TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 5 juillet 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a examiné, en application de l'article 73 quinquies , alinéa 3, du Règlement, le rapport de M. Philippe Marini , rapporteur, sur la proposition de résolution européenne n° 580 rectifié (2010-2011), présentée par M. Pierre Bernard-Reymond , au nom de la commission des affaires européennes, sur la directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) (E 6136) .

EXAMEN DU RAPPORT

M. Philippe Marini , rapporteur . - Le 16 mars dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de directive concernant une assiette commune et consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Nous avions évoqué cette proposition lors de nos déplacements du printemps, notamment à La Haye et à Bruxelles. A l'excellente initiative de notre collègue Pierre Bernard-Reymond, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté, le 7 juin dernier, une proposition de résolution portant sur cette proposition de directive. Il faut se féliciter de l'occasion qui est donnée au Parlement français, notamment au Sénat, de s'exprimer sur cette question, alors même que plus de la moitié des Parlements nationaux se sont déjà exprimés sur la proposition de la Commission européenne, que cela soit pour la soutenir ou pour la critiquer.

Saisie au fond, votre commission examine la proposition de résolution rédigée par la commission des affaires européennes. Elle peut l'amender et le texte qu'elle adoptera deviendra la résolution du Sénat sous un délai de trois jours à moins qu'un débat en séance publique ne soit demandé.

L'idée d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés n'est pas nouvelle. Il s'agit même d'un vieux serpent de mer de la Commission européenne qui, semble-t-il, a été évoqué pour la première fois en 1962. Elle revient sur le devant de la scène, poussée tout à la fois par la Commission européenne et par le Conseil européen.

Toutefois, ces deux institutions ne poursuivent pas exactement les mêmes objectifs. Le Conseil européen, dans le cadre du « Pacte pour l'euro Plus », a invité les Etats membres à une « coordination pragmatique des politiques fiscales », élément nécessaire à une « coordination renforcée des politiques économiques dans la zone euro ». Il s'agit de lutter contre une concurrence fiscale déloyale qui peut se révéler coûteuse pour les ressources budgétaires des Etats, notamment dans un contexte de crise de la dette. La Commission européenne, quant à elle, vise à renforcer le marché intérieur, alors même que le paysage fiscal européen apparaît aujourd'hui fragmenté. Une telle fragmentation empêcherait les entreprises de profiter pleinement de la liberté d'établissement. En effet, les investissements réalisés dans d'autres pays de l'Union européenne (UE) impliquent de supporter des coûts de mise en conformité aux règles fiscales des autres Etats membres, des coûts inhérents aux phénomènes de double imposition, ainsi que des coûts résultant de l'impossibilité de compenser les bénéfices réalisés dans un Etat avec les pertes subies dans un autre.

Après plusieurs échecs, la Commission européenne a créé un groupe de travail ACCIS qui s'est réuni entre 2004 et 2008, aboutissant à l'élaboration de la proposition de directive qui nous est transmise.

Il convient tout d'abord de préciser que l'ACCIS est une assiette optionnelle. En effet, les entreprises ont le choix d'opter pour ACCIS. Deux catégories d'entreprises coexisteraient alors, selon qu'elles optent pour ce régime ou non. Il s'agirait par conséquent d'un vingt-huitième régime d'impôt sur les sociétés (IS), existant en parallèle de ceux des vingt-sept Etats membres. A ce titre, la Commission européenne estime qu'une ACCIS obligatoire n'aurait pas été conforme au principe de subsidiarité, argument que nous sommes en droit de contredire. En outre, cette nouvelle assiette est commune : les entreprises calculent l'assiette imposable à l'IS de l'ensemble de leurs établissements ou filiales dans l'UE sur la base de règles communes. Néanmoins, la définition de cette assiette est sujette à débat, notamment en ce qui concerne les règles d'amortissement qui nous paraissent simplistes. Par ailleurs, l'assiette est consolidée. Cela implique que soit faite la somme arithmétique de l'ensemble des pertes et profits réalisés au sein de l'UE afin d'établir le résultat fiscal imposable. Cet aspect du dispositif est sans doute le plus important dans la mesure où la consolidation permet d'éliminer la « double imposition économique » et de contourner les problèmes liés aux prix de transfert : les transactions intragroupes ne sont pas prises en compte dans le calcul du résultat fiscal. Dans de telles conditions, peut-on croire que les groupes qui rapatrient leurs bénéfices dans les Etats à la fiscalité plus favorable opteront pour l'assiette consolidée ? Enfin, la proposition de directive prévoit que le bénéfice fiscal des groupes soumis à l'ACCIS ne serait déclaré qu'auprès de l'administration fiscale de l'Etat membre où est installée la société mère.

