CHAPITRE II - DISPOSITIONS DIVERSES

Article 11 A (art. 18 du code de procédure pénale) - Compétence territoriale des officiers de police judiciaire

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de MM. Jean-Jacques Urvoas et Dominique Raimbourg, puis réécrit par un amendement du Gouvernement lors de l'examen du projet de loi en séance publique, est relatif à la compétence territoriale des officiers de police judiciaire.

En l'état du droit, l'article 18 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles. Lorsqu'ils sont mis temporairement à la disposition d'un service autre que celui dans lequel ils sont affectés, ils ont la même compétence territoriale que celles des officiers de police judiciaire du service d'accueil.

En cas de crime ou délit flagrant, ils peuvent toutefois se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes du tribunal ou des tribunaux auxquels ils sont rattachés, afin d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies.

Enfin, ils peuvent, sur commission rogatoire expresse du juge d'instruction ou sur réquisitions du procureur de la République prises au cours d'une enquête préliminaire ou d'une enquête de flagrance, procéder aux opérations prescrites par ces magistrats sur toute l'étendue du territoire national. Dans ce cas, ils sont tenus d'être assistés par un officier de police judiciaire territorialement compétent si le magistrat dont ils tiennent la commission ou la réquisition le décide. Le procureur de la République territorialement compétent en est informé.

Par ailleurs, avec l'accord des autorités compétentes de l'Etat concerné, les officiers de police judiciaire peuvent, sur commission rogatoire expresse du juge d'instruction ou sur réquisitions du procureur de la République, procéder à des auditions sur le territoire d'un Etat étranger.

Dans un premier temps, la commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité, contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, modifier cet article afin de prévoir que les officiers de police judiciaire pourraient avoir une compétence étendue à l'ensemble du territoire national, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat - l'OPJ étant néanmoins tenu, lorsqu'il sort des limites territoriales de son rattachement, d'informer de sa venue le procureur compétent dans le département ainsi que le directeur de la police ou de la gendarmerie départementalement compétent.

Selon les auteurs de l'amendement, il s'agissait de faciliter la circulation des officiers de police judiciaire sur l'ensemble du territoire national et de les dispenser de faire appel à un officier de police judiciaire territorialement compétent lorsqu'ils sortent de leur territoire d'affectation.

Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Philippe Gosselin, avait pour sa part considéré qu'il était nécessaire de maintenir une compétence territoriale des officiers de police judiciaire, sous peine d'affaiblir le contrôle des procureurs dans chaque ressort. Par ailleurs, il avait souhaité que les modifications introduites dans le projet de loi se limitent à la question de la garde à vue.

Lors de l'examen du projet de loi en séance publique, les députés ont modifié cet article, sur proposition du Gouvernement.

Ce dernier a rappelé que les procureurs et juges d'instruction, sous l'égide desquels les officiers de police judiciaire exercent leurs fonctions, disposaient d'une compétence d'attribution limitée au ressort territorial du tribunal de grande instance auquel ils sont rattachés. Dans ces conditions, le Gouvernement a fait valoir qu'il serait incohérent de prévoir une compétence nationale pour tous les officiers de police judiciaire. Ce dernier a par ailleurs rappelé que le code de procédure pénale permettait déjà aux officiers de police judiciaire de se déplacer sur l'ensemble du territoire, à condition d'y être autorisé par le juge d'instruction ou le procureur de la République - cette autorisation permettant aux magistrats d'exercer un contrôle sur le déroulement des enquêtes. Enfin, certains services ayant vocation à mener des enquêtes d'envergure nationale, tels que les offices centraux, disposent déjà d'une compétence nationale pour mener leurs investigations.

Le Gouvernement a néanmoins accédé en partie aux souhaits de la commission des lois, en déposant un amendement tendant à autoriser les officiers de police judiciaire à se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes du tribunal ou des tribunaux auxquels ils sont rattachés afin d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies, non seulement dans le cadre d'une enquête de flagrance comme le code de procédure pénale le prévoit aujourd'hui, mais également dans le cadre de l'enquête préliminaire .

Votre commission approuve ces dispositions qui permettront d'adapter plus facilement l'action des services de police et de gendarmerie aux bassins de délinquance auxquels ils sont confrontés.

Votre commission a adopté l'article 11 A sans modification .

Article 11 (art. 61 et 62 du code de procédure pénale) - Audition des témoins

Le présent article tend à adapter le régime d'audition des témoins dans le cadre des enquêtes de flagrance.

En l'état du droit, l'article 61 du code de procédure pénale dispose que l'officier de police judiciaire peut défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la clôture de ses opérations.

L'article 62 de ce même code lui donne par ailleurs compétence pour appeler et entendre toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis.

Les personnes convoquées par l'officier de police judiciaire sont par ailleurs tenues de comparaître. De même, il peut contraindre à comparaître par la force publique les personnes présentes sur le lieu de l'infraction, qui sont mentionnées à l'article 61 précité. Enfin, il peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation.

Au cours de l'audition, l'officier de police judiciaire dresse un procès-verbal de leurs déclarations. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature.

Par ailleurs, les agents de police judiciaire peuvent également entendre, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause.

Enfin, depuis la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, l'article 62 du code de procédure pénale précise expressément que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition : les simples témoins ne peuvent pas être placés en garde à vue .

Par sa décision n°2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 62 du code de procédure pénale contraire à la Constitution , considérant qu'en l'état ses dispositions étaient indissociables de l'ensemble des règles relatives à la garde à vue.

Le présent article tend à introduire plusieurs modifications au sein de ces articles 61 et 62 du code de procédure pénale :

- tout d'abord, les quatre premiers alinéas de l'article 62 - relatifs aux prérogatives des officiers de police judiciaire et aux auditions de toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis - seraient déplacés vers l'article 61 : l'article 62 serait désormais entièrement consacré aux circonstances dans lesquelles une personne peut être retenue dans le service de police ou l'unité de gendarmerie afin d'y être entendue, soit en tant que témoin, soit en tant que suspect (I et I bis ) ;

- par ailleurs, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction - les simples témoins - ne pourraient être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures . Ces dispositions constituent une mise en cohérence avec les dispositions applicables en matière de contrôle d'identité : dans un tel cas, la rétention de la personne qui refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité doit être limitée au temps strictement exigé par l'établissement de l'identité, sans excéder quatre heures 65 ( * ) (article 78-3 du code de procédure pénale) ;

- enfin, l'article 62 du code de procédure pénale serait complété afin d'indiquer expressément que s'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, cette personne ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue .

Une différence serait ainsi nettement établie entre la situation du témoin, qui ne pourrait être retenu que le temps nécessaire à son audition et en tout état de cause pour une durée maximale de quatre heures, et le suspect, qui devrait alors immédiatement être placé en garde à vue dès qu'apparaissent des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction afin de lui permettre de bénéficier des droits afférents. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation 66 ( * ) , lorsque le placement en garde à vue interviendrait dans le prolongement immédiat de l'audition, la durée de celle-ci devrait continuer à être imputée sur celle de la garde à vue 67 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Article 11 bis (art. 73 du code de procédure pénale ; art. L. 3341-2 du code de la santé publique [nouveau] ; art. L. 234-16 et L. 235-5 [nouveaux] du code de la route) - Possibilité d'entendre une personne en-dehors du cadre de la garde à vue

Cet article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par les députés en séance publique. Il a pour but de préciser que le placement en garde à vue n'est pas systématique lorsque la personne a fait l'objet d'une interpellation au cours d'une enquête de flagrance, d'une mesure de dégrisement, ou lorsqu'elle fait l'objet d'épreuves de dépistage et de vérifications prévues par le code de la route, dès lors qu'elle n'est pas contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs.

Mesure privative de liberté, la garde à vue est également une mesure créatrice de droits. De ce fait, la jurisprudence considère que si la seule circonstance qu'existent à l'encontre d'une personne « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction » ne suffit pas à rendre obligatoire son placement en garde à vue 68 ( * ) , en revanche, dès lors qu'une personne est tenue sous la contrainte à la disposition des services de police et qu'elle est privée de sa liberté d'aller et venir , elle doit être aussitôt placée en garde à vue et recevoir notification de ses droits, à peine de nullité 69 ( * ) .

Tirant les conséquences de cette jurisprudence liant l'exercice d'une contrainte à l'obligation du placement en garde à vue, le projet de loi prévoyait, dans son article premier, qu'une personne pouvait être entendue dans le cadre d'une audition libre dès lors qu'elle consentait à être entendue sur les faits dont elle est soupçonnée. Craignant de possibles atteintes aux droits de la défense, l'Assemblée nationale a toutefois supprimé ce dispositif (voir supra commentaire de l'article premier).

En l'état de la jurisprudence, le placement en garde à vue n'est toutefois obligatoire que lorsque la contrainte est dépourvue de tout autre fondement juridique . La garde à vue est ainsi entourée d'une « zone grise » de situations dans lesquelles la Cour de cassation considère que la contrainte exercée sur une personne est justifiée par des dispositions législatives particulières, ne rendant de ce fait pas nécessaire une mesure de garde à vue. Tel est le cas, notamment, lorsque la personne est retenue sur les lieux d'une perquisition en application des dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale, lorsqu'elle est interdite de s'éloigner des lieux de l'infraction en application de l'article 61 du code de procédure pénale, ou lorsqu'elle est retenue pour contrôle d'identité en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale, par exemple.

Le présent article tend à préciser, dans trois hypothèses distinctes, les circonstances permettant de ne pas placer une personne en garde à vue.

1. Arrestation de l'auteur d'une infraction flagrante (article 73 du code de procédure pénale)

L'article 73 du code de procédure pénale dispose que, « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche » 70 ( * ) .

En pareille hypothèse, la jurisprudence considère que l'arrestation ou la détention n'est pas illégale lorsqu'une personne s'est assurée du délinquant jusqu'à ce que celui-ci soit remis entre les mains de l'officier de police, à condition que ce dernier en ait été avisé dans le meilleur délai que les circonstances permettent 71 ( * ) . L'auteur de l'infraction conduit par la force devant un officier de police judiciaire devra ensuite être placé en garde à vue avant d'être entendu 72 ( * ) .

Le I du présent article propose de compléter cet article 73 du code de procédure pénale, afin d'indiquer que lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire en application de ces dispositions, son placement en garde à vue n'est pas obligatoire , même si les conditions de cette mesure sont réunies, dès lors que la personne n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs .

