N° 504

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE ENGAGÉE),

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

446 et 505 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Ce projet de loi, comme l'indique son intitulé, complète les dispositions de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale. Il vise à résoudre une question qui, à l'époque, avait été laissée en suspens : celle de la mesure de l'audience syndicale dans les très petites entreprises (TPE).

La loi de 2008 a profondément réformé les critères de la représentativité syndicale. Elle a remplacé le système mis en place en 1962, largement fondé sur une présomption de représentativité, par un nouveau dispositif, plus démocratique, reposant sur la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises.

Dans celles qui emploient au moins onze salariés, ce sont les résultats obtenus par les organisations syndicales au premier tour de l'élection des représentants du personnel qui sont pris en compte pour apprécier leur audience. Il reste à définir les modalités de la mesure de l'audience dans les entreprises dont les effectifs sont inférieurs à ce seuil, dans la mesure où celles-ci ne sont pas tenues, par la loi, d'organiser de telles élections.

S'inspirant des propositions formulées par les partenaires sociaux, le projet de loi prévoit d'organiser une élection sur sigle permettant aux salariés des TPE d'indiquer à quelle organisation syndicale ils souhaitent apporter leur soutien. En outre, des commissions paritaires pour les TPE pourront être créées, par voie d'accord collectif, pour apporter une aide au dialogue social et veiller à l'application des accords collectifs.

Ce dispositif permettra de parachever et de consolider la réforme adoptée en 2008. Il garantira que chaque salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise dans laquelle il travaille, puisse faire entendre sa voix au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales. A défaut, c'est la constitutionnalité de tout le système de mesure de l'audience syndicale qui pourrait être mise en péril, compte tenu de l'atteinte qui serait alors portée au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

Le Gouvernement a veillé à concevoir un dispositif qui fasse peser le minimum de contraintes sur les TPE, afin de ne pas les fragiliser davantage alors qu'elles ont déjà été durement affectées par la crise. C'est surtout dans les TPE que seront créés les emplois de demain et il faut donc se garder de toute mesure qui entraverait leur développement futur.

Le projet de loi propose également de reporter la date des prochaines élections prud'homales et de proroger, jusqu'au 31 décembre 2015 au plus tard, le mandat des actuels conseillers prud'hommes. Ce délai permettra de préparer, dans de bonnes conditions, une réforme du mode de désignation des conseillers prud'hommes afin de remédier à la désaffection croissante des salariés pour ce scrutin.

Ce projet de loi se situe à un point d'équilibre entre les demandes formulées par les organisations patronales et syndicales et il constitue une nouvelle étape dans la refondation de la démocratie sociale. En conséquence, même si elle déplore la brièveté du délai qui lui a été imparti pour son examen, votre commission vous propose de l'adopter afin que les salariés des TPE puissent prendre toute leur part à la rénovation en cours.

I. UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE

Ce texte, qui est la suite logique de la réforme de la représentativité syndicale adoptée en 2008, propose une solution de compromis entre les demandes divergentes exprimées par les partenaires sociaux.

A. UNE CONSÉQUENCE DE LA RÉFORME DE LA REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail 1 ( * ) a profondément modifié les règles de représentativité syndicale.

1. Un critère principal : l'audience

Depuis 1962, la représentativité des cinq grandes organisations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) est présumée en vertu d'un arrêté ministériel. A l'issue d'une période de transition, qui devrait s'achever au plus tard en 2013, la représentativité syndicale sera appréciée à l'aune d'un critère principal : l'audience , mesurée grâce aux résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises (élections des délégués du personnel ou des représentants des salariés au comité d'entreprise).

Pour être considéré comme représentatif dans une entreprise ou un établissement, un syndicat devra avoir recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés . Pour être représentatif au niveau d'une branche professionnelle ou au niveau national et interprofessionnel, il devra avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés et disposer d'une implantation équilibrée à l'échelon considéré.

La représentativité a des conséquences pratiques importantes puisque seuls les syndicats représentatifs peuvent désigner des délégués syndicaux dans les entreprises et négocier des accords collectifs.

La mesure de l'audience syndicale soulève cependant une difficulté dans les très petites entreprises (TPE), c'est-à-dire celles qui comptent moins de onze salariés. Ces entreprises, en effet, ne sont soumises à aucune obligation d'organiser des élections professionnelles : l'élection de délégués du personnel est impérative dans les entreprises qui emploient au moins onze salariés et la constitution d'un comité d'entreprise n'est obligatoire qu'à partir de cinquante salariés.

2. Une exigence constitutionnelle et politique

Ce problème étant posé, pourrait-on se satisfaire d'un dispositif qui laisserait de côté les quatre millions de salariés employés dans les TPE ? Pour votre commission, une telle option ne paraît pas acceptable, tant pour des raisons juridiques que politiques.

Pour obtenir un éclairage juridique, le ministre du travail a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis relative à la mesure de la représentativité syndicale dans les TPE. Des extraits de cet avis, remis le 29 avril 2010, figurent dans l'étude d'impact annexée au projet de loi. Il en ressort que :

- on ne peut exclure les salariés des TPE de la mesure de l'audience syndicale sans méconnaître le principe de participation inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité ; ce principe se déduit de l'alinéa qui dispose que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ;

- une telle exclusion serait également contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

En conséquence, la réforme de la représentativité syndicale dans son ensemble serait grandement fragilisée, sur le plan juridique, si une solution n'était pas trouvée pour prendre en compte les salariés des TPE avant la fin de la période de transition.

Sur un terrain plus politique, votre commission estime qu'il serait injustifiable de laisser à l'écart de la mesure de la représentativité syndicale quatre millions de salariés, soit un salarié du privé sur quatre. Une telle option serait contraire au principe d'universalité du suffrage, qui est l'un des piliers de notre droit électoral en matière politique. Elle affaiblirait, en outre, la légitimité des organisations syndicales, surtout dans les branches où la majorité des salariés sont employés dans des TPE (par exemple les fleuristes, cabinets d'avocats, pharmacies d'officine, le commerce de détail de l'habillement, les concierges et gardiens d'immeubles, architectes, cabinets vétérinaires, coiffeurs, etc.). Elle irait donc à l'encontre des efforts entrepris, depuis plusieurs années, pour renforcer le rôle des partenaires sociaux et la place de la négociation collective dans l'élaboration du droit social.

* 1 Cf. le rapport Sénat n° 470 (2007-2008) fait par Alain Gournac au nom de la commission des affaires sociales.

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