N° 111

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 12

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE :
PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Jean-Pierre FOURCADE

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc , Serge Dassault, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555

Sénat : 110 (2010-2011)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. - La mission « Engagements financiers de l'Etat »

1. Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » progressent, en valeur, de 6 % entre 2010 et 2011. Cette évolution traduit la progression de la charge d'intérêts que doit supporter l'Etat sous l'effet de l'accroissement de l'encours de sa dette.

2. Le besoin de financement de l'Etat atteint 189,4 milliards d'euros en 2011 . Il s'inscrit en diminution de 50 milliards d'euros par rapport à 2010, la réduction du déficit (-60 milliards d'euros) étant partiellement compensée par l'augmentation des amortissements (+10 milliards d'euros).

3. L'encours de la dette nominale passerait de 1 224,8 milliards d'euros à fin 2010 à 1 315,1 milliards d'euros fin 2011, soit une augmentation de 7,4 % (et de 51 % depuis 2005). La structure de l'encours témoigne, néanmoins, d'un reflux salutaire de l'endettement à court terme , qui passerait de 18,6 % fin 2009 à moins de 15 % fin 2011.

4. 70,6 % de la dette négociable étaient détenus par les non-résidents fin juin 2010. Un tiers de cette dette serait toutefois détenue par des non-résidents ressortissants de la zone euro.

5. La charge de la dette devrait s'établir à 45,4 milliards d'euros en 2011, soit une augmentation de 4,5 milliards d'euros par rapport aux dernières estimations pour 2010. Cette augmentation résulterait principalement d'un effet volume sur la dette à plus d'un an et de l'augmentation des taux courts . Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une progression annuelle de la charge de la dette de plus de 4 milliards d'euros par an , imputable aux deux tiers à la hausse de l'encours.

6. La majoration des crédits de l'action 3 « Trésorerie de l'Etat » est imputable à la rémunération des dotations non consomptibles placées auprès du Trésor par les opérateurs chargés de la mise en oeuvre des investissements d'avenir . Cette rémunération mobilisera 569 millions d'euros en 2011 .

7. Une redéfinition de l'architecture du programme 114 « Appels en garantie de l'Etat » demeure nécessaire, afin de mieux faire apparaître les enjeux financiers et les risques associés à ces garanties.

II. - Le compte d'affectation spéciale
« Participations financières de l'Etat »

1. Dans le prolongement des Etats généraux de l'industrie, la gestion des participations de l'Etat est désormais axée sur la conduite d'une politique industrielle active . Cette évolution s'est notamment matérialisée par la nomination d'un commissaire aux participations de l'Etat.

2. Le cadre d'intervention renouvelé de l'Etat actionnaire pose avec une acuité grandissante la question de l'articulation des missions de l'Agence des participations de l'Etat et du Fonds stratégique d'investissement .

3. Le projet annuel de performances demeure construit sur une approche purement patrimoniale de la gestion des participations de l'Etat. La réorientation majeure de la stratégie de l'Etat actionnaire ne transparaît donc ni dans la présentation stratégique des programmes, ni dans les objectifs et indicateurs de performance, ce qui contribue à vider un peu plus de sa substance un PAP déjà fort peu consistant .

3. La qualité des réponses au questionnaire budgétaire est globalement très insuffisante .

III. - Le financement des primes d'épargne-logement

1. Le programme 145 « Epargne » porte, en 2011, plus de 1,1 milliard d'euros au titre du financement des primes d'épargne-logement , versées lors de la clôture d'un plan d'épargne-logement ou d'un compte d'épargne-logement.

2. Par convention en date du 17 décembre 1992, l'Etat a confié la gestion de ces primes au Crédit foncier de France . Celui-ci a par ailleurs accepté de consentir des avances rémunérées à l'Etat, d'un montant maximal d'un milliard d'euros, au cas où les provisions versées par le Trésor seraient insuffisantes pour couvrir les appels de primes.

3. Depuis 2006, la programmation budgétaire s'est révélée systématiquement défaillante , obligeant l'Etat à recourir massivement aux avances du Crédit foncier. Le découvert cumulé, fin 2008, s'élevait à près de 963 millions d'euros.

4. La budgétisation des primes constitue un exercice délicat car elle nécessite d'anticiper le comportement des épargnants. En revanche, votre rapporteur spécial déplore que l'évaluation initiale n'ait jamais tenu compte du report de charge accumulé . L'Etat a ainsi profité des avances du Crédit foncier pour créer une charge extra-budgétaire au mépris des principes d'annualité, d'universalité et de sincérité budgétaires.

