II. UN IMPACT ÉCONOMIQUE LIMITÉ

Les considérations développées ci-dessus permettent de se faire une idée de ce que serait l'impact du « grand emprunt » sur le PIB et sur les finances publiques.

A. A COURT TERME, UN SOUTIEN « KEYNÉSIEN » DU PIB DE L'ORDRE DE 0,1 POINT EN 2010-2011

Tout d'abord, comme cela résulte du graphique figurant en page 78 du présent rapport, l'emprunt national aura essentiellement pour effet, d'un point de vue économique :

- en 2010-2014, de susciter de l'ordre de 20 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires (soit environ 4 milliards d'euros par an), à peu près également réparties entre subventions d'une part, prêts, avances remboursables et dotations en capital d'autre part ;

- les années suivantes, d'accroître les subventions de quelques centaines de millions d'euros par an, sous réserve de la possibilité assez forte que ces dépenses soient compensées par une réduction de crédits budgétaires « classiques » 50 ( * ) .

L'augmentation des dépenses annuelles de 4 milliards d'euros (soit 0,2 point de PIB) en 2010-2014 aura pour effet d'accroître temporairement le PIB. Le multiplicateur keynésien ne devrait pas être particulièrement élevé. En effet, bien que les dépenses concernées soient présentées comme de l'investissement, du point de vue des administrations publiques il s'agira en grande partie de dépenses d'intervention. On peut donc retenir l'hypothèse d'un multiplicateur keynésien de 0,5 51 ( * ) , ce qui signifie qu'un euro de dépenses publiques supplémentaires accroît temporairement le PIB de 0,5 euro. On peut donc estimer, en première analyse, que l'impact sur le PIB sera de l'ordre de 0,1 point en 2010-2011 52 ( * ) , ce qui est négligeable. Par ailleurs, cet impact conjoncturel sur le PIB ne serait, par définition, pas durable, le PIB rejoignant ensuite progressivement son niveau potentiel.

B. UN IMPACT PEU SIGNIFICATIF SUR LA CROISSANCE POTENTIELLE

1. Des dépenses d'un montant raisonnable

Comme votre rapporteur général a récemment eu l'occasion de le souligner dans le rapport général 53 ( * ) sur le projet de loi de finances pour 2010, contrairement aux apparences, les sommes en jeu sont modestes.

Comme on l'a indiqué ci-avant, l'emprunt national aura essentiellement pour effet de susciter de l'ordre de 20 milliards d'euros (soit 1 point de PIB ) de dépenses publiques supplémentaires en 2010-2014 (soit environ 4 milliards d'euros - 0,2 point de PIB - par an ), à peu près également réparties entre subventions d'une part, prêts, avances remboursables et dotations en capital d'autre part.

Pour fixer un ordre de grandeur, la France consacre environ 1,3 point de PIB par an à ses universités, contre 2 points de PIB pour les pays scandinaves. Même s'il était entièrement concentré sur les universités, l'emprunt national serait donc loin de combler l'écart, d'autant plus qu'à compter de 2015 l'augmentation annuelle des moyens deviendra très modeste.

De même, les sommes en jeu sont très faibles par rapport aux dépenses de recherche et développement (R&D). Selon les dernières données d'Eurostat, les dépenses de R&D ont été en 2006 de 1,84 point de PIB dans l'Union européenne, et 2,09 points de PIB en France, mais plus de 3 points de PIB en Suède, en Finlande et au Japon (au demeurant en croissance quasiment nulle depuis le début des années 90).

Les dépenses de R&D en 2006

(en points de PIB)

Dépenses

UE-27

1,84

Suède

3,73

Finlande

3,45

Allemagne

2,53

Autriche

2,49

Danemark

2,43

France

2,09

Belgique

1,83

Royaume-Uni

1,78

Pays-Bas

1,67

Slovénie

1,59

République tchèque

1,54

Luxembourg

1,47

Irlande

1,32

Espagne

1,2

Estonie

1,14

Italie

1,09*

Hongrie

1

Portugal

0,83

Lituanie

0,8

Lettonie

0,7

Grèce

0,57

Pologne

0,56

Malte

0,54

Slovaquie

0,49

Bulgarie

0,48

Roumanie

0,45

Chypre

0,42

Autres Etats

Turquie

0,58

Croatie

0,87

Russie

1,07*

Chine

1,34*

Norvège

1,52

Etats-Unis

2,61

Islande

2,77*

Suisse

2,9**

Japon

3,32*

* 2005. ** 2004.

Source : Eurostat, « Science, technology and innovation in Europe », septembre 2009

Ainsi, du point de vue du progrès technique et de l'augmentation de la croissance potentielle, le crédit d'impôt recherche (CIR), qui présente l'intérêt de constituer un effort continu, représente vraisemblablement un enjeu plus important que le « grand emprunt ». Son coût annuel en « régime de croisière », qui devrait être de l'ordre de 4 milliards d'euros (soit 0,2 point de PIB), est équivalent aux dépenses financées annuellement par l'emprunt national en 2010-2014. De ce point de vue, il conviendra de suivre avec intérêt les travaux de notre collègue Christian Gaudin sur le CIR.

* 50 Certes, la commission du grand emprunt indique dans son rapport que « par effet de levier vis-à-vis des financements privés, locaux et européens, l'emprunt national devrait finalement correspondre à un investissement total de plus de 60 milliards d'euros ». En effet, « Les investissements proposés dans le cadre de projets partenariaux entre les opérateurs publics et le secteur privé et les interventions sous forme de prêts devraient avoir un effet de levier compris entre un et trois ». De fait, si l'on suppose qu'1 euro de financement public supplémentaire pour les « axes » (correspondant à une vingtaine de milliards d'euros de la part de l'Etat), pour lesquels le rapport prévoit explicitement des cofinancements, suscite 1,5 euro de financements supplémentaires, il faut ajouter 30 milliards d'euros aux 35 milliards d'euros du « grand emprunt ». Cependant, l'emprunt national n'aura pas comme effet d'accroître globalement les dépenses des collectivités territoriales, qui seront bien obligées de réduire d'autres dépenses. Par ailleurs, il n'est pas possible de compter deux fois les dépenses des entreprises : une fois en tant que dépenses supplémentaires, ensuite en tant que supplément de PIB.

* 51 Selon les estimations usuelles, dans le cas de la France, le « multiplicateur keynésien » est de l'ordre de 0,5 pour la dépense publique. Il est cependant proche de l'unité pour les dépenses d'investissement.

* 52 Il n'y aurait d'impulsion budgétaire qu'en 2010 (+5 milliards d'euros environ) et 2015 (-5 milliards d'euros environ). La croissance ne serait donc que très temporairement soutenue.

* 53 Rapport général n° 101 (2009-2010), 19 novembre 2009.

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