivantes dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004 ; années suivantes : rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexés aux projets de lois de finances pour les années 2007 à 2010.

Sources : Insee, rapports économiques, sociaux et financiers, rapports relatifs aux prélèvements obligatoires, calculs de la commission des finances

1. Le déficit structurel, un concept ambigu

Une première approche, fréquemment utilisée, consiste à prendre en compte le solde dit « structurel », c'est-à-dire, en principe, corrigé des fluctuations de la conjoncture. Selon ce critère, l'amélioration du solde en 1999-2002 a été purement optique, puisqu'elle a été de nature strictement conjoncturelle, c'est-à-dire qu'elle a exclusivement résulté d'une croissance du PIB supérieure à la croissance potentielle. En 2007-2008, en revanche, l'augmentation du déficit public s'est répartie à peu près également entre augmentation du déficit conjoncturel et augmentation du déficit structurel, comme cela devrait encore être le cas en 2009 et 2010.

Le solde dit « structurel » est cependant en partie conjoncturel, puisqu'il présente l'inconvénient d'être calculé en considérant que la tendance des prélèvements obligatoires à augmenter plus ou moins vite que le PIB (c'est-à-dire à avoir une élasticité supérieure ou inférieure à l'unité) est indépendante de la conjoncture, et correspond donc à des évolutions du solde structurel. Ce phénomène ne se produit pas sur longue période, les prélèvements obligatoires spontanés tendant, à long terme, à augmenter aussi rapidement que le PIB. Il a cependant joué très favorablement en 1999-2002, améliorant le solde public de 1,7 point de PIB, alors qu'en 2009-2010 au contraire, le solde public devrait s'en trouver dégradé de 1,4 point de PIB.

2. Le recours à la notion d'« effort structurel » : sur les 6 points de PIB de dégradation du solde public depuis 1998, 4 points proviennent de mesures discrétionnaires

La part de l'évolution du solde public dépendant de l'action du Gouvernement, parfois appelée « effort structurel », est la somme de la diminution de la part des dépenses dans le PIB structurel (résultant de la maîtrise des dépenses) et des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires. Selon ce critère, on observe que l'action discrétionnaire du Gouvernement a dégradé le solde public de 3,6 points en 1999-2002 et devrait amplifier cette dégradation de 0,6 point en 2003-2010. Cependant, la dégradation de 1,1 point de PIB devant provenir de l'action discrétionnaire du Gouvernement en 2009-2010 serait largement due au plan de relance.

II. QUELLES PERSPECTIVES POUR LES FINANCES PUBLIQUES ?

A. LA MISE EN SOMMEIL DE FAIT DU PACTE DE STABILITÉ

La crise économique, qui fait perdre les ordres de grandeur habituels en matière de finances publiques, place l'ensemble des Etats en « situation d'apesanteur financière ».

Cette « apesanteur » concerne en particulier les Etats de l'Union européenne.

1. Le pacte de stabilité : un système de surveillance mutuelle

Le pacte de stabilité et de croissance, prévu par le traité de Maastricht et mis en oeuvre par le Conseil européen d'Amsterdam le 17 juin 1997, comporte deux volets :

- un volet « préventif », reposant sur l'article 99 du traité instituant la Communauté européenne (dit « traité CE »), fixant « l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire », et prévoyant que les Etats membres présentent annuellement à la Commission européenne des « programmes de stabilité » (pour les Etats appartenant à la zone euro) ou des « programmes de convergence » (pour les Etats n'appartenant pas à la zone euro), qui constituent la programmation à moyen terme de leurs finances publiques ;

- un volet « répressif », reposant sur l'article 104 du traité CE, interdisant aux Etats membres d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB, et prévoyant une procédure, dite « procédure relative aux déficits excessifs », donnant au Conseil la possibilité d'imposer des sanctions à un Etat membre en situation de déficit excessif, s'il appartient à la zone euro.

2. La France sous le coup d'une procédure pour déficit excessif comme 20 autres Etats (dont 13 de la zone euro)

Sur les 27 Etats membres de l'Union européenne, 20 font actuellement l'objet d'une procédure pour déficit excessif (dont 13 des 16 Etats ayant adopté l'euro).

Dans le cas de la France, le déficit excessif de 2008 (3,4 points de PIB) a été constaté en mars 2009 par la Commission européenne, et le 27 avril 2009 le Conseil a adopté une décision constatant l'existence d'un déficit excessif, et une recommandation de mettre fin à celui-ci en 2012.

Le pacte de stabilité prévoyant que le Conseil demande à un Etat en déficit excessif de prendre des « mesures suivies d'effet » destinées à réduire le déficit dans un délai maximal de 6 mois, le Conseil a en outre fixé au 27 octobre 2009 la fin du délai dans lequel la France devait mettre en oeuvre les mesures devant lui permettre d'atteindre son objectif de déficit de 5,6 points de PIB en 2009 et indiquer quelles mesures elle prévoyait de mettre en oeuvre les années ultérieures.

Le 11 novembre 2009 , la Commission européenne, estimant que la France avait pris des « mesures suivies d'effet », a recommandé au Conseil de repousser cette échéance d'une année, et donc de la porter à 2013. En effet, le Conseil a la possibilité d'allonger le délai fixé, en cas d'« événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques ». Le Conseil doit se prononcer à ce sujet en décembre 2009.

Ce décalage d'une année a été appliqué « forfaitairement » par la Commission à tous les Etats pour lesquels une telle échéance devait être reportée (Irlande, Espagne, Royaume-Uni).

Les procédures pour déficit excessif actuellement en cours

Décisions prises par le Conseil

Nouvelle année recommandée au Conseil par la Commission (11 novembre 2009)

Date du rapport de la Commission

(Article 104.3)

Décision du Conseil sur l'existence d'un déficit excessif (Art. 104.6)

Année fixée par le Conseil pour la correction du déficit excessif

Etats ayant adopté l'euro

France

18-févr-09

27-avr-09

2012

2013

Irlande

18-févr-09

27-avr-09

2013

2014

Grèce

18-févr-09

27-avr-09

2010

Pas d'action suivie d'effet*

Espagne

18-févr-09

27-avr-09

2012

2013

Malte

13-mai-09

07-juil-09

2010

Belgique

07-oct-09

2012

Allemagne

07-oct-09

2013

Italie

07-oct-09

2012

Pays-Bas

07-oct-09

2013

Autriche

07-oct-09

2013

Portugal

07-oct-09

2013

Slovénie

07-oct-09

2013

Slovaquie

07-oct-09

2013

Etats n'ayant pas adopté l'euro

Hongrie

12-mai-04

05-juil-04

2011

Royaume-Uni

11-juin-08

08-juil-08

année fiscale 2013/14

année fiscale
2014/15

Lettonie

18-févr-09

07-juil-09

2012

Pologne

13-mai-09

07-juil-09

2012

Roumanie

13-mai-09

07-juil-09

2011

Lituanie

13-mai-09

07-juil-09

2011

République tchèque

07-oct-09

2013

* La Grèce s'expose donc à la phase suivante de la procédure pour déficit excessif : celle de la mise en demeure par le Conseil.

Source : d'après la Commission européenne

Le Gouvernement estime que cette échéance de 2013 est trop rapprochée. Ainsi, dans un entretien récemment publié par le quotidien Le Monde , le Premier ministre a déclaré : « Je présenterai début 2010 au Parlement une stratégie de finances publiques qui nous donnera les moyens de descendre en dessous des 3 % de déficit à l'horizon de 2014 , au prix d'ajustements très importants, puisqu'il faudrait faire un effort de réduction de plus de 1% par an. L'objectif est de progresser parallèlement à l'Allemagne, qui s'est fixé comme objectif un équilibre en 2016 ».

Le graphique ci-après permet de visualiser les différents scénarios proposés.

Les perspectives de solde public à moyen terme

(en points de PIB)

* 5 novembre 2009. On suppose, par convention, que le déficit est de 3 points de PIB en 2014.

** 11 novembre 2009. On suppose, par convention, que le déficit est égal en 2010 à celui prévu par la Commission européenne (3 novembre 2009), puis se rapproche de manière linéaire de l'objectif de 3 points de PIB en 2013.

