CONCLUSION

Les directives du paquet défense constituent un pas dans la bonne direction.

La directive TIC et sa transposition simplifieront considérablement la vie de nos industriels.

La directive MPDS devrait permettre, à condition que les Etats européens jouent le jeu, d'exercer une pression concurrentielle sur les producteurs, pression qui devrait favoriser une baisse du coût des équipements de défense. Cette dimension financière de la directive trouve un intérêt renouvelé dans le cadre de la crise budgétaire actuelle et de la réduction, en cours ou à venir, des budgets de défense européens.

Les effets des ces directives pour notre pays, conjugués à ceux des accords de Londres, devraient donc être positifs, à condition de réussir la transposition, en particulier en ce qui concerne l'affirmation par notre pays d'une préférence communautaire souple, sans pour autant ouvrir la prise à une instabilité juridique.

En revanche, pour ce qui est de la construction d'une « Europe de la Défense », il est à craindre que ces directives, à elles seules, ne seront pas suffisantes pour la promouvoir.

Si une telle Europe devait voir le jour, ce serait d'abord et avant tout du fait de la volonté des Etats européens et de leurs peuples. Il reste beaucoup de chemin à faire pour y parvenir.

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous recommande d'adopter le présent projet de loi, dans la rédaction qu'elle a modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER - CONTRÔLE DES IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS DES MATÉRIELS DE GUERRE

Le chapitre 1 er du projet de loi introduit dans le code de la défense des dispositions nouvelles sur le contrôle des importations et exportations des matériels de guerre.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a fixé pour objectif de dynamiser les exportations françaises d'armement, et, pour ce faire, s'agissant en particulier du contrôle des exportations, de « simplifier et hiérarchiser les procédures, notamment afin de réduire les délais de traitement des demandes. Les contrôles des transferts entre les pays européens engagés dans des programmes de coopération devront être abolis . »

Négociée sous présidence française de l'Union européenne, la directive n° 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions de transferts de produits liés à la défense dans la Communauté répond en partie à ces objectifs.

Ce nouveau régime vient harmoniser des règles aujourd'hui disparates entre les différents Etats membres de l'Union européenne (morcellement couteux et complexe pour les entreprises). Dans la lignée des recommandations du Livre blanc, le Gouvernement a saisi l'occasion de cette transposition pour simplifier , parallèlement, dans le présent projet de loi, le régime d'autorisation en substituant au régime en vigueur basé sur un « double niveau » d'autorisation, constitué d'un agrément préalable puis d'une autorisation d'exportation, un système de licence « unique », déjà en vigueur dans la plupart des pays européens.

Il va de soi que cette simplification maintiendra le haut degré d'exigence d'un contrôle qui se doit d'être, s'agissant de matériel particulièrement sensible, irréprochable, dans le respect des engagements internationaux de la France.

Ce texte devrait avoir pour effets bénéfiques de réduire les délais d'instruction (de 110 jours à 50 jours) et de diminuer de plus de moitié le nombre d'actes administratifs individuels délivrés chaque année, de 14 000 aujourd'hui à 6 000 autorisations par an.

La France est le 4 ème exportateur mondial d'armement. Les exportations de matériel de guerre concernent chaque année près de 370 entreprises 15 ( * ) et représentent au total près du tiers des 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires du secteur. L'industrie de défense se compose d'une quarantaine de grands groupes et de plusieurs milliers de PME-PMI, dont entre 300 et 400 sont exportatrices. On estime à 50 000 le nombre d'emplois dans ce secteur qui sont directement liés aux exportations.

Un distinguo est désormais introduit dans le droit suivant les pays de destination de ces matériels :

- lorsqu'il s'agit d'Etats membres de l'Union européenne , en transposition de la directive n° 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions de transferts de produits liés à la défense dans la Communauté , le contrôle, désormais fondé sur trois types de licences de transfert, est simplifié et harmonisé au plan communautaire ;

- en dehors de l'Union européenne , des licences d'exportation sont également créées, dans le but de simplifier les procédures et d'accroître la réactivité des entreprises. Ce choix ne découle pas directement des obligations de la directive mais d'une volonté du Gouvernement français de moderniser le système en vigueur, en s'inspirant de celui proposé par la directive pour les transferts intracommunautaires.

Article premier Création du nouveau régime de contrôle - des importations et exportations des matériels de guerre

L'article 1 er , composé de 108 alinéas, fixe les nouveaux régimes de contrôle, qu'il s'agisse des transferts intracommunautaires ou du « grand export », vers des pays non membres de l'Union européenne.

Pour ce faire, il réécrit totalement le chapitre V « Importations et exportations » du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense, désormais dénommé : « Importations et exportations - Transferts au sein de l'Union européenne. ».

Art. L. 2332-8-1 (nouveau) du code de la défense
Transfert de dispositions figurant auparavant à l'art. L. 2335-4

Dans la mesure où le projet de loi réécrit totalement le chapitre V, l'article 1 er commence par transférer une de ses dispositions, qu'il convient de conserver ( l'art L. 2335-4 , relatif aux canons d'armes de guerre, soumis à des épreuves constatées par l'application d'un poinçon), dans une rédaction modifiée, dans un autre chapitre du code de la défense, par le biais de la création d'un article nouveau L. 2332-8-1.

Il faut noter que ce transfert s'accompagne d'un léger changement rédactionnel. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 2335-4 du code de la défense prévoit que les matériels de guerre destinés au commerce extérieur sont soumis à des épreuves constatées par l'application d'un poinçon, que les canons reçoivent en outre une marque dite d'exportation et que le régime et le tarif des épreuves et des marques sont déterminés par décret s'il y a lieu.

Or, suivant l'avis du Conseil d'Etat, le Gouvernement a considéré que, si le projet de loi peut instituer un dispositif d'homologation après épreuve des canons d'armes de guerre fabriqués en France, en revanche, il ne peut réserver cette homologation aux seuls canons d'armes destinés à être exportés, non plus qu'il ne peut prévoir la détermination du tarif des épreuves et des marques par décret.

C'est la raison pour laquelle le nouvel article L. 2332-8-1 du code de la défense, tel qu'issu du projet de loi, se borne désormais à indiquer que les canons d'armes de guerre fabriqués en France sont soumis à des épreuves constatées par l'application d'un poinçon.

La nouvelle section 1 « Importation et exportations des matériels de guerre et matériels assimilés hors du territoire de l'Union européenne », qui est créée au sein de ce chapitre V, concerne les échanges avec des États situés en dehors de l'Union européenne.

Art. L 2335-1 du code de la défense
Importations de matériels de guerre (hors Union européenne) : principes

Les échanges de matériels de guerre et de matériels assimilés entre la France et le reste du monde - Union européenne comprise - sont actuellement régis par les articles L. 2335-1 à L. 2335-4 du code de la défense, du chapitre V précité.

Le principe général est la prohibition de l'importation des matériels des 1re, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e catégories, sauf dérogations. L'importation doit être subordonnée à l'obtention d'une autorisation d'importation de matériels de guerre (AIMG).

L'article L. 2331-1 du code de la défense définit les huit catégories de matériels de guerre :

I.- Matériels de guerre :

1re catégorie : armes à feu et leurs munitions conçues pour ou destinées à la guerre terrestre, navale ou aérienne.

2e catégorie : matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu.

3e catégorie : matériels de protection contre les gaz de combat.

II.- Armes et munitions non considérées comme matériels de guerre :

4e catégorie : armes à feu dites de défense et leurs munitions.

5e catégorie : armes de chasse et leurs munitions.

6e catégorie : armes blanches.

7e catégorie : Armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions.

8e catégorie : Armes et munitions historiques et de collection.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 2335-1 maintient cette économie globale, mais en restreignant son champ aux Etats non membres de l'Union européenne, les transferts vers les Etats membres faisant l'objet de dispositions spécifiques.

C'est en référence à cette classification que le présent article commence par poser le principe de l'interdiction d'une importation sans autorisation préalable des matériels de la 1 ère à la 6 ème catégorie incluse, en seule provenance d'Etats non membres de l'Union européenne.