Ces dispositions ne seraient toutefois pas applicables lorsque la personne a été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire : on peut en effet considérer qu'il existe dans ce cas une certaine continuité dans la contrainte (la personne ayant été appréhendée par la force publique est tenue de demeurer dans les locaux de police ou de gendarmerie où elle a été conduite, sauf avis contraire de l'officier de police judiciaire), - continuité qui n'existe pas nécessairement lorsque la personne a été amenée de force dans le service de police ou de gendarmerie par une personne privée et que l'officier de police judiciaire n'estime pas nécessaire de la contraindre à y demeurer.

2. Retenue en matière de répression de l'ivresse publique

En l'état du droit, l'article L. 3341-1 du code de la santé publique permet, « par mesure de police », de conduire, à ses frais, une personne trouvée en état d'ivresse dans un lieu public « au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison ».

La jurisprudence considère que la garde à vue n'est pas possible tant que la personne n'a pas recouvré sa lucidité 73 ( * ) . Corrélativement, l'intéressé ne saurait revendiquer, au cours de sa rétention, les droits des personnes gardées à vue 74 ( * ) . En revanche, la garde à vue devra être obligatoirement utilisée dès lors que la personne a retrouvé ses facultés intellectuelles, sauf si elle consent à être entendue 75 ( * ) .

Le II du présent article propose d'insérer un nouvel article L. 3341-2 dans le code de la santé publique afin d'inscrire cette jurisprudence dans la loi : lorsqu'il est mis fin à la rétention de chambre de sûreté de la personne, son placement en garde à vue n'est pas obligatoire, même si les conditions de cette mesure sont réunies, dès lors que la personne n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs.

Ces dispositions viendraient compléter celles introduites par l'article 14 ter du présent projet de loi, qui propose de modifier la rédaction de l'article L. 3341-1 du code de la santé publique précité afin d'indiquer, notamment, que lorsqu'il ne paraît pas nécessaire de procéder à l'audition de la personne immédiatement après qu'elle a recouvré la raison, cette dernière n'est pas nécessairement retenue dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, mais peut être placée sous la responsabilité d'une personne qui se porte garante d'elle (voir infra commentaire de l'article 14 ter ).

3. Retenue d'une personne pendant le temps nécessaire aux opérations de vérification de l'état alcoolique ou de dépistage de stupéfiants

En l'état du droit, les articles L. 234-4 et suivants et les articles L. 235-2 et suivants du code de la route confèrent aux officiers et agents de police judiciaire le droit de retenir une personne pendant le temps strictement nécessaire aux opérations de vérification de l'état alcoolique ou aux épreuves de dépistage de stupéfiants.

La contrainte ayant ici un fondement juridique, la jurisprudence considère qu'une mesure de garde à vue n'est pas nécessaire pendant le temps requis pour les vérifications et opérations de dépistage 76 ( * ) .

Le III du présent article tend à compléter le code de la route par deux nouveaux articles L. 234-18 77 ( * ) et L. 235-5, aux termes desquels, lorsqu'il a été procédé aux épreuves de dépistage et aux vérifications précitées, le placement en garde à vue de la personne n'est pas obligatoire, même si les conditions de cette mesure sont réunies, dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs.

Les précisions apportées par votre commission des lois

Les dispositions introduites par le présent article ont suscité quelques inquiétudes de la part de certaines personnes entendues par votre rapporteur. Celles-ci ont notamment craint que cet article ne conduise à réintroduire le dispositif de l'audition libre que les députés ont pourtant souhaité supprimer, dans trois hypothèses où l'audition d'une personne suspectée ferait suite à une mesure de contrainte (appréhension par une personne privée, placement en cellule de dégrisement, retenue pendant le temps nécessaire aux épreuves de dépistage).

Votre commission estime que ces inquiétudes ne sont pas fondées. Les dispositions introduites par le présent article tendent en effet uniquement à inscrire dans la loi la jurisprudence précitée de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui n'oblige à placer une personne suspectée d'une infraction en garde à vue que lorsqu'il paraît nécessaire de la maintenir sous la contrainte à la disposition des enquêteurs . Corrélativement, dès lors que l'officier de police judiciaire n'estime pas nécessaire de maintenir l'intéressé à sa disposition (par exemple lorsque les faits sont simples ou de moindre gravité, ou encore lorsque la personne souhaite s'expliquer sur ceux-ci), la garde à vue ne saurait se justifier.

Votre commission a toutefois souhaité expliciter ce point et a adopté un amendement de son rapporteur tendant à préciser, dans chacune des hypothèses précitées, que la personne qui n'est pas placée en garde à vue alors même qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction doit être informée de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie avant son éventuelle audition.

Votre commission a adopté l'article 11 bis ainsi modifié .

Article 12 (art. 706-88 et 706-88-1 et 706-88-2 [nouveaux]) - Régimes dérogatoires

Le présent article tend à définir les modalités de garde à vue applicables en matière de criminalité organisée, de trafic de stupéfiants et de terrorisme.

1. Le droit en vigueur

En l'état du droit, issu pour l'essentiel des lois n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, les personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis une infraction entrant dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale (voir encadré ci-dessous) peuvent se voir appliquer un régime dérogatoire en matière de garde à vue, dont les modalités sont définies à l'article 706-88 du code de procédure pénale :

- la durée de la garde à vue peut, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune (portant donc la durée maximale à 96 heures ), à moins que la durée prévisible des investigations restant à réaliser à l'issue des premières quarante-huit heures ne justifie qu'il soit procédé à une seule prolongation supplémentaire de 48 heures . Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, par un juge du siège : juge des libertés et de la détention en enquête préliminaire ou de flagrance, juge d'instruction lorsqu'une information a été ouverte. La personne gardée à vue doit en principe être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. Toutefois, la seconde prolongation peut exceptionnellement être autorisée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.

En matière de terrorisme , la garde à vue peut faire l'objet d' une nouvelle prolongation supplémentaire de 24 heures, renouvelable une fois (ce qui porte la durée maximale de la garde à vue en matière de terrorisme à 144 heures , soit six jours ) s'il ressort des premiers éléments de l'enquête ou de la garde à vue elle-même qu'il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement. Cette prolongation ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention ;

- les droits de la personne gardée à vue pour l'une de ces infractions sont par ailleurs aménagés :

* si la personne est gardée à vue pour des faits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée, pour crime ou délit aggravé de proxénétisme, pour crime de vol commis en bande organisée, pour crime aggravé d'extorsion ou pour délit d'association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation d'un crime ou délit visé aux 1° à 14° de l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'entretien avec l'avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures . Un nouvel entretien est possible à l'issue de la soixante-douzième heure.

En matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme, le premier entretien avec l'avocat ne peut intervenir qu'à l'issue de la soixante-douzième heure . Un nouvel entretien est possible à l'expiration de la quatre-vingt seizième heure et de la cent-vingtième heure ;

* outre les dispositions de droit commun permettant à la personne gardée à vue d'être examinée par un médecin au cours des quarante-huit premières heures de la mesure, un examen médical est de droit au moment de la première prolongation supplémentaire (soixante-douzième heure), le médecin devant alors être désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue de la personne, qui doit être informée de son droit de demander un nouvel examen médical. En matière de terrorisme, la personne gardée à vue est obligatoirement examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires, celui-ci devant se prononcer sur la compatibilité de la prolongation de la mesure avec l'état de santé de l'intéressé ;

* enfin, en application de l'article 63-2 du code de procédure pénale, le droit de faire prévenir par téléphone un proche ou son employeur peut être refusé à la personne gardée à vue, à la demande de l'officier de police judiciaire et en raison des nécessités de l'enquête, par une décision du procureur de la République. En matière de terrorisme, cette dernière dispose de la possibilité de réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt seizième heure de garde à vue.

Article 706-73 du code de procédure pénale

« La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :

1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ;

2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ;

3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;

4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ;

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;

7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;

8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ;

10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-8, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ;

13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France [aujourd'hui, ces délits sont définis à l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile] ;

14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ;

15° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ;

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ;

17° Crime de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l'article 224-6-1 du code pénal.

Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII ».

2. Un dispositif partiellement incompatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

Les modalités des régimes dérogatoires en matière de garde à vue ont été, à plusieurs reprises, jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a notamment considéré qu'il était « loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, mais à la condition que ces différences de procédures ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense » 78 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a plus particulièrement jugé que « le délai d'intervention de l'avocat au regard des infractions énumérées [...] [ne mettait] pas en cause le principe des droits de la défense mais seulement leurs modalités d'exercice », que cette différence de traitement « correspondait à des différences de situation liées à la nature de ces infractions » et que, de ce fait, « cette différence de traitement ne procédait donc pas d'une discrimination injustifiée » 79 ( * ) . Dans sa décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil a ainsi considéré, s'agissant des dispositions fixant à la quarante-huitième heure la première intervention de l'avocat pour certaines des infractions énumérées par l'article 706-73 du code de procédure pénale, que « ce nouveau délai, justifié par la gravité et la complexité des infractions concernées, s'il modifiait les modalités d'exercice des droits de la défense, n'en remettait pas en cause le principe » (considérant n°32).

Dans sa décision n°2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil a estimé, dans la mesure où, dans sa décision du 2 mars 2004 précitée, il avait examiné les dispositions relatives à la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées et avait déclaré conformes le septième alinéa de l'article 63-4 et l'article 706-73 du code de procédure pénale, « qu'en l'absence de changement de circonstances, depuis la décision du 2 mars 2004 susvisée, en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, il n'y [avait] pas lieu [...] de procéder à un nouvel examen de ces dispositions ».

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est pour sa part plus nuancée.

Cette dernière n'a, à ce jour, jamais remis en cause le principe même de l'existence de régimes dérogatoires en matière de garde à vue.

S'agissant du terrorisme, la Cour estime qu' « il incombe à chaque Etat contractant, responsable de la vie de sa nation, de déterminer si un « danger public » la menace, et, dans l'affirmative, jusqu'où il faut aller pour essayer de le dissiper. En contact direct et constant avec les réalités pressantes du moment, les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la présence d'un pareil danger comme sur la nature et l'étendue des dérogations nécessaires pour le conjurer [...] ».