Sources indiquées, calculs de la commission des finances

3. Une procédure qui semble aujourd'hui largement théorique

Si elle ne prenait pas de mesure appropriée, la France pourrait en principe se voir imposer en 2013 une amende d'un montant de 0,5 point de PIB, soit environ 10 milliards d'euros.

Quelles seraient les conséquences d'une application stricte du pacte de stabilité dans le cas de la France ?

Si le Conseil décidait d'appliquer strictement le pacte de stabilité dans le cas de la France, en acceptant toutefois de repousser à 2013 la fin du déficit excessif, la procédure pourrait être la suivante :

- la France aurait alors 6 mois (soit jusqu'à la mi-2010) pour indiquer quelles mesures elle prévoit de prendre ;

- si elle ne prenait pas de « mesures suivies d'effet » pour ramener son déficit à moins de 3 points de PIB en 2013, le Conseil pourrait lui adresser une « mise en demeure » de prendre de telles mesures, dans un délai de 2 mois à compter de sa décision constatant qu'aucune mesure suivie d'effets n'a été prise, soit en pratique au second semestre 2010 ;

- si la France n'adoptait toujours pas de telle mesure, le Conseil pourrait décider de lui imposer des sanctions, normalement « dans un délai de seize mois à compter des dates de notification » du déficit, soit, le déficit de 2008 ayant été notifié le 6 février 2009, au plus tard le 6 juin 2010, auxquels il faudrait rajouter les 6 mois ci-avant, ce qui repousserait le délai jusqu'au début de 2011 ;

- ces sanctions pourraient comprendre un dépôt égal à 0,5 point de PIB, soit environ 10 milliards d'euros ;

- le Conseil pourrait alors décider de convertir le dépôt en amende « si, dans les deux années suivant la décision d'exiger de l'Etat membre participant concerné qu'il fasse un dépôt, le déficit excessif n'a pas, de l'avis du Conseil, été corrigé », autrement dit si le déficit est toujours excessif au début de 2013.

En pratique, le risque de voir appliquer ces sanctions paraît faible.

En effet, à aucun moment le Conseil n'a compétence liée. Ainsi, le 25 novembre 2003, il a rejeté une recommandation de la Commission européenne de passer au stade de la « mise en demeure », dans le cas de la France et de l'Allemagne.

De ce point de vue, malgré l'adoption récente par l'Allemagne d'une règle constitutionnelle prévoyant le retour de l'Etat fédéral à un déficit structurel de 0,35 points de PIB en 2016 et l'équilibre structurel des Länder à compter de 2020, l'intention de la nouvelle majorité d'y réaliser des allégements fiscaux de 24 milliards d'euros (soit 1,1 point de PIB) d'ici 2011 conduit à s'interroger sur ce qui subsiste de la portée contraignante du pacte de stabilité.

Les prévisions de solde public de la Commission européenne

(en points de PIB)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Irlande

1,7

3

0,3

-7,2

-12,5

-14,7

-14,7

Grèce

-5,2

-2,9

-3,7

-7,7

-12,7

-12,2

-12,8

Espagne

1

2

1,9

-4,1

-11,2

-10,1

-9,3

France

-2,9

-2,3

-2,7

-3,4

-8,3

-8,2

-7,7

Portugal

-6,1

-3,9

-2,6

-2,7

-8

-8

-8,7

Slovénie

-1,4

-1,3

0

-1,8

-6,3

-7

-6,9

Pays-Bas

-0,3

0,5

0,2

0,7

-4,7

-6,1

-5,6

Slovaquie

-2,8

-3,5

-1,9

-2,3

-6,3

-6

-5,5

Belgique

-2,7

0,3

-0,2

-1,2

-5,9

-5,8

-5,8

Chypre

-2,4

-1,2

3,4

0,9

-3,5

-5,7

-5,9

Autriche

-1,6

-1,6

-0,6

-0,4

-4,3

-5,5

-5,3

Italie

-4,3

-3,3

-1,5

-2,7

-5,3

-5,3

-5,1

Allemagne

-3,3

-1,6

0,2

0

-3,4

-5

-4,6

Finlande

2,8

4

5,2

4,5

-2,8

-4,5

-4,3

Malte

-2,9

-2,6

-2,2

-4,7

-4,5

-4,4

-4,3

Luxembourg

0

1,3

3,7

2,5

-2,2

-4,2

-4,2

Zone euro

-2,5

-1,3

-0,6

-2

-6,4

-6,9

-6,5

Lettonie

-0,4

-0,5

-0,3

-4,1

-9

-12,3

-12,2

Royaume-Uni

-3,4

-2,7

-2,7

-5

-12,1

-12,9

-11,1

Lituanie

-0,5

-0,4

-1

-3,2

-9,8

-9,2

-9,7

Pologne

-4,1

-3,6

-1,9

-3,6

-6,4

-7,5

-7,6

Roumanie

-1,2

-2,2

-2,5

-5,5

-7,8

-6,8

-5,9

République tchèque

-3,6

-2,6

-0,7

-2,1

-6,6

-5,5

-5,7

Danemark

5,2

5,2

4,5

3,4

-2

-4,8

-3,4

Hongrie

-7,9

-9,3

-5

-3,8

-4,1

-4,2

-3,9

Suède

2,3

2,5

3,8

2,5

-2,1

-3,3

-2,7

Estonie

1,6

2,3

2,6

-2,7

-3

-3,2

-3

Bulgarie

1,9

3

0,1

1,8

-0,8

-1,2

-0,4

Union européenne

-2,4

-1,4

-0,8

-2,3

-6,9

-7,5

-6,9

Etats-Unis

-3,2

-2

-2,7

-6,4

-11,3

-13

-13,1

Japon

-6,7

-1,6

-2,5

-3,8

-8

-8,9

-9,1

Source : Commission européenne, prévisions de novembre 2009

B. UNE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES GLOBALEMENT VRAISEMBLABLE

1. Une programmation des finances publiques d'ici 2013 a priori vraisemblable

Au total, la programmation des finances publiques du Gouvernement de 2009 à 2013 est globalement vraisemblable.

Ainsi, d'ici à 2013, elle ne s'écarte guère de celle de la commission des finances, reposant sur le scénario 2 de croissance du PIB indiqué plus haut (scénario du Gouvernement en 2009 et 2010, puis croissance de 2 % par an), ce qui est normal, les hypothèses retenues étant très proches. Compte tenu en particulier des incertitudes relatives au comportement des recettes fiscales, il ne faut pas accorder d'importance particulière au léger écart des prévisions pour 2009 et 2010 (de respectivement - 8,2 et - 8,5 points de PIB selon le Gouvernement, et - 8,4 et - 8,3 points de PIB selon la commission des finances).

Les scénarios récents

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Solde public (en points de PIB)

Gouvernement

PJL programmation des finances publiques et rapport économique, social et financier associé au PLF 2009

-2,7

-2,7

-2

-1,2

-0,5

Loi de programmation des finances publiques et LFI 2009 (textes promulgués)

-3,2

-4,4

-3,1

-2,3

-1,5

PLFR mars 2009

-3,4

-5,6

-5,2

-4

-2,9

DOFIPU 2010

-3,4

-7,5
-7,0

-7,5
-7,0

-6,5
-6,0

-5,5
-5,0

PLF 2010

-3,4

-8,2

-8,5

-7,0

-6,0

-5,0

Commission des finances

Rapport sur le PLFR de mars 2009

-3,4

-6,2

-6,2

-6,4

-6,1

DOFIPU 2010

-3,4

-7,4

-7,0

-7,0

-6,8

PLF 2010

-3,4

-8,4

-8,3

-6,4

-6,0

-5,7

Dette publique (en points de PIB)

Gouvernement

PJL programmation des finances publiques et rapport économique, social et financier associé au PLF 2009

65,3

66

65,3

63,9

61,8

Loi de programmation des finances publiques et LFI 2009 (textes promulgués)

