III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : GARANTIR LA CLARTÉ DES ENJEUX DES ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

Chargée de trancher entre les options portées par les propositions de loi n° 146 et n° 341, votre commission des lois a estimé préférable d'opter pour une prorogation des mandats des conseillers de l'AFE .

A. LA PROROGATION DES MANDATS DES CONSEILLERS DE L'AFE : UNE SOLUTION CONFORME À LA CONSTITUTION

Sur la forme, votre rapporteur souligne que la prorogation du mandat des membres de l'AFE ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel : en effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet la modification de la durée des mandats électifs dès lors qu'elle ne porte pas atteinte aux principes de sincérité du suffrage et d'égalité des citoyens et des candidats devant le suffrage.

En effet, le Conseil juge que, en matière électorale, « la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement » 13 ( * ) : il se refuse donc à contrôler, sur le fond, l'opportunité des choix qui sont à l'origine d'une modification de la durée des mandats.

Est donc conforme à la Constitution, l'augmentation de la durée d'un mandat qui remplit les trois critères suivants :

- elle ne doit pas être « manifestement inappropriée » à l'objectif que le législateur entend atteindre 14 ( * ) ;

-  elle doit être justifiée par un motif d'intérêt général . Sur ce point, votre rapporteur souligne que, en 1994, le Conseil avait validé le report des élections municipales de 1995 afin d'« éviter les difficultés de mise en oeuvre » de l'élection présidentielle prévue la même année ;

-  elle ne doit pas remettre en cause le droit des électeurs d'exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable ». La prorogation doit donc avoir un caractère exceptionnel et transitoire, être limitée dans le temps et être strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif de la loi.

Aussi, le législateur a-t-il fait un usage fréquent de cette faculté sous la V e République, le plus souvent pour éviter la concomitance d'élections aux enjeux différents.

L'augmentation de la durée des mandats électifs sous la Cinquième République : des précédents nombreux

- La loi n° 66-947 du 21 décembre 1966 a reporté de mars à octobre 1967 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin d'éviter que celui-ci n'intervienne en même temps que les élections législatives ;

- La loi n° 72-1070 du 4 décembre 1972 a reporté de mars à octobre 1973 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin d'éviter que celui-ci ne coïncide avec les élections législatives ;

- La loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 a reporté de mars à septembre 1988 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin de faciliter l'organisation de l'élection présidentielle ;

- La loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 a prolongé d'un an les mandats des conseillers généraux élus en 1985 afin de permettre l'organisation simultanée des élections régionales et cantonales et, ainsi, de lutter contre l'abstention électorale ;

- La loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 a prolongé d'un an le mandat d'une série de conseillers généraux en vue de rétablir le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux ;

- La loi n° 94-590 du 15 juillet 1994 a reporté de trois mois les élections municipales de 1995 afin d'écarter toute difficulté dans l'organisation de l'élection présidentielle de la même année ;

- La loi n° 96-89 du 6 février 1996 a reporté de deux mois le renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française en vue d'éviter que ce renouvellement ne vienne perturber l'examen, par le Parlement, d'une réforme statutaire de cette collectivité ;

- La loi organique n° 2001-419 du 15 mai 2001 a reporté de onze semaines l'organisation des élections législatives, afin qu'elles aient lieu après l'élection du Président de la République ;

- La loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005 a prorogé d'un an le mandat des conseillers municipaux, des conseillers généraux et des sénateurs renouvelables en 2007 afin de permettre le bon déroulement des élections présidentielles et législatives prévues la même année.

Telle qu'elle résulterait de la proposition de loi de M. del Picchia, l'augmentation de la durée des mandats des conseillers de l'AFE serait ainsi conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.


* 13 Décision n° 93-331 DC du 13 janvier 1994, « Loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseillers généraux ».

* 14 Idem. Le Conseil considère d'ailleurs qu'« il ne lui appartient pas de rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies ».

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