C. LE NON RESPECT DE CERTAINES DES PRÉCONISATIONS ESSENTIELLES DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES ET DU GROUPE CAMDESSUS

Comme on l'a indiqué ci-avant, le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus a adopté son rapport le 21 juin 2010.

Les propositions du groupe de travail ont obtenu l'approbation des élus qui en étaient membres, si l'on excepte celles relatives à la mise en place d'un groupe d'experts chargé de se prononcer sur la programmation et à l'inscription dans une loi organique de la date du retour à l'équilibre des finances publiques. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison de retarder la mise en oeuvre des propositions du groupe de travail susceptibles d'être appliquées dès le présent projet de loi.

Il serait en particulier étonnant, et défavorable à la crédibilité de la politique de finances publiques, que le présent projet de loi contredise manifestement les orientations retenues par le groupe de travail. Or, tel est le cas sur plusieurs points importants, comme le montre le tableau ci-après.

Les propositions de règles destinées à favoriser le retour des finances publiques à l'équilibre

Propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances (1)

Propositions du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus (2)

Possibilité d'inscription dans le présent projet de loi

Mise en oeuvre par le présent projet de loi

Remarque

Modifications apportées par la commission des finances

Cadre général

Prépondérance de la programmation pluriannuelle sur les lois annuelles

Instituer une loi-cadre de programmation des finances publiques (LCPFP)

Non

-

Les règles de procédure

Monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques

Compétence exclusive des lois financières en matière de prélèvements obligatoires

Non

-

Mesure appliquée par la circulaire du Premier ministre n° 5471/SG du 4 juin 2010 relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale

Fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Rapprochement des PLF et PLFSS

Non

-

La mise en oeuvre du volet financier des projets de loi « retraites » et « CADES » montre les inconvénients de la dispersion des dispositions entre LFI et LFSS.

Association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des comptes des administrations publiques

Non

-

Confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Respect de la règle de gage lors de la création d'une mesure fiscale nouvelle instaurée par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009

Oui

Non (suppression)

Selon le rapport Camdessus, « ce gage devrait être apprécié sur une base annuelle et non à l'horizon de la fin de la période de programmation ».

Aucune modification (proposition satisfaite par la règle de gel des niches fiscales et sociales en valeur instauré par l'Assemblée nationale)

Confirmation de la durée limitée des nouvelles dépenses fiscales et sociales

Oui

Oui (rétablissement par l'Assemblée nationale)

La règle de durée limitée (4 ans) figure dans la loi de programmation actuelle (art. 11).

Extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

Oui

Oui (à l'initiative de l'Assemblée nationale)

Les règles de fond

« Règle de sincérité » : retenir des hypothèses économiques prudentes (« on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe »)

Mise en place d'un groupe d'experts, dont « les missions (...) consisteraient d'abord à rendre un avis public sur la pertinence des prévisions retenues dans les projets de lois-cadre de programmation des finances publiques et tout projet de loi financière » et dont les membres « pourraient aussi exprimer un avis sur la conformité et la crédibilité de ces textes et des efforts envisagés pour respecter la trajectoire retenue ».

Oui

Non

Absence de consensus au sein du groupe Camdessus au sujet du groupe d'experts.

Le rapport Camdessus souligne que « la sincérité est un des principes fondamentaux de notre ordre financier, qui figure désormais au 2ème alinéa de l'article 47-2 de la Constitution ».

Modification de l'article 3 de manière à prévoir un scénario alternatif de croissance du PIB à 2 % (au lieu de 2,5 %).

« Règle de responsabilité » : définir les engagements du Gouvernement en termes de mesures en recettes et en dépenses, exprimées en milliards d'euros, de façon à rendre les gouvernements effectivement responsables, mais uniquement de ce qu'ils contrôlent réellement.

La LCPFP « fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée : - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ; - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits, notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances » ; « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Oui

Oui (articles 4 et 9)

Précision des normes de dépenses publiques (articles 4 à 8) de manière à ce qu'il soit possible de constater chaque année de la programmation dans quelle mesure elles sont respectées, et d'éviter le risque de « cumul des dérapages » découlant des règles exprimées en % d'évolution d'une année sur l'autre.

