EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Les derniers scrutins locaux l'ont mis en lumière : on constate dans nos collectivités une diminution du nombre des candidats aux fonctions électives. Pourquoi ? Par l'effet cumulé de la complexité croissante de l'environnement juridique de l'action publique locale, des exigences grandissantes des administrés et d'un certain effacement de l'Etat.

« En sus d'être disponible et en phase avec les préoccupations des citoyens, l'élu local doit faire face à un alourdissement de ses missions » 1 ( * ) .

Sur ce constat, nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx ont déposé une proposition de loi pour « renforcer l'attractivité et (...) faciliter l'exercice du mandat local ».

Elle vise principalement à encourager la formation des élus pour tenir compte de la complexification de leurs fonctions et à favoriser la réinsertion professionnelle en fin de mandat pour diversifier les « vocations ».

Convenons-en avec le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) : « tout ce qui peut susciter l'envie de s'engager dans la vie publique va dans le sens du renforcement de la République et de la démocratie ».

Tel est l'enjeu des modifications aujourd'hui proposées.

I. LE « STATUT DE L'ÉLU », UNE CONSTRUCTION PROGRESSIVE

Les premiers éléments d'un régime de garanties reconnues aux élus pour l'exercice des fonctions locales remontent aux lois de la III ème République. Ils ont été ensuite complétés parallèlement à l'approfondissement des libertés locales et à l'accroissement des compétences décentralisées.

Dans ce sens, deux grandes étapes ont été franchies avec la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux et celle du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

1. Les aménagements au principe de gratuité

Si le principe de gratuité des fonctions électives demeure affirmé par la loi : « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites » 2 ( * ) , il a été aménagé par l'effet de la démocratisation du système électif.

Institué en 1831, il a été atténué une première fois par la loi municipale du 5 avril 1884 pour autoriser le remboursement de frais résultant de l'exécution de mandats spéciaux.

Puis des amendements successifs ont permis d'ouvrir l'accès aux élections aux différentes catégories socio-professionnelles.

Aujourd'hui, la loi reconnaît aux élus le droit d'être remboursés des frais résultant de l'exercice du mandat et le versement d'une indemnité correspondant à l'exercice effectif d'une fonction locale.

Le cadre financier d'exercice des mandats locaux 3 ( * )

Ce cadre réside tout à la fois dans la mise en place de garanties financières et le bénéfice d'une protection sociale.

1 - Les conditions matérielles d'exercice des mandats locaux

a) Le remboursement des frais exposés dans le cadre du mandat

Il s'agit d'indemniser ponctuellement certaines dépenses engagées par les élus :


• frais découlant de l'exécution d'un mandat spécial par un conseiller municipal ou communautaire, général ou régional, comme le lancement d'un chantier important ou la participation à la gestion d'une catastrophe naturelle.

Sont concernés essentiellement des frais de déplacement et de séjour ;


• frais spécifiques dans certaines collectivités ou pour certaines fonctions. Ce peut être :

- le remboursement des frais de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique résultant de la participation d'élus handicapés à des réunions ;

- ou le défraiement, après délibération du conseil municipal, de dépenses exceptionnelles d'assistance et de secours engagées, par l'élu, en cas d'urgence sur ses deniers personnels ;

- l'allocation au maire d'une indemnité pour frais de représentation sur décision expresse du conseil municipal pour couvrir les dépenses qu'il engage à l'occasion de ses fonctions et dans l'intérêt de la commune.

b) Les indemnités pour l'exercice effectif des fonctions

Dans la limite du taux maximal fixé par la loi en fonction de la strate démographique à laquelle appartient la collectivité, ces indemnités ne sont ouvertes que pour des mandats et des fonctions expressément prévues par les textes :

- fonctions exécutives de maire, président d'EPCI (établissement public de coopération intercommunale), de syndicat mixte, de président de conseil général et régional ;

- fonctions exécutives assumées par délégation par les adjoints au maire et les vice-présidents d'EPCI, de conseil général et régional ;

- fonctions délibératives des conseillers municipaux dans les communes de 100.000 habitants au moins, les conseillers communautaires des communautés urbaines et d'agglomération de même effectif, les conseillers généraux et régionaux.

A titre facultatif, elles le sont également pour :

- les conseillers municipaux des communes de moins de 100.000 habitants, dans les limites de l'enveloppe indemnitaire, constituée par les indemnités susceptibles d'être allouées au maire et aux adjoints en exercice ;

- les conseillers municipaux avec délégation du maire sans condition de seuil démographique mais dans le cadre de l'enveloppe indemnitaire ;

- les conseillers municipaux qui suppléent le maire en cas d'absence, de suspension, de révocation ou d'empêchement.

L'ensemble de ces indemnités est assujetti aux prélèvements sociaux obligatoires et à l'impôt sur le revenu.

