Rapport général n° 111 (2010-2011) de M. Bertrand AUBAN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2010

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N° 111

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 23

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteur spécial : M. Bertrand AUBAN

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc , Serge Dassault, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555

Sénat : 110 (2010-2011)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

• Les pensions de la fonction publique continueront en 2011 à être le principal facteur de progression des dépenses de l'Etat :

- 58,63 milliards d'euros seront consacrés au financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux dont l'Etat assure l'équilibre financier, soit près de 20,5 % des dépenses de l'Etat au cours du prochain exercice ;

- les dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions » (CAS Pensions) s'élèveront à 52,6 milliards d'euros , contre 51,12 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2010 (38,55 milliards d'euros étant notamment consacrés aux pensions civiles et 9,52 milliards d'euros aux pensions militaires) ;

- les subventions d'équilibre de l'Etat aux régimes spéciaux atteindront 6,03 milliards d'euros , soit une progression de 5,4 % par rapport à 2010 (5,72 milliards d'euros).

• L'évolution des dépenses de retraite sur la période 2011-2013 sera très dynamique, suivant une progression de l'ordre de 8 %, pour la contribution de l'Etat au CAS pension et à la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Le projet de loi de finances pour 2011 anticipe l'application de la réforme des retraites en augmentant de 0,27 point le taux de cotisation de 7,85 % applicable aux fonctionnaire s, dans la perspective de la convergence vers le taux commun de 10,55 %.

• Malgré cette augmentation de recettes, le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », dont les dépenses s'établissent à 48,22 milliards d'euros, prévoit un déficit de recettes de 200 millions d'euros , soit 0,4 % du total, qui sera comblé par la mobilisation à due concurrence du fonds de roulement de un milliard d'euros du CAS Pensions.

• Votre rapporteur spécial souhaite améliorer la lisibilité du financement des régimes spéciaux et propose d'étudier le rattachement à la mission « Régimes sociaux et de retraite » des subventions que l'Etat verse notamment aux caisses de retraite de la Comédie française et de l'Opéra de Paris. Outre les 17 millions d'euros attribués à ces deux établissements, quelque 675 millions d'euros de prestations sociales et de retraite financent l'après crise des mines et les retraites des anciens électriciens et gaziers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, pour lesquels la question du rattachement budgétaire est également posée.

• Votre rapporteur spécial propose d'exprimer un avis favorable à l'adoption de l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 , rattaché au compte spécial « Pensions », relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite , sous réserve d'une modification rédactionnelle et de simplification.

Votre rapporteur spécial souligne que les taux de réponses des ministères à son questionnaire budgétaire au 10 octobre 2010, date-limite fixée par l'article 49 de la LOLF, s'établissaient à 95 % pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » et à 96 % pour le compte spécial « Pensions ».

Il regrette cependant tout particulièrement qu'à la date d'examen des crédits de ces deux missions par la commission des finances, le 20 octobre 2010, le rapport sur les pensions de retraite des fonctionnaires de l'Etat, prévu par le II de l'article 113 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, n'ait toujours pas été publié.

I. CHIFFRES CLÉS ET ACTUALISATION DES DONNÉES DE CADRAGE DES DÉPENSES DE PENSIONS

Les dépenses de pensions mettent en oeuvre des enveloppes de crédits considérables, sur lesquelles les responsables de programme n'ont pas de marge de manoeuvre autre que de gestion. La détermination annuelle de cette charge obligatoire pour l'Etat envers les ayants droit est donc largement fondée sur l'évolution des paramètres démographiques et des comportements de départ en retraite des agents.

Ainsi, le présent chapitre a-t-il pour objet de présenter les principaux chiffres-clés et les données actualisées de la progression du poids des retraites dans le budget de l'Etat.

A. 58,63 MILLIARDS D'EUROS DE DÉPENSES DE PENSIONS RÉPARTIES ENTRE UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE ET UNE MISSION BUDGÉTAIRE

Près de 58,63 milliards d'euros seront consacrés au financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux dont l'Etat assure l'équilibre financier, soit près de 20,5 % des dépenses de l'Etat en 2011.

1. Le compte d'affectation spéciale « Pensions » gère le financement des retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat

En 2011, les dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions » (CAS Pensions) s'élèveront à 52,6 milliards d'euros , contre 51,12 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2010, soit une augmentation de 2,9 %. A titre indicatif, ce montant représente 18,3 % des dépenses de l'Etat. Au sein du CAS, 38,55 milliards d'euros sont notamment consacrés aux pensions civiles et 9,52 milliards d'euros aux pensions militaires .

Le nombre prévisionnel de retraités civils et militaires dont il faudra financer les pensions se situera autour de 2,3 millions 1 ( * ) pour un total de 2,4 millions d'agents en activité dans la fonction publique de l'Etat 2 ( * ) .

2. La mission « Régimes sociaux et de retraite » assure l'équilibre financier des régimes spéciaux subventionnés

L'Etat assure l'équilibre d'un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique, réunis au sein de la mission budgétaire « Régimes sociaux et de retraite » : SNCF, RATP, marins, mineurs, SEITA, Imprimerie nationale, régies ferroviaires d'outre-mer et ORTF.

En 2011, les contributions de l'Etat s'élèveront à 6,03 milliards d'euros , soit une progression de 5,4 % par rapport à 2010 (5,72 milliards d'euros). Ce budget subventionne les régimes sociaux et de retraite susmentionnés dans des proportions allant de 50 % à 100 % du montant des prestations d'assurance vieillesse. Le tableau ci-dessous retrace la part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraites.

Part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraite
relevant de la mission « Régimes sociaux et de retraite » en 2011

(en millions d'euros)

Nombre de cotisants/
nombre de pensionnés

Volume de prestation de pensions servies

Subvention de l'Etat

Part de la subvention de l'Etat dans le régime

Régime de retraite des marins

33 750/118 351

1 067,70

789,32

74 %

Fonds de retraite des mines

7 500/323 842

1 725,30

1 209,00

70 %

Retraités de la SEITA

590/9 700

159,47

139,42

87 %

Caisse autonome de la SNCF

158 000/292 000

5 195,70

3 192,25

61 %

Caisse autonome de la RATP

44 000/47 700

934,80

526,73

56 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

En outre, les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale (7 bénéficiaires 3 ( * ) ), des régies ferroviaires d'outre-mer (228 bénéficiaires) et de l'ORTF (284 bénéficiaires) ne comptent plus de cotisants et sont donc totalement subventionnés par l'Etat au titre de la solidarité nationale.

Au total, près de 800 000 retraités sont affiliés aux caisses financées par la mission pour moins de 250 000 cotisants.

B. LES SPÉCIFICITÉS DE L'EXERCICE 2011

1. L'anticipation des effets liés à la réforme des retraites sur les pensions des fonctionnaires de l'Etat

La réforme des retraites, actuellement en cours de discussion devant le Parlement, concerne l'ensemble des régimes dont celui de l'État, porté principalement par le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraites et allocations temporaires d'invalidité » du CAS pensions. La mesure de ses effets implique d'anticiper les comportements de départ à la retraite des fonctionnaires à compter du 1 er janvier 2011, exercice qui se révèle difficile à maîtriser.

a) Les effets sur les recettes : l'augmentation des taux de cotisation salarial et employeur

En effet, les recettes du CAS sont définies pour équilibrer les dépenses sur la base de cotisations salariées et de cotisations patronales versées par l'Etat et les établissements publics employeurs. Ces cotisations patronales, qui étaient « implicites » avant la création du compte spécial sont maintenant « explicites » car ils déterminent directement la contribution que chaque ministère employeur aura à verser pour assurer la charge des pensions.

L'article 21 du projet de loi portant réforme des retraites prévoit de porter progressivement le taux de cotisation salariale de 7,85 % à 10,55 % sur le salaire brut afin d'opérer un rapprochement avec les taux du régime général de base et complémentaire. Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement procéderait par voie réglementaire pour augmenter de 0,27 point par an, pendant dix ans, le taux de cotisation des fonctionnaires . Les prévisions de recettes du CAS pour 2011 sont, en conséquence, d'ores et déjà présentées dans le projet annuel de performances sur la base de cette majoration de cotisation.

L'équilibre du CAS Pensions est également assuré par l'augmentation des taux de contribution de l'Etat employeur qui seraient revalorisés pour atteindre les niveaux suivants :


• 65,39 % pour les personnels civils (hors ATI) ;


• 0,33 % pour les allocations temporaires d'invalidité (ATI) ;


• 114,14 % pour les personnels militaires.

Les taux de contribution employeur sont les mêmes pour l'ensemble des employeurs : ministères, établissements publics, collectivités territoriales. Il sont aussi qualifiés de « fictifs » puisque par définition, ceux-ci sont calculés dans le but assurer l'équilibre du régime, la charge en revenant donc in fine au budget de l'Etat au travers des versements effectués au CAS « Pensions » par chaque ministère employeur. Ils évoluent donc tous les ans, dans un mouvement de hausse permanent qui exprime l' accroissement constant du besoin de financement du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat.

