B. LA TRANSPOSITION DE CE DISPOSITIF AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER RÉGIES PAR L'ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION

Si l'article 73 de la Constitution française dispose que « dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit », son article 74 prévoit en revanche que « les collectivités d'outre-mer [...] ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe [...] les compétences de cette collectivité ».

Il ressort de ces dispositions constitutionnelles que les lois organiques qui régissent les compétences exercées par les collectivités d'outre-mer mentionnées à l'article 74 de la Constitution peuvent prévoir de leur confier une compétence fiscale . Dans ce cas, le régime fiscal applicable sur le territoire de la collectivité peut varier de celui applicable sur le reste du territoire français. Par ailleurs, le bénéficiaire des impositions du territoire n'est plus l'Etat mais la collectivité d'outre-mer elle-même.

Ainsi, en application de ce régime, les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution se trouvent au regard du droit fiscal dans une situation comparable à celle des pays étrangers . Il devient nécessaire non seulement de définir la notion de résident fiscal de la collectivité concernée mais également, afin de préserver les liens commerciaux et financiers entre elle et la métropole, d'édicter des règles permettant d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales.

C'est pourquoi l'Etat est amené à négocier avec ces territoires des conventions fiscales, qui s'apparentent, dans une certaine mesure, aux conventions fiscales internationales. Ainsi, les relations fiscales entre l'Etat et la Polynésie française obéissent à une convention des 28 mars et 28 mai 1957, l'Etat est lié avec Mayotte par une convention des 27 mars et 8 juin 1970, conclue avec le territoire des Comores, et avec Saint-Pierre-et-Miquelon par une convention en date du 30 mai 1988.

La Nouvelle-Calédonie, collectivité à statut particulier régie par les articles 76 et 77 de la Constitution, bénéfice également d'une compétence fiscale propre qui a justifié la convention des 31 mars et 5 mai 1983 visant à éviter les doubles impositions.

C. LE CAS DE SAINT-MARTIN ET DE SAINT-BARTHÉLEMY

Jusqu'à la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, 1 ( * ) les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy faisaient partie intégrante du département de la Guadeloupe, dont elles étaient distantes de respectivement 230 et 250 kilomètres.

La loi organique précitée du 21 février 2007 a érigé chacune de ces deux collectivités en collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution . Elle a également confié à chacune des deux collectivités une compétence fiscale. Ainsi, les articles L.O. 6214-3 et L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales disposent respectivement, pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, que la collectivité fixe les règles applicables en matière « d'impôts, droits et taxes ».

Il résulte de ces dispositions l'obligation, comme pour les autres collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, de prévoir les modalités nécessaires pour éviter les doubles impositions et prévenir la fraude et l'évasion fiscale. Les articles L.O. 6214-4 et L.O. 6314-4 du même code prévoient donc, respectivement pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, que les modalités de l'exercice par ces collectivités de leurs compétences fiscales « sont précisées par une convention conclue entre l'Etat et la collectivité [...] en vue de prévenir les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales » . Ces dispositions ont été introduites par les lois organiques du 25 janvier 2010 tendant à permettre à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans 2 ( * ) , adoptées afin de clarifier les compétences fiscales des deux collectivités telles que prévues par la loi organique précitée du 21 février 2007.

A cet égard, les situations de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy diffèrent largement. En effet, le régime fiscal mis en place par Saint-Barthélemy ne comporte aucune imposition directe, à l'exception de celle portant sur les plus-values immobilières. Suite à l'adoption de la loi organique du 21 février 2007 précitée, des négociations relatives à l'adoption d'une convention fiscale avec Saint-Barthélemy avaient été engagées. Elles avaient permis d'aboutir, en mai 2009, à un projet qui réglait les rares situations de double imposition pouvant être constatées. Toutefois, l'adoption de la loi organique précitée du 25 janvier 2010 a rendu obsolète et inutile ce projet de convention.

En effet, l'introduction d'un crédit d'impôt généralisé a suffit à éliminer les situations de doubles impositions, qui, du fait du régime fiscal de cette collectivité, ne sont constatées que lors de la cession d'un immeuble situé à Saint-Barthélemy.

Par conséquent, en l'absence de risque de double imposition des contribuables à Saint-Barthélemy, une convention fiscale visant à éviter les doubles impositions est sans objet . Elle risquerait au contraire, d'après les informations recueillies auprès de la direction de la législation fiscale, d'aboutir à une situation de double exonération. Seule une convention relative à l'assistance administrative a donc finalement été conclue, le 14 septembre 2010, et l'article 4 de la présente proposition de loi organique prévoit son approbation.

La situation est différente à Saint-Martin, où des impôts directs existent et où les dispositions du code général des impôts applicables en métropole ont largement été reprises et adaptées . C'est ce qui a justifié la négociation et la signature de la convention que l'article premier de la présente proposition de loi organique propose au Parlement d'approuver.


* 1 Loi organique n° 2007-223.

* 2 Lois organiques respectivement n° 2010-93 et n° 2010-92.

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