2 - Le régime de protection sociale des élus

Ce régime concerne l'assurance maladie et la retraite.

a) L'assurance maladie

- les temps d'absence intervenant dans le cadre du droit à autorisations d'absence et du crédit d'heures sont assimilés à une durée de travail effective pour la détermination du droit aux prestations sociales ;

- les titulaires de mandats locaux peuvent s'affilier à la sécurité sociale en cette qualité s'ils ne relèvent plus, à titre obligatoire, d'aucun régime de sécurité sociale.

b) La retraite

Le risque vieillesse recouvre divers aspects :

- affiliation obligatoire à l'IRCANTEC (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques) de tous les élus percevant une indemnité de fonction ;

- affiliation au régime général d'assurance vieillesse pour les exécutifs locaux qui ont suspendu leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat, et qui ne relèvent d'aucun régime de base ;

- adhésion facultative à un fonds de pensions par rente spécifique les élus qui perçoivent des indemnités de fonction et ne sont pas affiliés ès qualité au régime général d'assurance vieillesse.

2. Les souplesses offertes pour concilier mandat électif et activité professionnelle

Les aménagements sont de deux ordres :

- des droits d'absence (qui sont également prévus pour les candidats aux élections locales).

Le temps total d'absence ne peut dépasser la moitié de la durée légale du travail pour une année civile ;

- le droit à la suspension de son activité professionnelle.

a) Les droits d'absence

La loi a prévu :


• des autorisations d'absence au profit des conseillers municipaux, généraux et régionaux pour se rendre et participer :

- aux séances plénières de leur assemblée ;

- aux réunions des commissions auxquelles ils appartiennent, instituées par une délibération de leur assemblée ;

- aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où ils ont été désignés pour représenter leur collectivité.

Le congé électif

Bénéficient d'un congé de 10 jours ouvrables pour participer à la campagne électorale, les salariés candidats aux élections régionales, cantonales et municipales dans les communes d'au moins 3.500 habitants, seuil d'application du scrutin proportionnel de liste.

La durée des absences est imputée sur celle du congé payé annuel. Sinon, elle n'est pas rémunérée.


Un crédit d'heures selon les fonctions exercées

Il est destiné à disposer du temps nécessaire :

- à l'administration de la collectivité ;

- à la préparation des réunions des instances dans lesquelles siège l'élu.

Le crédit d'heures est décompté par trimestre et le volume non utilisé n'est pas reportable.

b) Le droit à la suspension de son contrat de travail


• Il est ouvert sous réserve d'une ancienneté minimale d'une année chez l'employeur à la date de son entrée en fonction :

- aux maires, présidents de communauté urbaine, d'agglomération et de communes, aux présidents de conseil général et régional ;

- aux adjoints au maire des communes de 20.000 habitants au moins, aux vice-présidents des EPCI à fiscalité propre sous la même condition démographique, aux vice-présidents avec délégation de fonction de conseil général ou régional.


• A l'expiration du mandat, le salarié bénéficie d'un droit à réintégration professionnelle :

- dans son précédent emploi ou un emploi analogue assorti d'une rémunération équivalente dans les deux mois suivant sa demande de réintégration. Il bénéficie de tous les avantages acquis par les salariés de sa catégorie durant l'exercice du mandat ;

- si la demande de réintégration est présentée après plusieurs mandats, le salarié bénéficie pendant un an d'une priorité de réembauche dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre. En cas de réemploi, il recouvre tous les avantages acquis au moment de son départ.

Notons que les fonctionnaires bénéficient du droit au détachement pour fonctions électives s'ils sont maire, adjoint au maire d'une commune de 20.000 habitants au moins, président ou vice-président avec délégation de conseil général ou régional.

3. Les facilités offertes pour permettre la réorientation professionnelle

Trois dispositifs visent à sécuriser la sortie du mandat :

1 - Le droit à un stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise :

- il bénéficie, à leur demande, aux élus qui ont suspendu leur activité professionnelle, compte tenu de l'évolution de leur poste de travail ou de celle des techniques utilisées.

2 - Le droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences

Il est ouvert :

- aux maires, présidents d'un EPCI à fiscalité propre, présidents de conseil général et régional,

- aux adjoints au maire dans les communes de 20.000 habitants au moins, vice-présidents d'EPCI à fiscalité propre regroupant un même seuil de population, vice-présidents avec délégation de fonction du président de conseil général et régional,

qui ont suspendu leur activité professionnelle pour assumer ces fonctions.

3 - L'allocation différentielle de fin de mandat

En bénéficient, lorsqu'ils ont suspendu leur activité professionnelle pour l'exercice de leurs fonctions :

- aux maires d'une commune d'au moins 1.000 habitants, présidents d'un EPCI à fiscalité propre de même taille, présidents de conseil général ou régional ;

- aux adjoints au maire des communes d'au moins 20.000 habitants, vice-présidents d'un EPCI regroupant une population analogue, vice-présidents avec délégation de fonction de leur président de conseil général et régional.

Le montant mensuel de l'allocation qui est versée pendant six mois au plus et ne peut être versée qu'au titre d'un seul ancien mandat, est au plus égal à 80 % de la différence entre le montant de l'indemnité brute mensuelle versée pour l'exercice effectif des fonctions électives et l'ensemble des ressources perçues à l'issue du mandat (revenus de travail, revenus de substitution et indemnités liées à d'autres mandats électifs).


* 1 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi.

* 2 Cf. article 2123-17 du code général des collectivités territoriales.

* 3 Cf. données de la direction générale des collectivités locales : www.interieur.gouv.fr .

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