Toutefois, la Cour considère que « les Etats ne jouissent pas pour autant d'un pouvoir illimité en ce domaine. La Cour a compétence pour décider, notamment, s'ils ont excédé la « stricte mesure » des exigences de la crise [...] La prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, implique un contrôle judiciaire des atteintes de l'exécutif au droit individuel à la liberté , garanti par l'article 5 [de la Convention]. La Cour doit examiner la dérogation sur la base de ces éléments [...]. Elle note toutefois qu'il ne s'agit pas ici, pour l'essentiel, de l'existence du pouvoir de garder à vue des terroristes présumés pendant une période pouvant atteindre sept jours, [...] mais plutôt de son exercice sans contrôle judiciaire » 80 ( * ) .

Dans un arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni en date du 29 novembre 1988, la Cour avait déjà reconnu que, sous réserve de l'existence de garanties suffisantes, le contexte du terrorisme en Irlande du Nord pouvait justifier l'augmentation de la durée de la période pendant laquelle les autorités peuvent, sans violer l'article 5 de la Convention, garder à vue un individu soupçonné de graves infractions terroristes avant de le traduire devant un juge. Considérant toutefois que le contrôle judiciaire de toute éventuelle atteinte arbitraire de l'Etat à la liberté des citoyens constitue un élément essentiel de la garantie posée par cet article 5, la Cour avait considéré que la difficulté, invoquée par le Gouvernement britannique, d'assujettir à un contrôle judiciaire la décision d'arrêter et détenir un terroriste présumé « ne saurait pour autant excuser, sous l'angle de cette disposition, l'absence complète de pareil contrôle exercé avec célérité ».

Au regard de ces éléments, les prolongations exceptionnelles instaurées par le droit français en matière de criminalité organisée et de terrorisme, qui prévoient l'intervention d'un magistrat du siège à intervalle régulier, paraissent conformes à la jurisprudence de la Cour.

La question se pose en des termes différents s'agissant de la possibilité, pour certaines infractions, de repousser l'intervention de l'avocat à la quarante-huitième ou à la soixante-douzième heure. Sur ce point, la Cour admet que « l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police [peut] être soumise à des restrictions pour des raisons valables ». Toutefois, « il s'agit, dans chaque cas, de savoir si la restriction litigieuse est justifiée et, dans l'affirmative, si, considérée à la lumière de la procédure dans son ensemble, elle a ou non privé l'accusé d'un procès équitable, car même une restriction justifiée peut avoir pareil effet dans certaines circonstances » 81 ( * ) . Pour la Cour européenne des droits de l'homme, les motifs tirés de la seule nature de l'infraction ne sauraient donc suffire pour justifier un report de l'intervention de l'avocat : celui-ci ne saurait être fondé, au cas par cas, que sur des motifs tirés des circonstances de chaque espèce.

Dans trois arrêts en date du 19 octobre 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation a tiré les conséquences de cette jurisprudence, en affirmant qu'il résultait de la Convention européenne des droits de l'homme que, « sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction [devait], dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat » 82 ( * ) .

3. Les conséquences tirées de cette jurisprudence par les députés

Les modifications nécessaires à la prise en compte de cette évolution de jurisprudence ont été introduites à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, auquel la commission des lois puis les députés en séance publique ont apporté quelques ajustements.

Les cinq premiers alinéas de l'article 706-88 du code de procédure pénale ne seraient pas modifiés : seraient ainsi conservées les dispositions permettant que soient prolongées de quarante-huit ou de quatre-vingt seize heures supplémentaires les gardes à vue en matière de délinquance et criminalité organisée et de terrorisme - de telles prolongations devant en tout état de cause être autorisées par un magistrat du siège (juge des libertés et de la détention ou juge d'instruction en matière de criminalité organisée, juge des libertés et de la détention seul pour les nouvelles prolongations supplémentaires en matière de terrorisme). Les modalités relatives aux examens médicaux susceptibles d'être réalisés dans ce cadre ne seraient pas non plus modifiées.

Deux modifications essentielles seraient en revanche introduites, tenant d'une part aux modalités selon lesquelles l'intervention de l'avocat pourrait être reportée, et d'autre part à celles applicables à l'assistance d'une personne soupçonnée de terrorisme.

a) Sur la possibilité de différer l'intervention de l'avocat :

- dès lors que la garde à vue concerne une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'intervention de l'avocat ne pourrait plus être différée qu'en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction . Cette notion de « raisons impérieuses » ne pourrait être justifiée que par deux motifs : soit le report a pour objet de permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit il tend à prévenir une atteinte aux personnes. En toutes hypothèses, le report devrait être justifié au cas par cas, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, et non en raison de la seule nature de l'infraction, conformément aux principes posés par la Cour de cassation dans son arrêt précité ;

- dans une telle situation, l'intervention de l'avocat continuerait à pouvoir être différée pendant une durée maximale de quarante-huit heures, sauf en matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme où le report continuerait à pouvoir être autorisé jusqu'à la soixante-douzième heure ;

- l'autorité compétente pour autoriser un tel report serait :

* jusqu'à la fin de la vingt-quatrième heure , le procureur de la République , agissant d'office ou à la demande de l'officier de police judiciaire, en enquête préliminaire ou en enquête de flagrance ;

* au-delà de la vingt-quatrième heure , le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République, dans ces mêmes cadres d'enquête ;

* en cas d'information judiciaire en revanche, le juge d'instruction serait, ab initio , compétent pour autoriser le report de l'intervention de l'avocat.

S'agissant de la possibilité de différer l'intervention de l'avocat lors d'une enquête préliminaire ou de flagrance portant sur une affaire de criminalité organisée ou de terrorisme, le projet de loi différerait ainsi du droit commun, qui, en l'état, prévoit que le procureur de la République peut décider de différer la présence de l'avocat au cours des douze premières heures de garde à vue, cette compétence étant transférée au juge des libertés et de la détention au-delà (voir le commentaire de l'article 7).

Dans tous les cas, la décision du magistrat, écrite et motivée, devrait indiquer la durée de report de l'intervention de l'avocat ;

- enfin, à partir du moment où il serait autorisé à intervenir, l'avocat disposerait de l'ensemble des droits prévus en matière de garde à vue de droit commun : droit à s'entretenir confidentiellement avec la personne gardée à vue pour une durée ne pouvant excéder trente minutes (nouvel article 63-4), droit de consulter le procès-verbal de notification du placement en garde à vue, le certificat médical ainsi que les procès-verbaux d'audition (nouvel article 63-4-1), droit à assister aux auditions (nouvel article 63-4-2, premier alinéa), droit de poser des questions (nouvel article 63-4-3).

b) Adaptation des modalités d'assistance de l'avocat en matière de terrorisme :

- sur un plan strictement formel, les règles particulières applicables en matière de garde à vue d'une personne soupçonnée de terrorisme (nouvelles prolongations supplémentaires, entretien avec un avocat, examen médical obligatoire, droit à demander à faire prévenir un proche) figureraient désormais dans un article ad hoc (article 706-88-1 nouveau du code de procédure pénale) ;

- les nouvelles prolongations supplémentaires continueraient à relever de la compétence exclusive du juge des libertés et de la détention ;

- enfin, un nouvel article 706-88-2 préciserait que, sur décision du juge des libertés et de la détention (saisi par le procureur de la République à la demande de l'officier de police judiciaire) ou du juge d'instruction, la personne gardée à vue pourrait se voir refuser la faculté de choisir librement son conseil : l'avocat serait, dans ce cas, désigné par le bâtonnier sur une liste d'avocats habilités. Les avocats inscrits sur cette liste seraient élus par le Conseil national des barreaux, dans des conditions précisées par décret (nombre d'avocats inscrits sur la liste, durée de validité, modalités de radiation).

De telles dispositions, introduites à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, sont inspirées du droit espagnol, dont l'article 527 du code de procédure pénale prévoit que lorsque la personne est soumise à l'interdiction de communiquer, ce qui est le cas en matière de terrorisme, son avocat est désigné d'office par le « collège des avocats ». Elles se justifient par les enjeux soulevés par ce type de dossiers, et l'inquiétude, évoquée à plusieurs reprises devant le groupe de travail de la commission des lois consacré à l'équilibre de la procédure pénale 83 ( * ) , que certains avocats ne soient tentés dans cette matière de s'affranchir des règles strictes de la déontologie. La désignation d'un avocat sur une liste établie en fonction de critères objectifs permettrait d'apporter une réponse à ces inquiétudes.

Les précisions apportées par votre commission des lois

Votre commission souscrit pleinement aux modifications introduites par les députés, qui permettront d'adapter notre droit aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l'homme sans pour autant remettre en cause les régimes dérogatoires de garde à vue, qui paraissent essentiels à la prévention et à la poursuite des infractions les plus graves.

Elle a toutefois adopté un amendement de son rapporteur tendant à prévoir que les avocats figurant sur la liste d'avocats habilités à intervenir en matière de terrorisme seront désignés, plutôt qu'élus, par le Conseil national des barreaux, selon des modalités définies par son règlement intérieur - le principe de l'élection retenu par les députés ne paraissant pas s'appliquer de façon adéquate au mode de fonctionnement du CNB.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Articles 13, 15 ter et 15 quater (art. 803-3 du code de procédure pénale) - Droits de la personne en cas de défèrement faisant suite à une garde à vue

Ces articles visent, d'une part, à introduire les coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi dans l'article 803-3 du code de procédure pénale, qui définit les modalités selon lesquelles une personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue peut être retenue avant de comparaître devant un juge, et, d'autre part, à tenir compte des réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-80 QPC du 17 décembre 2010.

1. Le dispositif du « petit dépôt »

En l'état du droit, la garde à vue peut prendre fin, soit à son terme légal (le cas échéant après une ou plusieurs prolongations), soit lorsque sa mainlevée a été décidée par l'officier de police judiciaire avec l'autorisation ou sur instruction du procureur de la République ou du juge d'instruction. La mainlevée peut alors être suivie, soit d'une mise en liberté (éventuellement accompagnée d'une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel), soit d'un défèrement devant le magistrat, le plus souvent en vue d'une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel ou, lorsqu'une information est en cours, d'une première comparution qui pourra être suivie d'un contrôle judiciaire, d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ou d'une détention provisoire.

Le défèrement devant le magistrat est rarement immédiat : il existe en effet toujours un délai de transfert vers le palais de justice et parfois un temps d'attente plus ou moins long tenant aux contraintes de service du magistrat. Parfois, également, il a été mis un terme à la garde à vue de plusieurs prévenus au même moment, mais ceux-ci ne peuvent comparaître devant le magistrat qu'à tour de rôle, imposant de ce fait un temps d'attente.

