B. UN LARGE CONSENSUS SUR LES DÉFAUTS DE LA CIRCONSCRIPTION UNIQUE

De 1979 à 2004, les élections européennes se déroulaient, en France, dans une circonscription unique constituée par l'intégralité du territoire de la République, conformément à la loi précitée du 7 juillet 1977, ce choix découlant largement des analyses juridiques du Conseil constitutionnel.

Le contexte politique de la fin des années 1970 se caractérisait, en effet, par de fortes réticences sur le principe d'une élection du Parlement européen au suffrage universel direct, poussant le Président de la République à soumettre l'Acte du 20 septembre 1976 au Conseil constitutionnel .

À cette occasion, tout en déclarant l'Acte conforme à la Constitution, le Conseil avait estimé que « les termes de `procédure électorale uniforme' ne sauraient être interprétés comme pouvant permettre qu'il soit porté atteinte [au] principe [d'indivisibilité de la République] » 9 ( * ) . Cette précision avait été interprétée, à tort, comme imposant la mise en place d'une circonscription électorale unique.

En tout état de cause, les défauts de cette circonscription unique sont rapidement apparus. À cet égard, notre collègue Patrice Gélard soulignait, dans son rapport sur la loi du 11 avril 2003 10 ( * ) , que ce système :

- instaurait « une trop grande distance entre le député européen et les électeurs » ; en témoignaient, par exemple, le faible nombre de permanences électorales ouvertes en France et la surreprésentation des élus parisiens ;

- empêchait l'électeur d'exercer un réel contrôle sur l'action de son représentant ;

- nationalisait les élections européennes , qui s'apparentaient à une consultation référendaire à l'occasion de laquelle les électeurs pouvaient être « tentés d'exprimer un `vote d'humeur' sur la politique du gouvernement en place » plutôt que de se prononcer sur les enjeux européens ;

- était l'un des facteurs explicatifs de l'augmentation continue du taux d'abstention électorale , celui-ci se maintenant à un niveau sensiblement supérieur à la moyenne de l'Union européenne 11 ( * ) .

Dès lors, les années 1990 ont vu se succéder de nombreux projets de réforme, portés par l'ensemble des gouvernements successifs quel que soit leur bord politique. Ainsi, dès 1993, M. Édouard Balladur, Premier ministre, envisage la régionalisation des élections européennes : cet engagement, pris dans le cadre de sa déclaration de politique générale, fut abandonné devant l'hostilité d'une large partie de la majorité de l'époque. En 1997, M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, mène, à la demande du Premier ministre Alain Juppé, une mission d'information qui se prononce en faveur de la création de grandes circonscriptions regroupant plusieurs régions. Cette proposition est ensuite reprise par le gouvernement de M. Lionel Jospin, avec l'approbation du Président de la République : un projet de loi est ainsi adopté en Conseil des ministres en juin 1998, avant d'être finalement retiré en juillet.

Bien qu'aucun de ces projets n'ait abouti, leur récurrence démontre l'existence d'un véritable consensus, qui sera concrétisé par la loi du 11 avril 2003.

* 9 Décision n° 76-71 DC du 30 décembre 1976.

* 10 Rapport n° 192 (2002-2003) fait au nom de la commission des lois, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l02-192/l02-192.html

* 11 Voir tableau en annexe.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page