La nouvelle rédaction établit un lien nécessaire -mais avec dérogation possible- entre l'obtention d'une autorisation d'importation et la détention préalable d'une autorisation de fabrication desdits matériels, délivrée en vertu de l'article L. 2332-1 (autorisation de fabrication, de commerce et d'intermédiation (AFCI) pour les matériels des quatre premières catégories).

Enfin, l'article pose le principe de la réversibilité de l'autorisation, à tout moment, par l'autorité administrative, pour des raisons de respect des engagements internationaux, de protection des intérêts essentiels de sécurité, ou pour non respect des conditions de l'autorisation. Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les modalités de ce retrait. A noter que des sanctions pénales sont prévues à l'article 3 du projet de loi en cas de violation de ces dispositions.

Art. L 2335-2 du code de la défense
Exportations de matériels de guerre (hors Union européenne) : principes

La nouvelle rédaction proposée pour l'article L 2335-2 pose, réciproquement, le principe de l'interdiction, sans autorisation préalable, de l'exportation des matériels de guerre vers des Etats non membres de l'Union européenne, l'autorité administrative définissant la liste des matériels concernés et les dérogations à cette autorisation.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la liste des matériels concernés recouvrera la liste dite « ML » ( Munitions List ) annexée à la directive du 6 mai 2009 et fondée sur les négociations annuelles qui ont lieu à Vienne dans le cadre de « l'arrangement de Wassenaar ». Cette liste sera modifiée chaque année par décision du Conseil de l'Union européenne. Actuellement, elle est annexée à l'arrêté du 17 juin 2009 fixant la liste des matériels de guerre et des matériels assimilés soumis à une procédure spéciale d'exportation.

En outre, le champ d'application des exportations inclura les satellites d'observation et les lanceurs à capacité balistique militaire, en application des dispositions de l'article L. 2335-18 nouveau ci-après.

Il faut relever que la liste ML et les catégories définies à l'article L. 2331-1 du code de la défense (qui détermine le champ d'application pour les autorisations d'importation) comportent des armes et matériels communs. Toutefois, la liste ML est plus étendue puisqu'elle comprend les matériels assimilés, non visés par cet article, c'est-à-dire les composants spécialement conçus pour les matériels de guerre, les accessoires, les matériels d'essais, d'entraînement, de protection, ainsi que les technologies. Par exemple, la roue d'un véhicule blindé est un matériel assimilé (si elle est spécialement conçue pour être intégrée sur un blindé) ; son exportation est donc soumise à autorisation. En revanche, ce n'est pas un matériel figurant dans l'une des six premières catégories de l'article L. 2331-1 ; son importation n'est donc pas soumise à une AIMG.

Art. L 2335-3 du code de la défense
Licences d'exportation (hors Union européenne)

L'article L 2335-3 précise le nouveau cadre des autorisations d'exportation hors Union européenne, reposant désormais sur trois différents types de licences.

• Le régime d'autorisation actuellement en vigueur

Le régime actuel de contrôle a priori repose sur des autorisations individuelles, délivrées suivant un système à double niveau :

- l'agrément préalable (AP), accordé par le Premier ministre et notifié à l'industriel par le ministre de la défense, visé à l'actuel art. L. 2335-2 ;

- l'autorisation d'exportation de matériels de guerre (AEMG), accordée et notifiée par le ministre chargé des douanes, visée à l'actuel art. L. 2335-3.

L'agrément préalable (AP) permet à une entreprise de négocier un contrat, puis le cas échéant de le signer. Il a une durée de validité maximale de 3 ans. L'autorisation d'exportation de matériels de guerre (AEMG) permet à la même entreprise de procéder à l'opération d'exportation proprement dite, car l''obtention de l'AEMG est obligatoire pour permettre le dédouanement des matériels et leur acheminement à l'étranger après le franchissement des frontières. D'une durée de validité de deux ans maximum, l'AEMG est en général précédée de la signature du contrat.

Ces deux autorisations relèvent du Premier ministre, assisté d'une commission (la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre - CIEEMG) dont la présidence est assurée par le Secrétaire général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN). Trois ministères, les affaires étrangères et européennes, la défense et les finances, en sont membres permanents et disposent d'une voix délibérative. La commission est chargée de l'examen des dossiers au cas par cas. Elle exprime sur chacun un avis qui sert de base à la décision.

D'après l'exposé des motifs du projet de loi, en 2009, la France a délivré 6 826 agréments préalables individuels et 7 080 autorisations d'exportation de matériel de guerre.

Ce système, éprouvé, reposant sur des fondements posés par le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, a été perfectionné depuis lors mais n'a jamais vu son architecture globale refondue.

Des progrès ont récemment été introduits, avec les procédures d'examen simplifiées pour les agréments préalables que sont les procédures accélérées ou globales, ou les procédures regroupées, qui permettent d'étudier dans le même temps l'agrément préalable et l'autorisation d'exportation. La procédure continue (PC), permet quant à elle de recueillir par voie dématérialisée les avis des ministères et de délivrer, sans attendre la réunion formelle de la CIEEMG, l'agrément préalable si les avis sont concourants.

Les lourdeurs de ce système sont très bien décrites dans le rapport de notre collègue député Yves FROMION 16 ( * ) , parlementaire en mission, remis au Premier ministre en juin dernier, qui établit que la part des procédures de simplification reste marginale, les procédures normales représentant encore 81 % du total.

Ce rapport estime à 66 jours le délai moyen de traitement pour un agrément préalable et à 52 jours celui de l'autorisation d'exportation. Ces chiffres sont peu compatibles avec l'exigence de réactivité pour nos entreprises dans des compétitions où la concurrence est souvent très rude.

Enfin, le nombre d'actes traités paraît disproportionné par rapport aux enjeux, comme le relève le rapport précité : « environ 6 000 à 7 000 demandes restent annuellement inscrites à l'ordre du jour des 11 CIEEMG annuelles, alors qu'apparemment la moitié seulement -au mieux- fait l'objet d'un examen réel dans cette instance. (...) En réalité, seulement 10 % des dossiers présenteraient un caractère jugé sensible. Enfin, seules une centaine de fiches font l'objet chaque année d'un refus. (...) Il n'est pas nécessaire de retenir au niveau de la CIEEMG la très grande majorité des demandes d'agrément. »

Face au triple constat de complexité exposé ci-dessus, le système proposé introduirait toutefois de réelles simplifications, les nouvelles procédures réduisant significativement les contraintes administratives pesant sur les industriels.

• Les trois types de licences proposées par le nouveau système

Le projet de loi propose de remplacer ce système d'autorisation par la création de licences d'exportation vers les pays hors Union Européenne.

Si cette formule est imposée par la directive pour les transferts intra-communautaires, il n'en va pas de même pour les exportations hors de l'Union européenne.

C'est donc d'un choix du Gouvernement que résulte l'application d'un régime similaire à celui prévu par la directive aux exportations non communautaires. L'idée est notamment de diminuer, en particulier grâce aux licences générales, le nombre de demandes d'autorisations individuelles, ce qui est de nature à accroître la réactivité commerciale des entreprises.

Trois types de licences sont prévus :

- licences générales d'exportation (par arrêtés précisant les conditions d'utilisation et les matériels sélectionnés) comportant des listes de matériels qu'un exportateur établi en France peut expédier vers certaines catégories de destinataires ; ce régime, le plus libre, délivre en quelque sorte une autorisation générale pour certaines exportations, sans avoir à demander d'autorisation spécifique ;

- licences globales d'exportation autorisant un exportateur à expédier, sans limite de quantité ni de montant, des matériels à un ou plusieurs destinataires identifiés ;

- licences individuelles d'exportation, autorisant un exportateur à expédier un matériel à un destinataire (pour un montant précis).

La plus grande simplification est attendue des licences générales. Ces licences libéraliseront les exportations les moins sensibles ; en contrepartie, la mise en place d'un système de qualification des entreprises utilisatrices permettra un contrôle a posteriori de leurs activités.

Ces licences générales d'exportation comporteront une liste de destinations autorisées ou interdites. L'utilisation d'une licence générale d'exportation sera conditionnée à la mise en place d'un programme interne de contrôle par les exportateurs : outre le primo-enregistrement lors de l'utilisation d'une licence, la tenue d'un registre des importations et une déclaration semestrielle seront nécessaires (cf. art L. 2335-5 et suivants ci-après).