Face à de telles contraintes, certaines juridictions, comme celles de Paris, de Bobigny ou de Créteil, disposent d'un « petit dépôt » permettant de maintenir toute une nuit à la disposition de la justice les personnes déférées à l'issue de leur garde à vue.

La situation juridique des personnes privées de liberté dans ces conditions est définie aux articles 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale, introduits par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité :

- en principe, toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue, à la demande du procureur de la République, doit comparaître le jour même (avant minuit) devant ce magistrat ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt (article 803-2 du code de procédure pénale) ;

- toutefois, en cas de nécessité, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés 84 ( * ) , à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé doit être immédiatement remis en liberté (article 803-3 du code de procédure pénale).

Lorsqu'il est fait application de ces dispositions, la personne doit avoir la possibilité de s'alimenter et, à sa demande, de bénéficier des droits reconnus en garde à vue (faire prévenir un proche par téléphone, être examinée par un médecin, s'entretenir à tout moment avec un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande).

L'identité des personnes retenues, leurs heures d'arrivée et de conduite devant le magistrat, ainsi que, le cas échéant, les informations relatives à l'exercice des droits précités font l'objet d'une mention dans un registre spécialement tenu à cet effet dans le local où ces personnes sont retenues et qui est surveillé, sous le contrôle du procureur de la République, par des fonctionnaires de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale.

L'ensemble de ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne a fait l'objet, en matière de délinquance ou criminalité organisée, d'une garde à vue ayant duré plus de soixante-douze heures : dans ce cas, la personne doit comparaître devant le magistrat le jour même de la fin de la garde à vue.

2. Un dispositif jugé conforme à la Constitution, sous deux réserves, par le Conseil constitutionnel

Saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l'article 803-3 du code de procédure pénale conformes à la Constitution, sous deux réserves, dans sa décision n°2010-80 QPC du 17 décembre 2010.

Le Conseil a tout d'abord rappelé que « le principe de présomption d'innocence, proclamé par l'article 9 de la Déclaration de 1789, ne [faisait] pas obstacle à ce que l'autorité judiciaire soumette à des mesures restrictives ou privatives de liberté, avant toute déclaration de culpabilité, une personne à l'encontre de laquelle existent des indices suffisants quant à sa participation à la commission d'un délit ou d'un crime, [...] à la condition que ces mesures soient prononcées selon une procédure respectueuse des droits de la défense et apparaissent nécessaires à la manifestation de la vérité, au maintien de ladite personne à la disposition de la justice, à sa protection, à la protection des tiers ou à la sauvegarde de l'ordre public ». En l'espèce, le Conseil a considéré qu' « eu égard aux conditions, aux limites et aux garanties dont il a assorti la mise en oeuvre de cette mesure, le législateur [avait] adopté des dispositions propres à assurer la conciliation entre l'objectif de bonne administration de la justice et le principe selon lequel nul ne doit être soumis à une rigueur qui ne soit nécessaire ».

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a formulé deux réserves d'interprétation :

- d'une part, il a relevé que « l'article 803-3 du code de procédure pénale se [bornait] à placer la surveillance du local dans lequel la personne est retenue sous le contrôle du procureur de la République ; que la protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire ne serait toutefois pas assurée si le magistrat devant lequel cette personne est appelée à comparaître n'était pas mis en mesure de porter une appréciation immédiate sur l'opportunité de cette rétention ; que, dès lors, ce magistrat [devait] être informé sans délai de l'arrivée de la personne déférée dans les locaux de la juridiction » (considérant n°10) ;

- d'autre part, le Conseil constitutionnel a rappelé que, « si l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet, l'intervention d'un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures ; que, par suite, la privation de liberté instituée par l'article 803-3 du code de procédure pénale, à l'issue d'une mesure de garde à vue prolongée par le procureur de la République, méconnaîtrait la protection constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était pas effectivement présentée à un magistrat du siège avant l'expiration du délai de vingt heures prévu par cet article » (considérant n°11).

3. Introduction des coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi (article 13 du projet de loi)

L'article 13 tend à introduire dans l'article 803-3 du code de procédure pénale précité les coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi :

- la référence aux dispositions relatives à l'entretien avec l'avocat (article 63-4 du code de procédure pénale) serait remplacée par la référence au nouvel article 63-3-1 du code de procédure pénale (créé par l'article 5 du projet de loi), qui définit les modalités de désignation et d'assistance de l'avocat (1°) ;

- il serait en outre précisé que l'avocat peut demander à consulter le dossier de la procédure (2°) ;

- enfin, par coordination avec les modifications introduites par l'article 12 du projet de loi, les personnes gardées à vue en matière de terrorisme (nouvel article 706-88-1 du code de procédure pénale) pendant plus de soixante-douze heures continueraient à ne pas pouvoir être retenues dans de telles conditions avant de comparaître devant un magistrat.

4. Introduction des modifications rendues nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel

L'article 15 ter du projet de loi, introduit à l'initiative de M. Dominique Raimbourg, tend à transcrire à la lettre dans la loi le principe dégagé par le Conseil constitutionnel dans son considérant n°10 précité, aux termes duquel le magistrat devant lequel l'intéressé est appelé à comparaître (procureur de la République ou juge d'instruction) doit être informé sans délai de l'arrivée de la personne déférée dans les locaux de la juridiction, afin de permettre à ce magistrat de porter une appréciation immédiate sur l'opportunité de la rétention.

L'article 15 quater , également introduit sur proposition de M. Dominique Raimbourg, tend quant à lui à transcrire dans la loi le considérant n°11 de la décision précitée : ainsi, lorsque la garde à vue a été prolongée par le procureur de la République (cas des gardes à vue de droit commun, dont la durée maximale de vingt-quatre heures peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures supplémentaires sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République - voir supra commentaire de l'article 2), la personne retenue dans le « petit dépôt » devrait être effectivement présentée à la juridiction saisie, ou, à défaut, au juge des libertés et de la détention, avant l'expiration du délai de vingt heures.

Ces dispositions ne seraient en revanche pas applicables lorsque la garde à vue a été prolongée par le juge d'instruction (cas d'une garde à vue exécutée dans le cadre d'une commission rogatoire) ou par le juge des libertés et de la détention (cas des régimes dérogatoires) : dans ce cas, en effet, la personne gardée à vue aurait été mise en mesure d'être entendue par un magistrat du siège avant son défèrement.

Dans un souci de clarté formelle du présent projet de loi, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à regrouper au sein de l'article 13 les dispositions introduites aux articles 15 ter et 15 quater du projet de loi.

Par coordination, elle a supprimé les articles 15 ter et 15 quater .

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (art. 64-1, 65, 77, 78, 141-4, 712-16-3, 154, 627-5, 695-27, 696-10, 716-5, 812, 814, 865 et 880 du code de procédure pénale) - Coordinations

Le présent article procède à diverses coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi.

1. Enregistrement des interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour crime

Depuis l'adoption de la loi n°2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, les interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables lorsque la personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du code de procédure pénale (voir supra encadré à l'article 12) ou prévu par les titres I er et II du livre IV du code pénal (atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et terrorisme), sauf si le procureur de la République ordonne l'enregistrement.

Par coordination avec les modifications introduites par le présent projet de loi, le 1° A du présent article tend à adapter la rédaction de cet article 64-1 afin de faire référence aux « auditions » de la personne de préférence à ses « interrogatoires ».

2. Abrogation de l'article 65 du code de procédure pénale

En l'état du droit, l'article 65 du code de procédure pénale dispose que « les mentions et émargements prévus par le premier alinéa de l'article 64, en ce qui concerne les dates et heures de début et de fin de garde à vue et la durée des interrogatoires et des repos séparant ces interrogatoires, doivent également figurer sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue.

« Dans les corps ou services où les officiers de police judiciaire sont astreints à tenir un carnet de déclarations, les mentions et émargements prévus à l'alinéa précédent doivent également être portés sur ledit carnet. Seules les mentions sont reproduites au procès-verbal qui est transmis à l'autorité judiciaire ».

Les dispositions de cet article étant reprises et complétées au II de l'article 64 du code de procédure pénale, tel que le modifie l'article 10 du présent projet de loi, le 1° du présent article procède, par coordination, à l'abrogation de l'article 65 du code de procédure pénale.

3.  Garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire

A l'heure actuelle, l'article 77 du code de procédure pénale définit, dans des termes proches de ceux prévus à l'article 63 s'agissant de l'enquête de flagrance, les conditions dans lesquelles une personne peut être gardée à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire.

Dans un souci de clarification, le 2° du présent article propose de supprimer ces dispositions ad hoc et de préciser que les dispositions des articles 62-3 à 64-1 relatives à la garde à vue dans le cadre de l'enquête de flagrance - tels qu'ils résultent des articles 1 er à 10 du présent projet de loi ainsi que du 1°A du présent article - sont applicables lors de l'enquête préliminaire.

4.  Audition des témoins dans le cadre de l'enquête préliminaire

L'article 78 du code de procédure pénale définit, dans des termes proches de ceux utilisés par l'actuel article 62 du code de procédure pénale s'agissant de l'enquête de flagrance, les conditions dans lesquelles sont entendus les témoins dans une enquête préliminaire.

Par coordination avec le transfert, prévu par l'article 11 du présent projet de loi, des dispositions relatives à l'audition des témoins dans le cadre de l'enquête de flagrance de l'article 62 à l'article 61 du code de procédure pénale, le 2° bis du présent article procède, au sein de l'article 78 de ce même code, à une modification de référence.

Votre commission a par ailleurs adopté un amendement de son rapporteur tendant à compléter ce même article 78 afin d'y introduire les mêmes modifications que celles proposées à l'article 11 du projet de loi s'agissant de l'audition des témoins :

- d'une part, la retenue de ces derniers, strictement limitée au temps nécessaire à leur audition, ne pourrait en toute hypothèse excéder quatre heures ;

- d'autre part, il serait explicitement prévu que, dès lors qu'apparaissent au cours de l'audition des raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de commettre une infraction, celle-ci ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue (voir supra commentaire de l'article 11).