Il convient de signaler cependant qu'en dépit de la hausse concomitante des taux de cotisations salariés et employeur, le budget 2011 prévoit un solde déficitaire de 200 millions d'euros, avec des recettes (48,022 milliards d'euros) inférieures aux dépenses (48,222 milliards d'euros) du programme 741 . Cette charge, qui contrevient au principe d'équilibre régissant, selon la LOLF, la gestion d'un compte spécial, serait imputée, à due concurrence, sur le fonds de roulement de un milliard d'euros dont est doté le CAS.

Evolution du montant et des taux de la contribution de l'Etat employeur

Année

Contribution de l'État employeur
(en millions d'euros)

Taux de cotisation (implicite jusqu'en 2005, explicite depuis 2006)

1996

19 427(1)

46,2 %

1997

20 145(1)

47,4 %

1998

20 792(1)

47,4 %

1999

22 018(1)

48,6 %

2000

22 506(1)

49,2 %

2001

22 787(1)

48,7 %

2002

24 763(1)

52,3 %

2003

25 239(1)

52,7 %

2004

26 639(1)

56,8 %

2005

27 888(1)

59,4 %

Fonctionnaires civils

Militaires

ATI

2006

30 101(1)

49,90 %

100,00 %

0,30 %

2007

30 602(1)

50,74 %

101,05 %

0,31 %

2008

32 563(1)

55,71 %

103,50 %

0,31 %

2009

33 245(1)

60,14 %

108,39 %

0,32 %

2010

33 966(2)

62,14 %

108,63 %

0,33 %

2011

35 090(3)

65,39 %

114,14 %

0,33 %

(1) Exécution
(2) LFI pour 2010 (y compris impact des transferts TOS et DDE)

(3) PLF pour 2011

Source : réponses au questionnaire budgétaire

b) Des effets sur les dépenses peu prévisibles

En ce qui concerne les dépenses, le Gouvernement prévoit, sous réserve de l'issue du débat parlementaire, que le régime de la fonction publique sera affecté par les mesures de report de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, et de l'âge d'annulation de la décote porté de 65 à 67 ans. Il anticipe donc une moindre dépense de pension, toutefois faiblement perceptible en 2011.

En effet, l'exercice 2011 pourrait également se caractériser par des effets inverses dans la mesure où la réforme du départ anticipé des fonctionnaires parents de trois enfants ayant accompli quinze ans de carrière serait de nature à se traduire temporairement par des départs en retraite supplémentaires.

En dépit de ces tendances contradictoires, un solde légèrement positif devrait se dégager dès l'an prochain. Ce phénomène serait renforcé par la dégradation du ratio démographique 4 ( * ) du régime de la fonction publique d'État (fonctionnaires civils et militaires) qui aura pour effet de réduire les dépenses de compensations généralisées inter-régimes à horizon 2020. Ainsi, la charge de transferts pour l'État sera décroissante sur toute la décennie, ce qui améliorera le solde comptable du régime.

Même si l'effet de la réforme sur les dépenses est difficile à évaluer avec précision, le Gouvernement considère que l'impact cumulé sur les recettes et les dépenses de la mesure de recul des bornes d'âge et des mesures de convergence entre régimes de retraite publics et régimes de retraite privés permettrait de diminuer de 1,1 milliard d'euros la contribution de l'Etat dès 2013. L'impact total estimé de la réforme sur le solde du CAS Pensions (programme 741) entre 2011 et 2020 est retracé dans le tableau ci-dessous, mais, en raison des incertitudes exprimées plus haut sur les effets de la réforme, votre rapporteur spécial ne peut que se montrer prudent devant ces projections.

Économies engendrées par la réforme de 2010 pour le CAS Pensions

(en milliards d'euros 2008)

Impact du

« Rendez-vous 2010 »

2011

2013

2015

2018

2020

Impacts en dépenses

Mesures âge

- 0,07

- 0,5

- 1,00

- 1,9

- 2,6

Minimum garanti

- 0,1

- 0,15

- 0,2

- 0,3

Mesure parents 3 enfants

0,05

0

- 0,15

- 0,3

- 0,4

Impacts en recettes

Mesure retenue pour pension

0,16

0,5

0,7

1,2

1,5

Cumul des économies en recettes et dépenses

0,18

1,1

2

3,6

4,8

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une application aux régimes spéciaux volontairement différée

La réforme des retraites ne devrait avoir, en revanche, aucune conséquence sur les prévisions de dépenses de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Ainsi que votre rapporteur spécial l'a déjà signalé dans le cadre de ses travaux sur le bilan de la réforme des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP 5 ( * ) , le projet annuel de performances pour 2011 confirme expressément que le calendrier de la réforme de 2008, qui prévoit une convergence en 2016 du nombre de trimestres ouvrant droit à une pension à taux plein (164 trimestres), ne serait pas remis en cause. Ce n'est qu'à compter de 2017 que les mesures de relèvement d'âge commenceraient à prendre effet pour les régimes de retraite des personnels de la SNCF et de la RATP.

C. L'ÉVOLUTION DU POIDS DES RETRAITES DANS LE BUDGET DE L'ETAT

1. La programmation pluriannuelle 2011-2014
a) L'augmentation des charges de pensions

Depuis 1990, les dépenses de pensions ont progressé de 167 %, soit à un rythme plus de trois fois plus élevé que la progression des dépenses du budget général.

Evolution des dépenses de pension entre 1990 et 2011

(en milliards d'euros)

Année

Pensions civiles et militaires

Part du budget général

Total des dépenses du budget général

1990

18,0

9,3 %

193,4

2000

28,5

11,0 %

259,3

2008

41,8

14,6 %

286,1

2011

48,2

16,8 %

286,4

Progression 1990/2008

167 %

48 %

Source : commission des finances d'après le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2010 et le projet annuel de performance pour 2011 du compte spécial « Pensions »

Le constat récurrent selon lequel les pensions de la fonction publique sont le principal facteur de progression des dépenses de l'Etat demeure d'actualité et est confirmé par les projections faites par le Gouvernement sur la période 2011-2013, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous.

Evolution des crédits, à champ constant, sur le périmètre de la norme

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, rapport sur la programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

Les économies indispensables pour compenser la dynamique spontanée de la dépense de pensions doivent donc être dégager sur les autres dépenses, dont la valeur est stabilisée, pour financer les politiques jugées prioritaires. En effet, les normes « zéro volume » et « zéro valeur » ne peuvent s'appliquer stricto sensu aux charges de la dette et des pensions. A cet égard, il faut retenir que l'article 5 de la loi de programmation pluriannuelle retient comme principe de maîtrise des dépenses la norme dite « zéro valeur hors dette et pensions ».

b) L'évolution des crédits sur la période 2011-2014

L'évolution des crédits budgétaires affectés à la couverture des régimes spéciaux et de la fonction publique est très dynamique, suivant une progression comparable, de l'ordre de 8 %, pour la contribution de l'Etat au CAS pension et à la mission « Régimes sociaux et de retraite ». La cause commune et essentielle repose sur les déséquilibres structurels et démographiques propres à ces régimes.

Programmation pluriannuelle à périmètre constant 2010

(en milliards d'euros)

Missions

2011

2012

2013

Progression 2011-2013

Contributions de l'Etat au CAS Pension

36,66

37,86

39,58

7,96 %

Régimes sociaux et de retraite

6,03

6,24

6,53

8,29 %

Source : commission des finances d'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

La programmation pluriannuelle ainsi proposée a pour objet de pourvoir aux dépenses de retraite estimées sur les trois prochaines années.

Par ailleurs, l'augmentation en 2012 et 2013 des subventions de l'Etat aux régimes spéciaux est due à l'extinction de la compensation spécifique entre régimes en 2012. Cette échéance impliquera une diminution des ressources perçues à ce titre par les régimes subventionnés 6 ( * ) . En conséquence, les subventions de l'État devront mécaniquement augmenter pour compenser le tarissement de cette recette. Cette contrainte explique pour une large part la hausse des crédits inscrits sur la mission « Régimes sociaux et de retraite ». La progression de la dépense serait toutefois contenue par la poursuite des cessions immobilières de la caisse des mines et par la mobilisation des réserves des régimes de retraite de la SEITA ( cf. infra ).

2. L'actualisation des données relatives au besoin de financement et aux engagements de l'Etat au titre des retraites
a) Le besoin de financement à long terme

Le « besoin de financement actualisé » mesure les réserves qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui, en étant placées au taux d'intérêt du marché, pour faire face à l'ensemble des décaissements nécessaires pour combler les déficits anticipés. Les hypothèses de calcul se fondent sur la masse des prestations et des cotisations anticipées à législation constante, sur la base de taux de cotisations inchangés. Néanmoins, l'exercice de projection impose de choisir un ensemble d'hypothèses démographiques (évolution de la population active, tables de mortalité, taux de fécondité, etc.) et macroéconomiques (croissance, évolution des salaires, etc.) nécessairement sujettes à incertitude.

