B. POUR UNE APPLICATION RAISONNÉE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION

1. Remplacer les biberons contenant du BPA

Une réponse cohérente et pragmatique aux études scientifiques sur les effets du BPA réside dans le remplacement des biberons contenant ce produit. En effet, les bébés et nourrissons semblent particulièrement sensibles aux perturbateurs endocriniens et le biberon est usuellement chauffé.

Depuis environ deux ans, les industriels proposent de nouvelles gammes de biberons, en verre ou dans d'autres plastiques que le polycarbonate. Le remplacement semble donc possible industriellement à court terme .

Il sera cependant nécessaire de veiller à l'approvisionnement correct du marché , car il ne s'agirait pas, par une suspension soudaine de certains produits, que les parents ne puissent plus trouver de biberons dans les pharmacies et supermarchés. En outre, les prix ne devront pas être augmentés dans des proportions excessives à cette occasion : alors que les frais entraînés par une naissance sont déjà très élevés, il ne faudrait pas que l'application du principe de précaution pèse exagérément sur les ménages les plus modestes.

2. Prendre des mesures complémentaires en vue d'une politique globale cohérente

L'interdiction, la suspension ou le remplacement de certains produits ne constituent pas une réponse suffisante au risque que présentent la dissémination du BPA et les perturbateurs endocriniens. La politique publique doit être globale pour répondre de manière satisfaisante aux multiples sources d'exposition ; elle pourrait s'articuler autour de trois volets.

-  Le dialogue avec les industriels et le développement de la recherche pour mieux évaluer les effets des produits et trouver d'éventuels substituts

En novembre 2009, le gouvernement canadien a demandé aux industriels de « mettre à jour » les stratégies mises en oeuvre par les fabricants d'emballage alimentaire et de préparations pour nourrissons en vue de réduire les concentrations de BPA dans les préparations liquides en conserve qui leur sont destinés. Il a évoqué également la conception d'un « code d'usages » respectant le principe de l'Alara (concentration la plus faible qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre).

La même recommandation se trouve dans l'avis précédemment cité de la FDA de janvier 2010 (soutenir les actions des industriels, faciliter le développement d'alternatives...).

Il est en effet essentiel que les gouvernements, les agences sanitaires, les organismes de recherche concernés et les industriels travaillent ensemble , d'une part, pour améliorer les procédures d'évaluation des produits en contact avec les aliments, d'autre part, pour développer des substances de substitution aux effets potentiellement nocifs plus limités.

-  L'amélioration de l'étiquetage des produits de consommation courante

Le cadre juridique relatif à l'étiquetage des produits s'est largement développé dans le monde ces dernières années. La réglementation européenne est particulièrement riche en la matière ; elle concerne :

- les produits non alimentaires (produits cosmétiques, détergents, efficacité énergétique, textiles, substances et préparations dangereuses...) ;

- les produits alimentaires (qualité liée à l'origine, à la méthode d'élaboration ou de production, organismes génétiquement modifiés, allergènes, aliments pour nourrissons et enfants en bas âge, aliments diététiques, compléments alimentaires, adjonction de vitamines ou de minéraux, dérivés du lait, boissons, sucreries, miel ou encore produits ajoutés pour améliorer les conditions organoleptiques des aliments) ;

- les emballages et récipients destinés aux aliments, notamment les plastiques, la céramique, la cellulose et les matériaux dits actifs ou intelligents.

De nombreux consommateurs, voire des professionnels (comme les pharmaciens au sujet des biberons), regrettent toutefois la lisibilité médiocre des informations fournies. Dans ces conditions, l'amélioration de la qualité de l'étiquetage est un moyen de renforcer la transparence et le sentiment de sécurité des consommateurs . Pour autant, un étiquetage propre au BPA pourrait se révéler clairement contreproductif : d'une part, ce produit est loin d'être le seul perturbateur endocrinien qui devrait alors être concerné, d'autre part, seules quelques conditions d'usage (chauffage intense) sont aujourd'hui mises particulièrement en avant. En revanche, la meilleure identification et traçabilité de l'ensemble des perturbateurs endocriniens apparaît importante en termes sanitaires .

-  La communication de « bonnes pratiques » d'utilisation des produits de consommation courante

Face à l'impossibilité de se priver d'un certain nombre de produits ou molécules, leur bonne utilisation, dans des conditions correctes d'emploi, est indispensable pour diminuer les risques potentiels d'effets nuisibles. Cette orientation est trop peu usuelle en France, contrairement aux traditions anglo-saxonnes qui privilégient plus aisément la transparence et la communication.

De plus, les autorités publiques doivent réfléchir à de meilleurs moyens de rassurer la population, car - on l'a vu sur la question des antennes relais - c'est parfois plus l'appréhension sociale qui entraîne un trouble que l'objet ou le produit lui-même.

Dans ces conditions, des campagnes d'information devraient être organisées, à la fois générales sur des supports larges de communication, mais aussi ciblées pour chaque type de difficulté rencontrée : par exemple, des informations précises, synthétiques mais complètes, pourraient être destinées spécifiquement aux pédiatres et aux pharmaciens, lorsque le risque peut concerner particulièrement les bébés et les nourrissons.

En outre, un site internet public dédié au Bisphénol A ou aux perturbateurs endocriniens dans leur ensemble permettrait aux consommateurs de s'informer dans des conditions objectives et sereines. Les institutions de l'Union européenne sont friandes de ces « bonnes pratiques », dont elles ont de temps à autre abusé pour éviter de traiter directement un problème ; pour autant, il s'agit d'une des réponses à apporter à un problème de consommation et de confiance.

On l'a vu, le Canada a développé des pages internet documentées sur le BPA ; leur aspect n'est pas très « grand public » mais le site fournit des informations nombreuses.

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