5.  Retenue d'une personne en cas d'inobservation d'obligations résultant d'une mesure de contrôle judiciaire ou d'obligations imposées dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine

Les lois n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes ont ouvert la possibilité aux forces de police et de gendarmerie d'appréhender et de retenir une personne, pour une durée maximale de vingt-quatre heures, en cas de manquement, respectivement, aux obligations imposées par le juge de l'application des peines dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine (article 712-16-3 du code de procédure pénale) ou à l'interdiction, imposée dans le cadre d'un contrôle judiciaire, de rencontrer la victime ou de paraître au domicile du couple (article 141-4 du code de procédure pénale). Dans le cadre de cette retenue, la personne bénéficie d'un certain nombre de droits reconnus à une personne gardée à vue.

Le 3° du présent article procède aux coordinations rendues nécessaires par le présent projet de loi, en précisant que la personne ainsi retenue bénéficie des droits reconnus aux articles 63-2 à 63-4 tels qu'ils résultent des articles 3 à 6 du présent projet de loi. Il prend également acte de l'abrogation de l'article 65 du code de procédure pénale, prévue par le 1° du présent article.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'aux termes de l'article 9 du projet de loi, les dispositions relatives aux mesures de sécurité pouvant être imposées à une personne gardée à vue seront applicables aux personnes retenues en application des articles 712-16-3 et 141-4 précités (voir supra commentaire de l'article 9).

6. Garde à vue dans le cadre d'une information judiciaire

L'article 154 du code de procédure pénale définit, dans des termes proches de ceux prévus par l'article 63 dans le cadre de l'enquête de flagrance, les conditions dans lesquelles un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire - le juge d'instruction étant alors compétent pour contrôler la mesure de garde à vue et éventuellement la renouveler pour une période de vingt-quatre heures supplémentaires.

Dans un souci de clarification, le 4° du présent article propose de renvoyer, pour l'ensemble des dispositions portant sur les gardes à vue exécutées dans le cadre d'une information judiciaire, aux dispositions prévues par les articles 62-3 à 64-1, tout en précisant, d'une part, que les attributions conférées au procureur de la République par ces articles sont alors exercées par le juge d'instruction, et, d'autre part, que lors de la notification de ses droits, la personne est informée que la garde à vue intervient dans le cadre d'une commission rogatoire.

7. Dispositions applicables en matière de coopération judiciaire

Le 5° du présent article procède aux coordinations et modifications de référence rendues nécessaires par le présent projet de loi au sein des articles du code de procédure pénale suivants :

- article 627-5, qui est relatif à l'exécution des arrestations aux fins de remise délivrées par la Cour pénale internationale ;

- article 695-27, qui est relatif à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen par les autorités françaises ;

- article 696-10, qui est relatif à l'exécution d'une demande d'extradition.

8. Mesures nécessaires pour assurer l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de réclusion

L'article 716-5 du code de procédure pénale permet de retenir dans un local de police ou de gendarmerie pendant vingt-quatre heures une personne arrêtée en vertu d'un extrait de jugement ou d'arrêt portant condamnation, cette dernière pouvant bénéficier des droits reconnus à la personne gardée à vue.

Le 6° du présent article procède à une coordination rendue nécessaire par l'article 6 du projet de loi, qui modifie la rédaction de l'article 63-4 du code de procédure pénale.

9. Dispositions applicables dans certaines collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

L'article 812 définit les conditions particulières dans lesquelles les dispositions relatives à la garde à vue, dans le cadre de l'enquête de flagrance, de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire, sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle Calédonie.

Le 7° du présent article propose de remplacer la référence aux articles 63, 77 et 154 par une référence plus générale aux « dispositions relatives à la garde à vue ».

Par ailleurs, les articles 814 et 880 du code de procédure pénale permettent à la personne gardée à vue dans certains territoires de la Nouvelle Calédonie, de Polynésie française, des îles Wallis et Futuna et de Mayotte d'être assistée par une personne autre qu'un avocat 85 ( * ) .

Le 8° et le 9° du présent article tendent à modifier la rédaction de ces articles afin, d'une part, de permettre à une telle personne d'exercer « les attributions dévolues à l'avocat par les articles 63-4 à 63-4-3 » et, d'autre part, de renvoyer aux dispositions du nouvel article 63-4-4, créé par l'article 7 du présent projet de loi, qui prévoit que « sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions ». Les manquements à de telles dispositions continueraient à être punis d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende, sans préjudice de l'application de l'article 434-7-2 du code pénal 86 ( * ) .

10. Modalités de l'examen médical en Polynésie française

L'article 813 du code de procédure pénale prévoit que, dans le territoire de la Polynésie française, en l'absence d'un médecin dans l'île où se déroule la garde à vue, l'examen médical prévu à l'article 63-3 est effectué par un infirmier diplômé ou, à défaut, par un membre du corps des auxiliaires de santé publique. En vertu de l'article 865, ces dispositions sont également applicables aux gardes à vue réalisées en matière de délinquance et de criminalité organisée et de terrorisme.

L'article 12 ayant inséré les dispositions particulières applicables aux gardes à vue en matière de terrorisme dans un article 706-88-1 ad hoc , le 10° procède à la coordination nécessaire en insérant cette référence au sein de l'article 865 du code de procédure pénale précité.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 14 bis (art. 323 et art. 323-1 à 323-10 [nouveaux] du code des douanes) - Retenue douanière

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n°2010-32 QPC du 22 septembre 2010 jugeant contraire à la Constitution le dispositif de la retenue douanière.

En l'état du droit, issu de la loi n°87-502 du 9 juillet 1987 dite « Aicardi » modifiant les procédures fiscales et douanières, l'article 323 du code des douanes permet à un agent des douanes ou de toute autre administration de constater les infractions aux lois et règlements douaniers.

Ceux qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tous autres documents relatifs aux objets saisis ainsi que de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités.

En cas de flagrant délit 87 ( * ) , ils peuvent procéder à la capture des prévenus. Le procureur de la République en est alors immédiatement. La durée de la retenue ne peut excéder vingt-quatre heures, sauf prolongation d'une même durée autorisée par le procureur de la République.

Pendant la retenue, le procureur de la République peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet. S'il l'estime nécessaire, il peut désigner un médecin.

Les agents mentionnent, par procès-verbal de constat, la durée des interrogatoires et des repos qui ont séparé ces interrogatoires, le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue. Ces mentions figurent également sur un registre spécial tenu dans les locaux de douane.

Enfin, cet article précise que, lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la retenue, la durée de celle-ci s'impute sur la durée de la garde à vue.

Créée en 1987 sur le modèle de la garde à vue, la retenue douanière n'a, à l'inverse de cette mesure, jamais été réformée. En particulier, la personne retenue ne dispose pas de la possibilité de s'entretenir avec un avocat pendant les quarante-huit heures maximales de la rétention. A cet égard, la Cour de cassation a jugé que « si la durée de la retenue douanière [était] imputable sur celle de la garde à vue, aucune disposition légale [n'étendait] à la première le régime prévu pour la seconde par l'article 63-1 du code de procédure pénale » 88 ( * ) .

Dans sa décision n°2010-32 QPC du 22 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution le dispositif de la retenue douanière, « considérant que le 3° de l'article 323 du code des douanes permet « la capture des prévenus » en cas de flagrant délit ; qu'il est applicable à tous les délits douaniers flagrants sans distinction selon leur gravité ; qu'il autorise l'interrogatoire d'une personne placée en retenue douanière par les agents des douanes ; qu'aux termes de l'article 336 du même code, « les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre administration font foi... jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent » 89 ( * ) ; que le 3° de l'article 323 ne permet pas à la personne retenue contre sa volonté de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat pendant la phase d'interrogatoire ; qu'une telle restriction aux droits de la défense est imposée de façon générale sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ; qu'au demeurant, la personne en retenue douanière ne reçoit pas la notification de son droit de garder le silence ». Le Conseil a de ce fait jugé que, « dans ces conditions, la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne [pouvait] être regardée comme équilibrée ; que, par suite, le 3° de l'article 323 du code des douanes [méconnaissait] les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et [devait] être déclaré contraire à la Constitution ».

Le présent article tire les conséquences de cette décision, d'une part, en abrogeant le 3. de l'article 323 du code des douanes précité, et, d'autre part, en introduisant dans le code des douanes dix nouveaux articles 323-1 à 323-10 destinés à réglementer cette mesure privative de liberté particulière.

Un nouvel article 323-1 définirait les circonstances dans lesquelles peut être décidée une retenue douanière : à la condition de flagrance - les enquêtes préliminaires continuant à ne pas pouvoir donner lieu à une retenue douanière - s'ajouteraient une condition de gravité de l'infraction (le délit devrait être puni d'une peine d'emprisonnement) et d'une condition tenant aux nécessités particulières de l'enquête , conformément aux exigences définies par le Conseil constitutionnel.

Un nouvel article 323-2 définirait la durée de la retenue douanière. Comme la garde à vue, cette mesure ne pourrait excéder vingt-quatre heures. Toutefois, cette durée pourrait être prolongée de vingt-quatre heures supplémentaires, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République. Le II de l'article 63 du code de procédure pénale serait applicable : la prolongation ne pourrait en principe être autorisée qu'après présentation de la personne au procureur de la République - cette présentation pouvant être réalisée au moyen de la visioconférence. Toutefois, à titre exceptionnel, elle pourrait être accordée sans présentation préalable (voir supra commentaire à l'article 2 du projet de loi).

En revanche, les motifs justifiant une telle mesure ne seraient pas explicités, contrairement à ce que prévoit l'article 1 er du projet de loi s'agissant de la garde à vue.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à préciser explicitement que le renouvellement de la retenue douanière par le procureur de la République, pour une nouvelle période de vingt-quatre heures, devrait être justifié par les nécessités de l'enquête douanière .

Deux nouveaux articles 323-3 et 323-4 définiraient les modalités de contrôle de la retenue par l'autorité judiciaire - en l'espèce, le seul procureur de la République .

Ce dernier devrait être informé par tout moyen du début de la retenue douanière. Avisé de la qualification des faits, il pourrait modifier cette qualification qui serait alors notifiée à la personne. Enfin, lorsque la mesure de rétention devrait être exécutée dans un autre ressort que celui où l'infraction a été constatée, le procureur de la République en serait informé.

Par ailleurs, la retenue douanière serait explicitement placée sous le contrôle du procureur de la République, qui serait notamment chargé d'assurer la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne retenue. Ce magistrat aurait notamment compétence pour se transporter sur les lieux afin de vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet.

Un nouvel article 323-5 énoncerait les droits dont bénéficie la personne faisant l'objet d'une retenue douanière.

