II. UNE PROPOSITION DE LOI CONJUGUANT ÉDUCATION ET SANCTION, QUI DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE MOBILISATION DE LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE

A. LA SUSPENSION DES ALLOCATIONS FAMILIALES COMME INSTRUMENT DE DISSUASION AU SERVICE DE L'ÉDUCATION PARENTALE

1. Les principes fondamentaux de la lutte contre l'absentéisme : le pragmatisme, l'aide à la parentalité et l'ouverture de l'école

La complexité intrinsèque du phénomène d'absentéisme rend illusoire l'espoir de le traiter une bonne fois pour toutes par le biais d'un unique dispositif. Pour tenir compte de la pluralité des causes qui peuvent lui être reconnues et agir sur l'ensemble de ces facteurs, c'est plutôt une politique cohérente et globale qui doit être menée, sans qu'il faille espérer trouver la panacée dans une mesure isolée.

Il paraît nécessaire d'agir simultanément sur les parents, sur l'école et sur l'environnement urbain en conjuguant les instruments de la politique familiale, de l'éducation nationale et de la politique de la ville. La proposition de loi, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, tendant à lutter contre l'absentéisme scolaire, insiste sur le premier volet : la politique familiale. Elle fait de la responsabilisation et de l'accompagnement des parents, qui sont les premiers éducateurs de leur enfant, un élément clef de la lutte contre l'absentéisme.

Cette proposition de loi reprend l'ancien régime de suspension des allocations pour manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, en vigueur entre 1966 et 2004, dont la suppression était sans doute prématurée et coïncidait avec une stabilisation de l'absentéisme. Le texte s'inscrit donc largement dans la continuité du droit français, qui, depuis l'ordonnance du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire, prévoyait un double mécanisme de sanctions pénales et administratives .

Pour tirer pleinement le bénéfice du dispositif, votre commission a la conviction qu'il faudra :

- l'appliquer avec pragmatisme et discernement pour tenir compte de la singularité de chaque cas ;

- insister sur la visée éducative de la sanction , qui doit être plus dissuasive que punitive et favoriser l'entrée dans un processus d' accompagnement des parents ;

- ouvrir véritablement l'école à l'ensemble des acteurs de la communauté éducative , aux parents d'élèves au premier chef, mais aussi aux élus locaux et au monde socioprofessionnel.

2. Une conjugaison légitime et efficace de sanction et d'accompagnement des parents

La proposition de loi prévoit un régime gradué de suspension partielle des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes. Après quatre demi-journées d'absence non justifiée sur un mois, l'inspecteur d'académie, saisi par le chef d'établissement, adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant. Dans le souci de gagner en valeur pédagogique et de proposer une aide aux familles, l'avertissement devra comporter une information sur les dispositifs d'accompagnement parental auxquels les parents peuvent prétendre. Parallèlement à l'avertissement, l'inspecteur saisit le président du conseil général pour qu'il puisse proposer aux familles un contrat de responsabilité parentale ou toute autre mesure d'accompagnement parental pertinente.

La suspension partielle des allocations n'interviendra qu'après le constat de l'inefficacité de l'avertissement. Dans le cas où l'élève manque de nouveau quatre demi-journées de classe sur un mois, malgré son avertissement, l'inspecteur d'académie doit mettre par tout moyen les personnes responsables de l'enfant en mesure de se justifier. En l'absence de tout motif légitime 6 ( * ) d'absence et de toute excuse valable, l'inspecteur d'académie saisit alors la caisse d'allocations familiales (CAF) en vue de la suspension de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause.

Une large liberté d'appréciation est laissée aux chefs d'établissement et aux inspecteurs d'académie pour faire face à la complexité des situations individuelles et éviter une application mécanique et désincarnée du texte. La notion d'excuse valable permet une régularisation souple des situations.

En revanche, la compétence des CAF est liée, si bien qu'elles devront obligatoirement suspendre les versements à la demande de l'inspecteur. Le texte leur fait aussi obligation d'informer les parents des dispositifs d'accompagnement parental auxquels ils peuvent recourir. Cette information vient compléter utilement les démarches de l'inspecteur d'académie et du président du conseil général. En effet, les CAF, qui sont d'importants financeurs d'actions à destination des familles, pourront notamment les aiguiller vers les centres locaux d'accompagnement ou les réseaux d'écoute, d'aide et d'appui à la parentalité (REAAP). Ces lieux où s'organisent des groupes de paroles permettent aux parents d'échanger avec d'autres qui connaissent les mêmes difficultés afin de reprendre pied et retrouver confiance en leur capacité d'assumer pleinement leur rôle dans leur famille .

Après la suspension, deux cas peuvent se présenter :

- soit l'élève redevient assidu après la suspension des allocations et le versement est rétabli pleinement et rétroactivement ;

- soit l'élève demeure absent sans justification pendant quatre nouvelles demi-journées sur le mois et les allocations suspendues sont supprimées.

La suppression ne peut intervenir qu'après que les personnes responsables de l'enfant ont eu une nouvelle possibilité de présenter leurs observations à l'inspecteur d'académie.

La gradation de la sanction est donc bien définie : le premier mois d'absence aboutit à un avertissement, le deuxième à une suspension des allocations familiales et le troisième à une suppression. Le retour à l'assiduité déclenche le rétablissement des allocations suspendues. À chaque étape est ainsi prévu un temps d'écoute et de dialogue avec les parents. À chaque étape, une aide sous forme d'accompagnement parental leur est proposée, dans le souci de conjuguer éducation et sanction. Votre rapporteur estime donc que le dispositif retenu est à la fois légitime et équilibré .


* 6 L'article L. 131-8 du code de l'éducation énumère limitativement les motifs légitimes d'absence : la maladie de l'enfant, la maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille, une réunion solennelle de famille, un empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications et l'absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent.

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