La valeur du « besoin de financement actualisé » du régime des fonctionnaires de l'État est très sensible au taux d'actualisation retenu, comme le montre le tableau ci-après.

Evaluation du besoin de financement actualisé
du régime de la fonction publique d'Etat

(en milliards d'euros 2008)

Taux d'actualisation

1,50 %

1,63 %

2,50 %

Besoin de financement actualisé à horizon 2109

Besoin de financement actualisé à horizon 2050

Besoin de financement actualisé à horizon 2109

Besoin de financement actualisé à horizon 2050

Besoin de financement actualisé à horizon 2109

Besoin de financement actualisé à horizon 2050

Fonctionnaires de l'État

586

342

556

333

406

278

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Sur la base d'un taux d'actualisation médian de 1,63 %, le besoin de financement, actualisé à 100 ans 7 ( * ) , s'élève à 556 milliards d'euros , soit 29 points de PIB.

Le graphique ci-après illustre l'évolution annuelle de la masse des prestations du régime et décompose son financement entre les cotisations salariales et contributions des employeurs à droit constant ainsi que le besoin supplémentaire de financement annuel. Il indique également le besoin de financement actualisé cumulé sur la période de projection 2009-2109.

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Une hausse des taux de cotisation employeurs engendrerait un moindre besoin de financement supplémentaire ultérieur pour le régime. Ainsi, sur la base de la dernière actualisation faite en euros valeur 2009, la hausse supposée des taux à l'horizon de projection, de près de 4 points de cotisation supplémentaire pour les fonctionnaires civils de l'État, aurait un impact à la baisse de près de 71 milliards d'euros, venant en diminution du besoin de financement actualisé sur les 100 années suivantes de projection. Celui-ci passerait ainsi de 556 milliards d'euros à 485 milliards d'euros.

b) Les engagements de l'Etat au titre des retraites

Le calcul des engagements de l'Etat consiste à évaluer, à législation constante, la valeur actualisée des pensions qui seront versées aux retraités et aux actifs présents à la date d'évaluation. Les pensions futures des actifs, évaluées sur la base de leur évolution de carrière probable à l'aide des paramètres actuels du régime, sont prises en compte au prorata des années de services effectuées à la date d'évaluation sur le nombre d'années de services au moment du départ à la retraite.

Les engagements de retraites des fonctionnaires civils de l'Etat et des militaires se situaient, fin 2009, dans une fourchette de 981 à 1 171 milliards d'euros, selon le taux d'actualisation retenu. Avec le taux d'actualisation moyen de 1,63 % réel, net d'inflation, le montant total des engagements directs de l'Etat en matière de retraite, qui s'élevait à 1 050 milliards d'euros au 31 décembre 2008, est estimé à 1 143 milliards d'euros au 31 décembre 2009. Ce total correspond à près de 59 % du PIB.

Montant des engagements en fonction du taux d'actualisation retenu.

(en milliards d'euros)

Taux d'actualisation

1,5%

Montant des engagements en fonction du taux médian retenu

2,5%

Engagements au 31-12-2008

1 170

1 050 (2,08 %)

975

Évaluation pour le 31-12-2009

1 171

1 143 (1,63 %)

981

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Il convient de souligner que ces montants doivent être considérés, avant tout, comme des ordres de grandeur.

II. LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

1. La répartition par programmes et actions

Les crédits de l'ensemble de la mission connaîtront une progression de 5,3 % entre 2010 (5,72 milliards d'euros) et 2011 (6,03 milliards d'euros) .

Les régimes constitutifs de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont répartis entre trois programmes :

- Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » ;

- Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » ;

- Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers ».

Les régimes concernés, qui connaissent des situations démographiques déséquilibrées, représentaient au total près de 860 000 pensionnés ou allocataires en 2008. En 2010, ce nombre sera compris entre 790 000 et 800 000, en fonction du rythme d'extinction de certains régimes.

En 2011, les déséquilibres seront accentués par une évolution défavorable des transferts de compensation démographique 8 ( * ) , notamment pour le régime des mines. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a, en effet, prévu l' extinction en 2012 de la compensation spécifique entre régimes spéciaux . Il en résulte dès lors une diminution progressive des ressources perçues à ce titre par les caisses de retraite qui doit être comblée par la hausse des subventions d'équilibre de l'Etat. Le tableau de répartition des crédits par programme et action, présenté ci-dessous, permet de constater les variations les plus significatives de crédits.

Répartition des crédits par programme et action (régimes sociaux et de retraite)

(en euros)

Intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement

Exécution 2009

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Variation 2010/2011

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

3 633 215 542

3 824 250 000

3 880 180 000

1,5%

Régime de retraite du personnel de la SNCF

2 969 379 211

3 120 600 000

3 192 250 000

2,3%

Régime de retraite du personnel de la RATP

501 000 000

526 700 000

526 730 000

0,0%

Autres régimes 9 ( * )

162 836 331

176 950 000

161 200 000

-8,9%

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

739 999 228

792 500 000

797 278 279

0,6%

Pensions de retraite des marins

739 999 228

782 999 000

789 328 279

0,8%

Action sanitaire et sociale des marins

-

9 501 000

7 950 000

-16,3%

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

714 363 963

1 110 050 000

1 353 490 000

21,9%

Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

587 500 000

971 600 000

1 209 000 000

24,4%

Régime de retraite de la SEITA

121 636 000

132 380 000

139 420 000

5,3%

Caisse des retraites de l'imprimerie nationale

60 723

70 000

70 000

0,0%

Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

4 564 000

5 200 000

4 400 000

-15,4%

Versements liés à la liquidation de l'ORTF

603 240

800 000

600 000

-25,0%

Total

5 087 578 733

5 726 800 000

6 030 948 279

5,3%

Source : d'après le rapport annuel de performances pour 2010 et le projet annuel de performances pour 2011

Hormis la réduction mécanique des besoins de financement des régimes en extinction démographique, les régimes spéciaux les plus importants s'inscrivent dans la stabilité (SNCF, RATP, marins) à l'exception de la caisse des mines, pour laquelle la subvention de l'Etat progresse de près de 25 %, et dans une moindre mesure le régime de retraite de la SEITA (+ 5,3 %), pour les motifs expliqués plus haut.

2. La justification des crédits demandés

Depuis le projet de loi de finances pour 2009, à la demande de votre rapporteur spécial, les subventions d'équilibre versées aux caisses autonomes de la SNCF et de la RATP sont désormais clairement identifiées au sein du programme n° 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ».

La présentation budgétaire des crédits est ainsi dorénavant individualisée pour chaque régime spécial. Elle permet de relever les particularités propres à chacun d'entre eux :

- la progression contenue des dotations aux caisses autonomes de retraite de la SNCF et de la RATP est due à la stabilité de leur structure démographique à court terme, alors que l'établissement national des invalides de la marine (ENIM) devra mobiliser 4,9 millions d'euros (sur une réserve de trésorerie de 59 millions d'euros au 31 décembre 2009) pour contenir le recours au financement de l'Etat ;

- l'augmentation très sensible, de 25 %, du versement au fonds de retraite des mines est provoquée par la diminution de 638 millions d'euros des ressources perçues au titre de la compensation inter régimes que l'Etat doit compenser intégralement.

Votre rapporteur spécial constate que cette hausse intervient dans un contexte où la caisse des mines a revu très nettement à la baisse ses objectifs de cession de patrimoine. Pour 2011, les produits de cession sont évalués à 75 millions d'euros, soit une réduction de moitié par rapport à 2010.

Objectifs de cession du patrimoine immobilier de la caisse des mines

(en millions d'euros)

Année

2008

2009

2010

Montant estimatif des cessions

170

420

140

Source : réponses au questionnaire budgétaire

On se souvient qu'il avait été demandé à la caisse des mines d'optimiser la valorisation de son patrimoine immobilier afin de permettre la baisse de la subvention de l'Etat 10 ( * ) et que les subventions 2008, 2009 et 2010 avaient été calculées en tenant compte des cessions immobilières engagées par le régime des mines selon des objectifs particulièrement ambitieux 11 ( * ) :

Votre rapporteur spécial observe que le contrecoup conjugué du tarissement des recettes immobilières et de la compensation spécifique montre que la solidarité nationale manifestée à travers le financement de l'Etat est indispensable, les mobilisations de réserves ou de patrimoine ne pouvant être que des solutions ponctuelles

L'équilibre de ces régimes repose donc en tout état de cause très largement sur le budget général.

B. LA PRÉSENTATION DU FINANCEMENT DES RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE MÉRITERAIT D'ÊTRE EXHAUSTIVE

En dépit des réels progrès réalisés dans la présentation du projet annuel de performances, votre rapporteur spécial rappelle que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne comprend pas l'ensemble des crédits de l'État affectés au financement des régimes spéciaux de retraite .