D'après l'exposé des motifs du présent projet de loi, les pays de destination pourraient être les pays déjà « jugés sûrs par le Gouvernement français » dans le cadre de la législation sur les biens à double usage (Etats-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie, Norvège, Suisse, Japon). Les destinataires privés devraient a priori en être exclus. D'après ce même document, les opérations couvertes par les licences générales pourraient être les exportations destinées aux forces gouvernementales, les opérations de maintenance, les salons et expositions.

A noter donc que, pour les licences générales d'exportation, d'après les informations confirmées en audition à votre rapporteur, les destinataires devraient, au moins dans un premier temps, être essentiellement étatiques .

Ce sont les licences générales à l'exportation britanniques ( Open General Export Licenses, OGEL ) qui ont servi de modèle à l'instauration en France d'un tel système.

Il faut relever que si la directive (et par extension, le régime prévu pour le grand export) impose 3 catégories de licences, elle n'impose pas en elle-même la licence « unique », fusionnant en une seule autorisation les deux existantes dans le système actuel. C'est donc par souci de simplification mais aussi de respect de l'esprit de la directive et de ses grands objectifs (la majorité des Etats membres disposant d'un système de licence unique) que le projet de loi de transposition s'accompagne d'une refonte du système d'autorisation « duale » pour aller vers l'autorisation unique.

Comme le précise la directive, dans son article 1 er , la décision d'exportation relève de la seule compétence des Etats membres. Toutefois, certains industriels auditionnés par votre rapporteur ont posé la question du rôle que pourrait souhaiter jouer à l'avenir la Commission ou le Parlement européen, dans la décision d'exportation hors d'Europe. Ce risque était d'ailleurs lui-même souligné spécifiquement dans le rapport précité de notre collègue député Yves FROMION.

Votre commission des Affaires étrangères et de la défense veut rappeler ici son attachement à la liberté de chaque Etat membre pour contrôler souverainement ses exportations d'armement et choisir librement ses partenaires en matière de politique de défense. Cette liberté, préservée dans le texte de la directive actuelle, doit demeurer intacte à l'avenir.

Art. L 2335-4 du code de la défense
Retrait des licences d'exportation (hors Union européenne)

Cet article pose le principe de la possibilité d'un retrait ou d'une suspension, à tout moment, par l'autorité administrative, des licences d'exportations délivrées, soit pour des motifs généraux, soit pour des motifs particuliers (en particulier, non respect des conditions de la licence).

Ce retrait pourra être une conséquence d'une fraude du bénéficiaire de l'autorisation, ou encore de la souscription par la France de nouveaux engagements internationaux.

La fraude type qui pourra entraîner pour le titulaire, outre une sanction pénale, la suspension, l'abrogation ou le retrait de sa licence pourra être par exemple le cas de la réexportation d'un matériel par une personne titulaire d'une licence d'exportation, alors que ce bien est soumis à une clause de non réexportation décidée par un autre Etat membre.

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions d'application de cet article.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, c'est le Premier ministre qui prendra la décision de retrait après avis des ministères ayant voix délibérative à la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG). En cas d'urgence, l'autorisation pourra être suspendue immédiatement par le Premier ministre. La décision sera notifiée à son titulaire par le ministre de la défense.

Plus précisément le décret en Conseil d'Etat devrait prévoir que l'administration pourra suspendre, modifier, retirer ou abroger l'autorisation lorsque :

1° son maintien risque de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, à la défense nationale, à la sécurité publique, à la sécurité extérieure de l'Etat ou aux engagements internationaux de la France ;

2° les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de l'autorisation ne sont plus réunies ;

3° le titulaire de l'autorisation cesse l'activité pour laquelle elle lui a été délivrée.

En toute logique, une telle décision des retraits, notamment dans l'une des circonstances mentionnées ci-dessus au 2° et au 3°, devrait sans doute être motivée, en application de l'obligation générale de motivation prévue par la loi n° 79 587 du 11 juillet 1979.

Les décisions de suspension, de modification, de retrait ou d'abrogation d'une autorisation, qui font grief, pourront bien entendu faire l'objet d'un recours devant les juridictions administratives dans le délai de deux mois à compter de leur notification.

Art. L 2335-5 du code de la défense
Obligation de primo-enregistrement pour les licences générales
obligation de notification des conditions d'utilisation
(hors Union européenne)

Cet article pose une obligation de primo-enregistrement pour les entreprises qui utilisent une licence générale d'exportation pour la première fois.

C'est sur les exportateurs que repose l'obligation d'informer les destinataires des conditions dont est éventuellement assortie la licence d'utilisation, ou des restrictions à leur utilisation finale ou leur réexportation, au moyen d'une reproduction de ces conditions dans le contrat.

Art. L 2335-6 du code de la défense
Tenue d'un registre d'exportation (hors Union européenne)
déclaration semestrielle

L'article L. 2335-6 pose l'obligation de tenue et de conservation pendant 10 ans d'un registre des exportations effectuées.

Il faut noter que ce délai de 10 ans est calqué sur les délais prévalant en matière fiscale.

En outre, tant pour les exportateurs que pour les importateurs, une déclaration semestrielle est requise, dont les modalités sont définies par l'autorité administrative.

Un décret en Conseil d'Etat doit venir préciser les modalités d'application de cet article, et en particulier les obligations spécifiques s'appliquant aux exportateurs sollicitant une licence globale d'exportation.

Art. L 2335-7 du code de la défense
Respect d'éventuelles restrictions à l'exportation (hors Union européenne)

Cet article dispose qu'un exportateur ayant lui-même reçu des matériels au titre d'une licence de transfert d'un autre Etat membre de l'Union européenne (cf. supra) et faisant l'objet de restrictions à l'exportation, déclare les avoir respectées ou avoir obtenu l'accord de l'Etat concerné.

En pratique, la déclaration d'utilisation (par laquelle le destinataire français atteste que le produit qu'il acquiert sera intégré dans ses propres produits) sera remise au fournisseur étranger qui le conservera et l'archivera pour les besoins du contrôle opéré par son propre Etat.

La nouvelle section 2 « Transfert de produits liés à la défense au sein de l'Union européenne », au sein de ce chapitre V, concerne les échanges avec des Etats membres de l'Union européenne. Elle transpose directement la directive.

Art. L 2335-8 du code de la défense
Définitions

L'article L 2335-8 introduit dans le code de la défense les différentes définitions terminologiques contenues par l'article 3 de la directive.

En particulier, un « transfert » désigne une transmission intracommunautaire de matériel entre un fournisseur et un destinataire situés en France et dans un autre Etat membre.

Une « licence » désigne une autorisation administrative notifiée ou publiée. A noter que la règlementation française relative aux biens à double usage connaît d'ores et déjà le principe des licences (individuelle, globale et générale).

Art. L 2335-9 du code de la défense
Transferts au sein de l'Union européenne : principes

L'article L 2335-9 pose le principe de l'autorisation préalable pour les transferts entre Etats membres de produits liés à la défense.

Il faut noter que par rapport au droit en vigueur, reposant sur le principe de la prohibition, assortie de dérogations, il s'agit d'une évolution sensible, le principe étant désormais celui d'une liberté encadrée.

Cette disposition découle de l'article 4.1 de la directive, qui précise que le régime des licences de transfert est un régime d'autorisation préalable.

Le champ d'application est celui de la liste militaire européenne dite « liste des produits liés à la défense », figurant en annexe de la directive. Un arrêté devrait définir précisément ce champ d'application ; il devrait comprendre la liste ML annexée à la directive ainsi que les biens visés au futur l'article L. 2335-18 du code de la défense (les satellites et les lanceurs) qui entreront également, de par la loi, dans le champ du contrôle des transferts intracommunautaires (cf. supra).

