EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENCADREMENT DE LA GARDE À VUE

Article 1er A (art. préliminaire du code de procédure pénale) - Interdiction de condamnations fondées sur les seules déclarations d'une personne faites hors de la présence d'un avocat

Cet article, introduit en séance publique par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable de la commission, tend à interdire de prononcer une condamnation sur la base des seules déclarations faites par une personne qui n'a pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui.

Il complète à cette fin l'article préliminaire du code de procédure pénale qui fixe les principes essentiels de la procédure pénale : le champ d'application de cette disposition dépasse ainsi le seul cadre de la garde à vue pour concerner les différentes hypothèses dans lesquelles les déclarations d'une personne peuvent conduire à la mettre en cause dans la commission d'une infraction. Tel peut être le cas dans le cadre d'une audition par la police judiciaire à la suite d'une convocation.

Ce principe est directement inspiré de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui, dans l'arrêt Salduz c/Turquie du 27 novembre 2008, a estimé qu'« il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes -faites lors d'un interrogatoire subi sans assistance possible d'un avocat- sont utilisées pour fonder une condamnation ».

Il importe de préciser la portée de ce principe.

En premier lieu, la règle ne vaut pas dès lors que la personne, comme l'a indiqué la Cour de Strasbourg dans un arrêt Yoldas c/Turquie du 23 février 2010, a renoncé de son plein gré , « de manière expresse ou tacite » , aux garanties d'un procès équitable à la condition, du moins, que cette renonciation soit entourée d'un minimum de garanties.

Ensuite, il résulte de la rédaction adoptée par les députés et de la mention du mot « seul » que si des déclarations faites sans que la personne ait pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui ne peuvent suffire à fonder une condamnation, elles peuvent néanmoins corroborer d'autres preuves . Des effets similaires s'attachent d'ailleurs dans notre droit aux déclarations du témoin anonyme (article 706-62 du code de procédure pénale) qui ne peuvent « seules » fonder une condamnation.

Preuves « non suffisantes » mais « corroborantes » : le principe répond-t-il aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme ?

Dans l'affaire Yoldas précitée, la Cour de Strasbourg constate que la juridiction de jugement a écarté les chefs d'accusation qui n'étaient corroborés ou étayés par aucun autre élément de preuve que les déclarations de l'intéressé et, partant, que les droits de la défense avaient été scrupuleusement respectés.

Par ailleurs, dans deux arrêts récents 31 ( * ) , la Cour de cassation ne casse pas les décisions qui annulent les gardes à vue tenues sans assistance d'avocat dès lors qu'elles  « n'ont pour seule conséquence que les actes annulés n'ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité du prévenu ». La Cour de cassation ne s'est pas prononcée, en revanche, sur des déclarations qui auraient corroboré d'autres éléments de preuves pour déterminer une condamnation.

Votre commission a considéré que la disposition introduite par l'article 1 er A instituait une réelle garantie dans les différentes hypothèses prévues par l'article 63-4-2 nouveau du code de procédure pénale (voir infra commentaire de l'article 7), ainsi que dans les régimes dérogatoires (article 12) et la retenue douanière (article 14 bis ), où l'assistance d'un avocat peut être reportée.

Afin de conforter cette protection, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'indiquer que la valeur probante des déclarations de la personne implique qu'elle ait pu s'entretenir avec son conseil et être assistée par lui, alors que le texte du projet de loi présente ces deux conditions comme alternatives.

Le principe posé par le présent article ne renforce pas seulement les droits de la défense, il s'inscrit aussi dans une évolution générale qui tend à privilégier un régime de preuves scientifiques et techniques plutôt que l'aveu.

Votre commission a adopté l'article 1 er A ainsi modifié .

Article premier (art. 62-2 et 62-5 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Définition et modalités de contrôle de la garde à vue

Cet article tend à insérer deux nouveaux articles dans le code de procédure pénale afin de définir la garde à vue ainsi que ses conditions d'application et de contrôle.

Initialement, dans le texte déposé par le Gouvernement, cet article introduisait cinq nouveaux articles dans le code de procédure pénale (articles 62-2 à 62-6) posant le principe de l'audition libre, définissant la garde à vue ainsi que les conditions de recours à ces deux types de mesures. La suppression par la commission des lois de l'Assemblée nationale de l'audition libre et le regroupement au sein d'un même article (article 62-3) de dispositions présentées dans deux articles du code de procédure pénale (articles 62-3 et 62-6) a conduit à une simplification du dispositif proposé.

1. L'« audition libre »

Dans sa version initiale, le projet de loi insérait un article 62-2 instituant l'audition libre par les enquêteurs de la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Selon l'exposé des motifs comme de l'étude d'impact présentés par le Gouvernement, il s'agissait d'affirmer la priorité de l'audition libre d'un suspect et le caractère « subsidiaire » de la garde à vue. Ainsi la garde à vue n'aurait-elle plus été « la modalité privilégiée pour entendre un suspect. Elle ne constitue qu'une mesure de contrainte applicable au suspect si l'officier de police judiciaire ou le procureur de la République estime que les conditions spécifiques de son application sont réunies ».

Depuis 2000, la jurisprudence de la Cour de cassation 32 ( * ) impose le placement en garde à vue dès lors que la personne est tenue sous la contrainte à la disposition des services de police et qu'elle est privée de la liberté d'aller et de venir. L'interpellation constitue une forme de contrainte et le suspect appréhendé dans ces conditions doit en principe être gardé à vue pour bénéficier des garanties qu'elle apporte.

Mais le placement systématique en garde à vue n'est pas sans inconvénient. Il peut conduire à allonger la privation de liberté en raison des différentes formalités -notification préalable des droits, entretien avec l'avocat s'il est demandé- précédant l'audition et des conditions dans lesquelles il est mis fin à la mesure (nécessité de solliciter les instructions du parquet sur les suites à donner à la procédure). Paradoxalement, les règles applicables aux témoins sont plus souples puisque ces derniers peuvent être retenus « le temps strictement nécessaire à leur audition » 33 ( * ) .

Néanmoins, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé qu' « aucun texte [n'imposait] le placement en garde à vue d'une personne qui, pour les nécessités de l'enquête, accepte (...) de se présenter sans contrainte aux officiers de police judiciaire afin d'être entendue et n'est à aucun moment privée de sa liberté d'aller et venir » 34 ( * ) .

M. Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, a indiqué à votre rapporteur qu'environ la moitié des personnes mises en cause en 2010 avait été entendue sous le régime de l' audition libre .

Dans le projet gouvernemental, l'absence de contrainte se manifestait aux trois étapes du déroulement de l'audition :

- la personne devait s'être rendue librement dans les locaux du service de police judiciaire ; le texte écartait donc explicitement l'audition libre pour les personnes faisant l'objet d'un mandat de recherche 35 ( * ) ou ayant été conduites par la force publique dans les locaux du service de police judiciaire ;

- le consentement de la personne à son audition devait être recueilli après qu'elle a été informée de la nature et de la date présumée de l'infraction dont elle est soupçonnée ;

- la personne pouvait mettre un terme, à tout moment , à son audition. Ce droit devait lui être également notifié avant que le consentement à son audition ne soit recueilli. A chaque reprise de l'audition, le consentement de la personne devait de nouveau être recueilli.

L'information et le consentement de la personne étaient mentionnés dans le procès-verbal d'audition.

On peut s'étonner que ces dispositions, qui transcrivaient en les explicitant les termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, aient suscité les critiques convergentes de beaucoup d'acteurs de la chaîne pénale. Sans doute ces appréhensions sont-elles pour une large part liées à l'objectif -pourtant louable- assigné par le Gouvernement à l'audition libre : réduire le nombre de gardes à vue.

En effet, soit l'audition libre continue d'obéir à des conditions distinctes de celles retenues pour la garde à vue, au premier chef l'absence de contrainte, et il est difficile de comprendre comment elle pourrait contribuer à cette baisse. Soit elle ne répond plus précisément aux critères actuels et la nature de la mesure peut alors prêter à discussion.

L'équivoque a certainement été entretenue par le choix des termes du III de l'article 62-4 proposé par le Gouvernement aux termes desquels « la personne est considérée comme s'étant rendue librement dans les locaux du service ou de l'unité de police judiciaire lorsqu'elle s'y est présentée spontanément ou à la suite d'une convocation des enquêteurs ou lorsque, ayant été appréhendée, elle a accepté expressément de suivre l'officier ou l'agent de police judiciaire ». L'arrestation ne place-t-elle pas de facto la personne dans une situation de contrainte nonobstant l'acceptation de se rendre dans les locaux de la police judiciaire ?

L'audition libre ne paraît pas ainsi répondre stricto sensu au cadre fixé par la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle comporterait certains éléments de contrainte sans présenter, en contrepartie, les éléments de garantie nécessaires -possibilité de prévenir une tierce personne, assistance d'un avocat. La durée maximale de la mesure n'était pas précisée -cette lacune pouvant non seulement porter atteinte aux droits des personnes mais aussi affecter la sécurité juridique de la procédure dans son ensemble (en vertu de la jurisprudence traditionnelle en matière de « mise en examen tardive », un placement trop tardif en garde à vue pourrait conduire à l'annulation de tous les actes réalisés pendant la garde à vue et l'audition libre qui l'a précédée).

