CHAPITRE IX - DISPOSITIONS RELATIVES AUX GREFFES DES TRIBUNAUX MIXTES DE COMMERCE ET AU CONSEIL NATIONAL DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur complétant l'intitulé de ce chapitre, qui ne traite pas seulement des greffes des tribunaux mixtes de commerce, mais aussi des attributions du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

Article 22
(art. L. 732-3, L. 744-1 et L. 744-2 nouveaux du code de commerce) Transfert des attributions de certains greffes des tribunaux mixtes
de commerce à des greffiers de tribunaux de commerce et coordinations

Cet article améliore le fonctionnement des juridictions commerciales des départements d'outre-mer (DOM).

1. L'organisation des juridictions commerciales dans les DOM

Les DOM sont dotés de tribunaux mixtes de commerce qui exercent des missions identiques à celles des tribunaux de commerce de droit commun, mais dont la composition est différente.

En effet, les six tribunaux mixtes de commerce (deux en Guadeloupe, deux à la Réunion, un à la Martinique et un en Guyane) sont échevinés, c'est-à-dire composés d'un magistrat professionnel et de juges commerçants élus (article L. 732-3 du code de commerce), alors que les tribunaux de commerce de droit commun son exclusivement formés par des juges commerçants 70 ( * ) .

Par ailleurs, le secrétariat du tribunal mixte de commerce est assuré par un greffier en chef ou un secrétaire-greffier du ressort du tribunal de grande instance, fonctionnaire du ministère de la justice, et non par un professionnel libéral titulaire d'un office public et ministériel de greffier de tribunal de commerce.

Les tribunaux de commerce de droit commun sont en effet dotés d'un greffe confié à un officier public et ministériel. Le greffier dirige l'ensemble des services du greffe, sous l'autorité du président et la surveillance du ministère public. Il est chargé d'assister les membres du tribunal à l'audience, d'assurer le secrétariat du président et de l'assister dans l'organisation des rôles d'audiences et la gestion des crédits. Il met en forme les décisions prises ; il tient les archives et assure l'accueil du public. Il lui revient en outre de tenir le registre du commerce et des sociétés.

Or, certains greffes des tribunaux mixtes de commerce rencontrent des difficultés dans l'exercice de leurs missions. Le greffe du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion peine ainsi à tenir le registre du commerce et des sociétés.

Le développement économique des DOM n'est pas étranger à cette situation. Ces départements se distinguent en effet par une création d'entreprises plus dynamique qu'en métropole au cours des dernières années. Le taux de création d'entreprises, rapportant le nombre d'entreprises créées au nombre d'entreprises existantes, a atteint en 2008 12,5 % en Martinique, 12,6 % en Guadeloupe, 13,2 % en Guyane et 17 % à La Réunion, alors qu'il était de 10,9 % en métropole. Le taux d'initiative mesuré en 2008 (nombre d'entreprises créées pour 1.000 personnes actives) est également très supérieur dans les DOM : 17 %o en Guyane, 19 %o à La Réunion, 23 %o en Martinique, 25 %o en Guadeloupe, contre 11 %o en métropole.

Face à ce dynamisme, l'organisation des greffes des tribunaux mixtes de commerce n'a pas permis d'assurer dans les meilleures conditions l'inscription des nouvelles entreprises au registre du commerce et des sociétés.

2. Les améliorations proposées

Le 1° de l'article 22 permet de confier le greffe des tribunaux mixtes de commerce à un greffier de tribunal de commerce, officier public et ministériel.

Il modifie par conséquent l'article L. 732-3 du code de commerce et renvoie à un décret en Conseil d'Etat la liste des tribunaux concernés.

Il s'agira donc d'une simple option, laissée à l'appréciation du pouvoir réglementaire. Selon l'étude d'impact jointe au projet de loi, il s'agit d'offrir « la possibilité d'adopter le modèle qui a fait ses preuves en métropole, d'un greffe confié à des professionnels libéraux, ayant le statut d'officier public et ministériel, rémunérés par un tarif qui les intéresse directement au bon fonctionnement du greffe et à la bonne tenue du registre du commerce et des sociétés ».