Art. L 2335-10 du code de la défense
Types de licences de transfert au sein de l'Union européenne
licence unique

L'art. L. 2335-10 dispose que les licences sont délivrées par l'autorité administrative. La directive ne détaillant pas les procédures internes de délivrance de ces licences, les autorisations pourront, de fait, continuer d'être délivrées par les mêmes autorités qu'actuellement, comme l'indique l'étude d'impact : « Le concept de licence ne remettra pas en cause le caractère interministériel et la compétence du Premier ministre dans la délivrance de l'autorisation, après avis de la CIEEMG. ». Le ministère de la défense devrait quant à lui rester le point d'entrée de toutes les demandes de transfert.

Le texte du projet dispose que l'autorité administrative tient compte, pour la délivrance de la licence, « de la sensibilité de l'opération ». En outre, les licences peuvent comporter des conditions ou restrictions sur leur utilisation finale : ce qui couvre en particulier à l'interdiction de réexportation. Enfin, l'autorisation peut être limitée à la communication de certaines informations dans le cadre de la négociation d'un contrat.

Tout comme pour les exportations hors de l'Union européenne, dispositif inspiré de la directive, trois types de licences sont prévues par le texte européen, et transcrites dans le projet de loi, pour les transferts intracommunautaires :

- des arrêtés de « licences générales de transfert » autorisant tout fournisseur à effectuer un transfert vers un destinataire de l'Union européenne ;

- des licences globales de transfert, autorisant un fournisseur à effectuer des transferts à un ou plusieurs destinataires identifiés, pour une durée déterminée mais sans limite de montant. D'après l'exposé des motifs, ces licences couvriront des opérations industrielles complexes où les participants ainsi que le champ des matériels sont prédéterminés (exemple : l'avion de transport militaire A400M) ;

- des licences individuelles de transfert, autorisant le transfert à un destinataire, en une ou plusieurs fois (pour un montant donné). D'après l'exposé des motifs, seront soumis à l'examen au cas par cas les matériels qui sont jugés très sensibles pour la sécurité de nos forces armées (exemple : cryptologie) ou qui relèvent de technologies devant être protégées (plates-formes de combat complètes, matériels de renseignement militaire).

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, les licences générales de transfert (que la directive fixe à au moins quatre) pourraient être au nombre de six :

- licence générale n° 1 vers les forces armées ou leurs pouvoirs adjudicateurs ;

- licence générale n° 2 vers les entreprises certifiées ;

D'après l'exposé des motifs, la liste des matériels sera plus étendue dans la licence générale n° 1 qui s'appliquera aux forces armées. La licence générale n° 2 devrait quant à elle couvrir une quinzaine de catégories de matériels de la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne , correspondent à trois familles :

• les composants de plates-forme s terrestres (ML.6), navales (ML.9) et aéronautiques (ML.10), peu sensibles, et sources de flux importants vers toute l'Europe ;

• les matériels et composants moyennement sensibles à forte capacité de flux (munitions gros calibres (ML.3), produits explosifs (ML.8), protection NBC (ML.7), pour lesquels il existe un marché européen concentré de quelques groupes identifiés ;

• les matériels et composants moyennement sensibles et à forte valeur ajoutée technologique (matériels intégrés de vision nocturne (ML.15), matériels de guidage et de navigation (ML.11).

- licence générale n° 3 A pour les salons internationaux ;

- licence générale n° 3 B pour les essais et démonstrations ;

- licence générale n° 4 A pour le renvoi de matériels à l'étranger, suite à une réparation en France ;

- licence générale n° 4 B pour la réparation de matériels dans un autre Etat membre.

Le contenu de la licence générale n°1 sera naturellement le plus complet : devraient notamment y figurer les composantes de plate-forme pour véhicules terrestres, matériels navals et aériens, les munitions de gros calibre, les bombes, torpilles, radars terrestres, poudres, explosifs, matériels de vision nocturne...

Certains matériels pourront avoir des conditions particulières d'utilisation fixées par la licence (comme par exemple des clauses techniques).

Ces licences seront publiées par arrêtés. Elles constitueront la simplification la plus manifeste pour les industriels puisque tout matériel figurant dans l'arrêté portant licence générale pourra être transféré sans autorisation individuelle préalable.

Le texte du l'art L. 2335-10 pose le principe d'une obligation, pour un utilisateur de licence, de détention préalable d'une autorisation de fabrication desdits matériels, délivrée en vertu de l'article L. 2332-1 (autorisation de fabrication, de commerce et d'intermédiation (AFCI)), pour les matériels des quatre premières catégories. A titre exceptionnel, une personne non titulaire de cette autorisation peut toutefois demander une licence.

D'après l'exposé des motifs du projet de loi, entre 140 et 160 entreprises pourraient être bénéficiaires de ces licences générales, pour la majorité des PME-PMI.

En effet ; les livraisons d'armement - à partir de la France - à destination des Etats membres de l'Union européenne se sont élevées en 2009 à 807,8 millions d'euros, ce qui représente 20 % du total des livraisons françaises d'armement.

En 2009, la France a délivré 6 826 agréments préalables individuels, dont plus de 30 % concernant les pays européens et 7 080 autorisations d'exportation de matériel de guerre, dont 2 204 concernant ces mêmes pays (31 %).

Il faut souligner qu'une écrasante majorité des demandes de transfert à destination de l'Union européenne donnent lieu à une autorisation : en 2003, sur 13 000 demandes concernant des transferts intracommunautaires, seules 15 ont été refusées.

Transferts réalisés à partir de la France au cours de l'année 2009

Source : étude d'impact du projet de loi

D'après l'étude d'impact, plus de 50 % des demandes d'agrément préalables en 2009 (procédures normale et continue) seraient désormais éligibles, dans le nouveau système, aux licences générales de transfert n °s 1 ou 2, soit 1 134 actes sur 2 263. La mise en place des licences générales supprimera donc un millier d'actes par an. Les effets du nouveau régime d'autorisation « unique » (et non plus en deux temps) s'ajoutant à ceux des licences générales, il est estimé que l'administration ne devrait plus délivrer que 6 000 autorisations par an (4 700 licences individuelles d'exportation et 1 300 licences individuelles de transfert), contre 14 000 aujourd'hui.

Une incertitude sur le rythme de réduction des actes existe toutefois ; à la lumière notamment de l'expérience anglaise, l'administration estime que les industriels exportateurs, habitués à un régime de contrôle a priori très sécurisé juridiquement, pourraient ne tirer avantage que progressivement des assouplissements offerts par le nouveau système. Il faudra en outre, pendant une période de transition initiale, continuer de traiter le stock des autorisations délivrées sous l'ancien système.

En outre, on peut craindre que l'adaptation indispensable de l'outil informatique de gestion des autorisations (système SIEX), à peine entamée, ne permette pas de mise en oeuvre opérationnelle immédiate du nouveau système de licence unique. Les auditions menées par votre rapporteur ont fait état d'une mise en production du nouveau système d'information en 2014 (au plus tard), soit deux ans après la date d'entrée en vigueur fixée par la directive.

A cet égard on ne peut manquer de s'interroger sur le fait que ce système d'information, qui aurait, selon le rapport FROMION, englouti en 5 ans la somme colossale de plus de 10 millions d'euros, fasse l'objet de critiques aussi unanimes de la part des industriels auditionnés par votre rapporteur, et soit incapable d'accompagner l'évolution vers le nouveau régime d'autorisation.

Deuxième interrogation, compte tenu de la simplification annoncée dès 2008 par le Livre blanc du système d'autorisation, de la négociation dès 2008 de la directive, et des différents rapports FROMION ayant précisément identifié le besoin, comment expliquer que le marché de réfection de ce système d'information n'en soit encore qu'à ses débuts ?

L'administration se fixe un objectif de « drainer 25 % des flux actuels à destination de l'Union européenne à travers des licences générales la première année, avec un objectif de 50 % au terme de la troisième année ».