De façon générale, la personne placée en retenue douanière bénéficierait des droits reconnus aux personnes gardées à vue : droit de faire prévenir un proche et son employeur, droit d'être examinée par un médecin et droit à être assisté par un avocat, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues en matière de garde à vue. Dans ce cas, les attributions conférées à l'officier de police judiciaire en garde à vue seraient exercées par un agent des douanes.

L'article 323-5 prévoirait également la possibilité de différer l'assistance de l'avocat , en cas de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques ou de contrebande commise en bande organisée (dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes) ou de blanchiment douanier (article 415 du code des douanes), ou encore en cas de délit connexe à une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée (voir supra commentaire de l'article 12).

Dans ce cas, l'intervention de l'avocat serait différée dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 706-88 du code de procédure pénale, tel qu'il est modifié par l'article 12 du projet de loi : compétence du procureur de la République jusqu'à la 24 ème heure, du juge des libertés et de la détention au-delà, nécessité de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou du recueil ou de la conservation des preuves, décision écrite et motivée précisant la durée pour laquelle l'intervention de l'avocat est différée.

Un nouvel article 323-6 préciserait les informations devant être notifiées à la personne placée en retenue douanière.

Celle-ci devrait ainsi être immédiatement informée, dans les conditions prévues à l'article 63-1 du code de procédure pénale (dans une langue comprise par la personne, au besoin au moyen de formulaires écrits, d'un interprète ou d'un interprète en langue des signes), et par un agent des douanes :

- de son placement en retenue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l'objet ;

- de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;

- du fait qu'elle bénéficie des droits énoncés à l'article 323-5 du code des douanes, tel qu'il résulte du présent article (voir supra ) ;

- enfin, du fait qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire.

Ces dispositions sont similaires à celles prévues en matière de garde à vue (voir supra commentaire de l'article 2).

Cette information serait portée au procès-verbal et émargée par la personne retenue. Un éventuel refus d'émargement y serait mentionné.

Un nouvel article 323-7 préciserait que les mesures de sécurité prévues en matière de garde à vue seraient applicables à la retenue douanière (respect de la dignité de la personne, droit de conserver, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité, caractère exceptionnel et précisément encadré des fouilles intégrales). En revanche, la retenue douanière ne pourrait en aucun cas donner lieu à des investigations corporelles internes.

Les mesures de sécurité susceptibles d'être imposées à la personne retenue seraient énumérées par arrêté du ministre chargé des douanes, les attributions conférées à l'officier de police judiciaire étant quant à elles exercées par un agent des douanes.

Un nouvel article 323-8 définirait les modalités applicables au procès-verbal de retenue douanière et au registre spécial tenu dans les locaux de douane susceptibles de recevoir une personne retenue, s'agissant notamment des informations tenues d'y figurer. Ces modalités seraient identiques à celles applicables en matière de garde à vue (article 64 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de l'article 10 du présent projet de loi).

Un nouvel article 323-9 définirait les règles applicables à l'issue de la retenue douanière. A l'issue de cette mesure, le procureur de la République pourrait ordonner que la personne soit présentée devant lui, devant un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité à effectuer des enquêtes judiciaires, ou qu'elle soit remise en liberté.

Conformément au droit déjà applicable en la matière, si la personne retenue devait être placée en garde à vue au terme de la retenue douanière, la durée de celle-ci s'imputerait sur la durée de la garde à vue.

Enfin, un nouvel article 323-10 préciserait qu'en cas de flagrant délit douanier commis par un mineur, la retenue douanière se déroule dans les conditions prévues à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui définit les conditions applicables à la garde à vue des mineurs (voir infra commentaire de l'article 15).

Le II procède enfin aux coordinations rendues nécessaires par le présent article aux articles 67 ter et 67 quater du code des douanes, qui sont relatifs à la retenue provisoire des personnes dans le cadre de l'application de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985.

Votre commission a adopté l'article 14 bis ainsi modifié .

Article 14 ter (art. L. 3341-1 du code de la santé publique) - Retenue d'une personne trouvée en état d'ivresse dans un lieu public

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, tend à modifier le régime applicable à la mesure de retenue dont peut faire l'objet une personne trouvée en état d'ivresse dans les lieux publics.

En l'état du droit, l'article L. 3341-1 du code de la santé publique dispose qu' « une personne trouvée en état d'ivresse dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics, est, par mesure de police, conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison ».

La jurisprudence a précisé que ces dispositions étaient applicables à l'individu circulant à pied comme à celui circulant à l'aide d'un véhicule 90 ( * ) . Par ailleurs, les personnes retenues en chambre de sûreté dans ces conditions ne bénéficient pas des droits accordés par le code de procédure pénale aux personnes gardées à vue 91 ( * ) .

L'article 11 bis du projet de loi tend à préciser les conditions dans lesquelles s'articule le placement en cellule de dégrisement ou en chambre de sûreté, qui est une mesure de police administrative, avec la mesure de garde à vue susceptible d'être décidée une fois que la personne a recouvré la raison. Aux termes du II de l'article 11 bis du projet de loi, le placement en garde à vue d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction n'est pas obligatoire, lorsqu'il est mis fin à la rétention en chambre de sûreté, dès lors que la personne n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs (voir supra ).

Lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale, les députés ont par ailleurs souhaité mettre un terme aux placements systématiques en cellule de dégrisement, estimant que, dans certaines hypothèses, la personne trouvée en état d'ivresse dans un lieu public pourrait être confiée à la responsabilité d'un membre de sa famille ou d'un tiers de confiance.

Tel est l'objet du présent article, qui tend à modifier la rédaction de l'article L. 3341-1 du code de la santé publique précité :

- une personne trouvée en état d'ivresse dans les lieux publics devrait toujours, par mesure de police, être conduite à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, afin d'y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison ;

- toutefois, dans le cas où il ne paraîtrait pas nécessaire de procéder à l'audition de cette personne immédiatement après qu'elle a recouvré la raison, celle-ci pourrait être placée par un officier ou un agent de police judiciaire sous la responsabilité d'une personne qui se porte garante d'elle.

Dans ce cas, le tiers de confiance serait éventuellement responsable des agissements commis par la personne trouvée en état d'ivresse sur la voie publique, jusqu'à ce cette personne ait recouvré la raison.

Votre commission a adopté l'article 14 ter sans modification .

Article 15 (art. 4 de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Retenue judiciaire et garde à vue des mineurs

Le présent article tend à apporter à l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui définit les modalités selon lesquelles un mineur peut être retenu ou gardé à vue, les modifications rendues nécessaires par le présent projet de loi.

Outre les contrôles d'identité, régis par les dispositions de droit commun énoncées à l'article 78-1 et suivants du code de procédure pénale, deux mesures de contrainte peuvent être exercées contre un mineur : la retenue judiciaire et la garde à vue.

Les mineurs de plus de treize ans 92 ( * ) peuvent être placés en garde à vue dans des conditions largement similaires à celles applicables aux majeurs, sous réserve des adaptations suivantes :

- aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable effective du mineur au procureur de la République ou au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure ;

- dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire doit en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur - sauf décision contraire du procureur de la République ou du juge chargé de l'information, qui peut décider de retarder cette information pour une durée ne pouvant excéder vingt-quatre heures, ou douze heures si la garde à vue ne peut faire l'objet d'une prolongation ;

- dès le début de la garde à vue, le mineur peut demander à s'entretenir avec un avocat. Cette demande peut également être formulée par ses représentants légaux, informés de ce droit lorsqu'ils sont avisés de la garde à vue ;

- enfin, les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font obligatoirement l'objet d'un enregistrement audiovisuel 93 ( * ) .

Des règles supplémentaires régissent la situation des mineurs de treize à seize ans gardés à vue :

- d'une part, la garde à vue d'un mineur âgé de treize à seize ans ne peut pas être prolongée lorsque l'infraction qu'il est soupçonné avoir commise ou tenté de commettre est punie d'une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement ;

- d'autre part, les mineurs de seize ans doivent obligatoirement être examinés par un médecin désigné par le procureur de la République ou le juge chargé de l'information.

En revanche, les mineurs âgés de seize à dix-huit ans peuvent se voir appliquer les régimes dérogatoires en matière de garde à vue lorsqu'ils existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé, comme auteurs ou complices, à la commission d'une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée ou du terrorisme 94 ( * ) .

Si les dispositions relatives à la garde à vue ne sont applicables qu'aux mineurs âgés de plus de treize ans, un mineur de dix à treize ans peut quant à lui faire l'objet d'une retenue judiciaire 95 ( * ) , à titre exceptionnel, lorsqu'il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et que cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête. Dans ce cas, le mineur peut être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire, avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder douze heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder douze heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. La retenue doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à ses parents, à son tuteur ou à la personne ou au service auquel il a été confié. Les modalités particulières applicables en matière de garde à vue (entretien avec un avocat, examen médical obligatoire, etc.) le sont également aux retenues judiciaires.

Le présent article tend à apporter à l'ensemble de ces dispositions les modifications rendues nécessaires par le présent projet de loi :

- la retenue judiciaire des mineurs de dix à treize ans ne serait désormais plus possible que pour l'un des motifs prévus par l'article 62-3 du code de procédure pénale, créé par l'article 1 er du projet de loi, et plus, de manière générale, « pour les nécessités de l'enquête » - ces dispositions étant également applicables à la garde à vue des mineurs de plus de treize ans dont les dispositions renvoient sur ce point aux dispositions de droit commun (1°) ;

- le mineur de seize ans devrait être examiné par un médecin dans les conditions prévues à l'article 63-3 du code de procédure pénale, modifié par l'article 4 du projet de loi (2°) ;

- dès le début de la garde à vue, le mineur pourrait demander à être assisté par un avocat, dans les conditions définies aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale, créés par les articles 5, 6 et 7 du projet de loi (3°) ;

- enfin, les dispositions relatives aux régimes dérogatoires en matière de garde à vue continueraient à être applicables aux mineurs de seize à dix-huit ans dans les conditions précitées, à l'exception des règles dérogatoires portant sur le report de l'intervention de l'avocat. En outre, les dispositions relatives aux gardes à vue en matière de terrorisme ne seraient explicitement pas applicables aux mineurs (4°).

