C. AUDITION DE MM. JEAN-FRANÇOIS CASABONNE-MASONNAVE, PAUL-BERTRAND BARETS ET GRÉGOIRE MASNOU, REPRÉSENTANTS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES

Enfin, la commission a entendu MM. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire à la direction des Français à l'étranger et de l'administration générale, Paul-Bertrand Barets, sous-directeur des affaires économiques internationales à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats et Grégoire Masnou, adjoint au sous-directeur des accords et traités à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et européennes .

M. Jean Arthuis , président, a expliqué à titre liminaire que, dans une période où le Parlement est invité à autoriser la ratification de nombreuses conventions fiscales, la commission des finances souhaite comprendre les conditions de l'élaboration de ces textes et s'assurer de l'effectivité de leur application. Dans cette optique, il a souhaité que les intervenants, d'une part, précisent le rôle du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) dans ce processus et, d'autre part, indiquent les raisons du délai souvent long séparant la signature des conventions de leur ratification.

M. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire à la direction des Français à l'étranger et de l'administration générale du ministère des affaires étrangères et européennes , a tout d'abord décrit le contexte dans lequel sont actuellement signées de nombreuses conventions fiscales. Jusqu'à une époque récente, la lutte contre les paradis fiscaux n'allait pas de soi, mais un consensus international est apparu sur ce sujet au cours des dix-huit derniers mois.

En outre, il a souligné l'hétérogénéité des situations des pays partenaires, certains ne disposant même pas de législation et d'administration fiscales, ce qui rend difficile la recherche des interlocuteurs pertinents.

M. Paul-Bertrand Barets, sous-directeur des affaires économiques internationales à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes , a souligné l'importance des enceintes multilatérale, dans lesquelles la France est très active, en matière de lutte contre le secret bancaire. Ainsi, dans une déclaration émise lors de leur réunion à Toyako, en juillet 2008, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G8 ont incité « tous les pays qui n'ont pas encore instauré intégralement les normes de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) en matière de transparence et de partage efficace des renseignements dans le domaine fiscal à le faire sans plus tarder » et encouragé « l'OCDE à intensifier ses travaux en matière de fraude fiscale », tout en demandant à cette organisation de leur présenter un rapport en 2010. Le MAEE a d'ailleurs proposé que la France adopte une position ambitieuse dès le début des préparatifs de ce sommet, à l'automne 2007, à un moment où notre pays était encore assez isolé sur cette question.

Il a déclaré que, à la suite du G8 de Toyako, dans un contexte marqué par la crise financière et par la mise au jour de plusieurs scandales d'évasion fiscale, Bercy a pris le relais de manière efficace. Ainsi, M. Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et M. Peer Steinbrück, alors ministre des finances de la République fédérale d'Allemagne, ont lancé, à l'automne 2008, au sein de l'OCDE, une initiative conjointe en vue de lutter contre les paradis fiscaux.

M. Paul-Bertrand Barets a estimé que la réunion du G20 à Londres, en avril 2009, a constitué une étape décisive, les dirigeants affirmant clairement, dans leur communiqué final, que « l'ère du secret bancaire est terminée ». Puis, lors du sommet de Pittsburgh, en septembre 2009, un processus de « revue par les pairs » a été avalisé par les dirigeants du G20 afin d'assurer l'effectivité du changement de comportement des juridictions non coopératives. Cette impulsion politique devrait se manifester de nouveau à l'occasion des prochaines réunions du G8 et du G20.

S'agissant de l'élaboration des conventions fiscales signées par la France, M. Jean-François Casabonne-Masonnave a indiqué que le rôle du MAEE est limité. Par ailleurs, il a reconnu qu'il n'existe pas de motif satisfaisant justifiant la lenteur du processus de ratification. Il est vrai, cependant, que jusqu'à un passé récent, ces textes ne figuraient pas parmi les premières priorités gouvernementales, alors même que la ratification des traités constitue une tâche « lourde et permanente » pour le MAEE.