Le dispositif proposé ne paraissait pas davantage répondre aux exigences de la Cour de Strasbourg. En effet, l'audition libre visait « la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». Or, ce critère correspond à une « accusation en matière pénale » au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme justifiant des protections identiques à celles retenues dans le cadre de la garde à vue.

L'insuffisance des garanties reconnues à la personne relevant du régime de l'audition libre a conduit, avec raison, les députés à supprimer ce dispositif.

2. Définition de la garde à vue

L'article 62-3 nouveau du code pénal définit pour la première fois la garde à vue. L'Assemblée nationale a fusionné au sein du même article la définition elle-même et les conditions cumulatives d'application de la garde à vue que le texte du Gouvernement avait présenté dans deux articles distincts (articles 62-3 et 62-6).

La garde à vue est caractérisée comme une « mesure de contrainte » permettant de maintenir un suspect à la disposition des enquêteurs. L'article 62-3 énonce par ailleurs trois conditions de fond à l'application de la garde à vue. La première est traditionnelle, les deux suivantes sont inédites.

D'abord, la garde à vue n'est applicable qu'à la « personne à l'encontre de laquelle il existe une raison ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit ». Alors que le texte du Gouvernement visait la « personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit », les députés sont ainsi revenus aux termes de l'actuel article 63 du code de procédure pénale. En outre, la référence aux « raisons plausibles » se trouve dans l'article 5, paragraphe 1, c de la Convention européenne des droits de l'homme. Selon la Cour européenne des droits de l'homme 36 ( * ) , « les soupçons sont plausibles lorsque les faits ou les renseignements sont propres à persuader un observateur objectif que l'individu en cause peut avoir commis l'infraction » 37 ( * ) .

La deuxième condition d'application de la garde à vue est nouvelle et se fonde sur le quantum de peine encourue : la mesure ne serait autorisée que lorsque la personne est soupçonnée d'un crime ou d'un délit passible d'une peine d'emprisonnement . Certes, aujourd'hui, en vertu du principe de proportionnalité et de l'équilibre requis entre le but recherché et le moyen employé, la garde à vue ne semble susceptible de s'appliquer que si l'infraction est passible d'une peine d'emprisonnement. Néanmoins, si l'article 67 du code de procédure pénale prévoit expressément cette condition pour l'enquête de flagrance, il n'en est pas ainsi en cas d'enquête préliminaire ou d'information -susceptible de viser toutes les infractions y compris les contraventions (articles 77 et 154).

En outre, alors que la garde à vue peut être justifiée actuellement pour les « nécessités de l'enquête » (articles 63 et 77 du code de procédure pénale), le recours à cette mesure ne devrait désormais être envisageable que s'il apparaît être l' « unique moyen de parvenir à au moins » l'une des six finalités énoncés par l'article 62-3 :

- permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

- garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce dernier puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

- empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

- empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; les députés ont adopté, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, un amendement présenté par M. Apelito Albert Likuvalu tendant à ajouter à cette liste les proches de la victime ;

- empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être un coauteur ou complice ;

- garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser l'infraction.

La formule « l'unique moyen de parvenir » - qui souligne le caractère subsidiaire de la garde à vue -ainsi que les quatre derniers de ces objectifs sont directement inspirés des conditions dans lesquelles la détention provisoire peut être ordonnée ou prolongée.

Les deux premiers consacrent pour partie la jurisprudence.

Ainsi, selon la Cour de cassation, n'est pas nulle une garde à vue sollicitée par le procureur de la République uniquement pour que l'intéressé lui soit présenté, dès lors que cette présentation a pour objet de mettre le magistrat en mesure « d'apprécier la suite à donner aux investigations des enquêteurs » 38 ( * ) . En effet, cette situation se rattache aujourd'hui aux « nécessités de l'enquête ». Les six objectifs retenus pour encadrer la garde à vue devraient pour l'essentiel correspondre au champ d'application de cette mesure tout en en précisant le contenu.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur afin de mieux distinguer la définition de la garde à vue des conditions auxquelles elle doit répondre.

3. Conditions de forme du placement en garde à vue

La définition de la garde à vue par le nouvel article 62-3 rappelle que cette mesure est décidée par l'officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire.


Une décision prise par l'officier de police judiciaire

Marquant la continuité avec l'état du droit, le texte proposé pour l'article 62-3 prévoit que seul l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête a, en principe, qualité pour ordonner une garde à vue : il ne saurait déléguer ce pouvoir. En outre, contrairement à la prolongation de la garde à vue, subordonnée à l'autorisation, selon les cas, du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction, il peut décider du placement en garde à vue de son propre chef.

La Cour de cassation a, d'ailleurs, sur la base du pouvoir propre d'appréciation ainsi reconnu à l'officier de police judiciaire, estimé que les nécessités de l'enquête susceptibles de justifier aujourd'hui une garde à vue échappaient à tout contrôle juridictionnel.


Le contrôle de l'autorité judiciaire

Le pouvoir propre reconnu à l'officier de police judiciaire n'équivaut pas à un pouvoir discrétionnaire. Le projet de loi rappelle de manière expresse que la décision de placement en garde à vue est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire.

En l'état du droit, ce contrôle est exercé selon les cas par le procureur de la République (articles 63, 1 er alinéa, et 77, 1 er alinéa) ou le juge d'instruction (article 154, 1 er alinéa) qui doivent, l'un comme l'autre, être informés par l'officier de police judiciaire dès le début de la garde à vue (voir infra commentaire de l'article 2 du projet de loi).

Dans sa rédaction initiale, le 1 er alinéa du nouvel article 62-5 applicable à l'enquête de flagrance et, par renvoi, à l'enquête préliminaire confirmait l'état du droit.

Cependant, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté, contre l'avis de son rapporteur, M. Philippe Gosselin, un amendement de M. Philippe Houillon remplaçant le contrôle du procureur de la République par celui du juge des libertés et de la détention ou, à défaut, du président du tribunal de grande instance ou de son délégué.

Quelles sont les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme dans cette matière ?

Selon la Cour, l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme a pour objet d'assurer un contrôle juridictionnel à la « personne arrêtée ou détenue parce que soupçonnée d'avoir commis une infraction ». Un tel contrôle « doit fournir des garanties effectives contre le risque de mauvais traitements, qui est à son maximum durant cette phase initiale de détention, et contre un abus par des agents de la force publique ou une autre autorité des pouvoirs qui leur sont confiés et qui doivent s'exercer à des fins étroitement limitées et en stricte conformité avec les procédures prescrites » 39 ( * ) . Le contrôle juridictionnel doit répondre à trois exigences :

- la promptitude (la Cour a estimé que des périodes de détention de quatre jours et six heures comportaient violation de l'article 5, paragraphe 3, même dans le contexte spécial d'enquêtes sur des infractions terroristes 40 ( * ) ) ;

- le caractère automatique du contrôle (qui ne saurait être tributaire d'une demande formée par la personne privée de liberté) ;

- l'indépendance du magistrat à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale 41 ( * ) . Dans les arrêts Medvedyev , du 29 mars 2010, et Moulin c. France du 23 novembre 2011, la Cour a considéré que le procureur de la République ne répondait pas à cette double condition. Elle a ainsi estimé d'une part que du fait de leur statut, « les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif, qui selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l'impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de « magistrat » au sens de l'article 5, paragraphe 3 » et, d'autre part, que l'exercice de l'action publique n'est pas compatible avec l'indépendance à l'égard des parties 42 ( * ) .

La Cour pose par ailleurs l'obligation pour le magistrat d'entendre personnellement l'individu traduit devant lui.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme implique que la personne gardée à vue soit présentée rapidement devant un magistrat du siège. Elle n'exige pas , en revanche, une présentation immédiate . Elle l'a indiqué expressément dans son arrêt de grande chambre Aquilina c. Malte du 24 avril 1999 (paragrahe 51) : « La Cour partage l'avis des parties selon lequel la comparution du requérant devant un magistrat deux jours après son arrestation peut passer pour avoir eu lieu « aussitôt » au sens de l'article 5 paragraphe 3 ». La Cour n'a déterminé de délai maximal pour la présentation devant un juge qu'en matière de procédure exceptionnelle : ce délai ne saurait dépasser quatre jours 43 ( * ) . Une durée de 4 jours et 6 heures a été censurée par une décision du 29 novembre 1988 Brogan et autres c. Royaume-Uni , concernant une affaire de terrorisme. Dans cet arrêt, la Cour a toutefois indiqué qu'un délai plus court devrait prévaloir en matière d'infractions de droit commun. Elle a, du reste, déjà constaté une violation pour un délai de 3 jours et 23 heures 44 ( * ) .

Au demeurant, comme l'a observé le ministre de la justice lors des débats à l'Assemblée nationale, dans les autres pays européens, l'intervention d'un juge au cours de la garde à vue n'intervient jamais dès le début de la privation de liberté, la mesure étant alors placée sous le seul contrôle de la police. Tel est le cas en Allemagne où, selon le rapport de la commission des lois sur l'évolution du régime de l'enquête et de l'instruction, la personne retenue doit être déférée devant un juge des enquêtes, au plus tard à l'achèvement du jour suivant son interpellation 45 ( * ) . En Belgique et au Danemark, le juge intervient après 24 heures, au Royaume-Uni après 36 heures.