67

69,9

70,5

70

68,6

PLFR mars 2009

67,3

73,9

77,5

78,3

78,1

DOFIPU 2010

68,1

77,0

83,0

86,0

88,0

PLF 2010

68,1

77,1

84,0

87,6

90,0

91,3

Commission des finances

Rapport sur le PLFR de mars 2009

67,3

75,7

80,4

84,8

88,1

DOFIPU 2010

68,1

77,2

83,4

88,4

92,2

PLF 2010

68,1

77,0

83,7

87,1

90,0

92,6

Hypothèses de croissance du PIB (en %)

Gouvernement

PJL programmation des finances publiques et rapport économique, social et financier associé au PLF 2009

1

1,3

2,5

2,5

2,5

Loi de programmation des finances publiques et LFI 2009 (textes promulgués)

1

0,2-0,5

2

2,5

2,5

PLFR mars 2009

0,7

-1,5

1

ND

ND

DOFIPU 2010

0,4

-3,0

0,5

2,5

2,5

PLF 2010

0,4

-2,25

0,75

2,5

2,5

2,5

Commission des finances

Rapport sur le PLFR de mars 2009

0,7

-3

0,5

1

2

DOFIPU 2010

0,4

-3

0

1

2

PLF 2010

0,4

-2,3

0,8

2,0

2,0

2,0

NB : le scénario de la commission des finances correspond au scénario 2 ci-avant (perte définitive de PIB + croissance potentielle inchangée).

On suppose que les dépenses sociales augmentent de 2 % par an en volume (hors indemnisation du chômage), ce qui correspond à une croissance des dépenses publiques légèrement supérieure à 1 % par an.

Sources : Insee, textes indiqués, calculs de la commission des finances

Le tableau ci-après indique la décomposition du solde entre catégories d'administrations publiques, selon le scénario de la commission des finances. Là encore, les résultats sont proches de la programmation du Gouvernement.

Décomposition entre catégories d'administrations publiques,
selon la commission des finances

(en points de PIB)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Les projections de la commission des finances :

Solde public

Administrations publiques

-3,0

-2,3

-2,7

-3,4

-8,4

-8,3

-6,4

-6,0

-5,7

Etat*

-3,0

-2,7

-2,1

-2,8

-6,8

-5,6

-3,8

-3,4

-3,1

ODAC

0,4

0,6

-0,2

-0,1

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

Administrations de sécurité sociale

-0,2

-0,1

0,0

0,0

-1,4

-2,4

-2,4

-2,4

-2,5

Administrations publiques locales

-0,2

-0,2

-0,4

-0,4

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Dette publique

66,4

63,7

63,8

68,1

77,0

83,7

87,1

90,0

92,6

La programmation du Gouvernement :

Solde public

Administrations publiques

-8,2

-8,5

-7

-6

-5

État

-6,5

-5,8

-4,5

-3,9

-3,3

Organismes divers d'administration centrale

0,1

0,2

0,2

0,2

0,2

Administrations de sécurité sociale

-1,4

-2,3

-2,2

-2

-1,8

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

Dette publique (en % du PIB)

77,1

84

87,6

90

91,3

* Selon les concepts de la comptabilité nationale. En 2009, le déficit budgétaire est supérieur d'environ 15 milliards d'euros (soit 0,8 point de PIB) à ce montant, du fait de certaines dépenses (prêts au secteur de l'automobile...).

NB : on suppose que les dépenses sociales augmentent de 2 % par an en volume (hors indemnisation du chômage), ce qui correspond à une croissance des dépenses publiques légèrement supérieure à 1 % par an.

Sources : Insee, calculs de la commission des finances

2. D'importants aléas pour 2010

Le fait que la programmation du Gouvernement soit globalement vraisemblable ne doit pas dissimuler l'existence d'importants aléas.

Comme on l'a indiqué ci-avant, les prévisions de croissance du PIB pour 2010 sont comprises entre 0 % et 2 %.

Avec une croissance du PIB comprise entre 0 % et 2 %, le solde public de 2010 serait compris entre - 8,7 % et - 7,7 %, comme l'indique le tableau ci-après.

Le solde des administrations publiques en 2010, selon différents scénarios de croissance

(en points de PIB)

Croissance de 0 %

Croissance de 0,75 %

Croissance de 2 %

Solde public

Administrations publiques

-8,7

-8,3*

-7,7

Etat

-5,8

-5,6

-5,4

ODAC

0,2

0,2

0,2

Administrations de sécurité sociale

-2,6

-2,4

-2,2

Administrations publiques locales

-0,6

-0,5

-0,4

Dette publique

84,1

83,7

83,1

* Prévision de la commission des finances.

NB : on suppose que les dépenses sociales augmentent de 2 % par an en volume (hors indemnisation du chômage), ce qui correspond à une croissance des dépenses publiques légèrement supérieure à 1 % par an.

Source : calculs de la commission des finances

C. DES PROJECTIONS PRÉOCCUPANTES À MOYEN ET LONG TERMES

Les principaux aléas concernent le long terme.

1. Un déficit d'encore 3 points de PIB en 2020, selon le scénario central de la commission des finances

Selon le scénario de croissance que l'on retient, même en supposant qu'en 2009 et en 2010 le solde public est égal aux prévisions du Gouvernement, on peut aboutir à des résultats très différents à l'horizon 2020, comme l'indique le graphique ci-après.

Différents scénarios d'évolution du solde public, sans alourdissement des prélèvements obligatoires

(en points de PIB)

NB : on suppose que les dépenses sociales augmentent de 2 % par an en volume (hors indemnisation du chômage), ce qui correspond à une croissance des dépenses publiques légèrement supérieure à 1 % par an.

Sources : Insee, calculs de la commission des finances

Le déficit public était avant la crise de l'ordre de 3 points de PIB chaque année, ce qui correspondait à son niveau structurel. Si le PIB baissait de 7 points et si ensuite la croissance reprenait son rythme tendanciel, le déficit structurel s'en trouverait mécaniquement accru d'environ 5 points, et le déficit de 2009 et 2010 (de l'ordre de 8 points de PIB) deviendrait structurel.

Par ailleurs, dans le cas de figure où la croissance serait durablement égale à 1 % par an, le déficit public augmenterait, les dépenses progressant légèrement plus rapidement que le PIB, alors que les recettes croîtraient moins rapidement. Le déficit pourrait alors approcher les 10 points de PIB dans une dizaine d'années.

Les écarts à l'horizon 2020 pour la dette des administrations publiques (Etat, administrations de sécurité sociale et administrations publiques locales) seraient considérables.

Différents scénarios d'évolution de la dette publique, sans alourdissement des prélèvements obligatoires

(en points de PIB)

NB : on suppose que les dépenses sociales augmentent de 2 % par an en volume (hors indemnisation du chômage), ce qui correspond à une croissance des dépenses publiques légèrement supérieure à 1 % par an.

Sources : Insee, calculs de la commission des finances

2. Un déficit qui, même avec des hypothèses très optimistes, serait d'au moins 3 points de PIB en 2013

Bien que globalement vraisemblable, la programmation du Gouvernement à l'horizon 2013 est très aléatoire.

Plus grave encore : même dans le scénario très optimiste de rattrapage intégral de la perte de PIB, le déficit public serait encore supérieur à 3 points de PIB en 2013, comme l'indique le tableau ci-après.

Les perspectives de solde et de dette publics en 2013

(en points de PIB)

Solde public

Dette publique

Gouvernement

-5

91,3

Scénarios de la commission des finances

1. Rattrapage intégral de la perte de PIB (croissance de 3 % par an jusqu'en 2023)

-3,1

85,2

2. Croissance du PIB égale à la croissance potentielle actuelle (de l'ordre de 2 %) à partir de 2011

-5,7

92,6

3. Croissance de 1 % à partir de 2011

-7,9

99,4

NB : on suppose que les dépenses sociales augmentent de 2 % par an en volume (hors indemnisation du chômage), ce qui correspond à une croissance des dépenses publiques légèrement supérieure à 1 % par an.