En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis , président , M. Jean-François Casabonne-Masonnave a précisé que la négociation de ces conventions est menée par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Pour sa part, la direction des affaires juridiques du MAEE effectue des tâches de vérification du respect du droit et de mise en forme de l'accord.

M. Grégoire Masnou, adjoint au sous-directeur des accords et traités à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et européennes , a ajouté que sa direction intervient :

- d'une part, pour avis, sur le projet d'accord, afin d'anticiper son passage devant le Conseil d'Etat ;

- d'autre part, pour effectuer le suivi de ces traités de leur « naissance » à leur publication, voire, le cas échéant, jusqu'à leur dénonciation ou à leur abrogation.

Il a relevé que le processus de ratification des accords signés au début de l'année 2009 a été lancé dans le nouveau contexte créé par la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V ème République (n° 2008-724 du 23 juillet 2008), qui impose notamment l'élaboration d'une étude d'impact pour les textes soumis au Parlement. Cette procédure, qui s'applique également aux projets tendant à autoriser la ratification des traités internationaux, a entraîné un retard qui ne devrait pas se reproduire à l'avenir. De plus, le secrétariat général du Gouvernement s'attache à réduire les délais de consultation interministérielle de ces textes. Il pourrait également être envisagé de s'inspirer des pratiques de pays, comme le Royaume-Uni, qui disposent d'une procédure de ratification implicite par le Parlement, l'autorisation de ratifier étant supposée acquise à défaut d'inscription dans un certain délai.

M. Jean-François Casabonne-Masonnave a ajouté que les dix-huit projets actuellement en cours de navette parlementaire devraient être suivis, d'une part, par deux conventions récemment signées avec l'Uruguay et le Vanuatu et, d'autre part, par une série d'accords avec les Etats ou territoires figurant dans l'arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts, dont au moins une dizaine devraient être signés cette année.

M. Jean Arthuis , président , a souhaité connaître l'évolution du processus de ratification de la convention signée avec la Confédération helvétique.

M. Jean-François Casabonne-Masonnave a fait valoir que ce dossier est principalement piloté par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le MAEE ne disposant, pour sa part, que des informations que lui fait remonter l'ambassadeur de France en Suisse. A cet égard, il a observé que les ambassadeurs peuvent contribuer à replacer la conclusion des conventions fiscales dans le cadre général des relations de la France avec les Etats étrangers et attirer l'attention de l'ensemble des administrations sur la nécessité d'être attentif à la manière dont sont présentés ces dossiers. S'agissant de la Suisse, il a estimé que la suite du processus dépend de la constance de la volonté politique manifestée par la France.

M. Adrien Gouteyron , rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » , s'est interrogé sur le rôle des postes diplomatiques dans la phase de négociation des conventions.

M. Jean-François Casabonne-Masonnave a expliqué que l'ambassade intervient « par exception » sur ces sujets, lorsqu'une difficulté particulière survient. De même, lorsque les autorités d'un pays constatent sa présence sur la liste française des Etats ou territoires non coopératifs, c'est l'ambassadeur de France accrédité auprès d'elles qu'elles convoquent afin d'obtenir des explications.

Puis, en réponse à une question formulée par M. Adrien Gouteyron , il a jugé difficile d'établir un pronostic sur la date de révision éventuelle des conventions actuellement soumises au Parlement. A priori, ces textes ont vocation à fournir un cadre pour les moyen et long termes mais la vérification du caractère effectif de la coopération des pays partenaires sera déterminante.

M. Adrien Gouteyron , s'est enfin interrogé sur les conséquences d'un refus, par le Parlement, d'autoriser la ratification d'une telle convention, M. Jean Arthuis , président , se demandant si un tel refus ne pourrait pas constituer un signal politique fort à l'adresse de certains pays.

M. Jean-François Casabonne-Masonnave a considéré que toute décision du Parlement a, par définition, une portée politique.

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