Cette solution devrait être appliquée à La Réunion, dont la Chambre de commerce et d'industrie a demandé au Premier ministre la privatisation des greffes de Saint-Denis et de Saint-Pierre.

La nomination des titulaires des nouveaux offices ainsi créés procèdera d'un arrêté du garde des Sceaux, sur proposition d'une commission composée d'un magistrat du premier grade, président, d'un autre magistrat de l'ordre judiciaire, d'un membre des tribunaux de commerce et de deux personnes remplissant les conditions d'aptitude pour être nommées greffier de tribunal de commerce (article R. 742-19 du code de commerce).

La réforme n'engendrera pas de coûts supplémentaires pour les justiciables et les entreprises, puisque les dispositions relatives au tarif des greffes des tribunaux de commerce s'appliquent déjà dans les DOM. Les justiciables et les entreprises versent donc à l'Etat les émoluments dus aux greffiers, en application des articles R. 743-140 et suivants du code de commerce.

L'Etat sera déchargé du coût de la gestion des greffes, mais perdra les recettes qu'il tirait de l'activité de ces greffes. Ainsi, pour les greffes des deux tribunaux mixtes de commerce de La Réunion, l'Etat n'assumera plus la charge de 18 fonctionnaires, qui se verront cependant proposer une nouvelle affectation, et perdra près de 1,6 million d'euros de recettes, tirées notamment de la gestion du registre du commerce et des sociétés, si l'on se fonde sur les données relatives à l'année 2008.

Le 2° de l'article 22 adapte aux spécificités des tribunaux mixtes de commerce la procédure disciplinaire applicable aux greffiers des tribunaux de commerce de droit commun.

Il ajoute à cette fin au titre IV du livre VII du code de commerce, consacré au greffe du tribunal de commerce, un chapitre IV comportant les dispositions applicables aux départements et régions d'outre-mer.

En effet, aux termes de l'article L. 732-3 du code de commerce, les tribunaux mixtes de commerce sont présidés par le président du tribunal de grande instance.

Or, l'article L. 743-4 du même code dispose que l'action disciplinaire à l'encontre du greffier d'un tribunal de commerce est exercée soit devant la formation disciplinaire du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, soit devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel le tribunal de commerce a son siège, ou encore devant le tribunal de grande instance désigné par le premier président de la cour d'appel lorsque l'intéressé est titulaire de plusieurs greffes.

Cette procédure, définie pour les tribunaux de commerce métropolitains, exclusivement composés de juges élus, pourrait susciter un soupçon de partialité si elle était directement appliquée aux greffiers des tribunaux mixtes, présidés par le président du tribunal de grande instance. Une telle situation serait contraire aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en matière d'impartialité.

Aussi, le nouvel article L. 744-1 du code de commerce prévoit-il que l'action disciplinaire à l'encontre du greffier d'un tribunal mixte de commerce est exercée soit devant la formation disciplinaire du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, soit devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par ailleurs, le nouvel article L. 744-2 du code de commerce adapte l'application de l'article L. 743-7 de ce code aux tribunaux mixtes de commerce, afin d'appliquer aux greffiers de ces tribunaux la même procédure disciplinaire qu'aux greffiers des tribunaux de commerce de droit commun.

En conséquence, le greffier du tribunal mixte de commerce qui ferait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire pourrait être suspendu provisoirement de l'exercice de ses fonctions par le tribunal de grande instance, saisi à la requête du procureur de la République. En cas d'urgence, la suspension provisoire pourrait être prononcée par le tribunal de grande instance avant même l'exercice de poursuites pénales et disciplinaires. Le tribunal pourrait mettre fin à la suspension provisoire, à la requête du procureur de la République ou du greffier. La suspension cesserait de plein droit dès l'extinction des actions pénales ou disciplinaires ou à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de son prononcé en cas d'urgence, si aucune poursuite n'a été engagée.

L'Assemblée nationale n'a pas apporté de modification à l'article 22.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .


* 70 Les chambres commerciales des tribunaux de grande instance d'Alsace et de Moselle sont composées d'un membre de ce tribunal, président, de deux assesseurs élus et d'un greffier des services judiciaires (article L. 731-3 du code de commerce).

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