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes pour 2009, il avait relevé une observation de la Cour des comptes sur des flux manquants, de l'ordre de 780 millions d'euros en 2010, non répertoriés dans le « jaune » budgétaire consacré au « Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale ». La Cour recommandait que cette masse « très significative » de crédits soit mieux identifiée et soit, le cas échéant, intégrée à la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

A l'instar de la transparence opérée par le CAS Pensions dans la gestion des retraites de fonctionnaires de l'Etat, la présentation du financement des régimes sociaux et de retraite mériterait d'être exhaustive . Ainsi, d'après les informations recueillies auprès de la direction du budget, trois régimes spéciaux de retraite dont l'équilibre est financé par l'Etat sont rattachés à d'autres missions budgétaires : le régime des agents français des offices d'électricité et du gaz d'Algérie, du Maroc et de Tunisie (14,99 millions d'euros), ainsi que les caisses de retraite de la Comédie française et de l'Opéra de Paris (16,85 millions d'euros) 12 ( * ) .

Par ailleurs, le programme 174 « Energie, climat et après mines » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable » finance des prestations sociales et de retraites décidées dans le cadre de la gestion de l'après crise des charbonnages de France, des mines de fer ou des ardoisières d'Angers pour un montant de 658,12 millions d'euros.

Au total, votre rapporteur spécial a identifié 689,96 millions d'euros de crédits de régimes sociaux et de retraites financés par l'Etat en dehors de la présente mission.

Ces dépenses sont du reste répertoriées assez précisément dans leurs missions de rattachement, mais la logique de lisibilité des dépenses de pensions voudraient qu'elles ne soient pas « noyées » au milieu de dotations de fonctionnement et d'investissement. Aussi, le tableau ci-dessous présente-t-il, dans un souci de transparence, les quatre régimes pour lesquels une réflexion pourrait être menée afin, le cas échéant, d'inscrire dès 2012 leur financement au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Régimes sociaux ou de retraite financés par le budget de l'Etat en dehors de la mission « Régime sociaux et de retraite »

(en millions d'euros)

Régimes sociaux ou de retraite

Montant de la subvention
de l'Etat

Mission de rattachement

Retraites de la Comédie française et de l'Opéra de Paris

16,85

Culture

Retraites des électriciens et gaziers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie

14,99

Ecologie, développement et aménagement durables

Régime social de l'après mine 13 ( * )

658,12

Ecologie, développement et aménagement durables

Total

689,96

Sources : projet annuels de performances 2011 des missions « Culture » et « Ecologie, développement et aménagement durables »

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIAL AMBITIONNE DÉSORMAIS DE GARANTIR LA TRANSPARENCE DU FINANCEMENT DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » a été institué par l'article 21 de la LOLF qui a prévu la mise en place, au 1 er janvier 2006, d'un compte distinct du budget général de l'Etat pour retracer les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite des agents de l'Etat et avantages accessoires . Ces dépenses doivent être strictement équilibrées par des recettes provenant des cotisations des salariés et des ministères employeurs.

Auparavant, les dépenses afférentes au financement des pensions étaient disséminées dans le budget de l'Etat, le financement des pensions n'étant pas identifié en raison du principe de non-affectation des recettes. L'ambition d'assurer une lisibilité complète des flux financiers relatifs aux pensions, en recettes comme en dépenses, trouve ainsi sa traduction dans un document comptable unique.

Le CAS est structuré en trois programmes et constitue une mission au sens de la LOLF. Il rassemble l'ensemble des crédits que l'Etat consacre au paiement des pensions relatives :

- aux pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité (programme 741) pour un montant de 48,22 milliards d'euros , parmi lesquels on dénombre notamment 38,55 milliards d'euros de pensions civiles et 9,52 milliards d'euros de pensions militaires ;

- aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat (programme 742) pour un montant de 1,83 milliard d'euros ;

- aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions (programme 743) pour un montant de 2,54 milliards d'euros .

Au total, les crédits du CAS « Pensions » augmentent en 2011 de un milliard et demi d'euros pour s'établir à 52,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,9 % . De 2009 à 2010, l'augmentation avait été de 10 %.

Les pensions civiles et militaires (+ 2,2 %) représentent 91,7 % des crédits du CAS.

Evolution du coût des pensions civiles et militaires de retraite et montant des crédits
du compte spécial « Pensions »

(en millions d'euros)

Dépenses de pensions

Part des crédits du programme

Part des crédits de la mission

2010

2011

Variation 2010/2011

Action 1 « Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires »

37 308,00

38 555,00

3,3 %

80,0 %

73,3 %

Action 2 « Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite »

9 233,00

9 524,00

3,2 %

19,8 %

18,1 %

Action 3 « Allocations temporaires d'invalidité »

141,00

143,00

1,4 %

0,3 %

0,3 %

Total du programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaire d'invalidité »

46 682,00

48 222,00

3,3 %

100,0 %

91,7 %

Action 1 « Prestation vieillesse et invalidité »

1 725,24

1 768,89

2,5 %

96,3 %

3,4 %

Action 2 « Cessations anticipées d'activité »

17,44

0,00

-100,0 %

0,0 %

0,0 %

Action 3 « Autres dépenses spécifiques »

1,51

0,90

- 40,4 %

0,0 %

0,0 %

Action 4 « Gestion du régime »

8,51

8,03

- 5,6 %

0,4 %

0,0 %

Action 5 « Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires »

58,08

58,08

0,0 %

3,2 %

0,1 %

Total du programme « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat »

1 810,78

1 835,91

1,4 %

100,0 %

3,5 %

Action 1 « Reconnaissance de la Nation »

799,76

793,76

- 0,8 %

31,2 %

1,5 %

Action 2 « Réparation »

1 790,00

1 709,00

- 4,5 %

67,1 %

3,2 %

Action 3 « Pensions d'Alsace-Lorraine »

15,10

15,80

4,6 %

0,6 %

0,0 %

Action 4 « Allocation de reconnaissance des anciens supplétifs »

13,20

13,15

- 0,4 %

0,5 %

0,0 %

Action 5 « Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien »

0,08

0,09

6,0 %

0,0 %

0,0 %

Action 6 « pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents »

12,44

13,46

8,2 %

0,5 %

0,0 %

Action 7 « Pensions de l'ORTF »

0,62

0,53

-14,5 %

0,0 %

0,0 %

Total du programme « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

2 631,21

2 545,79

-3,2 %

100,0 %

4,8 %

Total du CAS « Pensions »

51 123,99

52 603,70

2,9 %

100,0 %

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2010

En outre, il convient d'observer que, hors CAS Pensions, les coûts de gestion du service des retraites de l'Etat s'établissent à 74,09 millions d'euros pour 2011 (73,41 millions d'euros pour 2010). Dans la mesure où un compte spécial ne doit pas comporter de dépenses de moyens, ces crédits sont retracés dans l'action « Gestion des pensions » du programme « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » du budget général.

A cet égard, votre rapporteur spécial se félicite de la création, en 2009, du service des retraites de l'Etat (SRE) qui réunit le service des pensions situé à Nantes et l'ensemble des centres régionaux de pensions 14 ( * ) (CRP) chargés, au sein des trésoreries, de la liquidation des retraites. La décision de mettre en place un service à compétence nationale dans le cadre de la modernisation de la gestion des pensions répondait ainsi aux recommandations de votre commission des finances 15 ( * ) suite à l'enquête demandée à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF sur la gestion des pensions de l'Etat.

B. LA JUSTIFICATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

1. Le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

La difficulté principale en matière de prévision de l'évolution des recettes et des dépenses du CAS Pensions concerne essentiellement le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », en raison de l'importance du volume des pensions à servir (48,22 milliards d'euros en 2011) et de l'incertitude pesant sur les comportements individuels de départ en retraite.

Par ailleurs, l'évaluation des flux concerne les demandes individuelles traitées par le service des retraite de l'Etat qui recouvre les fonctionnaires des différents ministères, mais aussi de La Poste, de France Télécom, des établissements publics ou encore des ex-fonctionnaires qui ont conservé un droit à pension du fait d'un durée de service effectif égale ou supérieure à quinze ans et qui demandent la liquidation de leur pension publique.

Entre 2010 et 2011, les prévisions de départs en retraites demeurent relativement stables. Toutefois, comme nous l'avons vu plus haut, l'exercice de prévision est rendu plus complexe par les incertitudes pesant sur les effets de la réforme des retraites en cours d'adoption par le Parlement.

