2. L'interdiction de jeu, une protection des joueurs difficile à faire respecter

Paradoxalement, la réglementation française à l'égard des casinos est restée très longtemps laxiste pour ce qui concernait la protection des joueurs les plus fragiles face au jeu. Bien évidemment, une procédure d'interdiction de jeux avait été mise en place à condition que ces joueurs manifestent eux-mêmes la volonté de « se faire interdire ».

Après une enquête plus ou moins longue de la police, cette interdiction était prononcée, pour une période de cinq ans renouvelable . Pour la faire respecter, le fichier central du ministère de l'intérieur qui rassemblait ces noms était communiqué aux casinos, à charge pour eux de contrôler l'identité des joueurs quand ils se présentaient aux portes des salles de jeux de tables.

Rien n'empêchait par contre ces mêmes interdits de jeux de fréquenter les salles de machines à sous , à l'entrée desquelles il n'était procédé à aucun contrôle. Cette anomalie flagrante n'a jamais choqué l'Etat jusqu'à novembre 2006, lorsque le contrôle aux entrées est enfin devenu généralisé .

En outre, la gestion de son fichier par le ministère est restée longtemps incroyablement désuète . Si les casinos avaient à peu prés tous informatisé leur fichier de contrôle, le ministère continuait à leur communiquer les mises à jour mensuelles sous la forme de listes sur papier. Cette situation ubuesque a persisté durant des années.

Enfin, et parce que ce fait a des conséquences sur certaines dispositions du présent projet de loi, cette interdiction volontaire de jeux ne concerne que la fréquentation des casinos et des cercles de jeux . Ce champ restreint figure en effet explicitement sur la demande officielle que signe le candidat à l'interdiction. Mais cette dernière ne concerne ni les jeux de la FDJ, ni les paris du PMU, ni à plus forte raison les jeux en ligne qui n'existaient pas à l'époque où ce système a été mis en place.

Il faudra donc imaginer, d'une manière ou d'une autre, une procédure d'extension de cette interdiction dont la limitation actuelle ne permettrait aucunement d'établir la protection que l'Etat souhaite pour les joueurs en ligne et que prévoit le présent projet de loi.

Si plus de 95 % des interdictions de jeu sont issues d'une démarche volontaire (et bien opportune) des joueurs les plus en difficulté, très rares sont les autres : personnes incapables en tutelle ou curatelle, ou condamnées sur la demande du juge d'application des peines. Aucun autre tiers, et encore moins la famille, ne peut mettre en oeuvre cette procédure .

Il existe une possibilité, trop rarement utilisée par les casinos, de procéder, de leur propre initiative, à l'exclusion ou au refus d'admission de joueurs que la direction de l'établissement estime indésirables pour une raison ou une autre. Cette procédure des « Personne à ne pas recevoir - ANPR », dépourvue de fondement juridique et par voie de conséquence contestable en justice, ne constitue cependant pas une arme suffisante pour lutter contre l'addiction.

Votre rapporteur estime que ce moyen est « trop » rarement utilisé en se référant implicitement à l'approche que nos voisins suisses ont de ce problème . Quand les citoyens suisses ont approuvé le projet de la Confédération helvétique de créer des casinos, ils ont beaucoup insisté sur leur désir de voir les problèmes sociaux particulièrement surveillés.

Chaque casino suisse dispose ainsi d'un responsable des contacts avec les « joueurs à problème ». Si ce responsable détecte un joueur en difficulté, qui perd le contrôle de son comportement, il a le droit de lui proposer un véritable « contrat de modération » , limitant sa fréquentation de l'établissement (et des 21 autres casinos suisses) à un nombre précis de visites par mois. Cet accord est signé par l'intéressé, et le contrôle aux entrées permet ensuite de matérialiser cette limitation. Si le joueur arrive cependant à contourner l'obstacle, il est interdit de jeu.

Si cette procédure suisse retient notre attention, c'est qu'outre son caractère éminemment simple et efficace, elle fait appel à une véritable responsabilisation du joueur et, accessoirement, de l'opérateur . Il est à ce titre particulièrement regrettable que l'approche française soit encore totalement fondée sur la répression et confie toujours celle-ci à la seule police.

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