5. Pour des raisons conjoncturelles, le montant des primes versées en 2009 et 2010 a connu une très forte diminution , qui doit conduire à envisager l'apurement définitif du découvert auprès du Crédit foncier à la fin de l'exercice 2010.

6. En 2011 et 2012, le montant des primes versées devrait à nouveau augmenter sensiblement pour des raisons économiques et fiscales. Votre rapporteur spécial s'inquiète par conséquent du montant inscrit dans le projet de loi de finances - 1,1 milliard d'euros - qui, au regard des dépenses passées, se révèle modeste.

Au 10 octobre 2010, date limite fixée par la LOLF, 98 % des réponses au questionnaire avaient été adressées à votre rapporteur spécial.

I. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ETAT »

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » progressent, en valeur, de 6 % entre 2010 et 2011, cette hausse étant concentrée sur la charge de la dette négociable (+ 7 %). Cette évolution traduit la progression de la charge d'intérêts que doit supporter l'Etat sous l'effet de l'accroissement de l'encours de sa dette.

Evolution en valeur et à périmètre courant des crédits de paiement de la mission

(en euros)

NB : aucune modification de maquette n'intervient en 2011.

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances

A. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ETAT »

C'est sur le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'Etat » que s'impute l'accroissement des crédits de la mission, les CP ouverts pour honorer le paiement des intérêts de la dette négociable augmentant de 6 % (+2,4 milliards d'euros).

1. Le financement de l'Etat en 2011
a) Le besoin de financement pour 2011

La lecture du tableau de financement de l'Etat, tel qu'il figure à l'article d'équilibre du projet de loi de finances, prévoit un besoin de financement de 189,4 milliards d'euros en 2011 . Ce besoin résulte, pour 92 milliards d'euros, du déficit budgétaire et, pour 97,4 milliards d'euros, des amortissements de dettes à moyen et long termes ou reprises par l'Etat. Il s'inscrit donc en diminution de 50 milliards d'euros par rapport à 2010, la réduction du déficit (- 60 milliards d'euros) étant partiellement compensée par l'augmentation des amortissements (+ 10 milliards d'euros).


Evolution du tableau de financement de l'Etat

(en milliards d'euros)

(1) LFR du 7 mai 2010

Source : documentation budgétaire

Votre rapporteur spécial observe que le montant des tombées obligataires de 2011 est évalué à 96,8 milliards d'euros, compte tenu du rachat, entre janvier et fin septembre 2010, de 16 milliards d'euros de titres (BTAN et OAT) arrivant à échéance en 2011 ( cf . encadré).

La conduite du programme de financement
à moyen et long termes de l'Etat en 2010

Les émissions à moyen et long termes (OAT et BTAN) nettes des rachats s'élèvent à 148,9 milliards d'euros au 30 septembre 2010, soit 79,2 % des 188 milliards d'euros annoncés pour l'année 2010 ; le degré d'avancement est légèrement inférieur à celui de l'année dernière, puisqu'à la même époque, en 2009, 82,6 % du programme avait été réalisé. Ce montant est le résultat de 165,2 milliards d'euros d'émissions brutes (138,6 milliards d'euros en 2009 à la même époque) et 16,3 milliards d'euros (2,3 milliards d'euros en 2009 au même moment) de rachats de titres de maturité 2011 - ce qui témoigne de la bonne avancée du programme de rachats, qui permettra de diminuer le montant des tombées, et donc celui du besoin de financement de l'Etat, en 2011 .

Au cours du premier semestre 2010, la part des émissions sur les maturités supérieures à 10 ans, sur l'ensemble des émissions à taux fixe, s'établit à 46,5 %, en augmentation par rapport à l'année dernière, où elle s'établissait à 42,8 %. La demande reste très soutenue pour les maturités très longues (supérieures à 15 ans), qui représentent 19,2 % des émissions à taux fixe, contre 18,1 % sur l'ensemble de l'année 2009, et intègrent notamment le lancement, au début du mois de mars, d'un nouveau titre de référence de maturité 50 ans, l'OAT 25 avril 2060, pour un montant de 5 milliards d'euros et à un taux de rendement de 4,17 %. La demande est encore plus manifeste pour la maturité 10 ans , qui attire 27 % des émissions sur ce compartiment, contre 21,4 % sur l'ensemble de l'année dernière, et provient d'investisseurs de différentes catégories, notamment de banques, d'assureurs français et de banques centrales.