Evolution et prévision des flux de départs en retraite 16 ( * )

(en effectifs)

Année

Civils

(avec PTT)

Militaires

(y compris soldes de réserve)

Ayants droit

Ayants cause

Ayants droit

Ayants cause

Total

2000

56 207

17 073

13 060

7 689

94 029

2001

57 393

16 876

13 376

7 519

95 164

2002

63 801

16 888

13 288

7 319

101 296

2003

74 728

17 588

11 453

7 467

111 236

2004

72 003

17 999

10 556

7 978

108 536

2005

70 284

18 199

9 753

7 591

105 827

2006

76 775

17 962

9 527

6 911

111 175

2007

81 287

17 950

10 832

7 032

117 101

2008

81 456

18 052

12 420

6 929

118 857

2009

68 167

18 032

12 152

7 018

105 369

2010 (prévision)

68 000

19 400

12 000

7 100

106 500

2011 (prévision)

69 200

20 000

12 000

7 100

108 300

2012 (prévision)

67 800

20 500

12 000

7 200

107 500

2013 (prévision)

66 600

21 000

12 000

7 200

106 800

2020 (prévision)

58 400

ND

12 000

7 200

ND

2030 (prévision)

53 000

ND

12 000

7 200

ND

Champ : pensions civiles et de militaires de retraite ayants droit et ayants cause (premier droit) mises en paiement durant l'année, hors pensions temporaires d'orphelins et allocations temporaires d'invalidité.

Source : DGFiP - Service des retraites de l'État et direction du Budget (projections à long terme) sur la base des travaux du COR 2010

La progression de 1,2 milliard d'euros des dépenses de pensions civiles et militaires par rapport à la prévision pour 2010, soit une augmentation de 3,3 %, correspond principalement au flux de nouveaux pensionnés (un milliard d'euros) et à l'effet de la revalorisation annuelle des pensions en paiement.

Par ailleurs, l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 abroge l'ensemble des dispositions législatives qui ont conduit à la « cristallisation » des pensions des ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'ancien empire colonial français, conformément à la décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010. Cette décristallisation concerne des pensions civiles et militaires de retraite mais également des pensions militaires d'invalidité.

Afin de permettre l'alignement de la valeur du point de base et des indices servant au calcul des pensions sur les mêmes bases que les pensions servies aux ressortissants français à compter du 1 er janvier 2011, une dépense supplémentaire de 82 millions d'euros est inscrite à l'action n° 2 relative aux pensions militaires de retraite 17 ( * ) . La portée juridique et financière de cet article est examinée ci-dessous dans la section consacrée à l'examen de l'article rattaché au CAS Pensions.

En ce qui concerne l'équilibre du CAS Pensions pour les retraites des fonctionnaires civils et des militaires, le service des retraites de l'Etat prend pour base de calcul la revalorisation des taux de cotisations salariales et employeur précités mais envisage, l'an prochain, un déficit de 200 millions d'euros entre les recettes et les dépenses réparti ainsi :

- 158 millions d'euros pour les pensions civiles ;

- et 42 millions d'euros pour les pensions militaires.

Ce déséquilibre, qui représente seulement 0,4 % du montant total des pensions du programme 741, serait permis par la mobilisation partielle du fonds de roulement du CAS qui s'élève à un milliard d'euros.

2. Le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat »

Le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) est caractérisé par un déficit démographique important (47 100 cotisants pour 105 627 pensionnés) qui explique que les cotisations des salariés et des employeurs ne suffisent pas à équilibrer les charges de pensions.

Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2008, votre rapporteur spécial faisait observer que le « taux employeur » de 24 % applicable aux établissements industriels de l'Etat demeurait très en deçà du niveau de celui en vigueur pour les fonctionnaires civils et n'était pas de nature à guider les gestionnaires vers une plus grande responsabilisation de l'emploi des ressources humaines.

Depuis lors, cette observation a été entendue et le Gouvernement a régulièrement augmenté le taux de la cotisation employeur afin de contenir la hausse de la subvention de l'Etat sans toutefois l'enrayer . Le taux a ainsi été porté à 27 % en 2009, et 30 % en 2010. Le projet annuel de performances pour 2011 le fixe à 33 % à compter du 1 er janvier 2011. Ces revalorisations successives permettent, chaque année, d'augmenter les recettes de contributions patronales du FSPOEIE : celles-ci seront en hausse de 7,5 % entre 2010 et 2011 (459 millions d'euros au lieu de 427 millions d'euros).

En dépit de cet effort, la subvention d'équilibre de l'Etat à ce régime continuera à augmenter. Elle s'élèvera à 1,135 milliard d'euros en 2011 , soit une hausse de 46 millions d'euros (4,2 %) par rapport à 1,089 milliard d'euros en 2010, pour une dépense totale du régime prévue de 1,78 milliard d'euros .

Ce dernier montant est en hausse de 1,4 %, conséquence d'une élévation du nombre de pensionnés (105 677 en 2011 contre 105 405 en 2010) et de l'augmentation du montant de la pension moyenne.

Pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État

(en millions d'euros)

DEPENSES

LFI

2010

PLF

2011

Pensions (1)

1 743

1 769

Autres charges (2)

10

9

TOTAL DEPENSES

1 753

1 778

RECETTES

Cotisations salariales

107

108

Contributions patronales

427

459

Remboursement défense

17

0

Autres produits

17

10

Subvention de l'État (3)

1 089

1 135

Transfert de compensation

95

66

TOTAL RECETTES

1 753

1 778

Solde

0

0

Source : réponses au questionnaire budgétaire

(1) Le montant des pensions intègre les pensions vieillesse et invalidité, ainsi que les allocations versées au titre des cessations anticipées d'activité.

(2) Les autres charges comprennent les frais de gestion des régimes (FSPOEIE et RATOCEM 18 ( * ) ), ainsi que les versements dus aux affiliations rétroactives au régime général et à l'IRCANTEC.

(3) Depuis la mise en oeuvre du CAS Pensions, la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) est nette du montant des compensations démographiques désormais versées directement au régime.

3. Le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

La particularité de ce programme est que les dépenses ne sont équilibrées par aucune cotisation dans la mesure où il finance soit des régimes « éteints » sur le plan démographique, plus aucun actif ne subsistant pour apporter sa contribution (pensions d'Alsace-Lorraine, chemin de fer franco-éthiopien, ORTF), soit des prestations ne donnant pas lieu à cotisation (anciens combattants, traitement attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire).

Pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre et autres pensions

(en euros)

Dépenses

LFI

2010

PLF

2011

Reconnaissance de la Nation

Retraite du combattant

799 000 000

LH + MM

763 500

Retraite du combattant

793 000 000

LH + MM

763 500

Réparation

1 790 000 000

1 709 000 000

Pensions d'Alsace-Lorraine

15 100 000

15 800 000

Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

13 200 000

13 150 000

Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

82 600

87 600

Pensions des sapeurs pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents

12 440 000

13 460 000

Pensions de l'ORTF

621 500

532 000

Total dépenses

2 631 207 600

2 545 793 100

Recettes

LFI

2010

PLF

2011

Subvention d'équilibre

2 631 207 600

2 545 793 100

Solde

0

0

1 Légion d'honneur

2 Médaille militaire

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Ainsi, les dépenses prévues pour 2011 sont intégralement compensées par la subvention d'équilibre de l'Etat qui s'élève à 2,54 milliards d'euros, en baisse de 86 millions d'euros par rapport à 2010.

L'action la plus importante concerne les réparations relatives aux pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre pour un montant de 1,7 milliard d'euros répartis entre plus de 350 000 pensionnés, dont l'évolution démographique induira une diminution de 81 millions d'euros des dépenses en 2011.

L'ensemble des actions sont décrites dans les crédits des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » et « Régimes sociaux et de retraite » du budget général.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 100 - Décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite

Commentaire : le présent article vise à aligner, à compter du 1 er janvier 2011, les modalités de calcul des pensions civiles et militaires des retraites des anciens combattants ressortissants de pays ou territoires ayant été placés sous la souveraineté de la France sur les mêmes valeurs de points et d'indices que celles prises en compte pour les ressortissants français, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010.

La portée du présent article est historique , à plusieurs titres.

D'abord, il répond à une longue attente des anciens combattants ressortissant des territoires autrefois placés sous la souveraineté de la France pour bénéficier de pensions équivalentes à celles de leurs frères d'armes français. En effet, voici plus de cinquante ans que le principe de « cristallisation » des pensions , rente ou allocation viagère imputées sur le budget de l'Etat, a remplacé le droit à pension par une indemnité non susceptible de revalorisation, sauf mesure expressément dérogatoire. Aujourd'hui encore, près de 32 000 anciens combattants de la seconde guerre mondiale, puis des guerres d'Indochine et d'Algérie, se voient appliquer ce régime en raison de leur nationalité. Le film Indigènes , de Rachid Bouchareb, avait ravivé en 2006 la nécessité de mettre fin à cette inégalité et, en conséquence, à la suite d'une décision de Jacques Chirac, alors Président de la république, la loi de finances pour 2007 avait opéré un commencement de « décristallisation », mais pour les seules « prestations du feu », à l'exclusion des pensions de retraite. A la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 qui a déclaré « contraires aux principes d'égalité » les lois instituant ces différences de pensions entre anciens combattants français et étrangers, puis de l'annonce faite par le Président de la République, le 13 juillet dernier 19 ( * ) , d'aligner l'ensemble des pensions, le rétablissement de l'égalité des droits à pension est devenu une obligation constitutionnelle qui répond, en outre, à une obligation morale. A ce titre, le présent article représente une avancée hautement symbolique .

