Article 107 (art. 224-4 du code pénal) - Peines encourues par l'auteur d'une prise d'otage en cas de libération volontaire dans les sept jours

Le présent article tend à modifier les peines encourues par l'auteur d'une prise d'otage en cas de libération rapide de la victime.

L'article 224-4 du code pénal définit la prise d'otage comme l'arrestation, l'enlèvement, la détention ou la séquestration d'une personne, effectuée dans l'un des trois buts suivants :

- soit pour préparer ou faciliter la commission d'un crime ou d'un délit ;

- soit pour favoriser la fuite ou assurer l'impunité de l'auteur ou du complice d'un crime ou d'un délit ;

- soit, enfin, pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition, notamment le versement d'une rançon.

En l'état du droit, la prise d'otage est un crime puni de trente ans de réclusion .

Toutefois, sauf si la victime a été particulièrement maltraitée (si elle a subi une mutilation ou une infirmité permanente provoquée volontairement ou résultant des conditions de détention ou d'une privation d'aliments ou de soins, ou si elle a été victime d'actes de tortures ou de barbarie), les peines encourues sont abaissées à dix ans d'emprisonnement , si la personne prise en otage est libérée volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de son enlèvement, sans que l'ordre ou la condition ait été exécuté.

Ainsi, sous l'empire du droit positif, alors que la prise d'otage est considérée comme un crime, elle est un délit lorsque l'otage a été libéré dans les sept jours, quel qu'ait été le motif de la prise d'otage. Ainsi que l'a confirmé la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2006 : « l'enlèvement ou la séquestration avec prise d'otage devient un délit lorsque la personne prise en otage est libérée volontairement avant le septième jour depuis celui de son appréhension. [...] Cette disposition s'applique à l'ensemble des cas prévus [...], notamment à celui où la prise d'otage a été commise pour préparer ou faciliter la commission d'un crime ou d'un délit ».

Ces dispositions diffèrent du droit antérieur à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal. En effet, l'article 343 de l'ancien code pénal punissait la prise d'otage de la réclusion criminelle à perpétuité. Cette peine était toutefois ramenée à la réclusion criminelle « de dix à vingt ans » 94 ( * ) dans le seul cas où la personne arrêtée ou détenue comme otage pour répondre de l'exécution d'un ordre ou d'une condition était libérée volontairement avant le cinquième jour, sans que l'ordre ou la condition ait été exécuté.

Le nouveau code pénal a ainsi eu pour conséquence d'abaisser la répression des faits de prise d'otage en cas de libération rapide de la victime. En effet, comme l'observe la Cour de cassation dans son rapport annuel pour 2008, « les personnes commettant des crimes ou des délits punis de dix ans d'emprisonnement n'encourent donc pas une peine supérieure lorsqu'elles prennent en même temps, pour l'un des motifs énumérés ci-dessus, un otage qu'elles libèrent avant le septième jour accompli. Tel serait, par exemple, le cas d'un voleur à main armée qui couvrirait sa fuite avec une prise d'otage, celui-ci étant libéré dans les sept jours » 95 ( * ) . Dans un tel cas en effet, la peine maximale encourue est, quel que soit le nombre de délits commis concomitamment à la prise d'otage, de dix ans d'emprisonnement, conformément au principe de non cumul des peines 96 ( * ) ,

Ce constat a conduit la Cour de cassation à préconiser « une modification de l'article 224-4 du code pénal ne prévoyant la diminution de la peine encourue qu'en cas de prise d'otage avec ordre ou condition », afin de « retrouver une plus grande cohérence dans l'échelle des peines encourues » 97 ( * ) .

Tel est l'objet du présent article, qui propose d'introduire une distinction dans les peines encourues en cas de libération rapide de l'otage en fonction des buts poursuivis par le preneur d'otage :

- lorsque la prise d'otage a pour but d'obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition mais que la victime est libérée sans que l'ordre ou la condition ait été exécuté, l'auteur continuerait à encourir dix ans d'emprisonnement ;

- en revanche, lorsque la prise d'otage a pour but, soit de préparer ou de faciliter la commission d'un crime ou d'un délit, soit de favoriser la fuite ou d'assurer l'impunité de l'auteur ou du complice d'un crime ou d'un délit, les peines seraient portées à quinze ans de réclusion criminelle - ces faits retrouvant alors une qualification criminelle que l'entrée en vigueur du nouveau code pénal leur avait fait perdre.