Une fois consolidée, l'assiette doit être répartie entre les membres du groupe et imposée au taux applicable dans leur Etat d'établissement. En effet, l'harmonisation proposée par la Commission européenne ne concerne que l'assiette et aucunement les taux. Par suite, la proposition de directive établit une clef de répartition reposant sur trois facteurs, chacun affecté d'une pondération égale à un tiers : la main d'oeuvre, le chiffre d'affaires et les immobilisations.

Ces critères de répartition paraissent a priori favorables aux Etats industriels et défavorables aux Etats dont l'économie serait essentiellement tournée vers l'immatériel.

Le facteur « chiffre d'affaires » repose sur le principe de la « vente par destination ». A ce titre, le chiffre d'affaires est localisé dans l'Etat membre où le bien a été livré, à condition toutefois que le groupe concerné y détienne un établissement. Ainsi, si d'autres possibilités d'optimisation ne subsistaient pas, le principe de la « vente par destination » pourrait ouvrir des perspectives intéressantes en matière de re-territorialisation de l'assiette imposable résultant du commerce électronique. Les profits de Google ne s'échapperaient plus vers l'Irlande...

Quels impacts macroéconomiques pouvons-nous attendre de l'adoption de la directive ? L'étude d'impact réalisée par la Commission européenne tend à montrer que sa proposition aurait pour conséquence de « rendre » 3 milliards d'euros aux entreprises à raison de :

- 700 millions d'euros au titre de la diminution des coûts de mise en conformité ;

- 1 milliard d'euros du fait des économies réalisées lors d'investissements transfrontaliers ;

- 1,3 milliard d'euros du fait de la consolidation des bénéfices et des pertes.

Mais, on peut estimer que, dans le même temps, les Etats membres subiraient, collectivement, une perte de recettes fiscales d'au moins 1,3 milliard d'euros. La Commission européenne explique que ces recettes n'ont pas lieu d'être dans le marché intérieur car elles n'existeraient pas dans un contexte purement national. Elles résultent de situations de double imposition ou de surimposition.

La directive aurait toutefois pour effet de stimuler l'investissement transfrontalier mais aussi l'investissement direct étranger dans l'Union européenne. D'après la Commission européenne, son adoption pourrait se traduire par une hausse du PIB positive mais faible, de l'ordre de 0,02 % à 0,06 %. Néanmoins, ces chiffres doivent être pris avec la plus grande circonspection, les modèles de prévision utilisés n'étant pas assez fins pour appréhender tous les effets dynamiques qu'entraînerait la mise en oeuvre de l'ACCIS.

En ce qui concerne la France, les premières simulations laissent penser qu'elle serait gagnante tant d'un point de vue économique que de celui des finances publiques. L'ACCIS pourrait stimuler notre compétitivité fiscale en nous permettant d'afficher un taux plus faible que le taux nominal de 33,1/3 %, étant précisé que nous pourrions disposer de deux taux, l'un pour l'ACCIS, l'autre pour notre assiette nationale. Compte tenu de l'ensemble des critères de localisation extra-fiscaux que nous pouvons faire valoir, la France pourrait pleinement bénéficier d'une hausse de l'investissement.

Par ailleurs, la clef de répartition de l'assiette imposable devrait conduire à une augmentation de nos rentrées fiscales. Par exemple, le facteur « chiffre d'affaires » nous est favorable compte tenu de la forte consommation française, du principe de la « vente par destination » et de notre démographie.

Malheureusement, il ne s'agit pour l'instant que de supputations non chiffrées mais le Gouvernement nous a indiqué que la direction générale du Trésor s'était attachée à réaliser des simulations.

Au-delà de ces aspects séduisants, nous devons relever que plusieurs questions restent en suspens. Ainsi, force est de constater que de nombreuses imprécisions demeurent dans le texte présenté par la Commission européenne, en particulier s'agissant des concepts comptables. Or l'imprécision en matière fiscale conduit inexorablement à l'optimisation et à la perte de recettes budgétaires.