Parallèlement, le présent article tire les conséquences de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a institué la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) 20 ( * ) . C'est sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution que le Conseil constitutionnel a rendu sa première décision (n° 2010-1 QPC, Consorts L.) , précisément sur le régime spécial de pension applicable aux pays et territoires autrefois sous souveraineté française et, en l'espèce, aux ressortissants algériens. La discussion des dispositions proposées par le Gouvernement s'inscrit donc dans une procédure novatrice qui appelle le législateur à remédier à une inconstitutionnalité constatée par le juge constitutionnel .

Enfin, la décristallisation des pensions est de nature à améliorer très sensiblement le niveau de vie des intéressés . Cette conséquence n'est pas des moindres si l'on considère, par exemple, le cas d'un sergent marocain dont l'indemnité annuelle s'élève à 612 euros, alors qu'un sergent français ayant accompli les mêmes états de service pourrait prétendre à une pension d'ancien combattant de 7 512 euros 21 ( * ) . De ce point de vue, l' effort budgétaire qui sera consenti par l'Etat pour satisfaire au principe d'égalité doit être apprécié à sa juste valeur, près de 150 millions d'euros par an en année pleine. Si la reconnaissance que la Nation manifeste à ses anciens combattants et le respect de l'Etat de droit n'ont pas de prix, il appartient au législateur d'en apprécier le coût.

I. LE DROIT EXISTANT A ÉTÉ JUGÉ CONTRAIRE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

A. L'HISTORIQUE DES MESURES DE « CRISTALLISATION » DES PENSIONS DES ANCIENS COMBATTANTS

A l'origine du mécanisme de « cristallisation », l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 a gelé les pensions des anciens combattants ressortissants du Vietnam, Cambodge et du Laos sur la base des tarifs en vigueur au 31 décembre 1956, sans aucun rappel pour les sommes perçues en 1957 et 1958 et sans aucune possibilité de dérogation par décret. Ensuite ce principe a été appliqué pour les Africains et les Algériens au fur et à mesure des indépendances, assorti toutefois de modalités de revalorisation d'ordre réglementaire.

Un régime particulier a été créé pour les Algériens en loi de finances rectificative pour 1981 afin de résoudre des difficultés d'application persistantes depuis l'indépendance de l'Algérie.

Par la suite, le Conseil d'Etat, (arrêt « Diop » du 30 novembre 2001) a considéré qu'en fondant la « cristallisation » sur le seul critère de la nationalité, la réglementation était contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDHLF). Les évolutions législatives postérieures à cet arrêt ont initié un mouvement partiel de « décristallisation » :

- une « décristallisation relative » des pensions sur la base de la parité de pouvoir d'achat du pays de résidence de l'ancien combattant (article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002) ;

- une « décristallisation totale » des seules pensions d'invalidité et de retraite du combattant dites « prestations du feu », à l'exclusion des pensions de retraite (article 100 de la loi de finances pour 2007).

B. LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 28 MAI 2010

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 avril 2010, par le Conseil d'Etat, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les consorts L. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de :

- l'article 26 de la loi du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 ;

- l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

- l'article 100 de la loi du 21décembre 2006 de finances pour 2007.

Ces dispositions législatives sont relatives au régime spécial des pensions applicable aux ressortissants des pays et territoires autrefois sous souveraineté française et, en particulier, aux ressortissants algériens.

Par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a fait droit aux demandes des requérants en déclarant inconstitutionnelles, comme contraires au principe d'égalité , les dispositions contestées.

L'article 26 de la loi du 3 août 1981 et l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 garantissaient aux titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite, selon leur lieu de résidence à l'étranger au moment de l'ouverture de leurs droits, des conditions de vie en rapport avec la dignité des fonctions exercées au service de l'Etat. Or ces dispositions prévoyaient des conditions de revalorisation différentes de celles prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Il existait ainsi une différence de traitement avec les ressortissants français résidant dans le même pays étranger .

Le Conseil a considéré que ces dispositions violaient le principe d'égalité et a donc décidé de censurer les articles 26 de la loi du 3 août 1981, 68 de la loi du 30 décembre 2002 et l'article 100 de la loi de finances pour 2007, les ressortissants algériens ne bénéficiant pas de la « décristallisation » totale des prestations du feu édictée par cet article.

Dans la mesure où l'abrogation de ces textes conduirait à rendre applicables d'anciennes dispositions encore plus inégalitaires, le Conseil a aménagé les effets de sa décision en reportant au 1 er janvier 2011 son application. Par ce report de la date d'entrée en vigueur de sa décision, il a ainsi laissé le temps au législateur de prendre de nouvelles dispositions pour remédier à l'inconstitutionnalité des textes censurés .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ RÉTABLIT UNE STRICTE ÉGALITÉ DES PARAMÈTRES DE CALCUL DES PENSIONS

C'est donc pour se conformer à la décision du Conseil constitutionnel que le présent article vise à abroger l'ensemble des dispositions législatives conduisant à la « cristallisation » des pensions des ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'ancien empire colonial français.

Le I de l'article 100 définit le champ d'application de la « décristallisation », les nouvelles modalités de calcul concernant les pensions militaires d'invalidité, les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous les protectorat ou sous la tutelle de la France.

Les II et III alignent la valeur du point de pension et des indices servant au calcul des pensions sur les mêmes critères et valeurs que ceux applicables aux ressortissants français .

Le IV étend le principe d'égalité de la valeur du point et des indices au calcul des pensions attribuées au conjoint survivant et aux orphelins.

Les V, VI, VII et VIII prévoient les modalités d'application de l'alignement des pensions des anciens combattants :

- les demandes sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la « décristallisation » est applicable aux instances en cours au 28 mai 2010, date du prononcé de la décision du Conseil constitutionnel ;

- avant la concession des nouvelles pensions résultant de la « décristallisation », les pensions existantes sont maintenues car l'administration doit, pour reconstituer les carrières et déterminer les nouveaux indices qui serviront au calcul et à la liquidation des pensions décristallisées, instruire les éléments nouveaux (enfants à charge, invalidité) qui seront communiqués par les bénéficiaires ;

- un décret fixera notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes.

Enfin, le présent article prévoit :

- la remise d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur la mise en oeuvre de ces dispositions ;

- l'abrogation de l'ensemble des dispositions législatives antérieures portant « cristallisation » des pensions ;

- l'entrée en vigueur du présent article au 1 er janvier 2011.

L'Assemblée nationale a adopté le présent article avec une modification rédactionnelle.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. UN COÛT ÉTROITEMENT LIÉ AUX CONDITIONS DE MISE EN oeUVRE DE LA DÉCRISTALLISATION

Comme on l'a vu plus haut, l'impact financier de la revalorisation des quelque 32 000 bénéficiaires de la mesure est estimé par le Gouvernement à 150 millions d'euros par an sur la base d'un montant moyen de pension de 4 687,5 euros par an. Ce chiffrage rejoint celui de la Cour des comptes qui faisait état, dans le rapport public annuel pour 2010, d'un coût de 152 millions d'euros 22 ( * ) .

Toutefois, les services de l'Etat considèrent que la « décristallisation » sera progressive car si l'alignement de la valeur du point peut être mise en place automatiquement à partir du 1 er janvier 2011, en revanche, la reconstitution de carrière et la détermination des indices de calcul des nouvelles pensions nécessite l'instruction d'un dossier déposé par l'intéressé. Il est donc difficile d'estimer précisément la montée en charge du dispositif puisqu'il dépend de la bonne information des bénéficiaires et du rythme de leurs demandes. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement fait l'hypothèse que 20 % des dossiers seront validés en 2011, 40 % en 2012 et 70 % en 2013. En conséquence, le coût de la mesure est estimé à 82 millions d'euros pour 2011 , 100 millions d'euros pour 2012 et 125 millions d'euros pour 2013, la prévision de dépenses de 150 millions d'euros étant valable à partir des années suivantes. Votre rapporteur spécial considère que cette perspective de montée en charge du dispositif semble trop lente au regard du taux important de mortalité prévisible compte tenu de l'âge élevé des intéressés.

A long terme, le coût global de la mesure devrait décliner. Il faudra en effet prendre en considération la dégressivité de cette charge de pension à mesure que diminuera le nombre des bénéficiaires de la « décristallisation » à l'horizon 2020-2030.

Il convient également de souligner que ce chiffrage repose sur un schéma de « décristallisation » non rétroactive des pensions puisque le bénéfice de la mesure ne commencera à produire ses effets qu'au 1 er janvier 2011 ainsi que l'a fixé le Conseil constitutionnel. En effet, toute rétroactivité entraînerait un surcoût très important, de l'ordre de 600 millions d'euros si les quatre années antérieures à la décision étaient prise en compte.