Sources : présents projet de loi de finances, calculs de la commission des finances

3. Plusieurs dizaines de milliards d'euros d'ajustements supplémentaires en perspective

Ainsi, à moins de supposer un rattrapage de la perte de PIB due à la crise, sans mesures nouvelles alourdissant les prélèvements obligatoires, ramener à moyen terme le déficit public à son niveau d'avant la crise - sans parler du fait d'atteindre un niveau proche de l'équilibre - semble un exercice très difficile, pour ne pas dire impossible.

Le supplément de déficit à combler du fait de la crise semble en effet devoir être considérable.

Certes, il n'est pas possible de déterminer dès à présent l'ampleur des réductions de dépenses ou des augmentations de recettes nécessaires pour compenser les effets de la crise sur les finances publiques. Il est cependant probable que celles-ci soient élevées, d'un montant de plusieurs points de PIB, soit, un point de PIB valant environ 20 milliards d'euros, plusieurs dizaines de milliards d'euros (venant en supplément des 60 milliards d'euros nécessaires pour résorber les 3 points de PIB de déficit structurel initial).

Par ailleurs, les scénarios précédemment exposés reposent, comme les programmations du Gouvernement, sur des hypothèses d'évolution de la dépense publique totale, c'est-à-dire y compris la charge de la dette. Une remontée des taux d'intérêt obligerait, pour respecter ces scénarios, à réaliser des économies supplémentaires (de plus de 10 milliards d'euros, soit 0,5 point de PIB, pour une augmentation des taux d'intérêt de 100 points de base).

III. LE GRAND EMPRUNT NATIONAL : UNE OPPORTUNITÉ POUR CONFORTER NOTRE MODÈLE DE CROISSANCE

Les développements ci-avant ne prennent pas en compte le futur « grand emprunt national », annoncé devant le Congrès par le Président de la République le 22 juin 2009.

Le choix des projets qui seront proposés au Parlement pour être financés par le produit de l'emprunt a été confié à une commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

Le montant et les modalités de l'emprunt n'ont pas été annoncés.

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le « droit commun » des « grands emprunts » est l'absence d'exonérations fiscales incitatives. L'article 26 de la loi organique dispose en effet que : « sauf disposition expresse d'une loi de finances, les emprunts émis par l'Etat sont libellés en euros. Ils ne peuvent prévoir d'exonération fiscale ». On peut déduire de cette rédaction qu'il est possible à la loi de finances de déroger à la faculté de libeller les emprunts en euros. Il ne lui est pas possible de déroger à l'interdiction d'exonérations fiscales.

A. DES OBJECTIFS AMBITIEUX

Si la crise actuelle a provoqué un traumatisme durable, elle constitue aussi une nouvelle donne offrant de vraies opportunités de progrès.

La France, comme la plupart des grands pays industrialisés, se trouve toujours en état d'apesanteur financière : les charges issues des plans de sauvetage du système financier et de relance, apparaissent comme mises entre parenthèses du fait de l'abaissement des taux d'intérêt consécutif aux interventions massives des banques centrales.

Cette période d'incertitude peut être mise à profit pour ne pas subir passivement voire frileusement des contraintes accrues mais pour s'efforcer de réagir.

L'initiative du président de la République tendant à lancer un grand emprunt destiné à financer les dépenses d'avenir, s'inscrit dans une telle perspective en ce qu'elle nous fait prendre conscience de l'environnement plus difficile dans lequel nous allons nous trouver.

1. Accroître le PIB potentiel, durablement réduit par la crise

Tout d'abord il nous faudra prendre la mesure du traumatisme, en l'occurrence de savoir, en termes techniques, à partir de quel niveau de produit intérieur brut potentiel nous allons redémarrer et à quel rythme de croissance nous sommes encore capables de progresser.

Avant la crise, l'ordre de grandeur du taux de croissance potentiel était évalué par les économistes à environ 2 % l'an. Retrouverons-nous ce taux de 2 % et à partir de quel niveau de produit intérieur brut ? Toute l'équation des finances publiques dépend de cela : si le niveau de départ et, le cas échéant, le taux de croissance potentiel de l'économie sont plus bas, une proportion importante du déficit, qui aurait été estimée de nature conjoncturelle selon l'ancienne analyse, devient structurelle. En d'autres termes, cela signifie que les efforts à faire pour converger vers l'équilibre devront être plus importants demain qu'ils ne l'auraient été hier dans la dynamique de l'économie que nous connaissions avant la crise.

L'un des enseignements de celle-ci est que le rétablissement des comptes publics ne peut résulter que du retour de la croissance . Le nouveau contexte rend nécessaire une adaptation de notre appareil de production et sans doute l'invention d'un nouveau modèle de développement.

2. Une opération conforme à la « règle d'or », entendue comme n'autorisant l'Etat à emprunter que pour financer ses dépenses d'investissement

Le grand emprunt vient donc opportunément pour élargir une marge de manoeuvre singulièrement réduite . Il se rattache à la « règle d'or », entendue comme n'autorisant l'Etat à emprunter que pour financer ses dépenses d'investissement.

Il convient de distinguer la dette de fonctionnement de celle adossée à des actifs, qu'ils soient financiers ou physiques, qui n'a pas la même nature que celle finançant des opérations courantes.

La « règle d'or » prend alors un nouveau sens : une dette, qui peut se rembourser avec la cession d'un actif ou qui s'amortit en même temps que lui, peut être considérée comme soutenable voire comme une « bonne » dette, surtout lorsqu'elle favorise l'amélioration de la productivité des facteurs et qu'elle est porteuse de sa propre rentabilité.

3. Un emprunt à souscrire auprès des marchés financiers

Faut-il ou non s'adresser directement à l'épargnant ? En fait le réalisme incite au contraire à profiter de la conjoncture actuelle pour se financer à des taux d'intérêt historiquement bas.

Le Président de la République a fait valoir, à Versailles, que le grand emprunt serait souscrit « soit auprès des Français, soit sur les marchés financiers ». Le 26 août, il a indiqué que sa faveur irait à la solution « la plus efficace et la moins coûteuse ». Cela semble impliquer un emprunt sur les marchés financiers.

En effet, un emprunt auprès des particuliers devrait proposer, à cinq ans, une rémunération d'au moins 4 % pour être attractif, compte tenu du précédent que constitue l'emprunt souscrit le 17 juin 2009, par EDF, au taux de 4,5 %. Pour cette durée, un emprunt sur les marchés permet de lever la même somme pour un taux proche de 2,5 %.

B. UN IMPACT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER INCERTAIN

L'impact économique et financier du « grand emprunt national » est par nature impossible à simuler, dès lors que ses modalités concrètes ne sont pas encore connues. Il est cependant possible d'apporter quelques éléments d'analyse.

A titre d'hypothèse de cadrage on suppose que les choses se passeront de la manière suivante. L'Etat emprunte en 2010 environ 30 milliards d'euros sur les marchés financiers, en une seule tranche. Ces 30 milliards d'euros sont ensuite injectés dans l'économie, d'une manière vraisemblablement progressive, qui pourrait s'étaler sur les années 2010 et 2011.

1. Une croissance du PIB qui pourrait être accrue de 0,25 point en 2010 puis 0,5 point en 2011

D'un point de vue économique, les dépenses concernées seront, semble-t-il, en quasi-totalité des dépenses d'investissement .

Bien que le grand emprunt n'ait pas vocation à constituer un plan de relance bis , il aura cependant comme effet de soutenir l'activité à court terme, par des dépenses dont le multiplicateur keynésien, proche de l'unité, est relativement élevé.

Cependant en pratique il est vraisemblable que le grand emprunt se substituera partiellement à des ressources privées. Le financement accordé par l'Etat aura alors pour effet de réduire le coût de financement des bénéficiaires : si l'on suppose que la ressource est accordée gratuitement par l'Etat, le montant réellement injecté dans l'économie sera de l'ordre de seulement 4 % de celui affiché.

Si l'on suppose, par convention, que les 2/3 des dépenses n'auraient pas été réalisées sans le grand emprunt, l'impact sur le PIB pourrait être d'environ 0,25 point en 2010 et 0,75 point en 2011.