Déterminer par la loi organique la date du retour à l'équilibre des finances publiques

Oui

Non

Absence de consensus au sein du groupe Camdessus

Mise en place d'outils permettant un pilotage quasiment temps réel

Instauration d'un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement

Oui

Non

Modification de l'article 13 pour instaurer des règles de procédure et améliorer l'information sur l'exécution.

Limiter le recours à l'emprunt des opérateurs et l'affectation à leur profit de recettes non renouvelables

Oui (article 11)

Contrôle de constitutionnalité : au niveau de l'ensemble LFI+LFSS, mais en cas de dérapage des dépenses publiques dans leur ensemble ou du coût des mesures nouvelles sur les PO des mesures devraient être prises dans la loi financière la plus proche.

Saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières.

« Lors de l'adoption des LCPFP, le Conseil constitutionnel vérifierait de plein droit qu'elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques figurant au 21ème alinéa de l'article 34 de la Constitution et, éventuellement, sur la trajectoire vers la cible d'équilibre fixée par le législateur. »

Non

Cadre européen

Création d'une Autorité européenne des comptes publics

Non

Promotion d' un consensus macro-économique européen

Non

(1) Note adressée le 17 mai 2010 à M. Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de votre commission des finances.

(2) Groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 21 juin 2010.

Source : commission des finances, d'après les textes indiqués

1. Conformément à la position de votre commission des finances et du groupe Camdessus, les véritables objectifs concernent les dépenses et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (et non le solde)

Comme on l'a indiqué ci-avant, le président et le rapporteur général de votre commission des finances, tout comme le groupe Camdessus, jugent nécessaire que le Gouvernement s'engage, pour chaque année de la programmation, sur deux montants essentiels : celui des dépenses publiques et celui des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires.

C'est ce que tend à faire - avec des lacunes préoccupantes, comme on le verra - le présent projet de loi.

Bien que peu apparente à première vue, sa cohérence est bien réelle.

Le présent projet de loi présente en effet des objectifs en matière :

- de déficit public (article 3) ;

- de croissance des dépenses publiques (article 4), et en particulier des dépenses de l'Etat (articles 5 à 7), de l'assurance maladie et des régimes obligatoires de base (article 8) ;

- de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires (article 9).

Ces objectifs ne peuvent être atteints simultanément que si la croissance des recettes publiques (résultant notamment de la croissance du PIB et de l'élasticité des recettes publiques au PIB) est conforme aux prévisions du Gouvernement. Il importe donc d'établir une hiérarchie entre l'objectif de solde d'une part, les objectifs de dépenses et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires d'autre part.

Grâce à un amendement de votre commission des finances, les objectifs « réels » de l'actuelle loi de programmation portent sur les dépenses et les mesures sur les recettes, l'objectif de solde n'ayant qu'une valeur indicative. Ainsi, selon l'article 2 de l'actuelle loi de programmation, la trajectoire de solde s'entend « sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées ». Il en découle que les dispositions véritablement contraignantes (du moins en principe) concernent les objectifs de croissance des dépenses et de règles de gouvernance relatives aux recettes.

Il ne paraît en effet pas économiquement opportun de fixer un objectif en termes de solde public effectif, et de considérer que celui-ci doit être atteint quoi qu'il arrive. Il vaut mieux avoir un déficit de 3 % avec un PIB en dessous de son potentiel qu'un déficit de 2 % avec son PIB 3 points au-dessus de celui-ci. Par ailleurs, il est possible d'envisager des scénarios dans lesquels l'objectif de solde ne pourrait être atteint à un coût économique raisonnable. Tel a en particulier été le cas en 2009 : l'objectif de déficit de 4,4 points de PIB était clairement inatteignable.

Le présent projet de loi reprend la hiérarchie des objectifs résultant de l'amendement de votre commission des finances à l'actuelle loi de programmation. Ainsi, son article 3 prévoit que la trajectoire de solde public s'entend « dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l'article 2 ». Les véritables objectifs sont donc ceux fixés par les articles 4 (croissance des dépenses publiques) et ses articles satellites, les articles 5 à 8 (croissance des dépenses de l'Etat et des régimes obligatoires de base), ainsi que par l'article 9 (mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires).

Votre commission des finances ne peut que se féliciter de cette structuration globale du présent projet de loi.

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