De même, l'adoption de l'ACCIS nous conduirait à forger, à vingt-sept, une doctrine et une jurisprudence fiscales propres. Cela serait d'autant plus nécessaire que la directive prévoit un système de guichet unique géré par les administrations fiscales nationales. Or tout point de divergence entre elles sera à nouveau source de difficultés pour les entreprises ou une opportunité d'échapper à l'impôt !

Enfin, je relève que la directive n'élimine pas, loin de là, toute possibilité de concurrence fiscale. En premier lieu, chaque pays resterait libre de fixer ses propres taux et même de fixer un taux pour l'ACCIS et un pour son assiette fiscale nationale. Au total, il pourrait donc exister jusqu'à 54 taux normaux dans l'UE, voire plus si l'on compte les taux dérogatoires, par exemple pour les PME. En second lieu, les réductions et les crédits d'impôt, qui portent sur l'impôt dû et non sur l'assiette, seraient compatibles avec la directive. Le crédit d'impôt recherche (CIR) sous sa forme actuelle pourrait tout à fait être maintenu dans le cadre de l'ACCIS.

Toutes ces raisons me conduisent à suggérer une approche plus mesurée que celle de la Commission européenne. A ce jour, près d'un tiers des Parlements nationaux ont fait valoir leur opposition à la proposition de la Commission, soit par hostilité de principe à l'idée d'une harmonisation en matière fiscale (Royaume-Uni, Irlande, notamment), soit en raison des risques de déplacement de matière fiscale préjudiciables à leurs recettes. Nous savons, au vu des récents débats sur la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), combien il est difficile de territorialiser une assiette dont le mode de calcul repose sur des facteurs qui ne sont pas localisés.

La coexistence de deux assiettes et d'au moins deux taux dans chaque Etat ne serait pas réellement une simplification administrative. L'assiette consolidée est au surplus illusoire car les entreprises qui exploitent le mieux aujourd'hui la combinaison des législations nationales n'opteront jamais pour l'ACCIS.

Par conséquent, serait-il réaliste - et même opportun - de réaliser une assiette consolidée au niveau de l'Union européenne ? Il me semble également que le Gouvernement français n'a pas intérêt à s'isoler de ses partenaires en défendant un projet - certes qui nous est favorable - au risque de faire échouer toute discussion sur ces sujets.

Ne faudrait-il mieux pas tenter de se mettre d'accord sur une règle commune pour le calcul de l'assiette d'IS ? En un mot, de disposer d'une assiette unique et obligatoire d'IS dans l'UE. Le « Pacte pour l'euro Plus » que je citais au début de ma présentation fait référence à une « assiette commune » et non pas à « une assiette commune et consolidée ».

Il me semble que la Commission a cherché à relativiser l'hostilité de principe des Etats les plus anglo-saxons par l'intérêt que trouveraient certaines très grandes entreprises à cette proposition. Il ne faut pas s'y tromper, l'approche de la Commission n'est pas seulement technique mais bien politique.

Pour ma part, j'estime qu'il faut disposer d'un seul et même thermomètre pour comparer les taux d'IS de telle sorte que la concurrence se poursuive de manière disciplinée dans le cadre d'un système qui soit le plus neutre possible.

L'assiette commune et obligatoire procurerait d'ores et déjà des gains substantiels pour les entreprises en éliminant une partie des coûts de mise en conformité.

En revanche, l'adoption d'une assiette commune ne règlerait pas la question des prix de transfert intra-européen, ni celle de l'imposition des bénéfices résultant du commerce électronique. Sur ces deux voies, l'Union européenne devrait pouvoir progresser sans pour autant recourir à une assiette consolidée d'IS.

S'agissant des prix de transfert, je note que l'absence de coopération entre administrations fiscales conduit à la fois à des abus et à des doubles impositions. Il serait souhaitable que la Commission sensibilise plus encore les Etats à ce sujet et s'engage dans la voie ou, à tout le moins, encourage une coordination administrative plus approfondie pour que les optimisations liées à une insuffisante maîtrise des prix de transfert perdent un peu de terrain.