Si le grand emprunt correspondait à une augmentation pérenne des dépenses, le PIB redescendrait ensuite progressivement à son niveau potentiel, mais tel n'est pas ce qui est prévu. La fin brutale de la stimulation budgétaire correspondrait à une impulsion budgétaire identique mais en sens inverse, qui réduirait la croissance de 0,5 point en 2013 et 0,25 point en 2014.

2. L'objectif affiché d'une augmentation de la croissance potentielle est beaucoup plus aléatoire

Cependant, l'objectif mis en avant est d'augmenter durablement le potentiel de croissance de l'économie, en rendant plus dynamique la productivité globale des facteurs.

C'est la raison pour laquelle les dépenses évoquées par MM. Alain Juppé et Michel Rocard lors de leur audition par votre commission des finances sont des dépenses de recherche et développement.

Ainsi, elles concernent, notamment, les biotechnologies, les nanotechnologies, les énergies nouvelles, les réseaux de télécommunications à très haut débit, la voiture électrique, les biocarburants de troisième génération, la prochaine génération d'avions de transport, la santé. En sens inverse, la commission du grand emprunt a rejeté l'idée de financer des travaux d'infrastructures, en particulier ferroviaires.

Il semble cependant peu probable que la croissance potentielle connaisse un net infléchissement après le grand emprunt. Un scénario où, par exemple, la croissance potentielle serait accrue de 0,5 point par an pendant 10 ans, semble optimiste.

a) Des sommes en jeu relativement faibles

Tout d'abord, contrairement aux apparences, les sommes en jeu sont modestes. Selon les dernières données d'Eurostat, les dépenses de R&D ont été en 2006 de 1,84 point de PIB dans l'Union européenne, et 2,09 points de PIB en France.

Si l'on suppose que les dépenses du grand emprunt sont également réparties entre 2010 et 2011, celui-ci a pour effet de porter transitoirement les dépenses de R&D de la France de 2 points de PIB à 2,75 points de PIB (voire seulement 2,5 points de PIB si l'on suppose qu'une partie des dépenses auraient été réalisées de toute façon) chacune de ces deux années. Malgré cet effort, les dépenses de R&D demeureraient donc inférieures à celles de nombreux pays, comme la Suède, la Finlande et le Japon (au demeurant en croissance quasiment nulle depuis le début des années 90), dont les dépenses de R&D sont, chaque année, supérieures à 3 points de PIB. A partir de 2012, les dépenses de R&D retrouveraient leur niveau habituel de 2 points de PIB.

Les dépenses de R&D en 2006

(en points de PIB)

Dépenses

UE-27

1,84

Suède

3,73

Finlande

3,45

Allemagne

2,53

Autriche

2,49

Danemark

2,43

France

2,09

Belgique

1,83

Royaume-Uni

1,78

Pays-Bas

1,67

Slovénie

1,59

République tchèque

1,54

Luxembourg

1,47

Irlande

1,32

Espagne

1,2

Estonie

1,14

Italie

1,09*

Hongrie

1

Portugal

0,83

Lituanie

0,8

Lettonie

0,7

Grèce

0,57

Pologne

0,56

Malte

0,54

Slovaquie

0,49

Bulgarie

0,48

Roumanie

0,45

Chypre

0,42

Autres Etats

Turquie

0,58

Croatie

0,87

Russie

1,07*

Chine

1,34*

Norvège

1,52

Etats-Unis

2,61

Islande

2,77*

Suisse

2,9**

Japon

3,32*

* 2005. ** 2004.

Source : Eurostat, « Science, technology and innovation in Europe », septembre 2009

b) Des projets qui, dès lors qu'ils ne peuvent être financés par le marché, sont aussi les plus risqués

Ensuite, il n'est pas certain que l'Etat soit plus capable que le marché d'identifier les projets d'avenir.

Le grand emprunt renouerait avec la logique des « Trente Glorieuses », quand l'Etat cherchait à orienter le développement technologique national.

Le tableau ci-après montre que les principaux programmes de la période 1962-1989 ont coûté environ 18 milliards d'euros, soit un montant proche de celui envisagé pour le grand emprunt. Sur ce montant, 13 milliards d'euros, soit plus de 70 %, ont financé des impasses (Concorde, Plan Calcul, Minitel).

Les grands programmes (1962-1989)

Source : Jean-Louis Beffa, « Pour une nouvelle politique industrielle », rapport au Président de la République, 2005

En tout état de cause, il convient d'être attentif au fait qu'un afflux brutal de fonds publics n'est pas forcément une incitation à la bonne gestion dans la mesure où cela peut conduire à des décisions hâtives et à mettre de l'argent dans des opérations insuffisamment étudiées.

c) Une compatibilité avec le droit communautaire à confirmer

La compatibilité avec le droit communautaire des dépenses que doit financer le grand emprunt est par ailleurs à confirmer.

On peut rappeler à cet égard le précédent de l'Agence de l'innovation industrielle (AII), établissement public créé en 2005 sur les recommandations d'un rapport de M. Jean-Louis Beffa et qui, dans l'incapacité juridique de mener les actions souhaitées, a finalement dû être intégré à OSEO en 2007.

En effet, la Commission européenne a encadré l'action de l'AII de fortes contraintes en passant systématiquement les projet au crible afin de déterminer si le financement de l'agence ne constituait pas une aide d'Etat indue . Il en a résulté une dénaturation du concept même de l'AII , laquelle devait assurer le plus rapidement possible un financement complémentaire d'amorçage pour des projets innovants, les retards engendrés par les procédures de la Commission pénalisant gravement lesdits projets à l'aune de la concurrence internationale.

Ainsi, dans son commentaire de l'article du projet de loi de finances pour 2008 attribuant le reliquat de la dotation de l'Etat versée à l'AII à OSEO, votre rapporteur général écrivait : « Cette position de l'Union européenne était tout à fait prévisible. On ne s'étonnera que davantage de la décision prise il y a deux ans, sur la base d'un rapport remis au Président de la République d'alors par un haut responsable apparemment resté fidèle aux conceptions traditionnelles des grands corps d'ingénieurs de l'Etat et peu conscient des contraintes européennes ».

3. Quel impact sur les finances publiques ?

L'impact du grand emprunt sur les finances publiques est difficile à évaluer à ce stade.

Dans les développements ci-après, on suppose qu'il est de 30 milliards d'euros, empruntés auprès des marchés dès 2010, et qui servent à financer des dépenses en 2010 et en 2011.

Il est prévu qu'il serve en partie à accorder des prêts. Ainsi, lors de son audition précitée par la commission des finances, M. Alain Juppé a indiqué qu'il financera notamment des dotations en capital remboursables, des prêts participatifs remboursables ou des avances remboursables. Il a cependant indiqué que le « retour sur investissement » des propositions ne pourrait être objectivement mesuré que pour environ la moitié des cas, en y incluant certains « retours sur investissement » non financiers, comme celui des « réseaux intelligents », qui doivent permettre de réduire de façon mesurable la consommation d'électricité. Au total, on peut retenir l'hypothèse conventionnelle que le tiers des dépenses correspondront à des prêts.

Les prêts présentent la caractéristique de ne pas dégrader le solde maastrichtien, contrairement aux subventions. Ainsi, en 2009 le besoin de financement de l'Etat au sens de la comptabilité nationale devrait être inférieur d'environ 15 milliards d'euros au déficit budgétaire, d'importantes dépenses budgétaires (prêts au secteur de l'automobile...) étant considérées en comptabilité nationale comme des opérations financières sans impact sur le déficit.

Au total, le grand emprunt aurait vraisemblablement un impact modeste sur les finances publiques (à moins de considérer qu'il augmente considérablement la croissance potentielle, ce qui semble peu probable).