Certes, les efforts de modernisation fournis par l'administration ne doivent pas être sous estimés. De nombreuses préconisations du rapport FROMION ont d'ores et déjà été mises en oeuvre pour oeuvrer, à cadre règlementaire inchangé, et indépendamment de la transposition de la directive, pour un allègement du fardeau administratif pour nos entreprises :

- ainsi sur l'année 2010, un plus grand nombre de dossiers a été drainé vers des procédures d'autorisation ne nécessitant pas d'examen par la CIEEMG, le taux -actuellement de 10 % à 15 %- pourrait même atteindre 35 % sur le dernier trimestre 2010 ;

- de même, une modification, en attente de publication, de l'arrêté du 2 octobre 1992 a été préparée, qui devrait offrir la possibilité d'étendre à 3 ans maximum (au lieu de 2) la durée d'une autorisation d'exportation -cette seule mesure permettant à elle seule de réduire de 10 % le nombre d'actes annuel 17 ( * ) -et de supprimer l'obligation de détenir une autorisation préalable pour remettre une offre et commencer à négocier un contrat.

Le V de l'art. L 2335-10 dispose que les licences de transfert délivrées par d'autres Etats membres autorisent également le passage par le territoire national.

En vue d'harmoniser réellement le marché européen, le texte pose donc le principe d'une licence unique, valable sur tout le territoire de l'Union. Une opération commerciale sera soumise, au sein de l'Union européenne, à une et une seule autorisation, celle de l'Etat membre d'origine.

Toutes les autres autorisations requises aujourd'hui par les autres Etats membres pour la circulation des matériels militaires (et notamment l'autorisation de transit et l'autorisation d'importation) disparaîtront, afin que le marché soit rendu plus fluide.

A l'heure actuelle, le transit direct de frontière à frontière, entre deux Etats membres de l'Union européenne, de matériels de guerre, armes et munitions des six premières catégories énoncées à l'article L. 2331-1 du code de la défense est soumis à autorisation prévue par la loi. Les « matériels assimilés », ainsi que les armes à feu, les munitions et leurs éléments, qui relèvent de la directive 91/477/CEE modifiée du 18 juin 1991 et de la directive 93/15/CE du 5 avril 1993, sont pour leur part réglementés par le titre V du décret n° 95-589 du 6 mai 1995.

Les demandes d'autorisation de transit de matériels de guerre (ATMG) sont déposées auprès du ministre de la défense et délivrées par le ministre chargé des douanes (direction générale des douanes et droits indirects) après avis du Premier ministre, du ministre de l'économie, du ministre des affaires étrangères, du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur.

En 2010, 328 autorisations ont été délivrées pour des transits intracommunautaires.

La directive dispose, au paragraphe 1 de son article 4, que : « Le transfert de produits liés à la défense entre Etats membres est soumis à la délivrance d'une autorisation préalable. Aucune autre autorisation d'autres Etats membres n'est requise aux fins du passage par des Etats membres ou de l'entrée sur le territoire de l'Etat membre où le destinataire de produits liés à la défense est situé, sous réserve de l'application de dispositions nécessaires pour des raisons de sécurité publique ou d'ordre public, en matière de sécurité des transports notamment ».

Cela signifie donc que la France n'exigera plus d'autorisation d'importation et de passage par son territoire pour les matériels concernés provenant - et à destination - des autres Etats membres de l'Union européenne. Les autorisations d'importation et de transit seront, bien entendu, également supprimées dans tous les autres Etats membres. C'est la condition d'une circulation simplifiée des produits de défense au sein de l'espace communautaire.

L'autorisation implicite contenue dans la licence générale vaut sous réserve des exigences de sécurité publique, d'ordre public ou de sécurité des transports.

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions d'application du présent article.

A noter qu'une démarche d'harmonisation de convergence des contenus des licences générales, actuellement engagée avec nos partenaires européens, vient donner tout son sens à cette « communautarisation » de l'autorisation.

Cette convergence est d'autant plus nécessaire que certains ont pu craindre l'émergence d'un risque dit de « licence shopping » en cas de différences trop marquées entre le contenu des licences des Etats membres. Le risque serait le suivant : si certaines licences de nos partenaires sont notoirement plus larges que les nôtres, les industriels à dimension transnationale pourraient être tentés de choisir ces Etats comme pays d'origine de leurs transferts, au détriment d'une localisation en France de ces activités. La compétitivité de la France comme pays d'intégration des systèmes risquerait alors d'être fragilisée 18 ( * ) .

Ce risque, que les auditions menées par votre rapporteur n'ont pas révélé comme étant réellement avéré, peut être limité par une harmonisation du contenu des licences : si nos partenaires européens placent sous licence générale le même ensemble de produits et de composants que ceux qui figurent dans les arrêtés français, notre industrie sera protégée contre ce risque.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, les discussions d'ores et déjà ouvertes avec nos principaux partenaires devraient ouvrir la voie à une harmonisation satisfaisante de leur contenu . Ainsi, la France a-t-elle proposé deux projets de licences générales à ses principaux partenaires, projets qui auraient reçu un accueil favorable notamment de la part de l'Allemagne (sous réserve des contraintes internes propres à cet Etat sur la question de la circulation des matériels de guerre), de l'Espagne et dans une certaine mesure de l'Italie et de la Suède. La Grande-Bretagne dispose quant à elle d'ores et déjà de licences ouvertes, qu'il est envisagé d'adapter pour respecter la nouvelle règlementation.

Art. L 2335-11 du code de la défense
Dérogations à la nécessité d'une licence pour certaines opérations

L'art. L 2335-11 fixe, comme le permet le 2) de l'article 4 de la directive, des dérogations à l'obligation d'autorisation préalable pour les transferts intracommunautaires.

Ces dérogations sont directement reprises de la directive.

Il s'agit des opérations suivantes :

- le fournisseur ou le destinataire est une institution publique ou fait partie des forces armées ;

- les livraisons sont effectuées par l'Union européenne ou par des organisations internationales dans le cadre de leurs missions (OTAN, AIEA...) ;

- le transfert met en oeuvre un programme de coopération entre Etats membres ;

- le transfert est lié à l'aide humanitaire, dans des cas de catastrophe ou d'urgence ;

- le transfert est nécessaire pour une opération de réparation, entretien, exposition ou démonstration.

Les dérogations mentionnées au nouvel article L. 2335-11 du code de la défense existent déjà en ce qui concerne les transferts nécessaires pour la mise en oeuvre d'un programme de coopération en matière d'armement entre États membres de l'Union européenne, ainsi que dans le cadre d'opérations de réparation, d'entretien ou de présentation dans les salons organisés en France.

Art. L 2335-12 du code de la défense
Retrait des licences de transfert

Symétriquement avec les dispositions prévues pour les licences hors Union européenne, l'art. L. 2335-12 pose le principe de la possibilité d'un retrait (suspension, abrogation, modification, retrait...) à tout moment par l'autorité administrative des licences de transfert délivrées.

Plusieurs motifs pourraient le justifier, soit d'ordre général (respect des engagements internationaux, protection des intérêts essentiels, ordre public, sécurité publique) ou d'ordre particulier, notamment si le titulaire ne respecte pas les conditions spécifiées dans la licence.

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions d'application de cet article.

La décision de retrait sera susceptible de recours devant le juge administratif.

Art. L 2335-13 du code de la défense
Obligation de primo-enregistrement pour les licences de transfert
obligation de notification des conditions d'utilisation

Cet article dispose que les fournisseurs doivent se déclarer au ministère de la défense avant toute utilisation d'une licence générale.

En effet, la contrepartie de la plus grande liberté du nouveau régime d'autorisation générale que constituent ces licences est l'instauration d'un contrôle a posteriori des entreprises utilisatrices, pour lesquelles leur enregistrement volontaire est le préalable indispensable. De la sorte, l'administration sera en mesure de connaître les entreprises utilisatrices des licences, à des fins non seulement statistiques mais également de contrôle.

Toute la philosophie du nouveau régime tend en effet à faire basculer le contrôle d'un contrôle systématique a priori à un contrôle a posteriori . Il faut d'ailleurs noter que l'administration se réserve la possibilité, ce qui a été confirmé en audition à votre rapporteur, de demander des précisions à l'entreprise qui s'enregistrerait comme future utilisatrice d'une licence générale, à l'occasion de ce primo-enregistrement, le texte du projet indiquant que l'autorité administrative « peut exiger des informations supplémentaires sur les produits dont le transfert est envisagé », notamment pour vérifier qu'ils rentrent bien dans le champ de la licence.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'administration compte s'assurer que l'industriel ne commet pas d'erreur de lecture de la licence générale ou de la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne.

