B. UN DISPOSITIF JURIDIQUE INCITANT LES COMMUNES Á MENER UNE RÉFLEXION SUR L'AMÉNAGEMENT DES ENTRÉES DE VILLE

1. Une bande inconstructible en bordure de route

L'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme pose le principe d'une inconstructibilité des abords des grandes voies de circulation dans leurs parties situées dans les « espaces non urbanisés ». Le champ d'application est donc large puisqu'il s'applique dans toutes les communes, qu'elles soient dotées ou non de documents d'urbanisme. En outre, la notion « d'espace non urbanisés » doit s'apprécier « objectivement », au regard de la « réalité physique de l'urbanisation », et non en fonction des limites de l'agglomération au sens du code de la voirie routière ou du zonage effectué par un document d'urbanisme 16 ( * ) . Le juge prend en compte un faisceau d'indices : le nombre de constructions existantes, la distance du terrain en cause par rapport au bâti existant, la contigüité avec des parcelles bâties, le niveau de desserte par des équipements. Ainsi :

- une parcelle peut être qualifiée de « non urbanisée » en dépit de son inclusion dans la « zone UEC » d'un plan d'occupation des sols 17 ( * ) ;

- n'est pas inclus dans un « espace urbanisé » un terrain dont la seule construction environnante est implantée sur un terrain contigu en bordure de la route nationale 18 ( * ) .

S'agissant des catégories de voies publiques , il s'agit :

- des autoroutes , c'est-à-dire des « routes sans croisement, accessibles seulement en des points aménagés à cet effet et réservées aux véhicules à propulsion mécanique » 19 ( * ) ;

- des routes express , c'est-à-dire des « routes ou sections de routes appartenant au domaine public de l'Etat, des départements ou des communes, accessibles seulement en des points aménagés à cet effet, et qui peuvent être interdites à certaines catégories d'usagers et de véhicules » 20 ( * ) ;

- des déviations : l'article L. 152-1 du code de la voirie tourière prévoit que « lorsqu'une route à grande circulation, au sens du code de la route, est déviée en vue du contournement d'une agglomération, les propriétés riveraines n'ont pas d'accès direct à la déviation » ;

- des autres routes classées « à grande circulation » : aux termes de l'article L. 110-3 du code de la route, « les routes à grande circulation, quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d'assurer la continuité des itinéraires principaux et, notamment, le délestage du trafic, la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et la desserte économique du territoire, et justifient, à ce titre, des règles particulières en matière de police de la circulation. La liste des routes à grande circulation est fixée par décret, après avis des collectivités et des groupements propriétaires des voies ».

2. Des dérogations fixées par la loi

La loi a prévu des dérogations générales au principe d'inconstructibilité :

- les constructions ou installations liées ou nécessaires aux infrastructures routières (stations de lavage de voiture, stations de péage, stations service) ;

- les services publics exigeant la proximité immédiate des infrastructures routières (installations des services publics de secours et d'exploitation par exemple) ;

- les bâtiments d'exploitation agricole (serres, silos, hangars) ;

- les réseaux d'intérêt public (supports d'installations nécessaires aux réseaux) ;

- l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension de constructions existantes.

3. Des dérogations conditionnées par la réalisation d'une étude et encadrées par la jurisprudence

En dehors des cas susmentionnés caractérisés par des contraintes géographiques spécifiques, l'ouverture à l'urbanisation est conditionnée à trois conditions : l'existence d'un document d'urbanisme, l'inscription dans ce document de règles permettant d'assurer la qualité de l'urbanisation des entrées de ville et, enfin, la justification et la motivation des règles fixées au regard de la qualité de l'urbanisation. Ainsi :

- un plan local d'urbanisme peut fixer des règles d'implantation différentes de celles prévues par l'article L. 111-1-4 lorsqu'il comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, que ces règles sont compatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages ;

- dans les communes dotées d'une carte communale, le conseil municipal peut, avec l'accord du préfet et après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites , fixer des règles d'implantation différentes au vu d'une étude de même nature que celle citée ci-dessus.

Dans ces deux cas, le juge administratif contrôle la motivation et le contenu des règles. Toute défaillance dans l'obligation de motivation et d'adoption de règles spéciales a pour effet de maintenir l'application de l'interdiction 21 ( * ) . Comme l'a relevé Jean-Claude Bonichot sous l'arrêt du Conseil d'Etat du 17 décembre 2004, « l'article L. 111-1-4 exige que soient fixées expressément des règles propres à satisfaire aux objectifs qu'il énumère (...) ce qu'il faut, en définitive, c'est qu'apparaisse clairement la réflexion que le législateur a voulu que mènent les communes du point de vue des objectifs de la loi, et son résultat : des règles adéquates ».

* 16 Les développements qui suivent reprennent une analyse juridique développée dans l'étude réalisée par M. Seydou Traoré, « Les conditions d'ouverture à l'urbanisation des entrées de villes. Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat, 21 mai 1998, n° 296346, Association d'Environnement Attainville Ma Campagne.

* 17 CE, 17 décembre 2004, n° 257738, Laillevaux.

* 18 CAA, Marseille 12 janvier 2006, SCI Nova.

* 19 Article L. 122-1 du code de la voirie routière.

* 20 Article L. 151-1 du code de la voirie routière.

* 21 CE, 21 mai 2008, Association d'environnement Attainville Ma Campagne.

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