Les dispositions du code de procédure pénale qui prévoient que la garde à vue ne peut être prolongée au-delà de 48 heures que pour les infractions de criminalité organisée avec l'accord du juge des libertés et de la détention semblent ainsi répondre aux exigences conventionnelles. Elles ont été validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (considérant 26) qui a rappelé qu'au-delà de 48 heures de privation de liberté, l'article 66 imposait le contrôle d'un magistrat du siège. Elles ont, enfin, été confirmées par une décision de la Cour de cassation du 15 décembre 2010 qui, si elle a admis pour la première fois que le ministère public ne peut être considéré comme une autorité judiciaire au sens de l'article 5, paragraphe 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, estime que la libération d'une personne placée en garde à vue pour une durée de 25 heures est « compatible avec l'exigence de brièveté imposée » par la convention 46 ( * ) .

Il ne semble donc pas justifié, en droit, de remettre en cause un dispositif respectueux du cadre conventionnel et constitutionnel.

En outre, d'un point de vue pratique, le procureur de la République apparaît, bien davantage que le juge des libertés et de la détention, en mesure d'exercer un contrôle effectif sur le placement en garde à vue : d'une part, l'organisation du parquet et, en particulier, les permanences liées au traitement en temps réel des infractions lui permet d'être informé très rapidement de la mesure ; d'autre part, à ce stade de la procédure, il est sans doute mieux à même, comme directeur de l'enquête , d'apprécier la pertinence de la mesure.

La disposition adoptée en séance publique par les députés, à l'initiative du Gouvernement, maintient ainsi les prérogatives du procureur de la République tout en mentionnant explicitement l'intervention obligatoire du juge des libertés et de la détention en matière de prolongation de la mesure au-delà de la 48 ème heure et de report de l'intervention de l'avocat au-delà de la 12 ème heure.


L'autorité judiciaire territorialement compétente

Par coordination, l'amendement du Gouvernement adopté par les députés rétablit la précision relative au procureur de la République compétent pour assurer le contrôle de la garde à vue, que la commission des lois de l'Assemblée nationale avait supprimé.

Le code de procédure pénale ne précise pas aujourd'hui le magistrat territorialement compétent. Dans le silence des textes, l'information est donnée au procureur de la République en charge du dossier -en mesure d'apprécier le recours à la garde à vue au regard des nécessités de l'enquête- y compris lorsque la garde à vue est décidée hors de son ressort territorial. Dans ce dernier cas, néanmoins, le procureur de la République territorialement compétent est le plus à même de vérifier le déroulement de la garde à vue.

Le projet de loi ouvre expressément ces deux possibilités : le procureur de la République compétent serait celui sous la direction duquel l'enquête est menée ou celui du lieu d'exécution de la garde à vue. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'indiquer que le contrôle des deux procureurs peut être assuré de manière complémentaire et non alternative comme le laisse entendre la rédaction du projet de loi.


Les pouvoirs de contrôle du parquet

L'article 62-5 prévoit que le procureur de la République exerce un contrôle sur la nécessité et la proportionnalité de la mesure et, le cas échéant, de sa prolongation. Tel est le cas aujourd'hui bien que l'article 63 ne l'indique pas expressément.

L'effectivité du contrôle devrait être renforcée par le fait que l'information donnée au parquet devrait explicitement viser la qualification des faits reprochés à la personne -qualification qui, en l'état du droit, ne doit obligatoirement être communiquée que pour les personnes soupçonnées d'une infraction de criminalité organisée (voir infra commentaire de l'article 2).

Par ailleurs, le nouvel article 62-5 confie également au procureur de la République la « sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue ».

Enfin, comme l'indique actuellement le troisième alinéa de l'article 63, le procureur de la République peut ordonner que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté -le texte proposé pour le dernier alinéa de l'article 65 précisant que cette décision peut intervenir « à tout moment ».

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .

Article 2 (art. 63 et 63-1 du code de procédure pénale) - Conditions de forme de la garde à vue et durée de la mesure - Information de la personne gardée à vue sur ses droits

Le présent article tend à proposer une nouvelle rédaction des articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale dont la rédaction a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010. L'article 63 touche aux conditions de forme de la garde à vue et à la durée de la mesure. L'article 63-1 concerne la notification de ses droits à la personne gardée à vue.

L'article 63 dans sa nouvelle rédaction comporte trois paragraphes, le premier consacré aux conditions de forme de la garde à vue, les deux suivants à la durée de la mesure et à son mode de computation.

1. Les conditions de forme de la garde à vue


Un pouvoir propre de l'officier de police judiciaire

Sans modifier l'état du droit, le texte proposé pour le premier alinéa du I de l'article 63 explicite la compétence exclusive de l'officier de police judiciaire pour décider du placement en garde à vue. Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui rétablit la faculté, figurant dans le projet de loi initial et supprimée par la commission des lois, pour le procureur de la République d'ordonner un placement en garde à vue.

Cette possibilité, d'ailleurs admise aujourd'hui bien que non transcrite dans le code de procédure pénale, est conforme au rôle de directeur d'enquête confié au procureur de la République. Elle est en outre cohérente avec l'un des objectifs assignés par le nouvel article 62-3 (voir supra commentaire de l'article premier) -garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête. Ainsi, comme l'a confirmé M. Robert Gelli, président de la Conférence nationale des procureurs, à votre rapporteur, la seule possibilité pour un procureur de la République d'obtenir le défèrement de la personne afin de la poursuivre par la voie d'une comparution immédiate est de demander son placement préalable en garde à vue.

Comme le relève l'exposé de l'amendement du Gouvernement, cette faculté ne remet pas en cause le rôle du parquet comme autorité de contrôle de la garde à vue : « de la même manière que le juge des libertés et de la détention est compétent pour placer en détention provisoire puis ordonner une remise en liberté si les nécessités de l'instruction ne justifient plus une telle mesure, le procureur de la République pourra ordonner un placement en garde à vue puis une levée de la mesure si elle n'est plus nécessaire ».


L'obligation d'information du procureur de la République

L'officier de police judiciaire doit informer le ministère public dès le début de la garde à vue (article 63 du code de procédure pénale). Selon le Conseil constitutionnel, « la garde à vue mettant en cause la liberté individuelle dont, en vertu de l'article 66 de la Constitution, l'autorité judiciaire assure le respect, il importe que les décisions prises en la matière par les officiers de police judiciaire soient portées aussi rapidement que possible à la connaissance du procureur de la République [ou du juge d'instruction] afin que celui-ci soit à même d'en assurer effectivement le contrôle » 47 ( * ) . Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, tout retard dans l'information donnée au procureur du placement en garde à vue, non justifié par des circonstances insurmontables , fait nécessairement grief à l'intéressé 48 ( * ) .

Cette information peut en pratique être donnée par tout moyen 49 ( * ) .

En l'état du droit, l'article 63 ne précise pas le contenu de cette information. Seul l'article 63-4, relatif à la présence de l'avocat au cours de la garde à vue, prévoit expressément que lorsque la personne placée en garde à vue est soupçonnée d'avoir commis l'une des infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée prévues par l'article 706-73, le procureur de la République doit être avisé de la qualification retenue en même temps que du placement en garde à vue.

La rédaction proposée pour le premier alinéa du I de l'article 63 reproduit le droit en vigueur sur l'obligation pour l'officier de police judiciaire d'informer le procureur de la République « dès le début de la mesure » tout en indiquant explicitement que cette information peut procéder de « tout moyen ». En revanche, il innove en précisant le contenu de cette information qui devra porter sur les motifs justifiant la mesure tels qu'ils sont définis par le nouvel article 62-3 ainsi que sur la qualification des faits qui a été notifiée à la personne. Le procureur de la République pourrait modifier cette qualification -la nouvelle qualification étant alors notifiée à la personne.


Durée de la garde à vue

Comme tel est le cas aujourd'hui, la durée de la garde à vue ne saurait excéder 24 heures et pourrait être prolongée pour 24 heures au plus .

Le projet de loi a cependant cherché à encadrer davantage les modalités de prolongation. En l'état du droit, cette prolongation fait l'objet d'une autorisation écrite du procureur de la République. En premier lieu, dans la nouvelle rédaction de l'article 63, la prolongation ne serait possible que si l'infraction dont la personne est soupçonnée est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation est l'unique moyen de parvenir à l'un des six objectifs définis à l'article 62-3. En outre, cette autorisation devrait aussi être motivée . Selon votre rapporteur, il reviendra au procureur de la république d'expliquer de manière précise les raisons de cette prolongation.

Par ailleurs, actuellement, en vertu de l'article 63, le procureur de la République, en enquête de flagrance, peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne garde à vue . En revanche, en enquête préliminaire (article 77, 2 e alinéa) ou sur commission rogatoire (article 154, 2 e alinéa), le principe est inversé : la présentation est la règle, le procureur de la République ne pouvant l'écarter qu'à titre exceptionnel et par une décision écrite et motivée. Le projet de loi propose d'appliquer ces dispositions à l'enquête de flagrance.

Enfin, la présentation pourrait se faire par un moyen de télécommunication audiovisuelle comme le permet déjà l'article 706-71 du code de procédure pénale (1 er alinéa).


Computation du délai

Le point de départ de la durée de la garde à vue est aujourd'hui déterminé par des solutions jurisprudentielles. En principe, la durée de la garde à vue se calcule à partir du moment où la personne a été appréhendée.