Votre commission relève qu'une telle réforme n'aurait toutefois pas pour effet de revenir au droit antérieur à 1994. En effet, sous l'empire de l'ancien code pénal, la prise d'otage était punie de la réclusion criminelle à perpétuité, la peine n'étant réduite à vingt ans maximum de réclusion qu'en cas de libération rapide de la victime et dans la seule hypothèse où la prise d'otage avait pour but d'obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition .

La réforme proposée par cet article aboutirait quant à elle à l'échelle des peines suivante :

- la prise d'otage continuerait à être punie de trente ans de réclusion criminelle ;

- toutefois, en cas de libération de l'otage dans un délai de sept jours, elle serait punie de quinze ans de réclusion criminelle si la prise d'otage a eu pour but de préparer ou de faciliter la commission d'une infraction, de favoriser la fuite ou d'assurer l'impunité de l'auteur ou du complice d'une infraction ;

- enfin, elle serait punie de dix ans d'emprisonnement en cas de libération de l'otage dans le même délai de sept jours, lorsque la prise d'otage avait pour but d'obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition et que cet ordre ou cette condition n'a pas été exécuté (par exemple le versement de la rançon demandée).

Les modifications introduites par la commission des lois de
l'Assemblée nationale

Dans sa version initiale, la proposition de loi proposait de revenir au droit antérieur à 1994 en limitant la possibilité d'abaisser les peines encourues en cas de libération rapide de l'otage dans la seule hypothèse où la prise d'otage avait pour but d'obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition. Les peines encourues auraient donc été portées à trente ans de réclusion criminelle lorsque la prise d'otage avait pour but de préparer ou de faciliter la commission d'une infraction, ou de favoriser la fuite ou assurer l'impunité de l'auteur ou du complice d'une infraction, que l'otage ait été libéré dans un délai de sept jours ou non.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois estimé qu'une telle réforme aboutirait à supprimer l'incitation à libérer l'otage rapidement lorsque la prise d'otage n'a pas pour but d'obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition (le versement d'une rançon par exemple), le preneur d'otage étant certain que la peine encourue ne serait pas diminuée. Il a également estimé qu'une telle réforme pourrait poser de graves difficultés pratiques aux équipes des forces de l'ordre spécialisées dans la gestion des prises d'otages.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois de l'Assemblée nationale a, sur sa proposition, adopté un amendement tendant à porter les peines encourues à quinze ans de réclusion criminelle en cas de libération anticipée d'un otage enlevé soit pour la préparation d'une infraction, soit pour faciliter la fuite des auteurs de celle-ci 98 ( * ) .

Les avocats et représentants de magistrats entendus par votre rapporteur ont souligné que de telles dispositions ne constituaient pas une mesure de simplification du droit mais une mesure de fond, méritant d'être examinée dans le cadre d'un texte spécifique. En outre, comme l'ont observé les représentants de l'Union syndicale des magistrats, la création de deux régimes distincts, s'agissant des peines encourues en cas de libération rapide d'un otage, loin de simplifier la loi, conduirait au contraire à la rendre plus complexe, à rebours de l'objectif poursuivi par le présent texte.

Si votre commission n'est pas hostile par principe à une redéfinition des peines encourues en cas de prise d'otage, elle estime néanmoins qu'une telle réflexion devrait être envisagée dans un cadre global, l'objectif de cohérence de l'échelle des peines ne pouvant être atteint qu'en prenant en compte l'ensemble des infractions voisines et en comparant les peines encourues pour chacune d'entre elles.

Pour ces raisons, votre commission a supprimé l'article 107.


* 94 L'entrée en vigueur du nouveau code pénal a supprimé toute référence à des peines minimales encourues.

* 95 Cour de cassation, rapport annuel pour 2008, page 20.

* 96 L'article 132-3 du code pénal dispose ainsi que, « lorsque, à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée. Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ».

* 97 Idem.

* 98 Rapport n° 2095, tome 1, de l'Assemblée nationale, novembre 2009, pages 347-348.

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