III. LA PROCÉDURE : UN CADRE CONSTITUTIONNEL SOUPLE, RESPECTUEUX DE L'AUTONOMIE DES ASSEMBLÉES

Le constituant a précisé les conditions dans lesquelles les commissions compétentes des deux assemblées pourraient s'opposer à une nomination.

Il a renvoyé à la loi ordinaire la détermination de la commission compétente pour chaque nomination.

Au-delà, il n'a assigné ni à la loi organique, ni à la loi simple le soin de déterminer d'autres règles de procédure.

A. LA DÉTERMINATION PAR LA LOI ORDINAIRE DES COMMISSIONS COMPÉTENTES POUR PRONONCER L'AVIS

Le dernier alinéa de l'article 13 réserve à la loi le soin de déterminer les commissions compétentes pour prononcer l'avis sur les emplois ou fonctions dont la liste est établie par le législateur organique.

Dans la mesure où le nombre des commissions, d'une part, le partage des compétences entre elles, d'autre part, diffère entre le Sénat et l'Assemblée nationale, la loi simple ne fait pas référence à l'intitulé de la commission permanente mais à son domaine de compétence.

Cette répartition, approuvée par l'Assemblée nationale, a également fait l'objet d'un accord de la part des présidents des six commissions permanentes du Sénat consultés par votre rapporteur.

A l'initiative de M. Hugues Portelli, votre commission a précisé que les commissions compétentes pour rendre l'avis, d'une part, sur la nomination du Défenseur des droits, en application du quatrième alinéa de l'article 71-1 de la Constitution et, d'autre part, sur les personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature en application du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution, serait, dans chaque ensemble, la commission chargée des lois constitutionnelles.

B. UNE PROCÉDURE COMPLÉTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DANS LE PROJET DE LOI ORGANIQUE ET LE PROJET DE LOI ORDINAIRE

Comme le soulignait M. Henri de Raincourt lors de son intervention devant la commission des lois de l'Assemblée nationale « le Président Warsmann ayant indiqué lors des débats constituants que « le seul rôle de la loi organique, c'est de déterminer la liste des emplois ou fonctions. Toute la procédure est dans la Constitution » , le Gouvernement s'en est tenu à cette position (...). [Il] n'a donc pas souhaité introduire d'autres dispositions relatives à la procédure mise en oeuvre dans chaque assemblée, qui devraient trouver leur place naturelle dans leurs règlements respectifs » 16 ( * ) .

Les procédures mises en oeuvre pour l'application de l'article 13 de la Constitution ont ainsi été précisées par les Règlements de chaque assemblée modifiés à la suite de la révision constitutionnelle de 2008.

- au Sénat (article 19 bis du Règlement résultant de la résolution du 2 juin 2009 tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat), lorsque la Constitution ou la loi prévoit la consultation d'une commission sur un projet de nomination, la commission compétente est saisie par le président du Sénat aux fins de donner un avis sur ce projet de nomination. La commission se prononce alors au scrutin secret et le président de la commission communique au président du Sénat l'avis de la commission et le résultat du vote. Lorsqu'il s'agit de projets de nominations par le Président de la République, l'avis de la commission ainsi que le résultat du vote sont transmis au Président de la République et au Président du Sénat.

- à l' Assemblée nationale (article 29-1 du Règlement résultant de la résolution du 27 mai 2009), la procédure est plus détaillée. La commission permanente compétente peut désigner un rapporteur sur la proposition de nomination soumise à son examen. L'avis est précédé d'une audition de la personnalité dont la nomination est envisagée. Cette audition est publique sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale constatée par le bureau. Le scrutin est secret. Le président de la commission concernée se concerte avec son homologue du Sénat afin que le dépouillement intervienne au même moment dans les deux commissions permanentes. Il proclame le sens de l'avis en précisant le nombre de suffrages exprimés ainsi que celui des votes positifs et négatifs ; cet avis est notifié au Président de la République et au Premier ministre.