De ce fait, la durée de vie moyenne de la dette augmente et s'établit, à la fin du mois de septembre, à 7 ans , retrouvant ainsi un niveau proche de celui qui prévalait à l'automne 2008 et peu éloigné de son plus haut niveau historique de 7,28 années, atteint en avril 2007.

Source : réponses au questionnaire

Toutes choses égales par ailleurs, les tombées obligataires atteindraient en outre un pic en 2012, où elles pourraient s'élever à plus de 116 milliards d'euros 1 ( * ) .


Tombées de dette à moyen et long termes

(en milliards d'euros)

Remarque 1 : les montants pour 2011 et 2012 ne tiennent pas compte des éventuels rachats qui pourront être effectués d'ici à la fin de 2010 pour les titres d'échéance 2011 et d'ici à la fin de 2011 pour les titres d'échéance 2012.

Remarque 2 : le montant pour 2013 ne tient pas compte des émissions à deux ans à réaliser en 2011, et qui viendront majorer les amortissements en 2013.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et l'Agence France Trésor

b) Les ressources de financement

La couverture du besoin de financement serait assurée par des émissions nettes à moyen et long termes d'un montant global de 186 milliards d'euros, soit un léger repli par rapport à 2010 (188 milliards d'euros). Au total, le plafond de variation de la dette à moyen et long termes s'élèverait à 89,2 milliards d'euros en 2011.

Les autres ressources de financement s'établissent comme suit :

1) une variation négative des dépôts de correspondants est attendue, à hauteur de 3,0 milliards d'euros. Elle correspond à une approche prudente et relativement conventionnelle, et anticipe notamment une décollecte des collectivités territoriales après la hausse significative des dépôts constatée en 2009 ;

2) le solde du compte de Trésor demeurerait quasiment stable (+ 1,2 milliard d'euros), la variation résultant des écarts qui peuvent être estimés entre les besoins de trésorerie du début de l'année 2011 et ceux du début de l'année 2012 ;

3) les autres ressources de trésorerie sont attendues à + 3,0 milliards d'euros, et comprennent la charge d'indexation et les indexations à l'émission. Votre rapporteur spécial rappelle en effet que la charge d'indexation est inscrite en ressource de financement afin de neutraliser l'impact de la charge budgétaire correspondante, intégrée au besoin de financement mais qui ne donne pas lieu à décaissement . Les primes et décotes sont, comme toujours en prévision, nulles, même si elles sont susceptibles d'apporter de substantielles ressources de trésorerie en gestion ( cf. infra ) ;

4) compte tenu de ces éléments, l'encours des bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) diminuerait modérément (- 0,7 milliard d'euros), confirmant la trajectoire baissière enclenchée en 2010.

2. Une dette négociable en forte croissance

L'encours de la dette nominale passerait de 1 224,8 milliards d'euros à fin 2010 à 1 315,1 milliards d'euros fin 2011, soit une augmentation de 7,4 % (et de 51 % depuis 2005).

En 2011 comme au cours des années précédentes, la hausse de l'encours des titres à moyen et long termes (OAT et BTAN) résulte principalement de l'évolution du déficit budgétaire, qui constitue le principal déterminant de l'appel net au marché. Ainsi, depuis 2007, l'évolution de cet encours progresse au même rythme que cet appel net, qui s'est établi à 28,5 milliards d'euros en 2007, 31 milliards d'euros en 2008, 54,9 milliards d'euros en 2009 et 105 milliards d'euros en 2010.


Evolution de l'encours de la dette négociable

(en milliards d'euros)

* Nominal pour les titres à taux fixe, nominal × coefficient d'indexation à la date considérée pour les titres indexés.