Une estimation de l'impact du grand emprunt national sur les finances publiques

(écart par rapport à un scénario
sans grand emprunt, en points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Scénario sans augmentation de la croissance potentielle

Croissance du PIB (en points)

0,3

0,5

0,0

-0,5

-0,3

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Solde public

-0,3

0,1

0,5

0,1

-0,1

-0,1

-0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

Dette publique

1,2

0,1

-0,4

-0,1

0,1

0,2

0,2

0,2

0,1

0,1

0,1

Scénario avec augmentation de la croissance potentielle

Croissance du PIB (en points)

0,3

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

Solde public

-0,3

0,1

0,7

0,9

1,1

1,3

1,5

1,7

1,8

2,0

2,2

Dette publique

1,2

0,1

-1,0

-2,3

-3,8

-5,4

-7,2

-9,1

-11,1

-13,1

-15,3

Selon les concepts de la comptabilité nationale et du traité de Maastricht. On suppose qu'un tiers des dépenses, au sens budgétaire, correspondent à des prêts et ne sont donc pas pris en compte dans le déficit au sens de la comptabilité nationale.

Source : calculs de la commission des finances

a) Un déficit public qui pourrait ne se dégrader que légèrement en 2010, et s'améliorer temporairement en 2012

Pour simplifier le raisonnement, on peut supposer dans un premier temps que la totalité des sommes injectées sont des dépenses au sens de la comptabilité nationale. Le déficit est accru ex ante de 0,8 point de PIB en 2010 et 2011, mais comme (selon les hypothèses retenues) le PIB s'en trouve accru de respectivement 0,3 point et 0,8 point, ex post le déficit public n'est accru que de respectivement 0,6 et 0,1 point de PIB.

Si l'on suppose que seulement les 2/3 des sommes injectées correspondent à des dépenses au sens de la comptabilité nationale (le reste étant constitué de prêts), ces déficits doivent être réduits de 0,25 point de PIB, ce qui ramène l'augmentation du déficit à respectivement 0,3 point et  - 0,1 point en 2010 et 2011. Ainsi, paradoxalement, le déficit maastrichtien serait réduit en 2011.

Les années suivantes, dans le scénario sans augmentation de la croissance potentielle, le solde budgétaire n'est pas significativement différent de ce qu'il aurait été en l'absence de la mesure, la fin brutale de la stimulation budgétaire faisant rapidement regagner au PIB le niveau qu'il aurait eu sans le grand emprunt. En revanche, dans le scénario optimiste, avec augmentation de la croissance potentielle, le solde public s'améliore d'un montant qui finit par atteindre 2,2 points de PIB en 2020.

b) Une part de la dette publique dans le PIB qui ne serait pas significativement accrue

Même dans le scénario sans augmentation de la croissance potentielle, l'impact sur la dette est négligeable à long terme.

En effet, selon ce scénario, en 2010, le ratio dette/PIB est accru de 1,2 point, mais en fin de période, la part de la dette dans le PIB est accrue de seulement 0,1 point : à partir de 2016 la dette, avant même les remboursements des prêts accordés par l'Etat, n'est augmentée que d'environ 10 milliards d'euros (et non 30). Ce résultat paradoxal vient du fait que même si le PIB retrouve rapidement le niveau qu'il aurait eu en l'absence du grand emprunt, le supplément de PIB observé en début de période (de près de 2 points en cumulé) réduit les déficits cumulés, et donc la dette, d'environ 20 milliards d'euros.

A cela s'ajoute le fait que l'on suppose qu'un tiers du grand emprunt, soit 10 milliards d'euros, financent des prêts qui sont ensuite remboursés à l'Etat, ce qui annule quasiment l'augmentation de la dette en fin de période.

Dans le scénario optimiste, avec augmentation de la croissance potentielle, la part de la dette publique dans le PIB serait réduite de plus de 15 points en 2020.

c) L'idée d'un « très grand emprunt » de 100 milliards d'euros semble devoir être écartée

La faible augmentation du taux d'endettement dans le scénario sans augmentation de la croissance potentielle ne doit pas cependant conduire à considérer qu'il serait envisageable de faire un « très grand emprunt », de par exemple 100 milliards d'euros.

En effet, dans ce scénario quand la stimulation budgétaire s'arrête, la croissance est autant réduite qu'elle a auparavant été accrue. Ainsi, si un « très grand emprunt » de 100 milliards d'euros, soit 5 points de PIB, correspondant à des dépenses concentrées sur les années 2010 et 2011, pourrait en principe fortement soutenir la croissance en 2010 et en 2011, aucun gouvernement n'accepterait l'impact fortement négatif sur la croissance qui s'ensuivrait.

Il est certain que le supplément de dépenses constitué par le grand emprunt deviendrait alors en grande partie pérenne, aggravant d'autant le déficit structurel.

Certes, il en irait différemment si l'on était sûr que le grand emprunt augmente significativement la croissance potentielle. Cependant, même avec un montant de 100 milliards d'euros, cela resterait très aléatoire.

C. DES ENJEUX IMPORTANTS EN TERMES D'EFFICACITÉ ET DE SOUTENABILITÉ

On ne peut donc se satisfaire d'une approche macroéconomique du grand emprunt qui en ferait en quelque sorte, indépendamment des différences d'horizon temporel, le prolongement du plan de relance.

D'une part on peut s'interroger sur la possibilité pour l'opération de s'autofinancer par le surcroît de croissance du PIB qu'elle provoquerait.

D'autre part, la prise en compte des effets de substitution entre dépenses publiques et dépenses privées rend aléatoire l'évaluation de l'impact final de l'endettement ainsi supporté par l'Etat.

L'approche microéconomique paraît ainsi plus pertinente. Cela met l'accent sur les enjeux de gouvernance et ceux liés au contexte général de la maîtrise de la dépense publique.

1. Les choix en matière de gouvernance

Il s'agit de mettre en oeuvre les équipements et les programmes qui, du fait de leur ampleur et des risques qui leur sont attachés, supposent l'intervention de l'Etat.

Celui-ci doit être le catalyseur des initiatives qui par leur taille et leur horizon, vont au-delà des possibilités d'investissement du secteur privé : l'important, c'est de réfléchir, collectivement, aux priorités stratégiques d'investissement.

Il n'est pas question de refaire la planification à la française mais d'en retrouver l'esprit d'« ardente obligation », c'est-à-dire de mettre au point des méthodes de coopération public-privé qui soient efficaces : en particulier, la logique des partenariats « public-privé » peut ici être considérée comme une bonne façon de garantir un retour effectif sur investissement.

Il résulte de ces principes un certain nombre de conséquences en ce qui concerne les structures de gestion, en d'autres termes la « gouvernance » de l'emprunt et des dépenses qu'il financera.

S'agissant de son montant, on peut dire qu'une trentaine de milliards d'euros (soit environ 15 % du besoin de financement de l'Etat pour 2010) représente a priori le maximum que l'on puisse se permettre. Cela suppose que l'on soit sélectif et en mesure de se concentrer sur quelques programmes.

Enfin, une rentabilité ne s'apprécie commodément que lorsque les interventions sont effectuées dans un cadre spécifique permettant d'isoler les charges comme les ressources issues de l'emprunt. Une telle solution extrabudgétaire est pour votre rapporteur général préférable à celle consistant à placer sur une ligne budgétaire distincte les dépenses ainsi financées, à l'image du plan de relance.

2. Les contreparties de l'appel aux marchés financiers

Faire appel aux marchés a des contreparties . Tôt ou tard, ceux-ci vont se poser à nouveau la question de la solvabilité des Etats pour établir une nouvelle hiérarchie en fonction de la soutenabilité de leurs finances publiques.

Indépendamment même des contraintes maastrichtiennes, c'est bien la crédibilité du modèle économique français qui est en jeu. Le « grand emprunt » participe de cette évaluation « en continu », puisque les marchés nous jugeront à notre capacité à créer les conditions de notre croissance.

Nul doute qu'ils n'apprécieront pas seulement notre aptitude à dépenser utilement mais aussi à faire des économies : c'est même indispensable si l'on veut donner le sentiment que les marges de manoeuvre que l'on se donne avec le grand emprunt, servent à quelque chose et que les charges d'intérêt qu'il occasionne seront supportables.

Ces investissements, quels qu'ils soient, ne porteront leurs fruits que s'ils s'appuient sur une réduction effective des frais généraux de la « maison France », à défaut de laquelle l'opération du grand emprunt pourrait apparaître comme une simple fuite en avant.