Ainsi, lorsque la garde à vue succède à une audition libre, la durée de celle-ci doit être imputée sur celle de la garde à vue 50 ( * ) (sauf lorsqu'un intervalle de temps sépare cette audition du placement en garde à vue) 51 ( * ) ; la solution inverse permettrait en effet qu'une personne soit maintenue dans les locaux de police judiciaire au-delà du délai maximal de la garde à vue au risque de favoriser un détournement de procédure. Par ailleurs, lorsque des gardes à vue successives sont prescrites pour les mêmes faits, la durée cumulée de ces gardes à vue ne peut dépasser le maximum légal 52 ( * ) . La solution est identique lorsque des gardes à vue sont prescrites pour des faits différents et qu'elles se suivent de manière continue 53 ( * ) . Elles sont en revanche considérées comme des mesures autonomes lorsqu'un intervalle de temps les sépare.

Le texte proposé par le projet de loi initial consacrait pour l'essentiel cette jurisprudence.

Il indiquait que la computation de la durée du délai de la garde à vue commençait soit à l'heure à laquelle la personne a été appréhendée avant son placement en garde à vue, soit à l'heure à laquelle a débuté la période d'audition libre lorsque le placement en garde à vue a été décidé au cours ou à l'issue de cette audition.

Les députés ont supprimé en séance publique, à l'initiative de leur rapporteur, cette dernière précision par cohérence avec la suppression du dispositif relatif à l'audition libre. Il n'en reste pas moins que la pratique de l'audition libre demeurant dans sa forme actuelle, l'indication donnée par le projet de loi présentait un intérêt. Sa suppression ne peut en tout cas pas être comprise comme mettant en cause la solution jurisprudentielle, protectrice de la liberté individuelle.

La disposition relative à la computation de la durée de la garde à vue à compter de l'heure à laquelle la personne a été appréhendée a été maintenue.

Par ailleurs, le dernier alinéa du III de l'article 63 prévoit que si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes gardes à vue s'impute sur la durée de la mesure.

3. Notification de ses droits à la personne gardée à vue

L'article 63-1 relatif à la notification de ses droits à la personne gardée à vue fait l'objet d'une rédaction plus claire et plus précise.


Modalités de la notification

Cette notification, comme tel est le cas aujourd'hui, est assurée par l'officier de police judiciaire ou sous le contrôle de celui-ci, par l'agent de police judiciaire. De même, elle doit intervenir dès le placement en garde à vue 54 ( * ) .

Dans la continuité du droit en vigueur, la notification doit être faite dans une langue comprise par la personne, le cas échéant au moyen de formulaires écrits. La jurisprudence admettait jusqu'à présent une notification par formulaire 55 ( * ) . Néanmoins, les députés ont adopté, avec l'avis favorable du rapporteur et sans que le Gouvernement s'y oppose, un amendement présenté par M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues, afin d'indiquer que le formulaire écrit auquel il peut être recouru pour une information immédiate ne doit pas conduire à faire l'économie de l'intervention ultérieure d'un interprète et d'une nouvelle notification, par cette voie, des droits de la personne placée en garde à vue. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à la réécriture de cette disposition

Par ailleurs, le projet de loi reprend la disposition actuelle selon laquelle si la personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit alors être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Un dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité peut aussi être utilisé.


Contenu de la notification

Cette notification porte sur des informations relatives, d'une part, à la mesure de contrainte elle-même et, d'autre part, aux droits dont bénéficie la personne.

En premier lieu, l'article 63-1 prévoit actuellement que l'intéressé est avisé de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ainsi que de la durée de la garde à vue. La nouvelle rédaction proposée pour les 2 ème (1°) et 3 ème alinéas (2°) de l'article 63-1 apparaît plus précise : la personne serait d'abord informée qu'elle est placée en garde à vue , ce qui est déjà le cas en pratique. En outre, lui seraient notifiées non seulement la nature mais aussi la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre.

Par ailleurs, la personne devra être informée :

- du droit de faire prévenir un proche et son employeur conformément à l'article 63-2 ;

- du droit d'être examinée par un médecin conformément à l'article 63-3 ;

- du droit d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3.

Si la teneur de ces droits a été substantiellement renforcée et sera examinée dans le cadre des articles correspondants du projet de loi, le principe de leur notification n'est pas nouveau.

En revanche, le champ des informations données à la personne serait élargi à un nouveau droit : celui, après avoir décliné son identité, de répondre aux questions posées ou de se taire lors des auditions .

Le droit de se taire a été consacré par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme 56 ( * ) . Il avait déjà été introduit dans le code de procédure pénale par l'article 8 de la loi  du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes -« la personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle a le droit ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs »- puis reformulé par la loi du 4 mars 2002 modifiant la loi du 15 juin 2000 afin de ne plus mettre l'accent sur le seul droit de garder le silence -« la personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle a le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de se taire »- avant d'être abrogé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

La suppression de l'obligation de notification ne signifiait pas pour autant que le droit ait été supprimé. Il se rattache en effet au droit fondamental auquel il est assimilé par la Cour européenne des droits de l'homme « de ne pas contribuer à sa propre incrimination » et constitue une protection de la présomption d'innocence, principe de base de notre procédure pénale.

Il n'en reste pas moins que l'absence de notification de ce droit porte atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue et a été relevée comme l'une des failles du régime de la garde à vue par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (considérant 28). Le projet de loi rétablit cette notification dans une forme très proche de celle retenue par le législateur en mars 2002 tout en rappelant pour la personne gardée à vue l'obligation de décliner son identité.

Dans le texte proposé par le Gouvernement et adopté par la commission des lois, cette notification devait être faite au début de son audition. Un amendement adopté par les députés en séance publique à l'initiative de M. Philippe Gosselin et avec l'avis favorable du Gouvernement, a prévu que cette information devrait être faite avec la notification des autres droits, au début de la garde à vue .


Mention au procès-verbal

Le dernier alinéa du texte proposé pour le I de l'article 63-1 rappelle la disposition classique selon laquelle mention de l'information donnée à la personne gardée à vue est portée au procès-verbal et émargée par l'intéressé -si celui-ci refuse d'émarger, il en est fait mention.

En créant spécifiquement le procès-verbal « de déroulement de la garde à vue », la commission des lois de l'Assemblée nationale a, à l'initiative de Mme Delphine Batho mais contre l'avis de son rapporteur et du Gouvernement, entendu instituer un procès-verbal unique en remplacement des procès-verbaux multiples, pratique qui prévaut à la police nationale mais non, semble-t-il, à la gendarmerie.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. 63-2 du code de procédure pénale) - Droit de faire prévenir un tiers

Cet article tend à compléter l'article 63-2 du code de procédure pénale afin de renforcer le droit dont bénéficie la personne d'aviser un tiers.

En effet, en l'état du droit, la personne gardée à vue peut, à sa demande, faire avertir par téléphone de la mesure dont elle est l'objet :

- soit la personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ;

- soit son employeur.

Cette alternative paraît excessivement restrictive car l'information de la famille et de l'employeur répondent à des considérations distinctes. Aussi le projet de loi prévoit-il de conjuguer ces deux facultés.

Pour le reste, le droit figurant à l'article 63-2 demeure encadré :

- hors l'employeur, le tiers susceptible d'être averti ne peut être que la personne avec laquelle elle vit habituellement ou un membre de la famille la plus proche. Votre commission a estimé utile de prendre en compte la situation du majeur incapable en lui permettant de prévenir son curateur ou son tuteur . De même, elle a souhaité que la personne de nationalité étrangère ait la faculté de faire contacter les autorités consulaires de son pays. Elle a adopté en conséquence deux amendements de son rapporteur ;

- l'information se fait nécessairement par l'intermédiaire de l'officier ou de l'agent de police judiciaire ;

- en outre, la demande de la personne gardée à vue peut être écartée « en raison des nécessités de l'enquête », par l'officier de police judiciaire, qui en réfère au procureur de la République chargé de décider, s'il y a lieu, d'y faire droit ;

- l'exercice de ce droit devrait intervenir, sauf en cas de circonstance insurmontable, au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a demandé à l'exercer. Le texte actuel de l'article 63-7 fait courir le délai de trois heures à compter du début de la garde à vue. Or, il peut arriver que la personne gardée à vue ne formule sa demande qu'au cours de la mesure, à un moment où le délai de trois heures à compter du placement en garde à vue serait écoulé.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a prévu que la « circonstance insurmontable » justifiant qu'il ne soit pas fait droit à la demande du gardé à vue soit mentionnée au procès-verbal.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 63-3 du code de procédure pénale) - Droit d'être examiné par un médecin

Cet article tend à compléter l'article 63-3 du code de procédure pénale afin de préciser les garanties dont bénéficie la personne gardée à vue au titre de son droit d'être examinée par un médecin.

En l'état du droit, toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. L'avant-dernier alinéa de l'article 63-3 prévoit que le certificat médical par lequel le médecin « doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue » est versé au dossier. Ainsi, si l'examen porte principalement sur l'aptitude au maintien en garde à vue, il peut aussi porter sur d'autres points. Le texte proposé par le présent article pour compléter le premier alinéa de l'article 63-3 est plus explicite puisqu'il indique que le médecin se prononce non seulement sur l'aptitude au maintien en garde à vue mais aussi « procède à toutes constatations utiles ». Ainsi l'examen pourrait également concerner d'éventuels sévices dont la personne aurait été victime et permettre de lever le risque d'allégations calomnieuses sur le comportement des forces de l'ordre.