Source : documentation budgétaire

a) Un reflux salutaire de la dette à court terme

La structure de l'encours témoigne, par ailleurs, d'un reflux salutaire de l'endettement à court terme (BTF), dont l'analyse requiert de revenir sur l'évolution observée ces dernières années. La variation de l'encours des BTF est dictée par les évolutions non anticipées du besoin de financement de l'Etat, qu'il s'agisse d'une variation en cours d'année du déficit budgétaire, du compte du Trésor ou des dépôts de correspondants. Ainsi :

1) en 2007 , la variation des BTF en exécution (+ 12,2 milliards d'euros) s'est avérée légèrement supérieure à la variation prévue en LFI (+ 12 milliards d'euros), et ce en dépit d'une baisse du besoin de financement en exécution. Ce hiatus résulte du choix fait par l'Etat de baisser le montant de ses émissions à moyen et long termes de manière à maintenir la liquidité du segment des BTF, dans un contexte ou l'encours de BTF était très bas ;

2) en 2008 , la variation des BTF (+ 59,8 milliards d'euros) a résulté du creusement du besoin de financement en exécution (+ 38,1 milliards d'euros) par rapport à la loi de finances initiale, qui anticipait une variation de + 24,3 milliards d'euros ;

3) en 2009 , à l'inverse, l'ampleur de la dégradation du déficit budgétaire a conduit à réviser par deux fois le tableau de financement de l'Etat . Les émissions nettes à moyen et long termes ont ainsi été relevées de 30 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, la variation des BTF en exécution s'établissant à + 75,8 milliards d'euros, soit environ 28 milliards d'euros de moins que la somme de la variation prévue en LFI (+ 20,9 milliards d'euros) et du creusement du besoin de financement en exécution (83,1 milliards d'euros).

Si, compte tenu du niveau historiquement bas des taux courts, ces évolutions ont indiscutablement permis de financer notre endettement « de crise » à moindre coût, votre rapporteur spécial avait plusieurs fois pointé les risques associés à l'accroissement de notre endettement à court terme, en cas de retournement des taux . De ce point de vue, il convient donc de saluer l'inversion de tendance observée en 2010 , où l'encours des BTF devrait refluer de 14,5 milliards d'euros, alors même qu'une hausse de 31 milliards
d'euros était prévue en loi de finances initiale. Selon l'Agence France Trésor, cette correction de plus de 45 milliards d'euros a été rendue possible par l'augmentation des dépôts des correspondants 2 ( * ) et par d'importantes contributions du compte du Trésor 3 ( * ) (17,2 milliards d'euros en 2010).

Au total, l'encours de dette à court terme devrait s'établir à 199,6 milliards d'euros à fin 2010, soit 16,1 % de la dette totale, contre 18,6 % fin 2009 (- 2,5 %). En 2011, selon l'AFT, « la baisse de la part des BTF devrait se poursuivre à un rythme relativement soutenu pour passer sous la barre des 15 % du stock de la dette » .


Evolution de l'encours de la dette négociable de l'Etat

(en milliards d'euros - valeur nominale)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

b) Une dette détenue à plus de 70 % par les « non-résidents »

Enfin, 70,6 % de la dette négociable étaient détenus par les non-résidents fin juin 2010 (84,1 % des BTF, 89,8 % des BTAN et 61,7 % des OAT), contre 65,9 % fin juin 2009 et 61,8 % fin juin 2008. Selon l'Agence France Trésor, un tiers de la dette serait toutefois détenue par des non-résidents ressortissants de la zone euro . Ces estimations résultent du croisement des statistiques de la balance des paiements fournies par la Banque de France et d'une étude du FMI ( Coordinated Portfolio Investment Survey ). Selon les réponses au questionnaire, « si l'on fait l'hypothèse que la structure de la détention de l'ensemble de la dette extérieure de la France est identique à la structure de la détention de la dette de l'Etat et que cette structure de détention n'a pas évolué entre 2008 et 2010, il est possible d'estimer la proportion de la dette de l'Etat qui est détenue par des non-résidents situés à l'intérieur de la zone euro, soit environ un tiers (...) ».

Notre dette serait donc détenue à un tiers par des créanciers domestiques, à un tiers par des créanciers « quasi-domestiques » et à un dernier tiers par des non-résidents au sens plein du terme. Interrogés sur ce point, les responsables de l'Agence France Trésor font valoir qu'un niveau de détention élevé de la dette française par des non-résidents atteste de la confiance de la communauté des investisseurs dans la qualité de la signature et l'économie française et sécurise la gestion de la dette en accroissant sa diversification géographique et par détenteur 4 ( * ) . Cette diversification permet également de diminuer le coût de la charge de la dette en augmentant la concurrence potentielle pour l'achat des titres de dette française. L'AFT relève en outre que la demande émanant des principaux détenteurs de dette souveraine est généralement « stabilisante » : la demande structurelle des banques centrales est, à cet égard, peu sensible au taux d'intérêt et ces banques pratiquent une gestion de leurs actifs assez proche de la stratégie de détention jusqu'à l'échéance, ce qui en fait des investisseurs de long terme qui stabilisent le marché en absorbant, par leurs achats récurrents, l'essentiel des émissions nettes.