B. UN DISPOSITIF DE NATURE À REMÉDIER À L'INCONSTITUTIONNALITÉ CONSTATÉE

En raison de l'application de la nouvelle procédure des questions prioritaires de constitutionnalité, par laquelle le Conseil constitutionnel intervient à titre de « juge a posteriori des lois », le législateur est maintenant appelé à remédier à l'inconstitutionnalité de dispositions datant de plus de cinquante ans . Cependant, au-delà de la « démonstration éclatante de l'utilité du recours préjudiciel de constitutionnalité », selon les termes de Maître Arnaud Lyon-Caen, il convient de s'interroger sur la conformité au principe d'égalité du dispositif proposé par le présent article.

Celui-ci prévoit bien une stricte égalité des modalités de calcul des pensions des anciens combattants sans aucune différence de traitement fondé sur la nationalité des titulaires. En « purgeant » le droit applicable de ce motif d'inconstitutionnalité déclaré contraire au principe d'égalité, le présent article semble répondre aux griefs soulevés devant le Conseil constitutionnel. En cela, votre rapporteur spécial propose d'exprimer un avis favorable à l'adoption de cet article .

Par ailleurs, il souhaite, à la marge, en améliorer la rédaction afin de simplifier et rationaliser le travail d'information du Parlement par le Gouvernement. Le souci de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre de la « décristallisation » des pensions est à la fois louable et nécessaire car le succès d'une telle entreprise dépend en premier lieu de ses conditions d'application : publicité suffisante auprès des bénéficiaires, simplicité des formulaires de demande et fiabilité des procédures de contrôle.

Néanmoins, prévoir la remise d'un document spécifique semble inutile dans la mesure où le Gouvernement est déjà tenu par ailleurs de publier, chaque année, en annexe du projet de loi de finances un rapport sur les pensions de retraite, en application du II de l'article 113 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007. Il suffirait donc que celui-ci comporte une section consacrée au bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

AMENDEMENT PROPOSÉ PAR
VOTRE COMMISSION DES FINANCES

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011

DEUXIÈME PARTIE

MISSION PENSIONS

1

A M E N D E M E N T

présenté par

M. AUBAN,

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 100

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

IX. - Le rapport sur les pensions de retraite, annexé au projet de loi de finances de l'année en application du II de l'article 113 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, présente, chaque année, un bilan de la mise en oeuvre des dispositions du présent article.

OBJET

Amendement rédactionnel et de simplification.

Outre une modification purement rédactionnelle, cet amendement vise à simplifier et rationaliser le travail d'information du Parlement par le Gouvernement. Le souci de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions est à la fois louable et nécessaire car le succès d'une telle entreprise dépend en premier lieu de ses bonnes conditions d'application : publicité suffisante auprès des bénéficiaires, simplicité des formulaires de demande et fiabilité des procédures de contrôle.

Néanmoins, la demande de remise d'un rapport spécifique à cette mesure semble inutile, le Gouvernement étant déjà tenu par ailleurs de publier en annexe du projet de loi de finances de l'année un rapport sur les pensions de retraite. Il suffit donc que celui-ci comporte une section consacrée au bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

I. MODIFICATION DES CRÉDITS

Aucune modification des crédits n'a été adoptée en première délibération.

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a minoré de 3 133 512 euros en AE et 3 422 239 euros en CP les crédits du programme « Régime sociaux et de retraite des transports terrestres » afin de « gager » les ouvertures de crédits opérées lors de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

II. MODIFICATION DE L'ARTICLE RATTACHÉ

L'Assemblée nationale a adopté une modification rédactionnelle à l'article 100 (cf. supra dans la rubrique « Examen de l'article rattaché »).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 octobre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bertrand Auban , rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite », le compte d'affectation spéciale « Pensions » et l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.

M. Bertrand Auban , rapporteur spécial . - Il me revient de vous présenter ce matin, au nom de la commission des finances, les crédits pour 2011 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions », ainsi que l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ressortissants de pays autrefois placés sous la souveraineté française.

Bien que les sommes en jeu pour financer les pensions de l'Etat soient considérables, je serai très bref. Tout d'abord, je vous ai déjà présenté, le 29 septembre dernier, un premier bilan de la réforme de 2008 du régime spécial de retraite de la SNCF ainsi qu'un suivi des observations que j'ai formulées, il y a deux ans, sur la caisse de retraite du personnel de la RATP ; le rapport n° 732 (2009-2010) vient d'être mis en distribution. Ensuite, les dépenses de pensions des fonctionnaires sont des charges obligatoires pour l'Etat envers les ayant droits. Elles dépendent donc essentiellement de la démographie et du droit applicable.

Avant d'entrer dans le détail, dans le contexte actuel du débat qui agite notre pays sur la réforme des retraites, je souhaite, à titre liminaire et personnel, exprimer mon désaccord profond sur les points fondamentaux du projet de loi présenté par le Gouvernement, à savoir le recul de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture des droits et de 65 à 67 ans de l'âge permettant de percevoir une retraite à taux plein. Ce projet présente également des mesures sur la pénibilité très insuffisantes. Il pénalise les carrières longues, c'est-à-dire ceux qui commencent à travailler très jeune, et les carrières incomplètes, en particulier celles des femmes. Le dossier, important, de la réforme des retraites aurait mérité mieux qu'un projet débattu dans l'urgence au Parlement, mené sans concertation avec les partenaires sociaux, ni écoute de la population, et surtout profondément injuste envers les salariés qui assumeront quasiment seuls les sacrifices exigés par cette réforme.

Je reprends maintenant mes fonctions de rapporteur spécial de la commission des finances et j'en viens à la présentation des chiffres clés et des données de cadrage général des retraites des fonctionnaires de l'Etat qui relèvent du compte spécial « Pensions » et de certains régimes spéciaux bénéficiant d'une subvention d'équilibre de l'Etat dans le cadre de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Pour 2011, le coût global du compte spécial « Pensions » s'élèvera à 52,6 milliards d'euros, contre 51,12 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2010. Dans ce total, quelque 38,55 milliards d'euros seront consacrés aux pensions civiles et 9,52 milliards d'euros aux pensions militaires.

Afin d'équilibrer les recettes avec les dépenses, l'ensemble des taux de contribution employeur de l'Etat continuent à progresser :

- pour les personnels civils, le taux passera de 62,14 % en 2010 à 65,39 % en 2011 ;

- pour les personnels militaires, le taux passera de 108,63 % à 114,14 %.

En outre, j'ai noté que le projet de loi de finances anticipe l'application de la réforme des retraites en augmentant, dès 2011, de 0,27 point le taux de cotisation de 7,85 % applicable aux fonctionnaires, dans la perspective de la convergence vers le taux de droit commun de 10,55 %.

Or, malgré cette augmentation des recettes, le compte spécial « Pensions » est présenté en déficit de recettes de 200 millions d'euros, soit 0,4 % du total, qui sera comblé par la mobilisation à due concurrence du fonds de roulement d'un milliard d'euros qui lui est affecté.

S'agissant maintenant de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je précise que le motif qui a présidé à la création d'une telle mission budgétaire est de regrouper le financement d'un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique pour lesquels la nation exprime sa solidarité en apportant une subvention d'équilibre. Pour 2010, la contribution de l'Etat s'élèvera à 6,03 milliards d'euros, soit une progression de 5,4 % par rapport à 2010 (5,72 milliards d'euros). Ce budget soutient les régimes sociaux et de retraite de près de 800 000 pensionnés pour moins de 250 000 cotisants.

Les régimes les plus importants au regard du soutien de l'Etat sont au nombre de cinq :

- pour les retraités de la SNCF, la subvention de l'Etat s'élèvera en 2011 à près de 3,2 milliards d'euros, soit 61 % du montant des prestations de pensions vieillesse servies ;

- pour les mineurs : 1,2 milliard d'euros ;

- pour les marins : 789 millions d'euros ;

- pour les personnels de la RATP : 526 millions d'euros ;

- et pour la SEITA : 139 millions d'euros.

Certains régimes sont en voie d'extinction démographique et ne comptent plus de cotisants. Sont ainsi totalement subventionnés par l'Etat, au titre de la solidarité nationale, les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale (7 bénéficiaires), des régies ferroviaires d'outre-mer (228 bénéficiaires) et de l'ORTF (284 bénéficiaires).

Je ferai une observation de principe sur le périmètre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » car j'ai identifié un certain nombre de régimes spéciaux qui sont subventionnés par l'Etat en dehors de la présente mission. Il s'agit notamment des caisses de retraite de la Comédie française et de l'Opéra de Paris. Outre les 17 millions d'euros attribués à ces deux établissements sur les crédits de la mission « Culture », quelque 675 millions d'euros de prestations sociales et de retraite, issus de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable », financent l'après crise des mines (charbonnages de France, houillères, mines de fer, ardoisières, etc.) et les retraites des anciens électriciens et gaziers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie. Afin d'améliorer la lisibilité d'ensemble de la contribution de l'Etat aux régimes spéciaux, je propose que le rattachement à la mission « Régimes sociaux et de retraite » du financement de ces régimes soit mis à l'étude pour l'élaboration des prochains budgets.