Par ailleurs, les députés ont adopté en séance publique un amendement présenté par M. Jean-Pierre Decool, sous-amendé par M. Claude Goasguen avec l'avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, précisant que, sauf décision contraire du médecin, l'examen médical doit être pratiqué à l'abri du regard et de toute écoute extérieure afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel. Cette disposition résulte des recommandations de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Elle ne présente pas cependant de caractère contraignant. Le médecin pourrait toujours, en particulier pour des motifs tenant à sa sécurité personnelle, souhaiter être accompagné de l'agent ou de l'officier de police judiciaire.

Le texte proposé pour compléter le premier alinéa de l'article 63-3 rappelle aussi la formule figurant actuellement à l'article 63-1 selon laquelle les diligences résultant du droit d'être examiné par un médecin doivent être accomplies dans un délai de 3 heures « à compter du moment où la personne en a formulé la demande ». En l'état du droit, ce délai court à compter du début de la garde à vue.

Pour le reste, les dispositions de l'article 63-3 demeurent inchangées :

- à tout moment, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut prescrire l'examen médical ;

- celui-ci est de droit si un membre de la famille le demande.

La poursuite de la garde à vue d'une personne dans des conditions qui sont, selon les constatations du médecin, incompatibles avec son état de santé porte nécessairement atteinte à ses intérêts 57 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 (art. 63-3-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Droit à être assisté par un avocat

Cet article tend à insérer un article 63-3-1 dans le code de procédure pénale afin de poser le droit de la personne gardée à vue à être assistée d'un avocat et non plus seulement, comme le prévoit le droit en vigueur, à s'entretenir avec un avocat.

Le droit à être assisté par un avocat, qui constitue la principale avancée du présent projet de loi, recouvre le droit de s'entretenir avec l'avocat, défini par l'article 63-4, le droit pour l'avocat de consulter certains documents de la procédure (article 63-4-1), ainsi que le droit, reconnu à la personne gardée à vue, de demander que l'avocat assiste à ses auditions (article 63-4-2).

Le législateur a, pour la première fois, par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, prévu la présence de l'avocat en garde à vue sous la forme du droit donné à la personne de s'entretenir avec un avocat de son choix dès le début de la mesure, pour une durée ne pouvant excéder 30 minutes. Cette faculté, très discutée lors des débats au Parlement sur la loi de 1993, apparaît désormais très en retrait par rapport à l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'insuffisance de ce droit a déterminé la décision d'abrogation des dispositions de l'article 63-4 par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-142 QPC du 30 juillet 2010.

La Cour européenne des droits de l'homme a affirmé le droit pour la personne gardée à vue de « bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires [qu'elle] subit » 58 ( * ) . Quant au Conseil constitutionnel, il a estimé que l'impossibilité pour la personne « alors qu'elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l' assistance effective d'un avocat » portait une atteinte disproportionnée aux droits de la défense dès lors « qu'elle est imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ».

Le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 63-3-1 pose en conséquence pour principe que la personne peut, dès le début de la garde à vue, demander l'assistance d'un avocat. Comme tel est le cas aujourd'hui, les diligences que ce droit impose aux services de police devront être accomplies dès que la demande en est formulée : le délai de trois heures pour faire prévenir un tiers ou faire effectuer un examen médical n'est pas admis ici.

Comme l'article 63-4 le prévoit actuellement s'agissant du droit à l'entretien avec un avocat, la personne pourrait choisir elle-même l'avocat ou, si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, de demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.

Les députés ont longuement débattu en commission des lois puis en séance publique, sans pouvoir néanmoins s'accorder sur un texte, sur les conditions dans lesquelles pourrait être résolu un conflit d'intérêts lorsqu'un avocat est désigné pour assurer la défense de plusieurs personnes placées en garde à vue dans une même affaire. Ils ont cependant adopté un amendement présenté par M. Claude Bodin avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement afin de permettre au procureur de la République, d'office ou saisi par l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire, de demander au bâtonnier de désigner un autre défenseur lorsque l'avocat désigné assiste déjà une autre personne concomitamment placée en garde à vue dans la même affaire et que cette situation est susceptible de nuire au bon déroulement des investigations ou de rendre impossible l'audition simultanée de plusieurs suspects. L'enquête peut en effet commander le placement en garde à vue de plusieurs personnes impliquées dans la même affaire et leur audition simultanée.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur visant à régler la question du conflit d'intérêts. La solution proposée laisse d'abord le soin à l'avocat, conformément au code de déontologie de cette profession, d'apprécier l'existence d'un conflit d'intérêts. Cependant, en cas de divergence d'appréciation sur ce point avec l'avocat, l'officier de police judiciaire ou le procureur de la République saisirait le bâtonnier qui pourrait désigner un autre défenseur. Cet amendement maintient également, dans une rédaction simplifiée, la faculté pour le procureur de la République, à l'initiative, le cas échéant, de l'officier ou de l'agent de police judiciaire, de saisir le bâtonnier afin qu'il soit désigné plusieurs avocats commis d'office lorsqu'il est nécessaire de procéder à l'audition simultanée de différentes personnes placées en garde à vue.

Le droit à être assisté par un avocat serait exercé selon les modalités actuellement retenues par les deuxième et troisième alinéas de l'article 63-4 :

- le bâtonnier est informé de cette demande par tout moyen et sans délai. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin de prévoir de manière alternative, comme tel est d'ailleurs le cas en pratique aujourd'hui, l'information de l'avocat de permanence commis d'office par le bâtonnier ;

- l'avocat désigné est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. 63-4 du code de procédure pénale) - Entretien avec l'avocat

Cet article tend à proposer une nouvelle rédaction plus resserrée de l'article 63-4 relatif à l'entretien avec l'avocat, plusieurs des aspects traités par cet article étant désormais repris par d'autres articles du code de procédure pénale.

Le dispositif proposé s'articule autour de trois des dispositions actuelles de l'article 63-4 :

- l'avocat désigné dans les conditions fixées par l'article 63-4 peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien ;

- la durée de l'entretien ne peut excéder trente minutes ;

- en cas de prolongation de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir de nouveau et dans les mêmes conditions avec un avocat dès le début de la prolongation.

Le projet de loi initial maintenait le dernier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale relatif au report de l'intervention de l'avocat dans les régimes relevant de la criminalité organisée. La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions afin de tenir compte des décisions de la Cour de cassation du 19 octobre 2010 déclarant contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ces mesures dérogatoires (voir infra commentaire de l'article 12).

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 (art. 63-4-1 à 63-4-4 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Conditions de consultation du dossier par l'avocat et d'assistance de la personne gardée à vue lors des auditions

Cet article tend à insérer quatre nouveaux articles dans le code de procédure pénale afin de déterminer le cadre dans lequel l'avocat peut, d'une part, consulter le dossier de la personne gardée à vue et, d'autre part, assister celle-ci, à sa demande, lors des auditions.

1. L'accès au dossier

En l'état du droit, l'avocat n'a pas accès au dossier de la personne placée en garde à vue. Il n'est informé dans le cadre du droit de la personne de s'entretenir avec un conseil que « de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête » (article 63-4 du code de procédure pénale).

Le projet de loi ouvre pour la première fois la possibilité pour l'avocat d'accéder au dossier de la personne gardée à vue. Cet accès est néanmoins circonscrit à trois catégories de documents -en tout état de cause, à ce stade de la procédure, le contenu du dossier de la personne gardée à vue est nécessairement limité- :

- le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés ;

- le certificat médical établi en application de l'article 63-3, cette précision résultant d'un amendement adopté par les députés en séance publique à l'initiative de M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement ;

- enfin, les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Cette information revêt une portée effective lorsque l'avocat pour des motifs de circonstance ou de droit ne peut assister son client au début de l'audition (voir infra ).

Le cinquième alinéa du texte proposé pour le nouvel article 63-4-2 tend à permettre au procureur de la république, à la demande de l'officier de police judiciaire, de ne pas autoriser l'avocat à accéder aux procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue lorsqu'il a décidé de différer la présence de l'avocat lors des auditions pendant un délai maximal de 12 heures, dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article 63-4-2. La consultation du procès-verbal n'est toutefois, dans ce cas, que retardée. Elle n'est pas interdite.

Ainsi, comme l'avait souhaité nos collègues MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel dans leur rapport d'information consacré à la réforme de la procédure pénale 59 ( * ) , l'accès au dossier est limité aux éléments provenant de la personne mise en cause sans pouvoir concerner les autres aspects de la procédure. Notre collègue M. Robert Badinter relevait d'ailleurs lors du débat sur la question orale présentée par M. Jacques Mézard sur les droits des personnes placées en garde à vue, au Sénat, le 10 février 2010 : « l'obligation de communiquer la totalité du dossier ne vaut qu'au stade de la mise en examen, quand des charges suffisantes, et non une raison plausible de soupçonner qu'il ait commis une infraction, ont été réunies contre celui qui n'était jusque là qu'en garde à vue. Il s'agit alors d'un degré de gravité tout à fait différent et l'avocat, qui devient dans ce cas le défendeur à l'action publique, doit évidemment avoir accès à toutes les pièces du dossier en vertu du principe du contradictoire ».

Par ailleurs, la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Philippe Goujon, a précisé que l'avocat ne pourrait demander ou prendre copie des documents qui lui sont communiqués.