M. Jean Arthuis , président . - Je vous remercie de cette présentation sur un beau projet qui néanmoins, en l'état, me semble largement relever de la chimère.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Le projet d'ACCIS est une histoire ancienne mais ne semble pas pour autant près d'aboutir. Il eut été regrettable que le Parlement français, notamment le Sénat, ne se prononce pas sur cette proposition de directive. La commission des affaires européennes a voté la proposition de résolution qui vous a été transmise à l'unanimité, malgré quelques remarques formulées lors des débats, portant notamment sur le caractère facultatif de l'ACCIS et sur le fait qu'il était institué un vingt-huitième régime d'impôt sur les sociétés. A cet égard, le rapporteur a bien souligné toutes les difficultés restant à résoudre lors des négociations ultérieures, même si un aboutissement rapide de celles-ci n'est pas à espérer.

Il est nécessaire de s'interroger sur la pertinence d'un tel projet. A ce titre, il convient d'être pragmatique ; c'est pourquoi, sous réserve de ce qui a été avancé par le rapporteur, il est souhaitable de donner un avis favorable sur la suite de la négociation. Toutefois, les simulations réalisées par la Commission européenne demeurent insuffisamment précises. Cette dernière explique que la diminution des recettes fiscales, induite par l'instauration de l'ACCIS dans certains pays, pourrait être compensée par une légère hausse des taux. La hausse potentielle des taux ainsi avancée devrait faire l'objet d'une analyse plus approfondie par la Commission afin de s'assurer qu'il ne s'agit pas, dans les faits, d'une politique relative aux taux d'imposition. Une telle perspective provoque chez certains de nos partenaires européens des craintes quant à un lissage éventuel des écarts de taux et l'institution d'un « serpent fiscal », à l'image du « serpent monétaire européen », même si cette évolution peut être souhaitée par d'autres.

Mme Nicole Bricq . - La fin du « dumping » fiscal n'est pas envisageable à courte échéance dans l'Union européenne. A ce titre, lors du déplacement de notre commission à Bruxelles, il avait été souligné que le projet d'ACCIS visait plus à permettre une simplification en faveur des entreprises qu'à lutter contre le « dumping » fiscal. L'ACCIS ne permet en rien l'instauration d'un impôt unique européen, qui semblait pourtant envisagé voici une dizaine d'années.

J'estime que la proposition comporte deux défauts majeurs : le régime prévu est optionnel et n'institue pas de taux minimal, contrairement à ce qui existe pour la TVA.

Par ailleurs, l'ACCIS était supposée faire disparaître les niches fiscales ; qu'en est-il réellement ?

M. Denis Badré . - Le mérite de la proposition de directive est de marquer une volonté d'avancer sur un sujet important. De surcroît, il apparaît que la collaboration entre la commission des affaires européennes et la commission des finances est particulièrement fructueuse. L'invocation du principe de subsidiarité par la Commission européenne est éclairante : elle met en évidence le fait que la proposition de directive constitue une tentative de mutualisation des politiques fiscales des Etats membres, et non de mise en place d'une politique fiscale européenne à proprement parler. Il en résulte un système complexe et inabouti, voire inapplicable, qui reste au donc milieu du gué. Toutefois, un tel projet va dans le bon sens.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Il est nécessaire d'appréhender la dimension tactique de la proposition de directive. Afin de rendre celle-ci acceptable par tous, écarter la question des taux était impératif. En outre, un accord à vingt-sept Etats membres n'était pas envisageable si l'ACCIS n'était pas optionnelle. Enfin, la Commission européenne souhaitait maintenir un possible recours à la coopération renforcée en cas de désaccord de certains Etats. Ces options tactiques induisent de la complexité. C'est pourquoi, il doit être trouvé un juste équilibre entre la stratégie consistant à rendre le projet acceptable et la volonté de présenter un dispositif raisonnablement complexe.

M. Jean Arthuis , président . - Ce projet semble artificiel...

M. Philippe Marini , rapporteur . - Il faut prendre garde à ne pas « jeter le bébé avec l'eau du bain ». Le projet d'ACCIS comporte de nombreuses qualités et doit permettre un renforcement du marché intérieur, notamment en instituant une concurrence fiscale plus saine. Il répond à la nécessité pour un marché de disposer d'une information neutre, sincère et homogène. Dès lors, l'instauration d'une assiette commune est un objectif louable. Son caractère consolidé et optionnel est toutefois plus discutable, décevant même. Les discussions intervenues avec les responsables de la direction générale de la fiscalité de la Commission européenne lors du déplacement de notre commission à Bruxelles ont, à cet égard, révélé qu'un changement d'orientation était intervenu. Une telle évolution a certainement résulté d'une prise de conscience par la Commission qu'un soutien de la part des groupes multinationaux était nécessaire pour faire avancer ce projet.