Car c'est sur le socle d'un effort continu de diminution de la dépense de fonctionnement des administrations publiques (y compris de la dépense fiscale associée) passant, le cas échéant, par des réformes de structures que pourra être financée une relance de l'investissement, gage du retour de la croissance et d'une amélioration de notre compétitivité internationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 12 novembre 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2010, sur le rapport de M. Philippe Marini , rapporteur général.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a indiqué que, selon l'Insee, la croissance du produit intérieur brut (PIB) a été de - 1,4 % au dernier trimestre de l'année 2008 et au premier trimestre de l'année 2009, et de 0,3 % au deuxième trimestre de l'année 2009. L'Insee prévoit qu'elle sera de 0,5 % et 0,3 % aux troisième et quatrième trimestres. Si tel était le cas, la croissance du PIB (en moyenne annuelle) serait de - 2,2 % en 2009.

Les prévisions des conjoncturistes ne prennent généralement pas en compte l'impact éventuel de la grippe A(H1N1). Malgré quelques études catastrophistes, qui ont connu un large écho médiatique, cet impact semble devoir être modéré. Ainsi, selon ses propres estimations, qui s'appuient sur une hypothèse de « taux d'attaque » de 10 % à 15 % en 2009, correspondant à celui suggéré par l'avis de l'Institut de veille sanitaire (InVS) du 28 septembre 2009, la grippe réduirait le PIB de seulement 0,2 point en 2009.

Les incertitudes sur la croissance du PIB en 2010 sont particulièrement importantes. Alors que la prévision associée au présent projet de loi de finances est de 0,75 %, M. François Fillon, Premier ministre, a déclaré, le 9 novembre 2009, qu'elle sera vraisemblablement « entre 1 % et 1,5 % ». Par ailleurs, si le consensus des conjoncturistes est de 1,2 %, les prévisions vont de 0,2 % pour HSBC et 0,4 % pour Natixis à 2,2 % pour COE-Rexecode et UBS.

Le véritable enjeu est cependant l'évolution du PIB au cours de la prochaine décennie. Schématiquement, on peut distinguer trois grands scénarios. Dans un premier scénario, la crise actuelle ne serait qu'un « accident de parcours », qui serait intégralement rattrapé en termes de PIB par une croissance de 3 % par an de 2011 à 2017. Dans un deuxième scénario, la croissance retrouverait son rythme tendanciel (de l'ordre de 2 %) après la crise, qui correspondrait donc à une perte définitive de PIB. Dans un troisième scénario, après la crise la croissance structurelle serait réduite à 1 % par an, notamment du fait de la limitation du recours des agents à l'endettement. La question est importante pour les finances publiques. En effet, si la perte de PIB due à la crise est définitive, le niveau élevé du déficit public actuel est non conjoncturel, mais structurel.

M. Jean Arthuis , président, a considéré que ce qui est en jeu est la compétitivité de la France.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a indiqué que le présent projet de loi de finances repose, pour l'Etat, sur des prévisions de recettes pour 2009 réduites de 56 milliards d'euros par rapport aux montants de la loi de finances initiale pour 2009. Cet écart spectaculaire, alors que cette loi de finances intégrait déjà les mesures fiscales du plan de relance, ne s'explique que partiellement par les estimations révisées des lois de finances rectificatives de février et d'avril 2009. Elle provient en quasi-totalité de l'effondrement des prévisions de recettes fiscales, inférieures de 34 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances rectificative d'avril 2009, essentiellement du fait des moins-values d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Dans le cas de l'année 2010, la disparition du volet fiscal du plan de relance de l'économie serait à peu près compensée par la suppression de la taxe professionnelle.

Mme Nicole Bricq a estimé que la faiblesse du produit net de l'impôt sur les sociétés provient en grande partie des allégements fiscaux instaurés ces dernières années.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a jugé réaliste la prévision de produit net d'impôt sur les sociétés du Gouvernement pour 2009, de 19 milliards d'euros. A moyen terme, ce produit paraît devoir se stabiliser autour de 40 milliards d'euros, contre 50 milliards avant la crise.

Dans le cas de l'année 2010, le Gouvernement maintient de fait l'effort fiscal du plan de relance, grâce à la suppression de la taxe professionnelle. Selon ses estimations, les prélèvements obligatoires seraient allégés de 16,4 milliards d'euros en 2009, en quasi-totalité grâce au plan de relance. En 2010, la disparition du plan de relance serait à peu près compensée par la suppression de la taxe professionnelle, qui doit alléger transitoirement les impôts de 12,5 milliards d'euros en 2010 (contre 3,2 milliards d'euros en régime de croisière). Ainsi, en 2010 l'impact des « mesures nouvelles » serait de seulement - 0,5 milliard d'euros.

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq , M. Philippe Marini , rapporteur général , a précisé que le Gouvernement évalue le coût du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour le secteur de la restauration à 3 milliards d'euros par an. Il a jugé peu lisible la présentation en « mesures nouvelles », fréquemment utilisée dans les documents budgétaires.

Evoquant les dépenses inscrites dans le projet de loi de finances pour 2010, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que leur montant s'établit à 285,2 milliards d'euros, soit 3 % de plus que celui de la loi de finances pour 2009, mais 1,5 % de moins que celui de la prévision d'exécution pour la même année. L'ampleur de cet écart s'explique par l'ouverture, en cours d'exercice 2009, de crédits au titre du plan de relance pour l'économie. Hors plan de relance et à périmètre constant, les dépenses de l'Etat augmentent de 1,1 % par rapport à 2009 soit, le taux d'inflation prévisionnelle s'établissant à 1,2 %, une baisse en volume de 0,1 %.

Présentant les dépenses de l'Etat au regard de la norme d'évolution définie dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, le rapporteur général a observé que le Gouvernement aurait pu, aux termes de la loi, faire évoluer les dépenses de 1,75 % en 2010 mais qu'il a choisi, marquant ainsi une volonté de maîtriser les dépenses « structurelles » même pendant la crise, la solution, plus rigoureuse, d'une indexation sur le taux d'inflation prévisionnelle de 1,2 %. Il a indiqué que, compte tenu de la progression des dépenses de pensions et de charge de la dette inférieure aux prévisions, les enveloppes de la plupart des missions ont pu être maintenues au niveau envisagé par la programmation pluriannuelle, conservant ainsi aux gestionnaires des dotations le bénéfice de la prévisibilité des crédits. Un certain nombre de missions voient même leurs crédits progresser au-delà des montants de la programmation.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a insisté sur le fait que les dépenses fiscales, qui représentent dans le projet de loi de finances pour 2010 l'équivalent du quart des dépenses nettes du budget général, pèsent sur le solde budgétaire de la même façon que les dépenses « budgétaires ». Constatant que leur montant est supérieur de 8 % à celui de la loi de finances pour 2009, il s'est inquiété de leur dynamisme et a, en particulier, insisté sur le coût des crédits d'impôts. En 2010, l'augmentation du coût pour l'Etat de trois mesures - le crédit d'impôt recherche, le crédit d'impôt dit de « développement durable » et le crédit d'impôt remboursant aux ménages le coût de la taxe carbone - sera supérieur à celle des dépenses prises en compte dans la norme de dépense.

Il a ensuite évoqué l'incidence budgétaire de la suppression de la taxe professionnelle, en relevant que le besoin à couvrir, qui s'élève à 25,7 milliards d'euros, l'est pour moitié par des impositions nouvelles, pour un tiers par la suppression des dégrèvements de taxe professionnelle - cette économie étant en partie reprise par des pertes de recettes au titre d'impôts antérieurement perçus par l'Etat - et, pour un peu moins de 20 %, par le déficit budgétaire, à hauteur de 4,3 milliards d'euros.