2. Le droit pour la personne gardée à vue de se faire assister d'un avocat


Le principe

Dans la version initiale du projet de loi, l'article 63-4-2 posait le droit pour l'avocat d'assister aux auditions de la personne. La commission des lois de l'Assemblée nationale a opportunément reformulé la disposition comme un droit pour la personne gardée à vue de demander à l'avocat d'assister à ses auditions. Il importe en effet que ce droit soit laissé à l'initiative de l'intéressé et non de l'avocat.

Quelles obligations pèseraient en contrepartie pour les services de police ? Actuellement le droit donné au gardé à vue par l'article 63-4 de s'entretenir avec un avocat n'impose aux services de police qu'une obligation de moyens. Selon la jurisprudence, la police n'a pas à « rendre effectif » cet entretien 60 ( * ) . Satisfait ainsi à cette obligation l'officier de police judiciaire qui justifie avoir contacté, par tous moyens, mais en vain, le bâtonnier de l'ordre ou son délégataire dès la demande formulée par la personne gardée à vue 61 ( * ) . Par la suite, aucune disposition légale ou conventionnelle n'impose à l'officier de police judiciaire, selon la Cour de cassation, de différer l'audition de la personne qui fait l'objet de cette mesure 62 ( * ) .

Alors que le texte du Gouvernement était muet sur cette question, la commission des lois de l'Assemblée nationale, sans déterminer pour autant une obligation de résultat pour les services de police judiciaire, a prévu un « délai de carence » interdisant de commencer l'audition avant l'expiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé à l'avocat choisi ou au bâtonnier de la demande formulée par la personne gardée à vue.

Au-delà de ce délai, l'audition pourra commencer sans la présence de l'avocat. En revanche, l'audition pourra commencer avant l'expiration de ce délai dès lors que l'avocat est présent. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin d'expliciter ce point.

En outre, ce délai de carence ne vaut que pour la première audition et non pour les auditions suivantes.

Le dispositif proposé fournit un point d'équilibre satisfaisant entre la volonté de garantir l'effectivité du droit nouveau reconnu au gardé à vue -ce qui implique de tenir compte notamment des délais matériels pour permettre en particulier au conseil de se déplacer- et les exigences de l'enquête qui ne sauraient s'accommoder de manoeuvres dilatoires.

Dans le cas où l'avocat se présenterait après l'expiration du délai de deux heures, une double garantie permettrait de conforter les droits de la défense :

- d'abord, l'audition, si elle est en cours, serait interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec lui dans les conditions prévues par l'article 63-4 (entretien d'une durée maximale de trente minutes dans des conditions préservant sa confidentialité). Dans ce cas, comme les députés l'ont prévu en adoptant en séance publique un amendement présenté par M. Dominique Raimbourg avec l'avis favorable de la commission mais défavorable du Gouvernement (au motif que cette précision n'aurait pas de caractère normatif), l'avocat pourrait consulter les éléments du dossier prévus par l'article 63-4-1 et notamment le procès-verbal de l'audition déjà engagée ;

- ensuite, si la personne ne demande pas à s'entretenir avec son conseil, l'avocat pourrait assister immédiatement à l'audition en cours.

Comme l'ont indiqué à votre rapporteur les représentants des syndicats de la police nationale, ce délai de carence de deux heures, souvent nécessaire pour accomplir les premières formalités liées au placement en garde à vue, ne devrait pas affecter l'efficacité de l'enquête.


Les exceptions

Le nouvel article 63-4-2 prévoit trois séries d'exceptions au principe de l'assistance d'un avocat lors des auditions : la première, introduite par la commission des lois de l'Assemblée nationale, concerne le délai de carence et permet de débuter immédiatement l'audition de la personne gardée à vue sans attendre l'expiration du délai de deux heures. Les deux suivantes permettent de différer la présence de l'avocat respectivement de 12 heures et de 24 heures, cette dernière exception ayant aussi été ajoutée par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement ; elles ne remettent pas en cause cependant le droit à s'entretenir avec un avocat .

- Les exceptions permettant de supprimer le délai de carence ou de reporter la présence de l'avocat à la 12ème heure obéissent aux mêmes conditions.

En premier lieu, elles doivent répondre à une demande de l'officier de police judicaire et être autorisées par le procureur de la République.

Ensuite, cette double dérogation n'est possible que si elle « apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ». La référence aux « raisons impérieuses », empruntée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, a été ajoutée par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Ces raisons impérieuses doivent elles-mêmes répondre à un double objectif :

- soit permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves ;

- soit prévenir une atteinte imminente aux personnes.

L'autorisation du procureur de la République devrait être écrite et motivée.

- L'exception permettant de reporter l'assistance de l'avocat de la 12 ème heure à la 24 ème heure.

Ce report qui ne peut intervenir qu'à la suite du premier report obéit à des conditions de forme distinctes : en effet, il doit procéder d'une demande du procureur de la République -et non de l'officier de police judiciaire- et être autorisé par le juge des libertés et de la détention qui statue par décision écrite et motivée.

Ce report doit, pour le reste, répondre à des conditions de fond identiques à celles du premier différé (raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes).

Votre commission n'a entendu remettre en cause ni le principe d'un report de l'assistance d'un avocat dans les conditions strictement déterminées par le projet de loi, ni la compétence du procureur de la République pour l'autoriser jusqu'à la douzième heure. En pratique, le procureur de la République est, au début de la garde à vue, le magistrat le mieux informé du dossier et, à ce titre, le plus à même d'apprécier la pertinence des arguments de l'officier de police judiciaire. Le rôle confié au parquet constitue ainsi une garantie réelle pour la personne gardée à vue.

La décision du procureur de la République sera lourde de conséquences puisque, en vertu de l'article 1 er A, les déclarations recueillies hors de la présence de l'avocat ne pourront pas, seules, fonder une condamnation. L'autorisation écrite par le parquet devra, en conséquence, être sérieusement motivée.

Le différé du droit à l'assistance de l'avocat lors des auditions ne jouera, selon votre commission, que de manière exceptionnelle (l'étude d'impact estime que cette possibilité ne sera retenue que dans 5 % des cas). Une banalisation du report apparaîtrait en totale contradiction avec les intentions du législateur.


Les conditions d'intervention de l'avocat lors des auditions

Le projet de loi encadre les modalités d'intervention de l'avocat lors des auditions.

D'une part, l'avocat ne pourrait poser de questions qu' à l'issue des auditions . Le texte initial du Gouvernement prévoyait seulement de laisser à l'avocat la possibilité de présenter des observations écrites -jointes à la procédure- après chacun des entretiens préalables ou chacune des auditions.

Cependant la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que la place ainsi donnée à la défense lors de l'audition de la personne gardée à vue -celle d'un « avocat taisant »- ne paraissait pas compatible avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, depuis l'arrêt Dayanan , la Cour de Strasbourg rappelle le droit pour la personne mise en cause de bénéficier de toute la « vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil », à savoir « la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche de preuves favorables à l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention qui sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ».

D'autre part, l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire pourrait s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne . Le texte issu des travaux de la commission des lois prévoyait que mention de la question refusée serait portée au procès-verbal. En séance publique, les députés ont adopté un amendement du rapporteur avec l'avis favorable du Gouvernement afin d'indiquer que seul le refus serait porté au procès-verbal comme en cas de refus d'une question par le juge d'instruction (article 120 du code de procédure pénale). Comme l'avait relevé M. Philippe Gosselin, « on ne saurait demander à l'officier de police judiciaire qu'il enregistre l'intégralité des questions posées par l'avocat alors que cette exigence n'existe même pas pour le greffier du juge d'instruction, à ce stade de l'enquête . » En outre, l'avocat pourra toujours joindre le texte des questions refusées à ses observations écrites s'il l'estime nécessaire, comme l'ont précisé les députés en séance publique à l'initiative de leur rapporteur.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté en séance publique avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement un amendement présenté par M. Jean-Paul Garraud et plusieurs de ses collègues permettant de répondre à la situation où un avocat perturberait gravement le bon déroulement d'une audition ou d'une confrontation. Dans ce cas, laissé à l'appréciation de l'officier de police judiciaire, celui-ci en informe le procureur de la République qui peut aviser le bâtonnier aux fins de désignation d'un nouvel avocat choisi ou commis d'office.

L'audition dans le cadre d'une garde à vue ne peut se comparer à une audition dans le cabinet du juge d'instruction où la tension est moins forte car il est rare que l'interpellation vienne de se produire. En outre, le juge d'instruction représente l'autorité du magistrat ; il a le greffier à ses côtés et la solennité du palais de justice concourt à la tranquillité des débats. Enfin, les avocats ont pu consulter les dossiers et se préparer à l'audition.

Aucune de ces circonstances ne se trouvent réunies pendant la garde à vue. Il n'est donc pas inutile de fixer le cadre dans lequel doit se dérouler l'audition. Néanmoins, selon votre commission, le législateur ne doit pas stigmatiser la profession d'avocat en préjugeant d'un comportement incorrect.

Il lui est apparu préférable de rappeler, en adoptant un amendement de son rapporteur, que l'audition est menée sous la direction de l'officier de police judiciaire ou de l'agent de police judiciaire, lequel peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République. Ce dernier saisirait, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre défenseur.

