B. LES CAUSES DE LA CRISE GRECQUE

Un risque de défaut de la Grèce est fréquemment évoqué, en particulier depuis l'annonce en octobre 2008 par la BCE de son intention de mettre fin début 2011 à l'assouplissement des conditions d'éligibilité des titres d'Etat pris en collatéral dans le cadre de ses opérations de refinancement 15 ( * ) . Cependant le 25 mars 2010, M. Jean-Claude Trichet, président du conseil des gouverneurs de la BCE, a déclaré que les règles actuelles continueraient de s'appliquer en 2011.

Le véritable danger auquel la Grèce est confrontée est celui d'un effet « boule de neige », c'est-à-dire d'une augmentation exponentielle de sa dette qui résulterait de son incapacité à compenser l'augmentation de sa charge de la dette par une diminution de son déficit primaire.

Schématiquement, la situation est la suivante.

1. Avec la chute de sa croissance, le déficit de la Grèce ne permet plus la stabilisation de sa dette

Pour des niveaux de dette et de croissance du PIB donnés, il existe un niveau de déficit total (charge d'intérêts comprise) qui permet de stabiliser la dette exprimée en points de PIB. Ce déficit est dit « déficit stabilisant ». Ce phénomène a priori peu intuitif résulte de deux mécanismes jouant en sens inverse : d'une part, la croissance du PIB tend à faire diminuer la dette en points de PIB ; d'autre part, un déficit public donné augmente la dette d'un montant équivalent 16 ( * ) . A titre illustratif, le tableau des pages suivantes indique les soldes stabilisants pour différents niveaux de dette et de croissance du PIB 17 ( * ) .

On observe ainsi que pour un Etat dont la dette publique est de 100 points de PIB, le déficit stabilisant est égal à la croissance du PIB en valeur.

Ainsi, un Etat dont la dette publique est de 100 points de PIB et la croissance du PIB de 7 % en valeur peut avoir un déficit de 7 points de PIB sans que sa dette publique, exprimée en points de PIB, n'augmente. Ce cas de figure correspondait à peu près à la situation de la Grèce depuis le début des années 2000 (qui avait un déficit de plus de 5 points de PIB et dont la croissance du PIB était de l'ordre de 4 % en volume et 7 % en valeur).

La situation s'est brutalement dégradée en 2009, avec un déficit actuellement estimé à 13,6 points de PIB. Comme le montre le tableau ci-après, avec une croissance en valeur de 7 % par an un déficit aussi élevé le ratio dette/PIB se stabilise au montant très élevé de 195 points de PIB. Si par ailleurs on considère que la croissance du PIB grec ne sera plus à moyen terme de l'ordre de 7 % en valeur chaque année, mais plutôt d'environ 3 % (cf. ci-après), ce déficit stabilise la dette à 450 points de PIB, niveau qui ne serait évidemment pas soutenable.

Ces éléments suffisent à expliquer l'inquiétude des marchés : la situation des finances publiques grecques était soutenable avec un déficit d'un peu plus de 5 points de PIB et une croissance en valeur de 7 % par an, mais elle ne l'est plus avec un déficit de 13,6 points de PIB et une croissance nominale qui sera nettement plus faible que par le passé.

Le solde stabilisant correspondant à différents niveaux d'endettement et de croissance du PIB

(en points de PIB)