Dans la mesure où l'expression d'une opposition à la majorité des trois cinquièmes des voix exprimées dans les deux commissions fait obstacle à la nomination et où il est procédé en conséquence à l'addition des votes exprimés dans les deux assemblées, l'Assemblée nationale estime utile de fixer des règles communes sur deux aspects de procédure. Le premier a été précisé dans la loi organique , le second dans la loi ordinaire .

L'interdiction des délégations de vote dans le projet de loi organique

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 27 de la Constitution, le droit de vote des membres du parlement est personnel. Cependant, comme l'a rappelé le professeur Jean Gicquel lors de ses échanges avec votre rapporteur, la Constitution n'interdit la délégation de vote que dans le cas visé par l'article 68 relatif à la procédure de mise en cause de la responsabilité du chef de l'Etat. Par ailleurs, l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958, portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, a déterminé cinq motifs permettant la délégation (maladies, accident, évènement familial grave ; mission temporaire confiée par le Gouvernement ; service militaire accompli en temps de paix ou de guerre ; participation aux travaux des assemblées internationales ; absence de métropole en cas de session extraordinaire ; cas de force majeure appréciés par décision des bureaux des assemblées).

A l'occasion de l'examen d'une résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat, le Conseil constitutionnel dans une décision du 17 mai 1973 a estimé qu'il n'est pas possible d'apporter de restrictions aux possibilités reconnues par l'ordonnance organique aux parlementaires de déléguer leur droit de vote.

Sur ces bases, le Sénat admet la délégation de vote en séance publique comme en commission.

Tel n'est pas le cas à l'Assemblée nationale s'agissant des scrutins portant sur des nominations personnelles. En effet, aux termes du deuxième alinéa de l'article 63 du Règlement de l'Assemblée nationale, le scrutin portant sur les nominations personnelles est secret, le quatrième alinéa de l'article 13 de l'instruction générale du bureau précisant par ailleurs que « les délégations du droit de vote ne peuvent avoir effet pour un scrutin secret ».

Dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Charles de la Verpillière estime que, faute de modalités de votes identiques dans les deux assemblées, « il serait possible de considérer que l'article 13 de la Constitution n'a pas été respecté, le résultat ayant pu être faussé par des règles de participations différentes dans chacune des deux assemblées » 17 ( * ) .

Lors des débats en séance publique, les députés ont exprimé leur crainte que, du fait de la création de deux nouvelles commissions à l'Assemblée nationale 18 ( * ) et de la diminution corrélative des effectifs respectifs de chaque commission, le rapport numérique entre les deux assemblées ne tende à l'équilibre, s'agissant du moins des commissions qui seraient compétentes pour une majorité de nominations 19 ( * ) .

Les députés ont en conséquence complété l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 afin d'exclure la possibilité de délégation lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis d'une commission sur un projet de nomination. Ainsi, ce texte ne définirait pas seulement les motifs pour lesquels un vote peut être délégué mais aussi -comme l'article 68 de la Constitution- une hypothèse où la délégation est interdite.

L'exigence d'un dépouillement simultané dans les deux commissions

Les députés ont souhaité que la position prise par une assemblée n'influence pas l'avis de la commission de l'autre assemblée. Ils ont proposé ainsi d'inscrire dans la loi ordinaire le principe figurant actuellement dans le seul Règlement de l'Assemblée nationale selon lequel le dépouillement du scrutin devrait intervenir simultanément dans les deux commissions.

* 16 Le rapport au nom de la commission des lois, M. Charles de la Verpillière, n° 1992 et 1993, AN, 13 ème législature, p.31.

* 17 Rapport précité, p. 48.

* 18 Scission, d'une part, de la commission des affaires culturelles et sociales en deux commissions -commission des affaires culturelles et de l'éducation et la commission des affaires sociales- et d'autre part de commission des affaires économiques en deux commissions -commission des affaires économiques et commission du développement durable.

* 19 80 membres pour la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, 81 pour la commission du développement durable ; 78 membres pour la commission de l'économie au Sénat.

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