3. La charge de la dette négociable et ses déterminants

La charge de la dette devrait s'établir à 45,4 milliards d'euros en 2011, dont 44,7 milliards d'euros au titre de la dette négociable, 0,7 milliard d'euros au titre de la trésorerie ( cf. infra ) et 3 millions d'euros au titre de la dette non négociable 5 ( * ) .

a) Une hausse importante en 2011, après de « bonnes nouvelles » en 2010

Ce montant global s'inscrit en augmentation de 4,5 milliards d'euros par rapport aux dernières estimations pour 2010 , année durant laquelle la charge de la dette devrait à nouveau être sensiblement inférieure aux prévisions : soit 41 milliards d'euros au lieu de 43 milliards anticipés par la LFR du 9 mars 2010. Outre la moindre rémunération due par le Trésor au titre des dotations non consomptibles (analysée plus loin), cette baisse serait principalement due au très bas niveau des taux courts 6 ( * ) (- 1,6 milliard d'euros) et aux effets calendaires 7 ( * ) (- 0,5 milliard d'euros).

L'augmentation de la charge de la dette attendue en 2011 résulterait principalement :

1) d'un effet volume sur la dette à plus d'un an , dont le stock aura augmenté de 105 milliards d'euros en 2010 (environ + 3,3 milliards d'euros) ;

2) d'un effet taux également haussier (+ 0,8 milliard d'euros), en raison de l'augmentation des taux courts (attendus à 1,16 % 8 ( * ) en moyenne contre environ 0,5 % en 2010).

En revanche, l'évolution des taux longs n'alourdirait pas la charge de la dette en 2011 , ces taux se maintenant à un niveau modéré en 2011 (3 % à 10 ans en moyenne annuelle, contre 3,2 % en 2010). Votre rapporteur spécial rappelle, à cet égard, que l'impact des variations de taux sur la charge budgétaire de la dette à moyen et long termes n'est pleinement constitué que l'année suivant l'émission. Les taux bas de 2010 produiront donc leurs pleins effets à la baisse sur la charge de la dette de 2011. Enfin, l'AFT souligne que « dans la mesure où le volume élevé des émissions et la demande des marchés conduisent à réabonder chaque année des lignes anciennes dont les taux faciaux diffèrent en règle générale des taux d'émission, une partie importante de la baisse des taux de marché enregistrée en 2010 se traduit par la perception de primes à l'émission » . Ces primes et décotes sont prises en compte en comptabilité générale comme en comptabilité nationale, mais non en comptabilité budgétaire 9 ( * ) . Leur montant net atteint 5,8 milliards d'euros à la fin septembre 2010, soit, comme l'a fait valoir le directeur général de l'AFT, l'équivalent des prêts consentis à la Grèce.

Ces considérations conduisent votre rapporteur spécial à revenir brièvement sur les enjeux associés à la qualité de la signature française sur les marchés . Comme l'indique l'indicateur de spread qui suit, la France fait toujours partie, avec l'Allemagne et les Pays-Bas, du trio de tête des Etats de la zone euro se finançant dans les meilleures conditions.

Ecart des conditions de financement dans la zone euro

(en points de base)

Ce graphique est élaboré en comparant les taux d'une dette sur le marché secondaire à une moyenne pondérée des conditions de financement des pays de la zone euro sur l'ensemble des maturités. Les Etats sous l'axe du zéro se financent à de meilleures conditions que la moyenne de la zone euro.

Source : Agence France Trésor

L'étude plus fine du spread moyen entre la France et l'Allemagne montre néanmoins que celui-ci a pu se creuser fortement au cours de l'année 2010, pour atteindre un pic de 46,69 points de base en juin dernier, et avant de se rétablir à 28,92 points de base le 22 octobre dernier. Selon l'AFT, trois raisons principales expliquent ces évolutions :

1) dans un contexte de forte volatilité des marchés, les investisseurs privilégient les produits financiers les plus liquides , et notamment les contrats futurs sur le Bund allemand, qui induisent une liquidité plus importante des titres sous-jacents ;

2) le décrochage de juin 2010 est survenu lorsque la BAFIN a fait part de sa décision unilatérale d'interdire temporairement les ventes à découvert sur titres obligataires cotés en Allemagne et sur actions de sociétés côtés en Allemagne. Ce « cavalier seul » a été interprété comme un affaiblissement de la cohésion de la zone euro et a entraîné un report vers la signature la plus sûre ;

3) enfin, la qualité relative du crédit s'apprécie traditionnellement en observant le déficit public et non l'endettement. Cette focalisation sur le flux de dette plus que sur son stock permet, à nouveau, à l'Allemagne de bénéficier d'une appréciation plus favorable que la France.

