SECTION 2 - Dispositions relatives à la composition de la cour d'assises

Article 8 (art. 181-1, 237-1, 240-1, 264-1, - 267-1 et 267-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Institution d'une formation simplifiée de la cour d'assises

Cet article, articulé autour de cinq paragraphes, insère six articles dans le code de procédure pénale afin de créer une formation simplifiée de la cour d'assises statuant en première instance pour les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion criminelle, sauf en cas de récidive, et sauf opposition de l'accusé ou du parquet.

Le paragraphe I tend à insérer un article 181-1 fixant la composition de cette formation simplifiée ainsi que ses compétences.

La cour d'assises est actuellement composée de trois magistrats formant la cour au sens strict et de neuf jurés (article 296 du code de procédure pénale) et de douze en appel. Par dérogation, le législateur a organisé des cours d'assises spécialisées, composées exclusivement de magistrats professionnels, pour connaître des crimes terroristes (article 706-25 du code de procédure pénale), des crimes commis en matière de trafic de stupéfiants (article 706-27 du code de procédure pénale), des crimes militaires et des crimes de droit commun commis par les militaires « s'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale » (article 698-7 du code de procédure pénale) ainsi que certains crimes contre les intérêts fondamentaux de la nation (article 702, alinéa 2 du code de procédure pénale). Ces cours d'assises sont composées de sept magistrats professionnels, soit d'un président et de six assesseurs.

Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de huit voix au moins en premier ressort (article 359 du code de procédure pénale) et de dix voix au moins lorsque la cour statue en appel. Un accusé ne peut donc être condamné que par huit voix contre quatre (ou dix voix contre cinq en appel). A sept voix contre cinq (ou à neuf voix contre six en appel), l'accusé est acquitté à la « minorité de faveur ».

Le nouvel article 181-1 prévoit une cour d'assises dont le jury est remplacé par deux citoyens assesseurs .

Cette formation aurait compétence pour les crimes punis de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle commis sans récidive.

Lorsqu'il estime que les faits constituent une infraction répondant à ces conditions de quantum et à l'absence de récidive, le juge d'instruction est tenu d'ordonner le renvoi devant la cour d'assises ainsi composée.

La compétence d'attribution ainsi reconnue à la formation simplifiée de la cour d'assises connaît cependant une double exception :

- lorsque la personne mise en examen a fait connaître lors des observations qu'elle peut formuler, en application de l'article 175, à l'issue de l'instruction et avant que le juge d'instruction ne prenne l'ordonnance de renvoi, qu'elle s'oppose à être jugée par cette formation de la cour d'assises ;

- lorsque, préalablement, de même, à l'ordonnance de renvoi, le procureur de la République estime que le crime a été commis en état de récidive ou est passible d'une peine supérieure à 20 ans de réclusion criminelle.

Dans ces deux cas, le juge d'instruction doit renvoyer l'affaire devant la cour d'assises dans sa composition « traditionnelle ».

Le projet de loi n'envisage pas l'hypothèse dans laquelle les débats feraient apparaître une nouvelle qualification, plus grave, des faits commis, entraînant une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle.

Il en serait ainsi si les violences ayant entraîné la mort (article 222-7 : quinze ans de réclusion criminelle) se révélaient, à la lumière des débats, manifester une réelle volonté de donner la mort nécessitant une requalification en meurtre (article 221-1 : trente ans de réclusion criminelle)

En vertu de la plénitude de juridiction reconnue à la cour d'assises par l'article 231 du code de procédure pénale, la cour d'assises reste en principe compétente pour les faits retenus dans la décision de renvoi, quelle que soit l'évolution de leur qualification. Tel ne devrait pas être le cas pour cette nouvelle formation de la cour d'assises compte tenu de sa compétence d'attribution. Elle devrait en conséquence renvoyer une affaire pour laquelle la qualification relève d'une peine criminelle sortant de son champ de compétence.

Le choix d'une formation simplifiée destinée à accélérer les délais d'audiencement conduit logiquement à réduire les délais de détention provisoire autorisés par le code de procédure pénale. Actuellement, dans l'attente de sa comparution devant la cour d'assises, l'accusé ne peut être détenu plus d'un an à compter soit de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, s'il était alors détenu, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire. Si l'audience de fond n'a pu débuter à l'expiration du délai d'un an, ce délai peut être exceptionnellement prolongé pour une nouvelle durée de six mois renouvelable une fois par la chambre de l'instruction. La décision de la chambre de l'instruction mentionne les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire. La comparution de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande.

Lorsque la cour d'assises siège dans sa formation simplifiée, les délais d'un an et de six mois prévus par l'article 181 (8 ème et 9 ème alinéas) seraient ramenés à six mois et à trois mois .

Le paragraphe II vise, par l'insertion d'un nouvel article 237-1, à régler les modalités de convocation de la cour d'assises dans sa formation simplifiée.

