EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 13 OCTOBRE 2010

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La commission procède à l'examen du rapport de M. Patrice Gélard sur la proposition de loi n° 603 (2009-2010), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique.

Examen du rapport

M. Patrice Gélard , rapporteur. - Cette proposition de loi pose un véritable problème tout en soulevant des questions non négligeables. Rappelons, pour commencer, que la loi du 11 mars 1988 soumet déjà le Président de la République et les membres du Gouvernement à des obligations de déclaration de patrimoine. Ensuite, aux termes de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, les dépenses de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle font l'objet d'un contrôle étroit : obligation de recourir à un mandataire financier, prohibition des dons des personnes morales, limitation des dons des personnes physiques à 4 600 euros et, enfin, saisine du parquet en cas d'irrégularité constatée.

Le texte est intéressant en ce qu'il vise à combler une lacune : l'octroi de cadeaux et de différents avantages en nature offerts au Président de la République et aux membres du Gouvernement. Pour autant, il comporte des imperfections car, en premier lieu, il décline des obligations sans prévoir de sanctions. Ensuite, la notion d'avantage en nature est floue : faut-il y inclure le fait de vivre à l'Élysée ? De disposer d'une voiture de fonctions ? D'organiser des réunions au Fort de Brégançon ? Quant aux dons, l'interdiction de recevoir des dons de personnes morales empêchera-t-elle, par exemple, le Président de la République de séjourner chez des amis dont la résidence est la propriété en société civile immobilière... Ensuite, ce texte ouvre de très larges possibilités de contournement : les auteurs n'ont pas prévu le cas où le don ou l'avantage est offert à un membre de la famille du Président de la République... Mais le principal n'est pas là. Le texte, parce qu'il vise tous les dons perçus et, donc, suppose une investigation poussée sur la manière d'être, constitue une atteinte à la vie privée du Président de la République et des membres du Gouvernement.

Surtout, ce texte est irrecevable : comme l'ont indiqué les professeurs de droit que j'ai entendus, les dispositions qu'il contient relèvent, à tout le moins, d'une loi organique, voire d'une loi constitutionnelle. J'invite donc la commission à voter l'exception d'irrecevabilité, quel que soit l'intérêt des problèmes soulevés.

Exception d'irrecevabilité

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - La proposition de loi est effectivement intéressante. Elle témoigne de notre vigilance à l'égard d'un phénomène nouveau : les cadeaux et dons en nature à l'exécutif. La législation existante se préoccupe du patrimoine des candidats, mais quid de l'octroi de vacances gratuites à des personnes élues ou en fonctions ? Dans ce texte, nous parlons bien de cadeaux et d'avantages octroyés par des entreprises privées à des élus ou à des membres du Gouvernement, non d'éléments liés à la fonction payés par l'État tels que l'appartement ou la voiture de fonction. Enfin, l'argument de l'atteinte à la vie privée ! Les bras m'en tombent : le Président de la République et les membres du Gouvernement doivent avoir une vie exemplaire dans leur relation avec le monde de l'argent.

M. Patrice Gélard , rapporteur. - Ce n'est pas moi qui avance cet argument mais les professeurs de droit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - Pourquoi ne pas avoir proposé de transformer cette proposition de loi en un texte constitutionnel ou organique ? Quand nous avons justement pris soin d'insérer les dispositions que nous proposons dans les lois existantes - la loi relative à l'élection du Président de la République et celle relative à la transparence financière de la vie politique -, l'irrecevabilité n'est pas prouvée. En tous les cas, vous serez contraints d'adopter des règles plus strictes, car la population en a assez !

M. Patrice Gélard , rapporteur. - Vous soulevez un problème d'éthique, non de droit !

M. Pierre-Yves Collombat . - Depuis des siècles, nous nous sommes évertués à distinguer ce qui appartient à l'État de la cassette royale qui appartient au roi. Or, depuis des temps très récents, la confusion semble à nouveau régner... Imaginez-vous le général de Gaulle se promener sur le pont d'un yacht privé le lendemain de son élection à la présidence ou se préoccuper du tout-à-l'égout de sa belle-mère ? (Marques d'exaspération à droite) Quand la mise en scène de la vie privée est devenue un mode de gouvernement, évitez de nous opposer la protection de l'intimité ! Nous soutiendrons cette proposition de loi bienvenue. Pourquoi ne pas la renvoyer en commission, comme le texte précédent, afin de trouver une meilleure solution juridique ? Rien ne remplace la morale personnelle, mais la loi doit encourager à la vertu dans un système politique de plus en plus sinon monarchique, du moins consulaire qui concentre les pouvoirs dans les mains d'une seule personne.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Ne confondons pas tout ! Le fait de confondre cassette publique et privée est puni par le code pénal : cela s'appelle une prise illégale d'intérêt. Quant à l'étalage de la vie privée, puissions-nous ne pas atteindre le niveau des Anglo-saxons !

La motion n° COM-1 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité est adoptée.

Motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité

Auteur

N

Objet

Sort de la motion

M. Gélard, rapporteur

1

Adoptée

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