Le spread toutes maturités entre la France et l'Allemagne en 2010

(en points de base)

Source : commission des finances, d'après l'AFT

b) Une programmation pluriannuelle révélatrice du choc à venir

Votre rapporteur spécial rappelle enfin que le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une augmentation annuelle de la charge de la dette de plus de 4 milliards d'euros par an , imputable aux deux tiers à l'augmentation de l'encours de la dette ( cf . graphique).

En 2012 , la charge de la dette croîtrait de 5,1 milliards d'euros par rapport à 2011 pour s'établir à 50,5 milliards d'euros. Cette hausse s'expliquerait par un effet volume sur la dette de moyen et long termes (+ 3,0 milliards d'euros) et par une hausse des taux à 3 mois d'environ 110 points de base entre 2011 et 2012, partiellement compensée par les gains de refinancement dont l'Etat continuerait de bénéficier. Au total, l'effet taux contribuerait à hauteur de 1,5 milliard d'euros à l'augmentation de la charge de la dette. La provision pour charge d'indexation croîtrait de 0,4 milliard d'euros sous l'effet d'une croissance de l'indice des prix de 0,25 %.

En 2013 , la charge de la dette croîtrait de 4,7 milliards d'euros par rapport à 2012, à raison de + 2,7 milliards d'euros dus à l'effet volume et de + 2 milliards d'euros dus à l'effet taux. Le Gouvernement qualifie son hypothèse de taux de « très prudente » , en anticipant une hausse des taux à 3 mois d'environ 140 points de base entre 2012 et 2013, de sorte que ceux-ci atteindraient 3,5 % en moyenne annuelle, soit le niveau qui prévalait en 2008, avant la crise.


L'évolution de la charge de la dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

4. La trésorerie de l'Etat et l'impact des investissements d'avenir

L'action 3 « Trésorerie de l'Etat » voit ses crédits augmenter de 538 millions d'euros entre la LFI pour 2010 et le PLF 2011 (+437 %). Cette évolution résulte essentiellement de la rémunération des dotations non consomptibles confiées aux opérateurs de l'Etat chargés de la mise en oeuvre des investissements d'avenir .

a) Les déterminants « traditionnels » de la charge de trésorerie

Hors rémunération des dotations non consomptibles, les charges nettes de trésorerie devraient s'établir à 92 millions d'euros en 2011 (contre 123 millions d'euros en 2010), soit -292 millions d'euros de rémunération des dépôts des correspondants et 200 millions d'euros de produits de placement. Ces produits proviennent des placements sur les marchés financiers des excédents ponctuels de trésorerie .

S'agissant de la gestion optimisée de la trésorerie, la Cour des comptes avait souligné, dans sa note d'exécution budgétaire 2009, la nécessité de remobiliser le réseau comptable de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de mettre à niveau les systèmes d'information pour assurer le respect de l'obligation d'annonce des collectivités territoriales et de leurs établissements. Interrogé sur ce point, le responsable de programme fait valoir que la DGFiP a d'ores et déjà entamé une « action informelle mais directe de resensibilisation de son réseau comptable à l'occasion des journées interrégionales qu'elle organise mensuellement en province » . Le déploiement du nouveau logiciel de saisie des ordres (BdF direct) a également permis de rappeler directement au niveau local l'obligation et l'importance qui s'attache à son respect. Ces rappels informels semblent déjà avoir porté leurs premiers fruits, puisqu'au 31 juillet 2010, le taux d'annonce s'élevait à un peu moins de 97 % . Selon les réponses au questionnaire, « cette amélioration doit être consolidée et poursuivie. Il est ainsi prévu que la DGFiP, avec l'appui de l'AFT, conduise des actions plus spécifiques et formalisées de rappel à l'obligation d'annonce, notamment à l'occasion du déploiement d'un module de validation ou de refus par l'AFT des ordres passés pour le jour même en contravention avec les obligations réglementaires . Par ailleurs, des actions ciblées sur les départements à forts enjeux et dont le taux de respect de l'obligation d'annonce est le plus bas seront mises en oeuvre ».

