V. UNE ASSIETTE COMMUNE SEMBLE PLUS RÉALISTE À MOYEN TERME

A. UNE ASSIETTE CONSOLIDÉE : UNE OPPOSITION POLITIQUE TROP VIVE

Comme le remarquent, à juste titre, deux commentateurs, la proposition de directive « remet au goût du jour les ambitions de la Commission européenne dont on pouvait imaginer qu'elles resteraient lettre morte » 34 ( * ) . De fait, le projet ACCIS semble vivre tel un phénix et il faut saluer l'abnégation de la Commission à vouloir faire aboutir cette oeuvre depuis si longtemps sur le métier.

Il n'en reste pas moins que l'opposition politique demeure vive et que le projet suscite toujours beaucoup d'inquiétudes parmi les Etats membres . A ce titre, le tableau ci-dessous montre que treize assemblées parlementaires nationales sur trente-huit, soit environ un tiers, ont d'ores et déjà émis un avis défavorable sur la proposition de la Commission .

En effet, même si celle-ci affirme, dans l'étude d'impact, que l'effet de l'ACCIS « sur le volume et la répartition des assiettes imposables des sociétés dans l'Union n'est pas en soi un but recherché de l'initiative », le projet a pour conséquence directe de réduire la matière imposable au niveau agrégé et, de surcroît, de modifier - ou de risquer de modifier - sensiblement sa répartition entre les Etats membres . La Commission ne le nie pas puisqu'elle écrit : « les options envisagées supposent une modification de la taille et de la répartition entre pays des assiettes de l'impôt sur les sociétés ».

Il convient en outre d'ajouter que le droit d'option à l'ACCIS entraînera plusieurs inconvénients. Tout d'abord, il ne profitera qu'aux seules entreprises y ayant intérêt , c'est-à-dire à celles profitant déjà à plein des pratiques d'optimisation fiscale . Il se traduirait inévitablement par une perte de recettes publiques . Ensuite, il compliquera la tâche des services fiscaux qui devront gérer en parallèle deux assiettes d'imposition . Enfin, comme indiqué plus haut, il ne permettra pas de rendre la concurrence fiscale plus lisible .

Même l'Allemagne , qui a longtemps défendu le projet dans son entièreté, apparaît aujourd'hui moins enthousiaste . Bien que très probablement gagnante, elle s'interroge également sur l'avenir de ses recettes fiscales. Parmi les grands Etats, seule la France semble encore vouloir soutenir la proposition dans sa cohérence globale .

La Commission européenne défend un projet sans doute rationnel d'un point de vue économique et conforme à son positionnement institutionnel au sein de l'Union européenne. Néanmoins, dans une matière où les décisions se prennent à l'unanimité, il semble fort peu réaliste qu'une proposition aussi ambitieuse puisse aboutir en l'état .

F : favorable ; D : défavorable ; NsP : ne s'est pas prononcé.


* 34 Eric Meier, Bénédicte Aubert, article précité.

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