2. Protéger l'offre légale de jeux pour mieux stigmatiser l'offre illégale

Aucune barrière à l'entrée n'étant totalement efficace s'agissant de la sphère d'Internet, le projet de loi retient en quelque sorte une démarche fondée sur la « labellisation » de l'offre légale et une volonté de « compliquer la vie » des sites illégaux en augmentant leur coût du risque . En outre, l'ouverture encadrée à des opérateurs jugés crédibles permet d'élargir le périmètre des acteurs intéressés à l'éviction des sites illégaux , qui sont autant de concurrents susceptibles d'acquérir des parts de marché de façon déloyale. Ce faisant, l'ouverture crée une convergence d'intérêts qui renforce l'efficacité de la lutte contre ces opérateurs.

Le chapitre VIII du projet de loi (articles 47 à 51) prévoit cependant plusieurs mesures restrictives à divers stades de la chaîne de valeur de l'offre illégale :

- la pénalisation de la publicité illégale (amende de 30.000 euros ou du quadruple du montant consacré aux dépenses publicitaires), par l'article 48 ;

- des pouvoirs renforcés de détection des sites illégaux et de collecte de preuves , conférés aux agents de la police judiciaire par l'article 49. Ces agents pourront ainsi « infiltrer » des sites en participant sous un pseudonyme, et conserver des données sur ces opérateurs ;

- la faculté de faire ordonner l'arrêt de l'accès à un service de jeux en ligne non agréé (article 50), selon une procédure prévoyant une mise en demeure adressée par l'ARJEL, qui peut en cas d'inexécution saisir le juge des référés ;

- une amélioration du dispositif actuel de blocage des transferts de fonds par les établissements bancaires, qui porte désormais sur les transferts à destination ou en provenance des personnes organisant des activités de jeux, paris ou loteries prohibées ;

- enfin un régime de sanctions pénales encourues par les personnes proposant des jeux ou paris en ligne sans disposer de l'agrément, soit trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, portés à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende en cas d'infraction commise en bande organisée.

3. Un dispositif qui ne peut être exempt de failles

Il serait déraisonnable d'escompter une protection parfaite des joueurs et un contrôle étroit de l'addiction dans un environnement qui sera plus ouvert quoique plus sécurisé que l'actuel . Le futur régime demeurera intrinsèquement borné par la territorialité de la loi (en particulier des dispositions pénales, nonobstant les accords bilatéraux d'entraide judiciaire), alors que nombre d'opérateurs proposent aujourd'hui - et demain dans un cadre légal pour certains d'entre eux -, depuis un autre Etat d'établissement, une prestation de services dématérialisée.

Outre les techniques de fraude caractérisée, la technologie d'Internet et la dématérialisation des flux financiers offrent aux opérateurs et aux joueurs des opportunités de contournement , tels que le changement récurrent de nom de domaine ou d'adresse IP, le partage d'adresse avec d'autres sites, la publicité via des polluriels (« spams »), ou le recours des joueurs à un compte domicilié à l'étranger non déclaré et alimenté par un compte français. De même, les lourdeurs administratives et la lenteur éventuelle des procédures judiciaires, en particulier entre juridictions d'Etats différents, peuvent contribuer à sanctuariser des comportements illégaux. Enfin la prévention du jeu compulsif et de la dépendance pathologique se heurte aux frontières de la liberté individuelle .

Les moyens dont se dote l'Etat avec le présent projet de loi présentent cependant de bien meilleures garanties que le régime actuel et vont sans doute aussi loin qu'il est possible dans le respect du droit communautaire, de la proportionnalité des peines et du respect de la liberté individuelle. La lutte contre les sites illégaux sera également tributaire de l'implication de la police judiciaire dans cette nouvelle mission et des moyens humains dont elle disposera.

Faute de pouvoir établir, dans un cadre démocratique, une prohibition qui soit totalement appliquée dans les faits, c'est bien le cumul des menaces et sanctions qui peut dissuader les sites et les joueurs de s'engager dans des jeux et paris interdits.

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