A notre collègue Nicole Bricq, je souhaiterais dire que le projet d'ACCIS doit bien faire disparaître certaines niches fiscales mais pas toutes les niches. Certes, les niches « d'assiette », tels que les régimes dérogatoires concernant les amortissements, les provisions ou bien les charges déductibles, sont éliminées. Cependant, demeurent les niches portant sur le paiement de l'impôt : les crédits d'impôt, notamment le crédit d'impôt recherche, ou encore les réductions d'impôt. Il faut aussi rappeler que les objectifs du Conseil européen et de la Commission européenne sont différents. Le Conseil, suivant sans doute une inspiration franco-allemande, tend vers une convergence des politiques fiscales. La Commission, quant à elle, est guidée par une approche microéconomique, encline à faire bénéficier les entreprises de simplifications et de moindres coûts, notamment afin d'attirer les investissements dans l'Union européenne.

Pierre Bernard-Reymond évoquait les coopérations renforcées, mécanisme qui implique la participation d'au moins neuf Etats membres et l'accord unanime du Conseil de l'Union européenne. A ce titre, ma proposition consiste à ce que soit relancée la négociation autour de la notion d'assiette commune, si nécessaire à partir d'une coopération renforcée.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Philippe Marini , rapporteur . - L'amendement n° 1 a deux parties : la première est rédactionnelle et la seconde tend à ajouter une référence au « Pacte pour l'euro Plus » dans lequel les Etats membres s'engagent à une « coordination pragmatique des politiques fiscales ». Il convient de souligner notre volonté de poursuivre la convergence des politiques en matière de fiscalité.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Une telle mention pourrait constituer un repoussoir pour les pays hostiles à une convergence des politiques fiscales et particulièrement des taux d'imposition.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Il n'est pas demandé d'engagements supplémentaires à des Etats qui ont déjà souscrits au « Pacte pour l'euro Plus ».

L'amendement n° 1 est adopté à l'unanimité.

M. Philippe Marini , rapporteur . - La résolution fait un parallèle avec la « société européenne » ; malheureusement, la mise en place de cette dernière n'a pas rencontré le succès escompté. C'est pourquoi, une référence à la « société européenne » paraît peu valorisante. L'amendement n° 2 propose sa suppression de la proposition de résolution. Néanmoins, je m'en remets à l'appréciation de votre commission.

M. Jean Arthuis , président . - Cela n'engage à rien...

L'amendement n° 2 est retiré.

M. Philippe Marini , rapporteur . - L'amendement n° 3 rappelle que la proposition de directive ACCIS ferait inévitablement perdre aux Etats membres des ressources fiscales. Cette perte serait d'autant plus grande que le régime est optionnel puisque seules les entreprises y ayant intérêt feraient le choix d'opter pour l'ACCIS.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Il serait nécessaire de pouvoir estimer cette perte de recettes fiscales, notamment parce que celle-ci peut entraîner une hausse des taux...

M. Philippe Marini , rapporteur . - Légère !

La perte de recettes s'élèvera à au moins 1,3 milliard d'euros. Cependant, nous ne disposons pas d'éléments sur la répartition de cette perte entre les Etats membres. Une demande de précision sur ce point a été adressée au ministère en charge du budget qui ne semble pas en mesure d'apporter des réponses pour le moment.

M. Jean Arthuis , président . - La suppression des niches fiscales devrait compenser ces pertes de recettes...

Mme Nicole Bricq . - Je suis réservée quant au fait de préciser que la proposition de directive ACCIS ferait inévitablement perdre aux Etats membres des ressources fiscales, dès lors que de nombreuses incertitudes entourent l'évaluation de la perte de recettes et surtout les pays concernés.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Il s'agit d'une perte de ressources publiques pour l'ensemble des Etats européens s'ils ne relèvent pas leurs taux.

Mme Nicole Bricq . - S'il n'est pas institué de taux minimal, la directive conduira nécessairement à ce qu'il y ait des gagnants et des perdants. Je ne suis pas favorable à l'amendement et ce d'autant plus que la proposition de directive peut conduire à la suppression de niches fiscales.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Il n'est pas possible d'amender la directive dont nous sommes saisis.