Par ailleurs, les députés ont adopté, avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, deux amendements défendus par M. Jean-Pierre Brard tendant :

- d'une part, à préciser que, lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de police judiciaire est tenu d'informer « immédiatement » les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur de cette mesure (1° bis ) ;

- d'autre part, à prévoir que les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur doivent être informés, sans délai, de leur droit de demander pour lui un examen médical (2° bis ).

Si votre commission approuve ces précisions qui paraissent essentielles pour préserver les droits du mineur, elle considère néanmoins que, dans certains cas, l'information des responsables légaux du mineur ne peut intervenir de façon concomitante à celle du procureur de la République ou du magistrat chargé de l'information. En effet, celui-ci doit pouvoir décider de ne pas aviser immédiatement le représentant légal du mineur du placement de ce dernier en garde à vue pour des raisons tirées des nécessités de l'enquête - par exemple s'il s'avère que les parents du mineur sont complices des faits commis par celui-ci. Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur tendant à préciser que l'officier de police judiciaire informe les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur de la mesure de garde à vue après que le procureur de la République ou le juge chargé de l'information en a lui-même été avisé .

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement de précision de son rapporteur, afin de circonscrire au cas des mineurs âgés de seize à dix-huit ans gardés à vue le droit ouvert à leurs représentants légaux de demander un examen médical : en effet, l'examen médical est en toutes hypothèses obligatoire pour les mineurs de treize à seize ans .

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

Article 15 bis (art. 127, 133 et 135-2 du code de procédure pénale ; art. L. 211-19 du code de justice militaire) - Modalités d'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt lorsque la personne recherchée est interpellée à plus de 200 kilomètres du juge mandant

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à préciser, dans le respect des principes définis par la Cour européenne des droits de l'homme, les modalités d'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt lorsque la personne recherchée est interpellée à plus de 200 kilomètres du juge mandant.

En l'état du droit, le juge d'instruction peut décerner des mandats de recherche, de comparution, d'amener ou d'arrêt.

Article 122 du code de procédure pénale

« Le juge d'instruction peut, selon les cas, décerner mandat de recherche, de comparution, d'amener ou d'arrêt. Le juge des libertés et de la détention peut décerner mandat de dépôt.

Le mandat de recherche peut être décerné à l'égard d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il ne peut être décerné à l'égard d'une personne ayant fait l'objet d'un réquisitoire nominatif, d'un témoin assisté ou d'une personne mise en examen. Il est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la placer en garde à vue.

Le mandat de comparution, d'amener ou d'arrêt peut être décerné à l'égard d'une personne à l'égard de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction, y compris si cette personne est témoin assisté ou mise en examen.

Le mandat de comparution a pour objet de mettre en demeure la personne à l'encontre de laquelle il est décerné de se présenter devant le juge à la date et à l'heure indiquées par ce mandat.

Le mandat d'amener est l'ordre donné à la force publique de conduire immédiatement devant lui la personne à l'encontre de laquelle il est décerné.

Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l'avoir, le cas échéant, conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue.

Le juge d'instruction est tenu d'entendre comme témoins assistés les personnes contre lesquelles il a été décerné un mandat de comparution, d'amener ou d'arrêt, sauf à les mettre en examen conformément aux dispositions de l'article 116. Ces personnes ne peuvent pas être mises en garde à vue pour les faits ayant donné lieu à la délivrance du mandat.

Le mandat de dépôt peut être décerné à l'encontre d'une personne mise en examen et ayant fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention provisoire. Il est l'ordre donné au chef de l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l'encontre de laquelle il est décerné. Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer la personne lorsqu'il lui a été précédemment notifié ».

Ces mandats sont exécutoires dans toute l'étendue du territoire de la République.

En principe, la personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt ou d'un mandat d'amener est présentée au juge d'instruction, ou, à défaut, devant le président du tribunal ou un juge désigné par celui-ci, dans un délai maximal de vingt-quatre heures après son interpellation (articles 125 et 133 du code de procédure pénale).

L'application de ces dispositions suscite toutefois des difficultés pratiques lorsque la personne visée par le mandat est arrêtée à plus de 200 kilomètres du siège du juge d'instruction qui l'a délivré et qu'il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant ce magistrat.

Dans ce cas, la personne est alors conduite devant le procureur de la République du lieu d'arrestation :

- s'agissant de l'exécution d'un mandat d'amener, le procureur de la République interroge alors la personne sur son identité, reçoit ses déclarations et l'interpelle afin de savoir si elle consent à être transférée ou si elle préfère prolonger les effets du mandat en attendant la décision du juge d'instruction saisi de l'affaire. Si la personne déclare s'opposer au transfèrement, elle est conduite dans la maison d'arrêt et le juge d'instruction compétent en est immédiatement avisé. En cas de transfèrement, la personne doit être conduite devant le juge d'instruction qui a délivré le mandat dans un délai de quatre jours ( six jours en cas de transfèrement entre d'un département d'outre-mer et le territoire métropolitain) (articles 127 et suivants du code de procédure pénale) ;

- la personne saisie en vertu d'un mandat d'arrêt doit quant à elle être conduite dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation devant le procureur de la République du lieu de l'arrestation. Celui-ci informe sans délai le magistrat qui a délivré le mandat et requiert le transfèrement. Si celui-ci ne peut être effectué immédiatement, le procureur de la République en réfère au juge mandant. Lorsqu'il y a lieu à transfèrement, la personne doit être conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat dans un délai de quatre jours ( six jours si le transfèrement a lieu entre un département d'outre-mer et le territoire métropolitain) (article 133 du code de procédure pénale).

Par ailleurs, si la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt est découverte après le règlement de l'information , ou si le mandat d'arrêt est délivré après l'ordonnance de règlement , le procureur de la République du lieu de l'arrestation est tenu, après avoir vérifié l'identité de la personne et lui avoir notifié le mandat, de la présenter au juge des libertés et de la détention , lequel peut, soit placer la personne sous contrôle judiciaire, soir ordonner son placement en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant la juridiction de jugement. Toutefois, si la personne a été arrêtée à plus de 200 kilomètres du siège de la juridiction de jugement et qu'il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant le procureur de la République précité, elle est d'abord conduite devant le procureur de la République du lieu de son arrestation , qui met le mandat à exécution en faisant conduire la personne à la maison d'arrêt. Le transfèrement de la personne doit avoir lieu dans les quatre jours de la notification du mandat ( six jours en cas de transfèrement entre un département d'outre-mer et le territoire métropolitain), la personne étant alors présentée devant le juge des libertés et de la détention dans les conditions précitées.

Ce dispositif a été jugé contraire à la Convention européenne des droits de l'homme par la Cour de Strasbourg qui, dans l'arrêt Moulin c. France du 23 novembre 2010, a de nouveau considéré que les membres du ministère public, en France, ne remplissaient pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif qui compte, au même titre que l'impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de « magistrat » au sens de l'article 5§3 de la Convention. En l'espèce, la requérante avait été placée pendant deux jours en garde à vue dans le cadre d'une commission rogatoire, avant d'être placée pendant trois jours en maison d'arrêt à Toulouse en exécution d'un mandat d'amener décerné par deux juges d'instruction d'Orléans. La Cour de Strasbourg a jugé que, bien qu'elle ait été présentée au procureur adjoint du tribunal de grande instance de Toulouse à l'issue de sa garde à vue, la requérante avait été privée de sa liberté pendant plus de cinq jours avant d'être présentée à un magistrat du siège - en l'espèce, les deux juges d'instruction d'Orléans, auteurs du mandat d'amener.

Le présent article tire les conséquences de cet arrêt en transférant au juge des libertés et de la détention - qui est un magistrat du siège - les compétences aujourd'hui exercées par le procureur de la République du lieu d'arrestation lorsqu'une personne est arrêtée, dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'amener ou d'un mandat d'arrêt, à plus de 200 kilomètres du juge d'instruction qui a délivré le mandat.

Seraient ainsi modifiées les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exécution d'un mandat d'amener (article 127) et d'un mandat d'arrêt (article 133), ainsi que celles relatives à l'hypothèse où la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt est découverte après le règlement de l'information (article 135-2).

Seraient modifiées dans le même sens les dispositions du code de justice militaire, dont l'article L. 211-19 dispose en l'état que « si la personne mise en examen recherchée en vertu d'un mandat d'amener est trouvée à plus de deux cents kilomètres du siège du juge d'instruction qui a délivré le mandat, elle est conduite dans les vingt-quatre heures, soit avec son accord, devant le juge d'instruction qui a délivré le mandat, soit devant le procureur de la République du lieu de l'arrestation.

« Toute personne mise en examen arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt à plus de deux cents kilomètres du siège du juge d'instruction qui a délivré le mandat est conduite devant le procureur de la République du lieu de l'arrestation.

« Dans l'un ou l'autre des cas mentionnés aux premier et second alinéas du présent article, le procureur de la République procède conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 133 du code de procédure pénale ».

En application du IV du présent article, les compétences confiées au procureur de la République par cet article seraient également transférées au juge des libertés et de la détention.

Votre commission a adopté l'article 15 bis sans modification .

Article 16 (art. 64-1 et intitulé de la troisième partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Aide juridictionnelle

Le présent article tend à adapter, conformément aux modifications introduites par le présent projet de loi, les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

En l'état du droit, l'article 64-1 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que l'avocat désigné d'office qui intervient dans les conditions prévues à l'article 63-4 du code de procédure pénale (entretien avec l'avocat en garde à vue) a droit à une rétribution.

Pour ce faire, l'Etat affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions ainsi assurées par les avocats. Le montant de cette dotation est calculé selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat, en fonction du nombre des missions effectuées par les avocats désignés d'office.

Le présent article propose d'introduire deux modifications :

- d'une part, le champ de l'article 64-1 précité serait élargi afin de viser l'assistance de l'avocat en garde à vue ou en retenue douanière ;

- d'autre part, l'intitulé de la troisième partie de cette loi serait complété afin de faire également référence aux retenues douanières.

L'étude d'impact annexée au projet de loi évalue l'incidence des réformes introduites par ce dernier sur le budget de l'aide juridictionnelle à un montant oscillant entre 44,45 et 65,75 millions d'euros TTC en année pleine 96 ( * ) .

Toutefois, cette étude d'impact a été réalisée sans tenir compte des régimes dérogatoires ni des retenues douanières , dont le régime a été modifié par voie d'amendements introduits à l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17 - Application outre-mer

Le présent article précise que la présente loi s'appliquera sur l'ensemble du territoire de la République.

