3. Le champ de l'interdiction est extrêmement vaste

La proposition de loi vise l'ensemble des plastiques alimentaires , c'est-à-dire à la fois les polycarbonates, d'autres formes de plastique contenant du BPA et les résines époxydes dont on a vu combien l'utilisation est fréquente dans la vie courante. De ce fait, il convient de se poser la question sur « l'après-interdiction ».

a) Quel produit pourrait remplacer à très court terme le BPA ?

Jusqu'en 2008, les biberons en plastique étaient très majoritairement fabriqués en polycarbonate, certains étant toutefois composés de polypropylène, matériau exempt de BPA. A la suite de la diffusion des études scientifiques mettant en cause le BPA comme perturbateur endocrinien, les industriels ont développé de nouvelles gammes de ces produits, soit en polyester sulfone, qui contient lui-même du Bisphénol S, soit en polyamide. En France, les pharmacies proposent désormais différents types de biberons, soit en verre, soit dans une forme de plastique qu'il est d'ailleurs difficile d'identifier.

D'autres plastiques pourraient également être utilisés plus largement dans le contact alimentaire, par exemple le polyéthylène, mais certains sont tout aussi douteux sur le plan sanitaire, comme le polychlorure de vinyle (PVC), qui peut parfois contenir des phtalates.

Pour autant, les process industriels ne permettent pas d'envisager une interdiction immédiate de tous les plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A, sauf à créer des troubles importants en termes d'approvisionnement du marché dont pâtiraient directement les consommateurs, notamment les moins aisés. Ce remplacement provoquerait une hausse, au moins conjoncturelle, des coûts de fabrication, entraînant un effet inflationniste non marginal, qui pèserait sur le pouvoir d'achat.

Enfin, l'éventuel remplacement des résines époxydes poserait des difficultés de même nature, sachant qu'elles protègent la qualité des aliments et des boissons, en empêchant la corrosion de la boîte et l'interaction avec le matériau utilisé extérieurement.

b) Les éventuels produits de substitution ont-ils été suffisamment évalués eux-mêmes ?

Il existe une grande variété de produits de substitution au BPA. Ceux déjà utilisés en contact alimentaire ont fait l'objet, comme le polycarbonate, d'autorisations de commercialisation dans des conditions d'emploi définies, notamment via des doses journalières tolérables. Or, l'exemple du BPA, présent depuis plus de quarante ans dans de nombreuses applications, illustre la difficulté à évaluer correctement l'innocuité d'un tel produit. Contrairement à l'amiante, dont des études anciennes montraient déjà les effets nocifs, le BPA n'est remis en cause que depuis peu.

Comment être certain que les produits de substitution potentiels ont été vérifiés de manière sérieuse, contradictoire et approfondie ? Le remède ne serait-il pas pire que le mal, à la fois en termes sanitaire et de compréhension du principe de précaution par la société ?

Le Réseau environnement santé conseille de « préférer, autant que possible, les contenants ou le stockage de la nourriture dans des matériaux en l'état actuel les plus sûrs : grès, verre, inox ou acier inoxydable, terre cuite, céramique » . Cette recommandation trouve rapidement ses limites.

c) L'interdiction totale répond-elle aux données des dernières études scientifiques ?

On peut légitimement estimer que l'interdiction de tous les plastiques alimentaires contenant du BPA ne correspond pas aux conclusions des dernières études scientifiques, même celles encore en débat.

En effet, celles-ci soulignent l'importance, dans les sociétés contemporaines, d'un ensemble de produits - les perturbateurs endocriniens - auxquels les êtres humains sont confrontés de manière quasi permanente dans la vie quotidienne. Ces sources d'exposition multiples expliquent par exemple qu'une étude américaine, dont la méthodologie est parfois contestée, a révélé que pour 92 % des 2 500 personnes testées, du BPA a été trouvé dans les urines.

Qui plus est, ces études mettent en avant un risque potentiel accru lorsque le plastique contenant du BPA est intensément chauffé : dans ce cas, on considère que le risque de migration de BPA vers l'aliment est plus élevé. Cette analyse tend à limiter les produits concernés.

Par ailleurs, la population adulte semble moins sensible aux perturbateurs endocriniens car son système hormonal est totalement développé. La FDA cible ainsi précisément les bébés comme population fragile, car leurs systèmes neurologique et endocrinien sont en développement et leur système hépatique, qui permet une détoxification et une élimination des substances telles que le BPA, est immature. A cet égard, certaines études évoquent une contamination in utero au travers de la barrière placentaire ; les femmes enceintes peuvent donc également constituer une population à surveiller.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page