M. Denis Badré . - Ne serait-il pas opportun de rectifier l'amendement et d'ajouter que notre commission s'interroge sur l'impact de la proposition de directive ainsi que sur la répartition de cet impact entre les Etats.

M. Jean Arthuis , président . - Dès lors que l'adoption de la directive doit conduire à la suppression de niches fiscales, pourquoi est-il prévu une diminution des recettes fiscales ?

M. Philippe Marini , rapporteur . - Parce que l'ACCIS est optionnelle : les entreprises sont des agents économiques rationnels et choisiront la situation la plus conforme à leurs intérêts.

M. Jean Arthuis , président . - Tout laisse à penser qu'aucune entreprise n'optera pour ce régime qui élargit l'assiette et supprime des niches fiscales.

M. Philippe Marini , rapporteur . - En réalité, l'ACCIS n'est pas dénuée de tout intérêt pour des entreprises à qui il est ouvert un nouvel espace d'optimisation, notamment par la localisation des pertes et des profits réalisés. Mais peut-être est-il possible de rectifier l'amendement et de préciser que la proposition de directive ACCIS risquerait de se traduire par une perte de recettes publiques.

L'amendement n° 3 ainsi rectifié est adopté.

M. Philippe Marini , rapporteur . - La proposition de directive ACCIS n'a pas pour objet d'harmoniser les taux d'imposition. Ceux-ci doivent demeurer de la pleine et entière souveraineté des Etats membres. L'amendement n° 4 rappelle toutefois que la zone euro ne sera viable à long terme que si les structures économiques et fiscales des Etats membres convergent. Par ailleurs, il proposé de supprimer l'alinéa 13 relatif aux conséquences de la proposition de directive sur le taux d'IS français. En effet, la France, comme tous les Etats membres, resterait libre de fixer deux taux d'IS, l'un pour l'assiette nationale, l'autre pour l'ACCIS. Ainsi, la proposition de directive n'aura pas pour résultat de conduire à une diminution du taux actuel de 33,1/3 %. Cet alinéa semble superfétatoire.

M. Jean Arthuis , président . - En effet, l'alinéa 13 contredit les observations faites précédemment.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Philippe Marini , rapporteur . - L'amendement n° 5 souligne tout d'abord les inquiétudes de la plupart de nos partenaires vis-à-vis de la proposition de la Commission européenne, compte tenu des pertes de ressources fiscales qu'elle est susceptible de causer. A ce titre, il convient de regretter qu'elle ne soit pas accompagnée par des simulations plus précises sur la taille et la répartition de l'assiette imposable entre les différents Etats membres, compte tenu des caractéristiques de leur tissu économique.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Cet amendement est contradictoire avec l'amendement n° 3 rectifié qui précise que la proposition de directive ACCIS risquerait de se traduire par une perte de recettes publiques.

M. Philippe Marini , rapporteur . - En effet, il conviendrait de modifier le présent amendement et de supprimer la mention faite aux inquiétudes de la plupart de nos partenaires vis-à-vis de la proposition de directive, compte tenu des pertes de ressources fiscales qu'elle est susceptible de causer.

L'amendement n° 5 ainsi rectifié est adopté.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Le texte de la proposition de directive se réfère à plusieurs notions qui ne sont pas suffisamment précises. Par conséquent, en vue d'éviter toute possibilité d'optimisation, l'amendement n° 6 vise à ce que la Commission européenne et les Etats membres poursuivent le travail technique sur la définition de l'assiette imposable. Par ailleurs, compte tenu de la réticence de nombreux Etats membres à progresser dans la voie de l'adoption d'une assiette commune et consolidée d'impôt sur les sociétés, le présent amendement invite le Gouvernement français à défendre l'idée d'une assiette commune, obligatoire mais non consolidée. L'assiette commune aurait vocation à se substituer aux vingt-sept assiettes existantes dans l'Union. En conséquence, faute d'une assiette consolidée, l'épineuse question de l'encadrement des prix de transfert doit devenir une priorité pour l'Union européenne, tant pour les transactions à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union.

M. François Marc . - Dans la mesure où chaque Etat peut maintenir ses propres taux d'imposition, il semble difficile de lutter efficacement contre les pratiques d'optimisation fiscale.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Un renforcement du contrôle et de l'encadrement des prix de transfert constituerait déjà une avancée notable.

L'amendement n° 6 est adopté.

La proposition de résolution a alors été adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission, le groupe socialiste s'abstenant.

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