Aux termes de l'article 236, les assises se tiennent tous les trois mois, le premier président de la cour d'appel pouvant cependant, sur proposition du procureur général, ordonner la tenue d'une ou plusieurs sessions supplémentaires au cours d'un même trimestre. En vertu de l'article 237, le premier président de la cour d'appel détermine, sur proposition du procureur général, la date de l'ouverture de chaque session ordinaire ou extraordinaire.

Par dérogation à ces dispositions, le projet de loi dispose que la date de l'ouverture des sessions de la cour d'assises comprenant des citoyens assesseurs est fixée chaque fois qu'il est nécessaire, sur proposition du procureur général, par le premier président de la cour d'appel ou, lorsque comme le prévoit l'article 235 du code de procédure pénale, la cour d'appel a ordonné, sur les réquisitions du procureur général, que les assises de tiendront au siège d'un tribunal autre que celui auquel elles se tiennent habituellement, par l'arrêt de la cour d'appel.

Conformément à la procédure précisée par le dernier alinéa de l'article 237 du code de procédure pénale, l'ordonnance ou l'arrêt sera porté à la connaissance du tribunal, siège de la cour d'assises, par les soins du procureur général quinze jours au moins avant l'ouverture de la session.

Le paragraphe III précise par un nouvel article 237-1 la composition de la cour d'assises dans sa formation simplifiée. Le jury est remplacé par deux citoyens assesseurs sauf dans les deux hypothèses prévues par l'article 181-1 où la compétence de cette formation est écartée.

Dans cette configuration, la cour, stricto sensu , formée des magistrats, doit comprendre exclusivement des juges professionnels. Il peut arriver en effet à titre tout à fait exceptionnel que siègent, aujourd'hui, au sein de la cour, des magistrats détachés des tribunaux administratifs qui n'ont pas le statut de juge judiciaire.

Par ailleurs, la compétence exclusive des magistrats professionnels telle qu'elle est actuellement prévue pour certains contentieux spécialisés en application de l'article 698-6 du code de procédure pénale (criminalité organisée, trafic de stupéfiants, terrorisme...) est préservée.

Le paragraphe IV, applicable à l'organisation des cours d'assises classiques, ouvre la possibilité de fixer par un décret en Conseil d'Etat le calendrier des opérations nécessaires à l'établissement de la liste annuelle des jurés. Il sera ainsi possible de déroger aux règles actuelles très rigides :

- répartition de la liste annuelle proportionnellement au tableau officiel de la population par commune faite par arrêté du préfet au mois d' avril (en juin à Paris, entre les arrondissements) - article 260 du code de procédure pénale ;

- dépôt à la mairie et transmission au greffe de la juridiction siège de la cour d'assises de la liste préparatoire avant le 15 juin ; information faite par le maire à l'intention des personnes tirées au sort qu'elles ont la faculté de demander une dispense avant le 1 er septembre (article 261-1, premier et deuxième alinéas) ;

- réunion de la commission départementale dans le courant du mois de septembre .

Le paragraphe V complète le chapitre II du titre 1 er du livre II du code de procédure pénale par trois articles réunis sous une section 3 intitulée « Des citoyens assesseurs » afin de préciser les particularités de la composition et de l'organisation des cours d'assises dans leur formation simplifiée.

L'article 267-1 indique que les citoyens assesseurs sont désignés conformément aux dispositions des articles 10-1 à 10-2 insérés par l'article premier du présent projet de loi, la désignation des citoyens assesseurs obéissant en effet à des règles propres.

L'article 267-2 précise que la procédure devant la cour d'assises simplifiée déroge aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux jurés qu'il s'agisse des conditions d'aptitude (articles 255 à 258), de la constitution du jury (articles 259 à 267), de la signification aux accusés de la liste des jurés (article 282), de la révision de cette liste (articles 288 à 292), de la formation du jury de jugement (article 213, alinéas 2 et 3, articles 295 à 305). Cette liste de dérogations reprend celle qui est aujourd'hui retenue par l'article 698-6 du code de procédure pénale lorsque la cour d'assises se réunit, sans la présence de jurés, dans une formation composée exclusivement de magistrats de carrière.

Enfin, l'article 267-3 indique que les décisions sur la culpabilité et sur la peine sont prises à la majorité .

Pour les raisons présentées dans l'exposé général, votre commission a procédé à une réécriture complète de cet article

Par un amendement de son rapporteur, elle a choisi de simplifier le système actuel des assises sans en remettre en cause les principes fondamentaux. Elle a ainsi réduit l'effectif du jury de neuf à six en première instance et de douze à neuf en appel permettant ainsi de garantir la prépondérance des jurés par rapport aux magistrats et de préserver la règle d'une majorité qualifiée pour obtenir la condamnation de l'accusé.

Votre commission a par ailleurs conservé les éléments de souplesse concernant le calendrier de mise en place des jurés introduits par le paragraphe IV.

Elle a adopté l'article 8 ainsi modifié .

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