Au total, le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux dont l'Etat assure l'équilibre financier mobilisera, en 2011, 58,63 milliards d'euros, soit près de 20,5 % des dépenses de l'Etat. Selon les projections de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014, l'évolution des dépenses de retraite sur la période 2011-2013 continuera à être très dynamique, suivant une progression de l'ordre de 8 %.

Avant de conclure cette intervention, je souhaiterais dire un mot de la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ressortissants de pays autrefois colonies ou protectorats de la France. Ils sont encore 32 000 à pouvoir prétendre à une pensions équivalente à celle de nos concitoyens. A la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a institué la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a rendu sa première décision, le 28 mai 2010, et a considéré comme « contraires au principe d'égalité » les dispositions légales instituant la cristallisation des pensions de ces anciens combattants. L'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 propose au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité en alignant les droits à pensions quelle que soit la nationalité du bénéficiaire. Le coût de cette mesure, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier prochain, serait de 150 millions d'euros en année pleine. Pour 2011, le Gouvernement estime que cette charge serait limitée à 82 millions d'euros du fait de la montée en charge progressive des demandes de reconstitution de carrière par les intéressés. J'appellerai naturellement le Gouvernement à la plus grande diligence dans la mise en oeuvre de la mesure et dans le traitement des dossiers compte tenu de l'âge élevé des intéressés.

Pour terminer, et considérant que le paiement des droits à pension constitue pour l'Etat une obligation, je vous propose, au nom de la commission des finances et au bénéfice de mes observations, d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Je vous propose également d'exprimer un avis favorable à l'adoption de l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011, rattaché au compte spécial « Pensions », relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite, sous réserve d'une modification rédactionnelle et de simplification.

Je vous rappelle que l'article 100 prévoit la remise chaque année par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.

Outre une modification purement rédactionnelle, mon amendement vise donc à simplifier et à rationaliser le travail d'information du Parlement par le Gouvernement. Le souci de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions est à la fois louable et nécessaire. J'attire l'attention sur le fait que la réussite pleine et entière des mesures de décristallisation dépendra en premier lieu des conditions d'application : il faudra que l'administration fasse une publicité suffisante auprès des bénéficiaires et qu'elle produise des formulaires de demande les plus claire et simple possible.

La demande de remise d'un rapport spécifique semble donc inutile car le Gouvernement est déjà tenu par ailleurs de publier en annexe du projet de loi de finances de l'année un rapport sur les pensions de retraite. Il suffit que celui-ci comporte une section consacrée au bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.

M. Jean Arthuis , président . - Cet exposé éclaire le débat sur les retraites et souligne l'injustice d'un système dans lequel l'Etat se porte garant de l'équilibre de régimes spéciaux offrant à leurs bénéficiaires des droits plus favorables que ceux des régimes de droit commun.

Mme Nicole Bricq . - Je rappelle toutefois, ainsi que l'a déjà fait notre rapporteur spécial dans son rapport sur le bilan de la réforme de 2008 sur le régime de retraite de la SNCF, que les régimes spéciaux sont en voie de convergence avec le régime de la fonction publique.

Par ailleurs, je constate que les dépenses de pensions seront très dynamiques, avec 8 % de progression de 2011 à 2013 ainsi que l'a souligné Bertrand Auban, alors que le Gouvernement projette de revenir vers l'équilibre à l'horizon 2014. Cela devrait nous amener à nous interroger sur la question des recettes du budget de l'Etat et de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Le déclin démographique du nombre des pensionnés des régimes spéciaux devrait à long terme entraîner une diminution des subventions de l'Etat.

M. Bertrand Auban , rapporteur spécial . - Cela est vrai à très long terme, et pas avant 2021 en ce qui concerne la SNCF. Pour les prochaines années, le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014 prévoit que la contribution de l'Etat à la mission « Régimes sociaux et de retraite » progressera de 6,03 milliards d'euros en 2011 à 6,24 milliards d'euros en 2012 et 6,53 milliards d'euros en 2013, soit une augmentation de 8,29 %.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Combien d'anciens combattants sont-ils susceptibles de bénéficier de la décristallisation des pensions ?

M. Bertrand Auban , rapporteur spécial . - L'administration compte actuellement 32 000 bénéficiaires potentiels. Mais je souligne que compte tenu de leur âge élevé, ce nombre risque de diminuer rapidement. C'est pourquoi j'appellerai l'administration à traiter les dossiers de revalorisation dans les meilleurs délais.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté l'amendement proposé par le rapporteur spécial à l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.

Puis, elle a décidé de proposer au Sénat :

- l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions »,

- ainsi que l'adoption de l'article 100 ainsi modifié.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.


* 1 Cette estimation réalisée en 2010 montre une augmentation de 2,8 % par rapport au nombre prévu de pensionnés en 2009.

* 2 Source : direction générale de l'administration et de la fonction publique « Rapport annuel sur l'état de la fonction publique - Faits et chiffres 2009-2010 ».

* 3 L'imprimerie nationale est une société anonyme, à capitaux publics, depuis le 1 er janvier 1994. Parmi environ 550 salariés, moins de 20 sont actuellement fonctionnaires.

* 4 Le ratio démographique de la fonction publique se dégradera rapidement au cours de la décennie, sous l'effet d'une hausse du nombre de retraités, du non-remplacement des départs à la retraite des fonctionnaires de la Poste et de France Télécom et du remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite pour l'État.

* 5 Rapport d'information n° 732 (2009-2010) « Le régime spécial de retraite de la SNCF : un premier bilan de la réforme de 2008 ».

* 6 La dégradation du ratio démographique des régimes spéciaux présente une conséquence inverse de celle observée pour le régime de la fonction publique. En effet, nous avons vu plus haut que les versements de l'Etat au titre de la compensation généralisée auront tendance à diminuer au fur et à mesure de l'augmentation du nombre des pensionnés civils et militaires. En revanche, les régimes spéciaux en déséquilibre démographique étaient bénéficiaires net de la compensation spécifique inter régimes. L'extinction progressive de celle-ci jusqu'en 2012 entraînera donc un tarissement de cette ressource.

* 7 Par hypothèse, l'horizon de l'évaluation découle de la date maximale présumée au décès du plus jeune ayant cause participant au système actuel (100 ans).

* 8 Mécanisme de solidarité entre régimes, mis en place en 1974 (compensation généralisée) et complété en 1984 (compensation spécifique vieillesse entre les seuls régimes spéciaux) visant à compenser entre régimes les écarts de nature essentiellement démographique.

* 9 Il s'agit des congés de fin d'activité et des compléments de retraite dans le secteur du transport routier ainsi que des pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'Outre-mer.

* 10 Lors de son audition par votre commission des finances, le 3 juillet 2008, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes pour 2007, Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a mis en lumière la faible valorisation du patrimoine de la caisse des mines. A titre d'exemple, il a indiqué que le loyer perçu pour l'hôtel « Prince de Galles » s'élevait à quelques millions d'euros seulement et a souhaité que les ventes régulières de patrimoine effectuées par la caisse des mines tendent vers un objectif de cession de 70 millions d'euros par an.

* 11 En 2006, le patrimoine de la caisse des mines était évalué à plus de 600 millions d'euros. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, le Gouvernement estimait ce patrimoine à un milliard d'euros. En 2008, l'hôtel Prince de Galle a été cédé pour un montant de 141 millions d'euros.

* 12 Les caisses de retraite de l'Opéra de Paris et de la Comédie française regroupent 2 151 cotisants pour 2 006 pensionnés.

* 13 Ces prestations sociales et de retraite sont gérées par l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), pour un montant de 632,3 millions d'euros, et par la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), pour un montant de 25,82 millions d'euros. Ces sommes sont financées par l'Etat, à partir des crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

* 14 Près de 3 000 fonctionnaires, dont 441 pour le service des pensions, interviennent dans le traitement des quelque 86 000 pensions concédées annuellement.

* 15 Rapport d'information n° 27 (2007-2008) « La gestion des pensions de l'Etat : une réforme à relancer d'urgence » du 11 octobre 2007.

* 16 Le tableau fait apparaître le nombre de départs en retraite enregistrés de 2000 à 2009, les prévisions pour 2010-2013 et les projections à horizon 2020 et 2030. Ces prévisions ne tiennent pas compte des effets potentiels de la réforme en cours sur les retraites.

* 17 En année pleine, le coût induit de la décristallisation est évalué à 150 millions d'euros, une fois toutes les demandes de reconstitution de carrière examinées par l'administration.

* 18 Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires.

* 19 La veille du défilé militaire du 14 juillet commérant le cinquantenaire des indépendances africaines.

* 20 Article 29 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V ème République.

* 21 Ces chiffrages ont été présentés par Maitre Arnaud Lyon-Caen, avocat des requérants, lors de l'audience publique tenue par le Conseil constitutionnel le 25 mai 2010.

* 22 Cour des comptes, rapport public annuel 2010 (février 2010) « La décristallisation des pensions des anciens combattants issus de territoires anciennement sous la souveraineté française : une égalité de traitement trop longtemps retardée ».

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