L'amendement proposé prévoit par ailleurs que l'avocat pourrait adresser ses observations au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue.

Comme l'avait noté le rapport du groupe de travail de votre commission sur l'évolution du régime de l'enquête et de l'instruction 63 ( * ) , le rôle imparti à la défense en matière de garde à vue ne se confond pas avec celui qui lui revient dans le cadre du cabinet du juge d'instruction. Il importe de laisser les officiers de police judiciaire conduire leurs interrogatoires sauf à entraîner une certaine confusion entre la phase policière et la phase judiciaire de l'enquête.

Un nouvel article 63-4-4 rappelle par ailleurs l'obligation faite aujourd'hui à l'avocat par le cinquième alinéa de l'article 63-4 de ne faire état de son entretien auprès de quiconque pendant la garde à vue, et étend ce devoir de discrétion aux informations qu'il aurait recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions.

Il est en outre précisé que cette interdiction est édictée « sans préjudice de l'exercice des droits de la défense ».

Cette disposition constitue la déclinaison, pour le Gouvernement, du principe posé par l'article 11 du code de procédure pénale selon lequel « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ».

La violation de ces règles peut entraîner pour l'avocat deux types de sanctions, pénales et disciplinaires :

- sur le plan pénal, l'avocat pourrait être poursuivi pour violation du secret professionnel (punie par l'article 226-13 du code pénal d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende) ou pour délit d'entrave à la justice prévu par l'article 434-7-2 du code pénal en cas de révélation volontaire d'informations issue d'une enquête « à des personnes qu'[il] sait susceptible d'être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est faite dans le dessein d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité ». Les peines de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende prévues par ce délit sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende si l'enquête « concerne un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement relevant des dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale » ;

- sur le plan disciplinaire, aux termes de l'article 5 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, « l'avocat respecte le secret de l'enquête et de l'instruction en matière pénale en s'abstenant de communiquer, sauf pour l'exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours ». Des poursuites disciplinaires, susceptibles d'être engagées soit par le bâtonnier, soir par le procureur général pour la violation de cette règle sont soumises au conseil de discipline des avocats (institué depuis 2005 auprès de chaque cour d'appel) et, en cas d'appel, à la cour d'appel. Les peines disciplinaires peuvent aller de l'avertissement à l'interdiction d'exercer pendant une durée de trois ans ou plus, voire à la radiation.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 7 bis (art. 63-4-5 [nouveau] et art. 64-1 de la loi du 10 juillet 1991) - Droit de la victime à être assistée par un avocat en cas de confrontation avec la personne gardée à vue

Cet article a été introduit dans le projet de loi par la commission des lois à l'initiative de son rapporteur afin d'insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article 63-4-5 permettant à la victime d'être assistée par un avocat lorsqu'elle est confrontée avec une personne gardée à vue elle-même assistée d'un avocat.

Cette disposition répond au principe de l'équilibre des droits des parties posé par l'article préliminaire du code de procédure pénale -« la procédure pénale doit (...) préserver l'équilibre des droits des parties »- conformément à la règle de l'égalité des armes fixée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le droit ouvert à la victime est ainsi symétrique de celui reconnu au gardé à vue : la victime pourrait demander à être assistée par un avocat choisi par elle, ou par son représentant légal si elle est mineure, ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.

Dans le respect de l'équilibre des droits des parties, ce droit ne lui serait ouvert que si la personne gardée à vue est effectivement assistée par un avocat lors de la confrontation.

L'avocat pourrait, à sa demande, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Les dispositions du nouvel article 63-4-3 lui seraient applicables : il pourrait, à l'issue de chaque audition, poser des questions et présenter des observations écrites comportant, le cas échéant, les questions refusées par l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire.

Lors de l'élaboration de son texte, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement permettant à la victime qui choisirait d'être assistée par un avocat lors de la confrontation de bénéficier de l'aide juridictionnelle (article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991).

Votre commission a adopté l'article 7 bis sans modification .

Article 8 (art. 63-5 du code de procédure pénale) - Respect de la dignité de la personne gardée à vue

Cet article tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article 63-5 du code de procédure pénale afin de poser le principe du respect de la dignité de la personne lors du déroulement de sa garde à vue.

Les mesures de sécurité qui peuvent lui être imposées devront répondre à l'exigence de stricte nécessité .

Hormis le cas des investigations corporelles internes -traitées actuellement par l'article 63-5- la pratique des fouilles n'est réglée par aucune disposition autre que celles relevant des circulaires. Le présent article fixe pour la première fois le cadre d'ensemble du recours aux mesures de précaution tandis que les articles 63-6 et 63-7 insérés dans le code de procédure pénale par l'article 9 du présent projet de loi (voir infra ) précisent les conditions auxquelles doivent répondre la fouille de la personne gardée à vue.

Dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a rappelé que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation constituait un principe à valeur constitutionnelle .

S'il appartient au Conseil constitutionnel d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives qui, par elles-mêmes, y compris par leur insuffisance, porteraient atteinte à la dignité, en revanche, la « méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l'application des dispositions législatives [relatives à la garde à vue] n'a pas, en elle-même, pour effet d'entacher ces dispositions d'inconstitutionnalité ». En revanche, le Conseil a souligné qu'il incombait aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que les mesures de garde à vue soient toujours mises en oeuvre dans le respect de la personne . En particulier, l'autorité judiciaire doit, d'une part, prévenir ou sanctionner les éventuels manquements à cette exigence au titre des compétences qu'elle tient du code de procédure pénale (contrôle et visite des lieux de garde à vue, régime des nullités, discipline des officiers de police judiciaire) ou du code pénal et, d'autre part, ordonner la réparation des préjudices qui auraient pu en résulter (considérant 20 de cette même décision).

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 9 (art. 63-6 à 63-8 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Conditions applicables aux fouilles - Modalités selon lesquelles il est mis un terme à la garde à vue

Cet article vise à insérer trois articles au sein du code de procédure pénale, les deux premiers (articles 63-6 et 63-7) relatifs aux fouilles, le suivant (article 63-8) aux conditions dans lesquelles il est mis fin à la garde à vue.

1. Les règles applicables aux fouilles

Dans le cadre des travaux conduits par le groupe de travail de votre commission sur l'évolution de l'enquête et de l'instruction, les services de police judiciaire avaient regretté que l'état du droit ne fixe pas de cadre clair et précis aux mesures de précaution appliquées à la personne gardée à vue. Dans ces conditions, afin d'assurer leur sécurité mais aussi de couvrir leur responsabilité dans l'hypothèse où la personne mise en cause tenterait de porter atteinte à son intégrité physique, les forces de police tendent à observer, en la matière, une pratique maximaliste.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait relevé, dans son rapport d'activité pour 2008, que ces mesures de sécurité, à travers les fouilles et les confiscations qu'elles impliquent, peuvent être vécues comme une véritable humiliation par les personnes gardées à vue.

Comme le soulignait le président Robert Badinter lors du débat au Sénat le 9 février 2010, « lorsqu'on prive de ses lunettes une personne atteinte d'une déficience visuelle, elle flotte dans une espèce de brume, elle ne peut plus lire, ou difficilement, et elle se trouve placée dans une situation d'infériorité criante face à son interlocuteur ». L'atteinte à la dignité de la personne paraît aussi patente lorsque, pour des motifs tenant à la sécurité, une femme est obligée de retirer son soutien-gorge.

Selon le rapport précité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « alors qu'une des issues beaucoup plus fréquentes de la garde à vue est désormais la comparution devant le juge (procédure de comparution immédiate) ou devant le magistrat du parquet (par exemple pour la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - CRPC), il est raisonnable de penser que ces conditions ne facilitent pas la préparation de sa défense par la personne interpellée ».

L'article 9 distingue, pour la première fois, trois catégories de fouilles qui obéissent à des conditions différentes :

- les mesures destinées à s'assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux (article 63-6) ;

- la fouille intégrale (article 63-7, premier alinéa) ;

- les investigations corporelles internes (article 63-7, deuxième alinéa).


Les mesures de sécurité

En pratique, ces fouilles reposent sur la palpation ou l'utilisation de moyens de détection électroniques. Le nouvel article 63-6 apporte deux avancées par rapport au droit en vigueur :

- il rappelle l'exigence d'un cadre réglementaire sous la forme d'un arrêté de l'autorité ministérielle compétente pour définir ces mesures de sécurité ;

- il fixe, sur le fondement du respect de la dignité de la personne, posé par l'article 63-5, le principe que ces mesures ne pourront pas consister en une fouille intégrale , c'est-à-dire une fouille à nu.

A l'initiative de M. Philippe Goujon, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait prévu que la personne gardée à vue pouvait demander à conserver certains effets intimes en contrepartie de la signature d'une décharge exonérant l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire de leur responsabilité pénale, civile ou administrative, au cas où elle utiliserait ces objets pour attenter à sa vie ou à son intégrité physique. En séance publique, les députés ont adopté un amendement présenté par M. Michel Hunault et les membres du Nouveau Centre, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, afin de prévoir que la personne peut demander à conserver les « objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité », sans retenir pour autant la possibilité de décharge aux services de police dont le caractère général s'accordait mal en effet avec les missions de surveillance mais aussi d'assistance qui leur incombent en matière de garde à vue.

