Article 28 ter (nouveau) (art. 4 de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985 sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation) - Établissement des actes de décès des personnes mortes en déportation

Cet article, qui résulte d'un amendement de notre collègue Yves Détraigne, adopté par votre commission, vise à substituer une procédure administrative à l'actuelle procédure judiciaire d'établissement des actes de décès des personnes mortes en déportation.

La loi n° 85-528 du 15 mai 1985 sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation organise une procédure administrative spécifique permettant de faire porter la mention « mort en déportation » sur l'acte de décès des personnes concernées, lorsque cette mention en ait absente.

La décision en revient au ministre chargé des anciens combattants, après enquête. L'objectif poursuivi par cette loi était de faciliter la reconnaissance des conditions de décès des victimes des déportations effectuées pendant la seconde guerre mondiale. Lors de l'adoption de la loi, comme le rappelait notre regretté collègue André Rabineau, on estimait à 180 000 le nombre de personnes décédées en déportation, dont seulement 40 000 avaient fait l'objet d'actes réguliers de décès. Pour 140 000 d'entre elles, soit aucun acte de décès n'avait été établi, soit un jugement déclaratif de décès avait été prononcé, la plupart du temps, par le tribunal de Paris en mentionnant Drancy comme lieu de décès, mais sans nécessairement que la mention « mort en déportation » soit portée sur l'acte de décès 29 ( * ) .

Vingt-cinq ans après l'adoption de ce texte, ainsi que l'a indiqué l'auteur de l'amendement à votre commission, 55 757 dossiers ont été soumis au ministre concerné, qui ont donné lieu à l'attribution de 50 618 mentions.

La principale raison pour laquelle le nombre des attributions de mention reste aussi limité tient à la nécessité qu'un acte de décès en bonne et due forme soit préalablement établi par un jugement déclaratif de décès pris en application des articles 88 à 91 du code civil, qui permettent au procureur de la République ou à toute partie intéressée de saisir le tribunal du lieu de la mort ou de la disparition.

Longtemps, les parquets ont eu une politique divergente en la matière, ce qui a conduit la Chancellerie à adopter le 29 octobre 2008 une circulaire uniformisant l'action des parquets en la matière. Le nombre de d'apposition de mention « mort en déportation » a alors cru de manière significative, passant de 500 à 3000 par an 30 ( * ) .

Cependant, en dépit de cette amélioration récente, au rythme actuel, il ne semble pas qu'il puisse être remédié à la situation présente avant plusieurs années voire dizaines d'années : les délais propres aux procédures de jugements déclaratifs de décès, qui sont d'autant plus longs que le dossier est complexe ou que les preuves sont difficiles à rassembler, comme c'est la plupart du temps le cas, pour des personnes disparues ou morte en déportation, ne permettent pas d'espérer une accélération significative dans le traitement des demandes.

C'est pourquoi notre collègue Yves Détraigne a proposé de créer une procédure administrative spéciale d'établissement des actes de décès, qui reprend le dispositif utilisé à l'immédiat après-guerre, avec l'ordonnance n° 45-2561 du 30 octobre 1945 modifiant les dispositions du code civil relatives à la présomption de décès et autorisant l'établissement de certains actes de décès.

La procédure proposée confie ainsi à certains fonctionnaires du ministère de la défense dûment habilités et visés à l'article 3 de l'ordonnance précitée 31 ( * ) le soin d'établir les actes de décès des personnes déportés, à partir des éléments de preuve contenus dans les dossiers qui leur seraient transmis.

Conformément aux articles 5 et 6 de la loi précitée du 15 mai 1985, les actes de décès ainsi établis, ou les refus opposés aux familles peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal de grande instance compétent, ce qui conserve à la procédure les garanties qu'offre la procédure judiciaire. En outre, en dehors de l'apposition de la mention, cette procédure ne pourra affecter les actes de décès déjà établis ni les jugements déclaratifs déjà prononcés.

Votre commission a adopté l'article additionnel 28 ter ainsi rédigé .


* 29 Rapport n° 231 (1984-1985) sur le projet de loi sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation, p. 3.

* 30 Cf. la réponse ministérielle à la question écrite n° 13955 posée par notre collègue Jean-Pierre Sueur (JO Sénat du 09/09/2010 - page 2341).

* 31 Il s'agirait, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n0 45-2561 du 30 octobre 1945, des « directeurs, sous-directeurs et chefs de bureau de l'administration centrale du ministère chargé des prisonniers, déportés et réfugiés ».

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