b) L'impact des investissements d'avenir

La hausse des crédits de l'action 3 est imputable à la rémunération des dotations non consomptibles placées auprès du Trésor par les opérateurs chargés de la mise en oeuvre des investissements d'avenir. Cette rémunération mobilisera 569 millions d'euros en 2011 , après n'avoir représenté qu'environ 200 millions d'euros en 2010, compte tenu des délais de conclusion des conventions entre l'Etat et les opérateurs 10 ( * ) . Selon les réponses au questionnaire, en raison de la montée en charge des sélections de projet et de l'effet « année pleine » pour les projets déjà sélectionnés, ce coût devrait être encore supérieur en 2012 (+ 0,1 milliard d'euros).


* 1 Estimation au 30 septembre 2010.

* 2 La hausse des dépôts des correspondants s'explique principalement par l'obligation de dépôts des fonds reçus par les opérateurs sélectionnés dans le cadre des programmes d'investissement d'avenir (+ 34 milliards d'euros), par le dépôts des sommes allouées au Plan campus (+ 3,7 milliards d'euros) ainsi que par la rationalisation de certaines trésoreries publiques (+ 6 milliards d'euros).

* 3 La variation du compte se décompose comme suit : 5,4 milliards d'euros de primes et décotes à l'émission ; 7 milliards d'euros liés à la révision à la hausse du solde de fin 2009, ce qui, à solde fin 2010 constant, accroît à due concurrence les ressources de financement tirées du compte en 2010 ; enfin 4,5 milliards d'euros de rachats de titres venant à échéance en janvier 2011, ce qui permet, toutes choses égales par ailleurs, de réduire l'encaisse de précaution en fin d'année 2010.

* 4 Plus la dette est détenue de manière diversifiée du point de vue géographique et par type de détenteur, moins la réponse aux chocs affectant la demande de titre est uniforme.

* 5 La dette financière non négociable est composée des bons du Trésor sur formules et de divers emprunts d'Etat restés sous forme « papier » lors de l'opération de dématérialisation de la dette de l'Etat intervenue en 1984. L'ensemble des emprunts concernés est aujourd'hui totalement amorti, à l'exception de la dette perpétuelle (majorat, dotations et rentes viagères) qui représente un montant très faible inférieur à 7 000 euros. En l'absence d'émissions nouvelles depuis le 1 er janvier 1999, date à laquelle les bons du Trésor sur formule ont été supprimés, la gestion de la dette financière non négociable est aujourd'hui limitée aux opérations de remboursement des titres en capital et en intérêts, ainsi qu'à la comptabilisation des emprunts prescrits. Le capital restant dû au titre de la dette financière non négociable s'élevait, au 30 juin 2010, à 248 millions d'euros dont 95 au titre des bons du Trésor sur formule et 91 au titre des deux emprunts libératoire et obligatoire. Le montant payé au titre des intérêts s'est élevé, en 2009, à 1,4 million d'euros concernant essentiellement les bons du Trésor sur formule et à 0,46 million d'euros au cours du premier semestre 2010.

* 6 Initialement estimés à 1,3 % en moyenne annuelle, ils sont finalement attendus légèrement en deçà de 0,5 % sur l'année.

* 7 Ils résultent du choix de la date anniversaire pour les lignes créées et du choix des lignes abondées lors des adjudications effectivement opérées, donc de leurs dates anniversaires respectives : ces effets influent sur le montant des coupons courus ou versés.

* 8 La prévision de taux courts retenue dans le cadre du projet de loi de finances s'appuie sur les prévisions du consensus forecast , qui anticipent des taux à 3 mois de 1,3 % à la fin septembre 2011. Par interpolation avec les taux constatés en 2010, la moyenne annuelle des taux à 3 mois s'établirait à 1,0 %. Toutes maturités confondues, le taux moyen des BTF sur l'année 2011 atteindrait alors 1,16 %.

* 9 En application de l'article 25 de la LOLF, ces primes et décotes sont considérées comme des ressources de trésorerie.

* 10 En effet, les intérêts dus par l'Etat ne courent qu'à compter du versement effectif des fonds aux opérateurs gestionnaires des fonds. Ils sont donc conditionnés par la conclusion des conventions entre l'Etat et les opérateurs gestionnaires.

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