2. De la loi de départementalisation à l'avènement de l'égalité

La première Assemblée nationale constituante élue à la Libération a voté en 1946 la loi de départementalisation, en trois articles à la portée symbolique et constitutionnelle forte, alors que la France n'était pas encore dotée d'une nouvelle Constitution, sur le rapport de notre regretté collègue Aimé Césaire, alors député de Martinique.

Ainsi, l'article 1 er de la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française a déclaré que « les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française sont érigées en départements français ».

L'article 2 de la loi du 19 mars 1946 renvoyait à des décrets devant être pris avant le 1 er janvier 1947 l'application dans ces départements d'outre-mer nouveaux des lois et décrets en vigueur dans la France métropolitaine et pas encore appliqués dans ces colonies. L'article 3 enfin indiquait la manière dont le droit nouveau allait s'appliquer dans ces départements : les nouvelles lois applicables à la métropole le seraient dans les départements d'outre-mer sur mention expresse insérée dans les textes.

La départementalisation, c'est d'abord l'assimilation juridique à la métropole, la pleine application du droit commun de la République porteur de l'égalité civile, juridique, économique et sociale, de ses lois et règlements, c'est-à-dire la promesse du développement économique et du progrès social. Cette force symbolique de la départementalisation a suscité un enthousiasme très fort immédiatement après l'adoption de la loi.

Approuvée par référendum quelques mois plus tard, la Constitution du 27 octobre 1946, dans son article 73, énonçait nettement : « Le régime législatif des départements d'outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi. »

Une fois l'enthousiasme initial passé, la départementalisation fut très progressive. Il fallut plusieurs années pour que soient rendues applicables les législations en vigueur en métropole, avec d'inévitables adaptations, et il fallut plusieurs décennies pour que le niveau et les conditions sociales puissent se rapprocher significativement du niveau de la France métropolitaine.

Ainsi, la lenteur des changements sociaux, la pesanteur des structures économiques locales, les difficultés d'accès à l'emploi et le développement progressif des prestations sociales changèrent dans une partie de la population l'enthousiasme en impatience voire en désillusion, au point de susciter parfois des situations de crise. Certains tenants originels de l'assimilation purent même juger la départementalisation comme un échec économique et social.

Pour autant, l'attachement à l'institution départementale demeure très vif, jusqu'à aujourd'hui, en raison de sa force historique et symbolique. La quête de l'égalité s'est, quant à elle, déplacée vers le champ économique et social.

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