Toutefois, en l'absence de mention expresse, les dispositions du présent projet de loi ne seront pas applicables de plein droit dans les collectivités soumises, dans la matière pénale, au principe de spécialité législative. Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur tendant à permettre l'application de l'ensemble du projet de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi qu'en Nouvelle Calédonie.

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .

Article 18 - Entrée en vigueur

Le présent article précise que le projet de loi entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel et au plus tard le 1 er juillet 2011.

C'est en effet à cette date que prendra effet la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 déclarant contraire à la Constitution les articles 62, 63, 63-1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale.

Comme l'indique le Commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, « ce report dans le temps des effets de sa décision revêt un caractère exceptionnel car [...] il déroge au principe selon lequel la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier au justiciable qui a présenté une question prioritaire de constitutionnalité. Il est fondé sur deux arguments :

« - d'une part, la décision du Conseil constitutionnel consiste à considérer que, dans leur ensemble, les règles qui encadrent la garde à vue n'apportent pas une protection proportionnée aux actes pour lesquels elle est mise en oeuvre et aux atteintes qui résultent de sa mise en oeuvre. Cette disproportion est venue au fil du temps, par l'accumulation de règles successives. Depuis la décision du 11 août 1993, la gravité de l'atteinte qui résulte de la garde à vue et les garanties qui l'entourent sont devenues inadaptées à une utilisation ordinaire de cette mesure qui permet désormais le CPP.

« Le Conseil n'a donc pas désigné celles des règles de procédure pénale qui doivent être modifiées. Il a rappelé qu'il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Il a ainsi rappelé la liberté du législateur de choisir entre les différentes options possibles pour remédier à l'inconstitutionnalité, par exemple en se fondant sur le seuil de gravité des infractions en cause ou sur les modalités concrètes de l'assistance de l'avocat. De même, le Conseil n'avait pas à se substituer au Parlement pour indiquer si la restriction aux droits de la défense devait être laissée à l'appréciation, au cas par cas, des autorités judiciaires ou résulter de catégories précisément définies par la loi ;

« - d'autre part, le Conseil constitutionnel a estimé que l'application immédiate de l'abrogation des articles encadrant le recours à la garde à vue aurait des conséquences manifestement excessives au regard des objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction. En effet, la garde à vue n'aurait plus de support légal et toutes les poursuites subséquentes à une mesure de garde à vue seraient mises en péril. Sur ce point, le report dans le temps de l'abrogation est fondé sur des considérations analogues à celles qui avaient conduit le Conseil constitutionnel, pour la première fois, à reporter les effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité dans le cadre du contrôle a priori de la loi sur les OGM 97 ( * ) ».

Dans son arrêt du 19 octobre 2010, par lequel elle avait déclaré incompatibles avec la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions tendant à reporter l'assistance de l'avocat dans les régimes dérogatoires de garde à vue, la Cour de cassation a rejoint le raisonnement du Conseil constitutionnel, estimant que « l'arrêt [n'encourait] pas la censure, dès lors que ces règles de procédure ne [pouvaient] s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ». La Cour de cassation a donc considéré que « ces règles prendront effet lors de l'entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1 er juillet 2011 ».

Votre commission a adopté l'article 18 sans modification .

* *

*

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi rédigé.


* 65 Huit heures à Mayotte.

* 66 Cass. Crim., 13 novembre 1996. S'agissant de la retenue en matière de contrôle d'identité, l'article 78-4 du code de procédure pénale prévoit que la durée de la rétention s'impute, s'il y a lieu, sur celle de la garde à vue.

* 67 La circulaire CRIM 00-13 F1 du 4 décembre 2000 précise d'ores et déjà : « pour la computation du délai de garde à vue, le début de cette mesure doit rétroagir soit au début de l'audition, soit au moment à partir duquel il a été fait usage de contrainte contre la personne (notamment si l'officier de police judiciaire a défendu à l'intéressé présent sur les lieux d'un crime flagrant de s'en éloigner en application de l'article 61 ou l'a contraint à comparaître par la force publique en application de l'article 62) ».

* 68 Cass. Crim, 2 septembre 2003 et 7, 8 et 15 septembre 2004.

* 69 Cass. Crim., 2 décembre 2000.

* 70 L'article 24 du code de procédure pénale dispose quant à lui que les chefs de district et agents techniques des eaux et forêts et les gardes champêtres des communes conduisent devant un officier de police judiciaire tout individu qu'ils surprennent en flagrant délit. Les chefs de district et les agents techniques des eaux et forêts peuvent, dans l'exercice des fonctions visées à l'article 22, requérir directement la force publique ; les gardes champêtres peuvent se faire donner main-forte par le maire, l'adjoint ou le commandant de brigade de gendarmerie qui ne pourront s'y refuser.

* 71 Cass. Crim, 1er octobre 1979. Une retenue de plus de sept heures avant d'appeler la police est une séquestration arbitraire : Cass. Crim., 16 février 1988.

* 72 Lorsque l'arrestation est effectuée par des policiers ou des gendarmes ayant eux-mêmes la qualité d'OPJ ou en mesure de contacter très vite un OPJ, le placement en garde à vue doit suivre très vite l'arrestation : Cass. Crim., 6 décembre 2000.

* 73 Cass. Crim., 10 mai 2000.

* 74 Cass. Crim., 26 novembre 2003.

* 75 Cass. Crim., 11 mai 2004 : en l'espèce, le prévenu avait été interpellé à 4h05 au volant de son véhicule, alors qu'il venait de franchir successivement six carrefours sans respecter l'arrêt aux feux rouges et qu'il était en état d'ivresse manifeste. Il avait alors été placé en chambre de dégrisement. A la sortie de cette dernière à 11h05, il avait décliné son identité, pris acte de son interpellation et avait été laissé libre à 11h20. Il avait quitté le commissariat à 12h30, après délivrance d'une convocation judiciaire. La cour d'appel a rejeté le moyen de nullité invoqué par le prévenu qui soutenait qu'il aurait dû être placé en garde à vue après son dégrisement. La Cour de cassation a estimé que les juges avaient retenu, à bon droit, que l'intéressé avait consenti à son audition et que la mesure de garde à vue n'était pas justifiée par les nécessités de l'enquête.

* 76 Cass. Crim., 21 juin 2006 et 24 janvier 2007.

* 77 Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, actuellement examiné par le Conseil constitutionnel, prévoit d'insérer deux nouveaux articles L. 234-16 et L. 234-17 dans le code de la route.

* 78 Décision n°93-326 DC du 11 août 1993 (considérant n°11), repris dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (considérant n°30).

* 79 Décision n°93-326 DC précitée (considérant n°12).

* 80 CEDH, 22 avril 1993, affaire Brannigan et McBride c. Royaume-Uni.

* 81 CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie.

* 82 Cass. Crim., arrêts 10-82.902, 10-82.306 et 10-85.051.

* 83 Rapport n° 162 (2010-2011) du groupe de travail sur l'évolution du régime de l'enquête et de l'instruction, Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel, « Procédure pénale : les clefs d'une réforme équilibrée ».

* 84 Sont donc concernées les seules juridictions disposant d'un « dépôt de nuit ».

* 85 Personne choisie par la personne gardée à vue, qui n'est pas mise en cause pour les mêmes faits ou pour des faits connexes et qui n'a fait l'objet d'aucune condamnation, incapacité ou déchéance, lorsque la garde à vue se déroule en Nouvelle Calédonie en dehors des communes de Nouméa, Mont-Dore, Dumbea et Paita, en Polynésie française et à Mayotte. Personne agréée par le président du tribunal de première instance dans les territoires des îles Wallis et Futuna.

* 86 Lequel dispose que, « sans préjudice des droits de la défense, le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d'informations issues d'une enquête ou d'une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler sciemment ces informations à des personnes qu'elle sait susceptibles d'être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est réalisée dans le dessein d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Lorsque l'enquête ou l'instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement relevant des dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende ».

* 87 Depuis la loi du 17 décembre 1814, il n'existe plus de crimes en matière douanière. Les principaux délits douaniers sont la contrebande (articles 414 et 414-1 du code des douanes), le blanchiment douanier (article 415 du code des douanes), les relations financières illicites avec l'étranger (article 459 du code des douanes) et le défaut de déclaration de transfert de capitaux (article 465 du code des douanes).

* 88 Cass. Crim., 7 mars 1994, n°93-85698.

* 89 Ce qui va à l'encontre du principe de liberté de la preuve en matière délictuelle, lequel implique que les procès-verbaux des officiers de police judiciaire ne sont que des éléments de preuve. L'article 428 du code de procédure pénale dispose à ce sujet que « l'aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges ».

* 90 Cass. Crim., 28 juin 1995.

* 91 Cass. Crim., 9 septembre 1998.

* 92 Par dérogation à la règle selon laquelle c'est en principe l'âge du mineur au jour des faits qui détermine la procédure applicable, les règles applicables en matière de garde à vue des mineurs, comme en matière de retenue judiciaire, tiennent compte de l'âge du mineur au moment où la mesure est envisagée : Cass. Crim., 25 octobre 2000, qui considère que « les règles énoncées par l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 visent à protéger le mineur placé en garde à vue, non en raison de son manque de discernement au jour des faits mais en raison de sa vulnérabilité supposée au jour de son audition ».

* 93 Dans un arrêt en date du 3 avril 2007, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que le défaut d'enregistrement audiovisuel des interrogatoires d'un mineur placé en garde à vue, non justifié par un obstacle insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.

* 94 Dans sa décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel avait validé ces dispositions, estimant « que les dispositions de l'article 706-88 nouveau du code de procédure pénale concernent des enquêtes portant sur des infractions nécessitant, en raison de leur gravité et de leur complexité, des investigations particulières ; que le législateur a subordonné leur application aux mineurs à la double condition qu'ils aient plus de seize ans et qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que des adultes sont impliqués dans la commission des faits ; qu'il a ainsi entendu garantir le bon déroulement de ces enquêtes et protéger les mineurs de tout risque de représailles susceptibles d'émaner des adultes impliqués ; que la différence de traitement ainsi instituée ne procède donc pas d'une discrimination injustifiée ».

* 95 En-dessous de dix ans, le mineur ne peut être entendu qu'en tant que témoin.

* 96 Voir l'étude d'impact annexée au projet de loi, pages 27 et suivantes.

* 97 Décision n°2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, cons. 58.

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