La procédure de primo-enregistrement pourrait prendre jusqu'à 30 jours, délai au cours duquel l'administration pourra faire ses vérifications au cours d'un entretien préalable obligatoire pour l'entreprise. Votre commission est attentive à ce que cet « enregistrement » ne reproduise pas les lenteurs administratives que le projet de loi est censé combattre avec la suppression de l'autorisation préalable.

Le premier retour d'expérience, britannique, sur les licences générales, tend à montrer que ces précautions ne sont peut être pas inutiles, dans la mesure où près de 200 infractions auraient été constatées sur l'année 2010 par les services britanniques.

Il faut donc trouver un point d'équilibre entre la nécessité d'une meilleure performance du système administratif et la sécurité juridique des entreprises, qui peut exiger, au moins pour la première utilisation d'une licence générale, un contrôle sur le respect d'un minimum de garde fous.

L'art. L. 2335-13 impose aux utilisateurs de licences d'informer les destinataires des conditions dont est assortie la licence, en reproduisant ces conditions dans le contrat ; sont en particulier visés les cas d'interdiction de réexportation ultérieure hors du territoire de l'Union européenne.

Art. L 2335-14 du code de la défense
Tenue d'un registre des transferts
déclaration semestrielle

Les entreprises utilisatrices des licences sont tenues de consigner dans un registre des transferts tous les transferts réalisés, ainsi que tous les documents commerciaux, qui doivent être conservés 10 ans.

Une déclaration récapitulative (« compte rendu des prises de commande et des transferts effectués ou reçus ») doit en outre être faite à l'administration, suivant une périodicité à définir par l'autorité administrative, mais qui pourrait être tous les semestres. La finalité de ce registre sera de pouvoir retracer, sur une durée de 10 ans minimum, l'ensemble des flux des matériels liés à la défense, pour les entreprises agissant tant comme « fournisseurs » que « destinataires », et de s'assurer que les conditions de réexportation fixées par les Etats membres sont signalées et respectées.

A noter que la durée de 10 ans de conservation ne découle pas de la directive mais a été choisie par le Gouvernement par « cohérence » avec différentes durées de conservation déjà en vigueur en droit français, notamment en matière fiscale.

D'après les renseignements fournis à votre rapporteur, ce registre pourrait être dématérialisé afin de faciliter la remontée vers l'administration de la connaissance des flux de matériels liés à la défense reçus ou transférés par les entreprises.

Ces dispositions seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

Enfin, il est précisé que « sans préjudice des compétences du ministre chargé des douanes », c'est le ministre de la défense qui exerce le contrôle du respect des obligations déclaratives des entreprises.

En effet, le ministre chargé des douanes disposera de compétences en vertu des dispositions du paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes, qui concernent les pouvoirs de recherche, de constatation et de sanction des infractions prévus par le code des douanes, et qui sont rendues applicables au commerce de produits liés à la défense par les dispositions du II de l'article 4 du présent projet de loi.

Ainsi par exemple, le transfert de produits liés à la défense sans licence, ou avec une licence inapplicable, constituera une « exportation » sans déclaration de marchandises prohibées, infraction réprimée par l'article 414 du code des douanes.

En conséquence, le ministre de la défense ne sera pas la seule administration en charge du contrôle des transferts intracommunautaires de produits liés à la défense.

Le principe de ce contrôle ne figure pas stricto sensu pas dans la directive, même si son considérant 29 fait référence au « remplacement progressif du système de vérification individuelle préalable par des contrôles généraux a posteriori ».

Il est en revanche la conséquence naturelle de la libéralisation introduite par l'absence d'autorisation individuelle préalable pour un grand nombre de transferts.

Il s'agirait en particulier de s'assurer que :

- les produits transférés correspondront à ceux inscrits dans les licences générales ;

- les destinataires des produits liés à la défense auront la bonne qualité pour les recevoir (forces armées, entreprises certifiées...) ;

- les éventuelles conditions de la réexportation de certains produits auront été indiquées aux destinataires ;

- les entreprises françaises auront elles même respecté les conditions de réexportation qui auront été fixées par un autre Etat membre...

Le contrôle a posteriori sera exercé sous deux formes : « sur pièces » et « sur place ».

Le contrôle sur pièces devrait être exercé par la direction générale de l'armement (DGA), à partir de l'analyse des documents remis par les sociétés. En association avec la DGA, le contrôle général des armées serait chargé du contrôle sur place et de la conformité des transferts et/ou exportations effectivement réalisés aux licences accordées. A l'issue du contrôle, d'éventuelles sanctions pourront être engagées.

Art. L 2335-15 du code de la défense
Déclarations d'utilisation

L'art L. 2335-15 vise à garantir que lorsqu'un matériel transféré depuis un autre Etat membre est assorti de conditions d'utilisation, le destinataire situé en France atteste que ce produit est effectivement intégré dans ses propres produits et qu'il ne peut être réexporté (sauf pour entretien ou réparation).

La déclaration d'utilisation (par laquelle le destinataire français atteste que le produit qu'il acquiert sera intégré dans ses propres produits) sera remise au fournisseur étranger qui le conservera et l'archivera pour les besoins du contrôle a posteriori de son propre Etat membre.

A noter que, réciproquement, si le fournisseur est français et si le matériel qu'il s'apprête à transférer vers un destinataire d'un autre Etat membre est soumis à une déclaration d'intégration, il veillera à communiquer cette restriction au destinataire étranger et à obtenir cette déclaration d'utilisation avant l'expédition physique des matériels.

Dans le cadre d'un contrôle sur place effectué chez le fournisseur français au sujet de ce transfert, l'administration française pourra en effet solliciter la production de cette déclaration d'utilisation et vérifier sa conformité et son antériorité par rapport à la date d'expédition.

Art. L 2335-16 du code de la défense
Certification

L'art L. 2335-16 concerne les entreprises destinataires de produits transférés depuis un autre Etat membre (importation intracommunautaire) en vertu d'une licence générale de transfert. Il dispose, conformément à l'article 9 de la directive, qu'elles doivent être certifiées, notamment au regard de leur capacité à appliquer les obligations de non réexportation visées à l'article précédent.

Les critères de certification seront définis par décret en Conseil d'Etat.

La directive repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle des certifications entre les 27 Etats membres, la certification délivrée par un Etat permettant à l'entreprise certifiée de recevoir des transferts de matériel (en application d'une licence générale) de la part des 26 autres Etats membres. La liste des entreprises certifiées dans l'Union européenne sera mise en ligne sur le site de la Commission européenne 19 ( * ) .

La certification des entreprises ne sera donc obligatoire que pour les entreprises souhaitant recevoir des matériels militaires par le biais des licences générales des autres Etats membres. Ces entreprises tireront des avantages de la certification (ouvertures des flux provenant des licences générales des autres États membres) mais devront aussi se plier à ses contraintes.

La certification commencera en effet par un audit et supposera la mise en place d'un programme de contrôle fiable au sein des entreprises concernées. Elle devrait reposer sur le rôle d'un « administrateur », haut responsable désigné au sein de l'entreprise, assurant la supervision de la politique de contrôle interne et assume la responsabilité en cas de manquement aux engagements.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, au-delà des grands groupes industriels qui postuleront sans doute pour bénéficier de la certification, un certain nombre de moyennes entreprises pourraient également être intéressées, soit au total, à terme, 150 entreprises environ lorsque les différents Etats membres auront publié leurs licences générales et que le bénéfice d'une certification sera perçu par l'ensemble du tissu industriel.

Votre rapporteur s'est naturellement interrogé sur les risques qui pourraient découler, pour notre tissu industriel, d'éventuelles différences de « solidité » des différentes procédures de concertation au sein de l'Union européenne. Le risque serait le suivant : certains industriels transnationaux, implantés dans plusieurs Etats membres, seraient tentés de choisir, pour intégrer leurs matériels, les Etats dont la procédure de certification serait la plus souple . Il y aurait, dans cette optique, un risque de délocalisation de capacités productives vers ces Etats . Toutefois, les auditions conduites par votre rapporteur le conduisent à considérer que ce risque est relativement mesuré. En outre, l'effort, réel, de coordination, actuellement engagé entre les Etats membres, que votre commission soutient pleinement, devrait contribuer à le circonscrire.