Le rapporteur général a insisté sur le fait que les réformes structurelles se traduisent par des économies budgétaires à moyen terme, bien qu'elles soient actuellement masquées par les effets de la crise et les décisions discrétionnaires prises en matière fiscale. Il a illustré son propos par la politique de réduction des effectifs de la fonction publique conduite depuis 2002, qui engendre, en 2010, 440 millions d'euros de moindre dépense. Il a rapproché ce chiffre des estimations présentées par la commission des finances du Sénat en 2002, selon lesquelles cette politique permettrait de réduire les dépenses de l'Etat d'environ 500 millions d'euros par an.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a constaté que le montant des recettes inscrit dans le budget représente moins de 70 % de celui des dépenses et que le déficit, malgré une diminution affichée de 25 milliards d'euros, restera supérieur à 100 milliards d'euros, très loin de son niveau d'avant la crise. Entre 2009 et 2010, la réduction du déficit s'explique principalement par l'interruption de la plupart des mesures de relance et par les recettes supplémentaires issues de l'amélioration de la conjoncture économique. Toutefois, le Gouvernement ne renonce pas à l'accompagnement de la sortie de crise puisque certaines mesures de relance, notamment le remboursement anticipé des créances au titre du crédit d'impôt recherche, sont reconduites. En outre, la réforme de la taxe professionnelle se traduira par un allègement de la trésorerie des entreprises de 11,6 milliards d'euros en 2010.

M. Philippe Marini, rapporteur, général, a ensuite évoqué la dette de l'Etat et son financement en appelant l'attention sur la situation paradoxale de l'année 2009, au cours de laquelle le montant de la charge de la dette diminue malgré l'augmentation de celui de son capital. Il a cité l'exemple de l'année 2008 pour illustrer la sensibilité de la charge de la dette aux variations du taux d'inflation et a considéré, sans pouvoir le prévoir avec certitude, que 2010 permettrait peut-être de constater les effets d'une remontée des taux d'intérêt. En réponse à Mme Nicole Bricq , il a précisé que la prévision de charge de la dette figurant dans le projet de loi de finances pour 2010 est fondée sur l'ensemble des hypothèses économiques retenues pour sa construction.

Le rapporteur général a alors constaté que la France est l'Etat de la zone euro qui, avec l'Allemagne, se finance aux meilleures conditions. Après avoir évoqué l'exemple de l'Italie, il a insisté sur la nécessité de conduire une politique budgétaire dont la soutenabilité permette de conserver la confiance des marchés et la notation AAA. Il a souligné que cette question renvoie à la préparation du « grand emprunt » et à la manière dont il sera perçu.

Enfin, il a rappelé que, en 2008 et en 2009, la variation de la dette de l'Etat a été financée pour plus de moitié par des emprunts à court terme, réduisant ainsi la portée du vote sur la variation de la dette à plus d'un an émis par le Parlement à l'article d'équilibre des lois de finances. Il s'est félicité que le tableau de financement figurant dans le projet de loi de finances pour 2010 revienne à des proportions plus habituelles, puisque la variation de 83,1 milliards d'euros de la dette à plus d'un an correspond aux trois quart de la variation totale de l'encours.

Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, le déficit public serait en 2010 de 14,7 points de PIB en Irlande, 12,2 points en Grèce, 10,1 points en Espagne et 8,2 points en France, qui serait ainsi le quatrième Etat le plus déficitaire de la zone euro. La procédure de déficit excessif dont notre pays fait l'objet depuis avril 2009 a connu le 11 novembre dernier de nouveaux développements, la Commission européenne ayant alors recommandé au Conseil de repousser de 2012 à 2013 l'expiration du délai au terme duquel elle doit avoir mis fin à son déficit excessif. La programmation annexée au présent projet de loi de finances prévoit cependant un déficit public d'encore cinq points de PIB en 2013. Par ailleurs, le 5 novembre 2009, M. François Fillon, Premier ministre, a estimé que la France ne peut ramener son déficit à 3 points de PIB qu'en 2014. Le Conseil doit se prononcer à ce sujet en décembre 2009. Il faut à cet égard souligner que l'intention de l'Allemagne d'alléger ses prélèvements obligatoires de 24 milliards d'euros ne contribue pas à renforcer la crédibilité du pacte de stabilité.

M. Jean Arthuis , président, a considéré que même si ces allégements sont réalisés, l'Allemagne aura un déficit public toujours nettement inférieur à celui de la France.

M. Michel Charasse a jugé paradoxal que l'Allemagne, à l'initiative du pacte de stabilité, semble vouloir s'en émanciper.

M. Jean Arthuis , président, a estimé que le pacte de stabilité est indispensable, dès lors qu'il faut un « règlement de copropriété de l'euro ».

M. Philippe Marini , rapporteur général, a indiqué que sur les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne, vingt font actuellement l'objet d'une procédure pour déficit excessif, dont treize des seize Etats ayant adopté l'euro. Sur ces derniers, cinq se sont déjà vu imposer un délai pour ramener leur déficit sous les trois points de PIB, expirant en 2010 (Grèce, Malte), 2012 (France, Espagne) ou 2013 (Irlande). Le 11 novembre 2009, la Commission européenne a proposé au Conseil de prolonger ces délais d'une année, sauf pour la Grèce, qui n'a pas pris de « mesures suivies d'effet » pour réduire son déficit, et pour laquelle elle recommande une « mise en demeure ». Elle a en outre recommandé au Conseil de fixer un tel délai pour huit autres Etats, dont l'Allemagne, pour laquelle l'échéance serait fixée à 2013.

M. Aymeri de Montesquiou s 'est interrogé sur la possibilité d'un Etat qui le déciderait d'abandonner l'euro. M. Michel Charasse a déclaré que cela est juridiquement possible. M. Jean Arthuis , président, a toutefois souligné qu'un tel Etat serait probablement confronté à une forte dépréciation de sa monnaie et à une augmentation importante de sa charge de la dette.

Mme Nicole Bricq a estimé que la récente déclaration, par le Premier ministre, de l'intention du Gouvernement de ramener le déficit public en dessous de trois points de PIB en 2014, vide encore davantage de son sens le présent projet de loi de finances.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a précisé que la déclaration du Premier ministre est la suivante : « Je présenterai début 2010 au Parlement une stratégie de finances publiques qui nous donnera les moyens de descendre en dessous des 3 % de déficit à l'horizon de 2014, au prix d'ajustements très importants, puisqu'il faudrait faire un effort de réduction de plus de 1% par an. L'objectif est de progresser parallèlement à l'Allemagne, qui s'est fixé comme objectif un équilibre en 2016 ». Il a jugé cette déclaration « responsable ».

Le futur « grand emprunt » pourrait se situer autour de 30 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB. Bien que cela ne soit pas sa vocation première, il pourrait certes soutenir l'activité à court terme, mais son impact sur la croissance potentielle paraît incertain. En effet, les dépenses consacrées en France à la recherche et au développement étant chaque année de l'ordre de deux points de PIB, les sommes en jeu sont modestes. Par ailleurs, les informations disponibles suggèrent que les 18 milliards d'euros investis dans les grands programmes de 1962 à 1989 ont pour 70 % financé des impasses économiques (Concorde, Plan calcul, Minitel). L'impact sur les finances publiques serait cependant limité par le fait que le soutien à court terme de l'activité limiterait la progression de la dette « hors grand emprunt », et que, contrairement aux subventions, les prêts ne contribuent pas au déficit au sens de la comptabilité nationale et du traité de Maastricht.

Il paraît souhaitable que l'Etat utilise les 13 milliards d'euros prêtés aux banques dans le cadre du plan de financement de l'économie pour réduire le montant global de l'emprunt. Le droit communautaire de la concurrence fixe des contraintes importantes, comme le montre le précédent de l'Agence de l'innovation industrielle (A2I), établissement public créé en 2005 qui, dans l'incapacité juridique de mener les actions souhaitées, a finalement dû être intégré à OSEO en 2007. Le Parlement doit être étroitement associé à la mise en oeuvre du « grand emprunt », en particulier pour le choix des projets, qui devront dans la mesure du possible susciter des retours financiers pour l'Etat.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la capacité de l'Etat à mieux identifier que les marchés des projets économiquement viables.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a considéré que l'Etat est davantage capable de prendre en compte le long terme.

M. Michel Charasse a exprimé son scepticisme à cet égard.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur général de sa communication.

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