Dette

Croissance du PIB en valeur de 2 %

Croissance du PIB en valeur de 3 %

Croissance du PIB en valeur de 4 %

Croissance du PIB en valeur de 5 %

Croissance du PIB en valeur de 6 %

Croissance du PIB en valeur de 7 %

60

-1,2

-1,8

-2,4

-3,0

-3,6

-4,2

65

-1,3

-2,0

-2,6

-3,3

-3,9

-4,6

70

-1,4

-2,1

-2,8

-3,5

-4,2

-4,9

75

-1,5

-2,3

-3,0

-3,8

-4,5

-5,3

80

-1,6

-2,4

-3,2

-4,0

-4,8

-5,6

85

-1,7

-2,6

-3,4

-4,3

-5,1

-6,0

90

-1,8

-2,7

-3,6

-4,5

-5,4

-6,3

95

-1,9

-2,9

-3,8

-4,8

-5,7

-6,7

100

-2,0

-3,0

-4,0

-5,0

-6,0

-7,0

105

-2,1

-3,2

-4,2

-5,3

-6,3

-7,4

110

-2,2

-3,3

-4,4

-5,5

-6,6

-7,7

115

-2,3

-3,5

-4,6

-5,8

-6,9

-8,1

120

-2,4

-3,6

-4,8

-6,0

-7,2

-8,4

125

-2,5

-3,8

-5,0

-6,3

-7,5

-8,8

130

-2,6

-3,9

-5,2

-6,5

-7,8

-9,1

135

-2,7

-4,1

-5,4

-6,8

-8,1

-9,5

140

-2,8

-4,2

-5,6

-7,0

-8,4

-9,8

145

-2,9

-4,4

-5,8

-7,3

-8,7

-10,2

150

-3,0

-4,5

-6,0

-7,5

-9,0

-10,5

155

-3,1

-4,7

-6,2

-7,8

-9,3

-10,9

160

-3,2

-4,8

-6,4

-8,0

-9,6

-11,2

165

-3,3

-5,0

-6,6

-8,3

-9,9

-11,6

170

-3,4

-5,1

-6,8

-8,5

-10,2

-11,9

175

-3,5

-5,3

-7,0

-8,8

-10,5

-12,3

180

-3,6

-5,4

-7,2

-9,0

-10,8

-12,6

185

-3,7

-5,6

-7,4

-9,3

-11,1

-13,0

190

-3,8

-5,7

-7,6

-9,5

-11,4

-13,3

195

-3,9

-5,9

-7,8

-9,8

-11,7

-13,7

200

-4,0

-6,0

-8,0

-10,0

-12,0

-14,0

205

-4,1

-6,2

-8,2

-10,3

-12,3

-14,4

210

-4,2

-6,3

-8,4

-10,5

-12,6

-14,7

215

-4,3

-6,5

-8,6

-10,8

-12,9

-15,1

220

-4,4

-6,6

-8,8

-11,0

-13,2

-15,4

225

-4,5

-6,8

-9,0

-11,3

-13,5

-15,8

230

-4,6

-6,9

-9,2

-11,5

-13,8

-16,1

235

-4,7

-7,1

-9,4

-11,8

-14,1

-16,5

240

-4,8

-7,2

-9,6

-12,0

-14,4

-16,8

245

-4,9

-7,4

-9,8

-12,3

-14,7

-17,2

250

-5,0

-7,5

-10,0

-12,5

-15,0

-17,5

255

-5,1

-7,7

-10,2

-12,8

-15,3

-17,9

260

-5,2

-7,8

-10,4

-13,0

-15,6

-18,2

265

-5,3

-8,0

-10,6

-13,3

-15,9

-18,6

270

-5,4

-8,1

-10,8

-13,5

-16,2

-18,9

275

-5,5

-8,3

-11,0

-13,8

-16,5

-19,3

280

-5,6

-8,4

-11,2

-14,0

-16,8

-19,6

285

-5,7

-8,6

-11,4

-14,3

-17,1

-20,0

290

-5,8

-8,7

-11,6

-14,5

-17,4

-20,3

295

-5,9

-8,9

-11,8

-14,8

-17,7

-20,7

300

-6,0

-9,0

-12,0

-15,0

-18,0

-21,0

305

-6,1

-9,2

-12,2

-15,3

-18,3

-21,4

310

-6,2

-9,3

-12,4

-15,5

-18,6

-21,7

315

-6,3

-9,5

-12,6

-15,8

-18,9

-22,1

320

-6,4

-9,6

-12,8

-16,0

-19,2

-22,4

325

-6,5

-9,8

-13,0

-16,3

-19,5

-22,8

330

-6,6

-9,9

-13,2

-16,5

-19,8

-23,1

335

-6,7

-10,1

-13,4

-16,8

-20,1

-23,5

340

-6,8

-10,2

-13,6

-17,0

-20,4

-23,8

345

-6,9

-10,4

-13,8

-17,3

-20,7

-24,2

350

-7,0

-10,5

-14,0

-17,5

-21,0

-24,5

355

-7,1

-10,7

-14,2

-17,8

-21,3

-24,9

Source : calculs de la commission des finances

* 15 Si la BCE accepte actuellement des actifs dont la notation se situe à BBB-, à compter de janvier 2011 ce seuil devait être remonté au niveau A-.

* 16 Le déficit stabilisant se définit donc par la formule : déficit stabilisant en points de PIB =  dette publique de l'année antérieure (en points de PIB) * croissance du PIB en valeur (en %)/100.

* 17 Ce tableau montre notamment qu'avec une dette de 60 points de PIB et une croissance en valeur de 5 points de PIB, le déficit stabilisant est de 3 points de PIB. C'est notamment pour cette raison que la dette et le déficit maximaux fixés par le pacte de stabilité sont de respectivement 60 et 3 points de PIB.

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