La directive précise en effet, au b) du paragraphe 2 de son article 9, que les sociétés certifiées démontrent qu'elles exercent « une activité industrielle pertinente », ce que la Commission et tous les Etats membres interprètent comme impliquant d'avoir une activité principale de fabrication et excluant toute entreprise uniquement commerçante ou n'effectuant que des activités d'intermédiation.

En outre, des échanges en vue d'une harmonisation des procédures de certification ont eu lieu au sein du sous-comité 2 de la LoI ( Letter of Intent ) présidé par la France ; d'après l'étude d'impact, il a ainsi été décidé dans ce cadre d'exclure de la certification les sociétés se livrant exclusivement à des activités de courtage.

Une recommandation de la Commission européenne, élaborée après des échanges au sein d'un groupe de travail entre les Etats membres, auquel la France a participé activement, a été publiée le 15 janvier dernier (recommandation du 11 janvier 2011 relative à la certification des entreprises de défense conformément à l'article 9 de la directive). Elle comprend notamment des développements relatifs aux critères de certification (nature des activités de l'entreprise, structure organisationnelle...), mais aussi un modèle standard de certificat.

Cette recommandation détaille les dispositions de l'article 9 de la directive qui prohibent la certification de sociétés de commerce, en indiquant que « Seules les entreprises destinataires fabriquant effectivement des produits liés à la défense (...) peuvent prétendre à une certification. Les entreprises destinataires certifiées devraient utiliser les produits liés à la défense (...) pour leur propre production . ».

Certes une recommandation ne crée pas d'obligation juridique ; elle n'a donc pas d'effet contraignant pour les Etats membres. Il s'agit simplement de conseils donnés par la Commission concernant l'application de dispositions communautaires. Ce texte aura toutefois vocation à garantir une transposition harmonisée de la directive, ce qui est particulièrement souhaitable dans le domaine des biens de défense, où la confiance mutuelle sera un facteur essentiel.

Il faut noter en outre que la directive prévoit une mesure de sauvegarde assez originale en droit communautaire, qui ne fait pas l'objet d'une transposition spécifique en droit français dans le présent projet de loi : son article 15 prévoit que lorsqu'un Etat membre a un doute sur une entreprise certifiée par un autre Etat membre, il demande à ce dernier « d'évaluer la situation ». Les effets de la licence générale peuvent être suspendus tant que ces doutes subsistent.

Art. L 2335-17 du code de la défense
Biens acquis à titre personnel
maintien d'une autorisation préalable

Cet article L. 2335-17 prévoit que le transfert de certaines armes, munitions et leurs éléments acquis à titre personnel figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat, ainsi que des armes, munitions et leurs éléments non considérés comme matériels de guerre figurant sur la même liste, est soumis à une autorisation préalable spécifique.

Des dispositions similaires figurent aujourd'hui aux articles 91 et suivants du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions .

Cet article vise à insérer une disposition législative pour maintenir le régime (existant) de transfert des armes à feu des 1 ère , 4 ème , 5 ème et 7 ème catégories, de leurs éléments et de leurs munitions. Les dispositions de cet article ont vocation à mettre en oeuvre, non pas la directive du 6 mai 2009, mais la directive 91/477/CEE du 18 juin 1991 (armes à feu), modifiée par la directive 2008/51/CE du 21 mai 2008, ainsi que la directive 93/15/CE du 5 avril 1993 (munitions), dont la transposition en droit national avait été effectuée au travers des dispositions du titre V du décret n° 95-589 du 6 mai 1995.

En application de ces dispositions, le transfert de certaines armes à feu, de la France vers un autre Etat membre, est soumis à la délivrance d'un permis de transfert par le ministre chargé des douanes, au vu de l'accord préalable délivré par l'Etat membre de destination, si celui-ci l'exige. Inversement, le transfert de celles-ci, d'un autre Etat membre vers la France, est soumis à un accord préalable délivré par le ministre chargé des douanes, permettant à l'Etat membre d'expédition de délivrer le permis de transfert.

Un agrément de transfert peut être délivré aux armuriers aux fins de transfert vers des armuriers établis dans d'autres Etats membres. Cet agrément ne les dispense pas d'obtenir l'accord préalable de l'Etat de destination, si celui-ci l'exige.

En 2010, 2 590 accords préalables, 328 permis de transfert et 86 agréments de transfert d'armes à feu et de leurs éléments ont ainsi été délivrés.

Art. L 2335-18 du code de la défense
Domaine spatial
maintien d'une autorisation préalable

L'art. L. 2335-18 prévoit que le transfert vers des pays de l'Union européenne des satellites de détection ou d'observation, les véhicules spatiaux et satellites spécialement conçus ou modifiés pour un usage militaire, les fusées à capacité balistique militaire ainsi que leurs composants et moyens de production et d'essai, demeure également soumis à une autorisation préalable spécifique.

Le Gouvernement a souhaité, eu égard aux intérêts de sécurité nationale majeurs qui s'attachent aux matériels spatiaux (satellites et lanceurs) et aux liens étroits existants ou susceptibles d'exister entre ces engins et des utilisations militaires, assujettir à une procédure d'autorisation spécifique le transfert de ces biens.

Il faut noter que ces matériels, particulièrement sensibles, ne sont pas dans le champ de la directive, et donc pas soumis au nouveau régime des transferts intracommunautaires. Le Gouvernement souhaite garder une maîtrise sur ces matériels. Le présent article vise donc à confirmer, pour ces matériels, l'exigence d'une autorisation préalable.

On peut en effet estimer que les intérêts essentiels ainsi évoqués sont susceptibles de justifier un régime dérogatoire sur le fondement de l'article 346 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en marge de la directive. Les satellites et lanceurs, dont les potentialités militaires sont avérées, peuvent en effet être rattachés respectivement aux catégories intitulées « dispositifs d'observation électroniques, gyroscopiques, optiques et acoustiques » et « engins guidés », qui figurent dans la liste du 15 avril 1958 à laquelle renvoie l'article 346 du TFUE précité.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, il apparaît que les Italiens et les Suédois envisageraient également des ajouts nationaux à la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne. Ces Etats s'apprêteraient donc à inclure d'autres matériels dans la liste de contrôle des produits liés à la défense, en ayant recours, eux aussi, aux dispositions de l'article 346 du TFUE.

L'autorisation sera refusée lorsque le transfert « est de nature à compromettre les intérêts essentiels de la sécurité ».

Par ailleurs, cet article dispose que les articles précédents relatifs au retrait de l'autorisation, ou encore à l'obligation de tenue d'un registre sont applicables aux transferts intervenant dans le domaine spatial.

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions d'application de cet article.

Art. L 2335-19 du code de la défense
Comité pour les contestations en douane

L'art L. 2335-19 prévoit que les contestations en douane portant sur les opérations de transfert ou d'exportation décrites au chapitre V peuvent être soumises à un comité siégeant auprès du ministre de la défense.

Ce comité peut être amené à se prononcer sur le classement des matériels exportés, transférés et importés, sur demande du ministère chargé des douanes ou du ministère de la défense, lorsqu'il existe un doute sur leur appartenance à telle ou telle catégorie de matériels de guerre ou assimilés.

Un décret doit en préciser les modalités de fonctionnement.

Il faut noter que ce comité existe déjà ; il est mentionné à l'actuel article L. 2335-3 du code de la défense. Sa composition est fixée par un arrêté du 10 juillet 2002 et certaines dispositions le concernant figurent aux articles 20 à 22 de l'arrêté du 2 octobre 1992 relatif à la procédure d'importation, d'exportation et de transfert des matériels de guerre, armes et munitions et des matériels assimilés.

Ce comité pourra être saisi par l'administration des douanes, qui restera compétente pour rechercher, constater et sanctionner les infractions relatives aux transferts de produits liés à la défense grâce à la modification du paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes. Il est également envisagé que le comité puisse être saisi par l'exportateur, l'importateur et l'opérateur du transfert.