Votre commission a jugé que cette garantie devait être renforcée et elle a prévu, en adoptant un amendement de son rapporteur, que la personne devait, en tout état de cause, disposer, au cours de son audition, de ses effets personnels.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Michel Hunault et les membres du Nouveau Centre accepté par la commission et le Gouvernement, étendant expressément les dispositions de l'article 63-5 et l'interdiction de fouilles intégrales à titre de sécurité aux retenues décidées en cas de violation d'un contrôle judiciaire (article 141-4 du code de procédure pénale), en cas d'une interdiction décidée par le juge de l'application des peines (article 712-16-3), préalablement à la mise à exécution d'une condamnation (article 716-5) ou à la suite du défèrement dans les locaux d'une juridiction (article 803-3).


Les fouilles intégrales et les investigations corporelles internes

Une fouille intégrale ou des investigations corporelles internes ne seront possibles que lorsqu'elles sont indispensables pour l'enquête. En d'autres termes, si l'enquête n'implique pas la recherche d'un objet ou d'une substance que pourrait détenir le gardé à vue aucune de ces mesures ne serait possible. Ainsi, les fouilles à corps intégrales pour des motifs de sécurité seront prohibées.

L'article 63-7 précise en outre que la fouille intégrale doit être décidée par l'officier de police judiciaire , réalisée dans un espace fermé et, enfin, être faite par une personne de même sexe que celle faisant l'objet de la fouille.

Votre commission a adopté un amendement présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC afin de préciser, à l'instar de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, que la fouille intégrale n'est possible que si la fouille par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent pas être réalisées.

Le dernier alinéa de l'article 63-7 reprend les dispositions actuelles de l'article 63-5 relatives aux fouilles corporelles internes selon lesquelles seul un médecin requis à cet effet peut procéder à de telles fouilles.

2. L'issue de la garde à vue

Le nouvel article 63-8 reprend les dispositions actuelles de l'avant-dernier alinéa de l'article 63 selon lesquelles la personne est, sur instruction du procureur de la République, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat (généralement en vue d'une comparution immédiate).

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur précisant expressément que la décision concernant l'issue de la garde à vue relève du procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée . Il précise également, conformément au cinquième alinéa de l'article 63-1 dans sa rédaction présente, que si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 du code de procédure pénale doivent être portées à sa connaissance. Ces dispositions prévoient que « toute personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure » -cette demande étant adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ce dispositif a pour objet de ne pas laisser la personne dans l'incertitude sur la suite de l'enquête et les conséquences de la garde à vue.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 (art. 64 du code de procédure pénale) - Mentions obligatoires au procès-verbal

Cet article tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article 64 du code de procédure pénale relative aux mentions que l'officier de police judiciaire doit obligatoirement porter dans le procès-verbal d'audition.

Actuellement, ce procès-verbal fait obligatoirement mention :

- de la durée des interrogatoires,

- du repos dont a bénéficié la personne interrogée,

- des heures auxquelles elle a pu s'alimenter,

- du jour et de l'heure du début et de la fin de la mesure,

- des demandes faites en application des articles 63-2 à 63-4 et des suites qui leur ont été données,

- des motifs de la garde à vue (nécessités de l'enquête ou raisons plausibles de soupçonner que la personne gardée à vue a commis ou tenté de commettre une infraction).

Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne en garde à vue. En cas de refus, il en est fait mention.

Le texte proposé pour l'article 64 adapte ces mentions obligatoires aux garanties renforcées dont disposerait la personne gardée à vue.

Figureraient ainsi :

- les motifs justifiant le placement en garde à vue (1°) ;

- la durée des auditions de la personne gardée à vue, du repos dont elle a bénéficié, les heures auxquelles elle a pu s'alimenter, le jour et l'heure du début et de la fin de la garde à vue (2°) ;

- le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue (3°) ;

- les informations données, les demandes formulées et les suites qui leur ont été données (4°) ;

- le recours éventuel à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes (5°).

Les mentions visées aux troisième et cinquième alinéas sont nouvelles. Comme tel est le cas aujourd'hui, ces mentions devraient être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en serait fait mention.

Actuellement, les mentions et émargements relatifs à la durée de la garde à vue, des interrogatoires et du repos doivent également être reportés sur le registre spécial tenu dans le local de police.

La nouvelle rédaction de l'article 64 prévoit une obligation comparable en l'étendant également au recours à des fouilles intégrales ou des investigations corporelles internes.

Ce registre spécial pourra être tenu, le cas échéant, sous une forme dématérialisée.

Par ailleurs, ces mentions et émargements devront également être portés sur le carnet de déclarations lorsque les officiers de police judiciaire sont astreints à en tenir un.

Le procès-verbal qui est transmis à l'autorité judiciaire comporte seulement les mentions à l'exclusion des émargements.

Les brigades de gendarmerie tiennent en effet un tel carnet qui doit être présenté à toute demande des autorités judiciaires. Les officiers de police judiciaires et agents de police nationale sont également autorisés par le décret n° 83-936 du 21 octobre 1983 à utiliser un carnet de déclarations. La loi du 24 août 1993 a prévu que ce document, lorsqu'il existe, doit contenir les mentions et émargements relatifs à la garde à vue.

Comme aujourd'hui, les règles touchant aux procès-verbaux ne sont pas prescrites à peine de nullité et leur inobservation ne saurait par elle-même entraîner la nullité des actes de procédure lorsqu'il n'est pas démontré que la recherche de la vérité s'en est trouvée fondamentalement viciée 64 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification .


* 31 Cass. Crim., 4 janvier 2011 et 18 janvier 2011.

* 32 Cass. Crim., 6 décembre 2000.

* 33 Article 62 (dernier alinéa), article 78 (3 ème alinéa) et article 153 (premier alinéa) du code de procédure pénale.

* 34 Cass. Crim., 3 juin 2008.

* 35 Le mandat de recherche, délivré par le procureur de la République en cas d'infraction flagrante punie d'au moins trois ans d'emprisonnement, ou le juge d'instruction, a pour objet de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction et de la placer en garde à vue.

* 36 Arrêt Fox, Campbell et Hartley c/Royaume-Uni du 30 août 1990.

* 37 Selon la circulaire CRIM 00-13 F1 du 4 décembre 2000 présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la garde à vue et l'enquête de police judiciaire « il peut s'agir d'indices matériels, mais également de la mise en cause d'un tiers, des déclarations de l'intéressé que contrediraient les constatations des enquêteurs, du comportement anormal de la personne sur le lieu des faits, etc. ».

* 38 Cass. Crim., 22 mai 2001.

* 39 CEDH, Me Kay c. Royaume-Uni, 2006.

* 40 CEDH, Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988.

* 41 CEDH, Aquilina c. Malte, 1999.

* 42 CEDH, Moulin c. France, 23 novembre 2010.

* 43 CEDH, Ipek et autres c. Turquie, 3 février 2009.

* 44 CEDH, Kandjov c. Bulgarie, 6 novembre 2008.

* 45 Rapport précité, p. 61.

* 46 Cass. Crim., 15 décembre 2010.

* 47 Conseil constitutionnel, 1° 93-326 DC, 11 août 1993.

* 48 Ces « circonstances insurmontables » peuvent être liées aux conditions de l'interpellation -transport d'un groupe important de personnes, vérification approfondie des documents d'identité présentés par passage aux fichiers : dans ce cas d'espèce ce n'est que deux heures après l'arrestation que l'officier de police judiciaire a pu procéder ou fait procéder aux auditions des intéressés et établir à destination des magistrats du parquet la liste complète et précise des identités et domicile des personnes gardées à vue (Cass. Civ. 2 e , 19 février 2004).

* 49 Cette information peut ainsi prendre la forme d'une télécopie intitulée « billet de garde à vue » dès lors qu'elle a été transmise dès le début de la mesure et a permis au procureur de la République d'exercer son contrôle sur celle-ci - Cass. Crim., 14 avril 2010.

* 50 Cass. Crim., 13 novembre 1996.

* 51 Cass. Crim., 28 juin 2000.

* 52 La mesure est considérée comme s'exécutant de manière fractionnée (Cass. Crim, 13 février 1996) -les mesures demeurant toutefois autonomes au regard de l'avis au parquet, à la notification et à l'exercice des droits de la personne.

* 53 Cass. Crim, 17 mars 2004.

* 54 Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne (Cass. Crim., 2 mai 2002). L'état d'ébriété peut être considéré comme une circonstance insurmontable empêchant la personne de comprendre la portée des droits qui auraient pu lui être notifiés et de les exercer utilement (Cass. Crim., 3 avril 1995).

* 55 Est ainsi régulier un procès-verbal de notification du droit à une personne gardée à vue de nationalité chinoise mentionnant expressément qu'il a été remis à cette dernière une notice, visée par le traducteur interprète assermenté, qui est la traduction en langue chinoise des droits de la personne gardée à vue (Douai, 17 septembre 1997).

* 56 CEDH, aff. John Murray c/Royaume-Uni, 8 février 1996.

* 57 Cass. Crim., 27 septembre 2009.

* 58 CEDH, affaire Dayanan c. Turquie, 13 octobre 2009, § 32.

* 59 Rapport précité, p. 36.

* 60 Cass. Crim., 9 mai 1994.

* 61 Cass. Crim., 28 avril 2004.

* 62 Cass. Crim., 13 décembre 2006.

* 63 Rapport précité, p. 36.

* 64 Cass. Crim, 23 avril 1992.

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