Le comité pourra ainsi être amené à trancher des litiges relatifs à l'inclusion ou non des produits dans le champ du contrôle des transferts intracommunautaires et des exportations et importations. La décision du comité permettra de déterminer si les produits concernés relèvent effectivement de la liste des produits soumis à autorisation et, donc, si leur importation, leur exportation ou leur transfert sans cette autorisation constitue une infraction.

L'exemple type de litige pourrait être le suivant : le service des douanes saisit des armes importées par une société qui les considère comme des armes de 7 ème catégorie, alors que le service des douanes estime qu'elles relèvent de la 4 ème catégorie. La 4 ème catégorie comprend les armes à feu dites de défense et leurs munitions dont l'acquisition et la détention sont soumises à autorisation et la 7 ème catégorie comprend les armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions. Or, selon l'article L. 2335-1 du code de la défense, l'importation des matériels de 4 ème catégorie est prohibée, ce qui n'est pas le cas pour les armes de la 7 ème catégorie. Le comité sera amené à trancher la question de la classification.

Votre commission a adopté l'ensemble de l'article 1 er sans modification.

Article 2 - Contrôle des agents habilités au sein des entreprises

Dans sa version initiale, l'article 2 se contentait d'effectuer différentes coordinations dans le code de la défense rendues nécessaires par la nouvelle rédaction du chapitre V introduite par l'article 1 er du projet de loi.

Il modifiait, à droit constant, les articles L. 2331-1, L. 2332-9 et 2352-1 du code de la défense, pour tirer les conséquences du nouveau régime des transferts intracommunautaires.

Il étendait, en outre, les contrôles exercés par le ministère de la défense aux titulaires des nouvelles licences d'exportation et de transfert.

Lors de l'examen du texte devant votre commission, le Gouvernement a présenté un amendement tendant à étoffer ces dispositions pour y intégrer les nouvelles modalités de contrôle a posteriori des entreprises titulaires de licences par les agents habilités de l'État.

Ce contrôle a posteriori sera réalisé essentiellement par le contrôle général des armées, la direction générale de l'armement, les douanes, et portera sur la conformité des opérations commerciales réalisées par une société aux licences qu'elle détient.

Il s'agira par exemple de vérifier la cohérence entre les informations du registre des déclarations faites par l'entreprise à l'administration et la réalité de l'activité de l'entreprise telle qu'elle pourra être constatée in situ . L'organisation mise en place par l'entreprise pourra également être contrôlée.

Le contrôle général des armées sera principalement responsable de ce contrôle, un membre du contrôle général présidera le comité ministériel du contrôle a posteriori qui sera mis en place.

Votre commission a d'ailleurs souhaité, à cet égard, que la mention explicite du contrôle général des armées soit maintenue dans le texte du code de la défense, là où l'amendement proposé par le Gouvernement se contentait de faire référence aux seuls « agents habilités ».

En outre, votre commission a attiré l'attention du ministre, lors de l'examen du texte, sur l'effort de sensibilisation et d'information qu'il conviendrait de faire auprès des entreprises, en particulier les PME, sur leurs nouvelles obligations d'organisation interne et de déclaration, dont le défaut pourra être lourdement sanctionné pénalement.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 - Sanctions pénales

L'article 3 fixe les sanctions pénales encourues pour violation des obligations prévues dans les précédents articles. Le quantum des peines encourues a été calqué sur ce qui existe déjà dans le code de la défense en matière de non respect de l'autorisation préalable d'exportation, soit un emprisonnement d'une durée maximale de cinq années et une amende de soixante quinze milles euros pour les peines les plus lourdes.

Cet article modifie le code de la défense (2 ème alinéa de l'article L. 2339-3, section 5 du chapitre III du livre III de la 2 ème partie) et y insère les articles L. 2339-11-1, L; 2339-11-2, L. 2339-11-3 et L. 2339-11-4.

Art. L 2339-11-1 (nouveau) du code de la défense
Sanction des violations d'utilisation des licences et de tenue des registres

Le projet de loi prévoit des sanctions pénales importantes (5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende) pour le fait de :

- exporter ou transférer des matériels en violation des différents régimes d'autorisation qui précèdent ;

- ne pas tenir ou conserver dans le délai prévu (10 ans) le registre des exportations et transferts ;

- ne pas présenter ces registres à l'administration ;

- omettre de manière « répétée ou significative » d'y renseigner une information obligatoire.

Art. L 2339-11-2 (nouveau) du code de la défense
Sanction des violations concernant les obligations de réexportation

L'art L. 2339-11-2 (nouveau) prévoit de punir d'un emprisonnement de 3 ans et d'une amende de 45 000 € le fait de :

- ne pas reproduire les restrictions concernant l'utilisation finale des produits transférés ou exportés ;

- transférer des produits en violation d'un engagement de non réexportation ;

- obtenir une autorisation sur la base d'une déclaration frauduleuse ou mensongère quant au respect des restrictions à l'exportation ou au fait que les réserves aient été levées par l'Etat membre d'origine ;

- omettre ou refuser de répondre aux demandes concernant l'utilisation finale des produits transférés.

Art. L 2339-11-3 (nouveau) du code de la défense
Sanction de défaut de déclaration

L'art. L. 2339-11-3 (nouveau) punit de 15 000 € d'amende le fait de ne pas effectuer, y compris par négligence, de primo-enregistrement lors de la première utilisation d'une licence générale, ou le manquement aux obligations de déclaration semestrielle.

Art. L 2339-11-4 (nouveau) du code de la défense
Responsabilité pénale des personnes morales

L'art. L. 2339-11-4 (nouveau) prévoit que les personnes morales encourent :

- l'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal, soit le quintuple du montant prévu pour les personnes physiques ;

- des peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal comme l'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle, la fermeture d'établissement, l'exclusion des marchés publics, la confiscation et la diffusion de la décision par presse écrite.

A l'article 3, votre commission a adopté deux amendements : un amendement de coordination présenté par le Gouvernement, de mise en cohérence par rapport au dispositif nouveau introduit à l'article 2, et un amendement de rectification de deux erreurs matérielles.

A l'alinéa 6, le texte de l'actuel article L. 2339-11 du code de la défense était mal reproduit ; à l'alinéa 14, il était fait allusion au troisième alinéa de l'article L.  2335-5 du même code, qui n'en comporte que deux.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 -Simplification des formalités douanières

L'article 4 du projet de loi modifie le code des douanes en supprimant son article 2 ter , qui prévoyait des formalités douanières devenues contradictoires avec la simplification introduite par le nouveau régime de transferts intracommunautaires.

La France était le seul Etat membre de l'Union européenne à avoir maintenu des formalités douanières pour les transferts intracommunautaires de matériels de guerre et matériels assimilés. Après consultation des industriels, le Gouvernement a donc décidé de supprimer l'ensemble des formalités liées à la déclaration en douane.

L'attestation de passage en douane (APD) à l'exportation et à l'importation, seront supprimées. Le dispositif décrit ci-dessus de compte rendu périodique des transferts viendra prendre le relai des formalités douanières.

Cet article modifie également les articles 38, 95 et 419 du même code et l'article L. 2332-7 du code de la défense, afin de renforcer les pouvoirs de recherche, de constatation et de sanction des infractions dont dispose l'administration des douanes.

L'article 38 du code des douanes est en particulier modifié pour permettre d'étendre les pouvoirs de recherche, de constatation et de sanction des infractions de l'administration des douanes aux matériels de guerre et produits explosifs destinés à des fins militaires.

Enfin, pour renforcer l'efficacité du contrôle, un dispositif d'échanges spontanés d'informations entre les agents des douanes et ceux du ministère de la défense est introduit à l'article L 2332-7 du code de la défense.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification.


* 15 Nombre d'entreprises ayant déposé un dossier à la CIEEMG en 2009

* 16 Transposition de la directive européenne simplifiant les transferts intracommunautaires d'équipements de défense. Conclusions finales de la mission confiée par monsieur le Premier ministre, juin 2010.

* 17 Source : rapport FROMION précité

* 18 Ce risque est décrit dans le rapport précité du député Yves FROMION

* 19 (source : étude d'impact)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page